Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures 1, a été présenté à la Chambre des communes le 15 juin 2017.
Le projet de loi modifie la Loi sur les océans 2 afin d’autoriser le ministre des Pêches et des Océans 3 à désigner une zone de protection marine (ZPM) par arrêté et à interdire, pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans, l’exercice de certaines activités dans cette zone 4. À la fin de la période visée, le ministre est tenu de recommander au gouverneur en conseil soit la prise d’un règlement désignant la zone comme une ZPM permanente pour remplacer l’arrêté, soit l’abrogation de ce dernier.
Le projet de loi C-55 oblige le gouverneur en conseil et le ministre à appliquer le principe de la prévention lorsqu’ils prennent la décision d’établir une ZPM. Selon ce principe, l’absence de certitude scientifique concernant les risques liés à l’exercice d’une activité ne peut justifier le report de mesures visant à prévenir la dégradation de l’environnement 5. Le projet de loi modifie aussi la Loi sur les océans de manière à ce que les navires 6 puissent être visés par les dispositions de celle ci relatives aux infractions et propose de nouvelles infractions pour l’exercice d’activités interdites dans les ZPM désignées par arrêté ministériel.
En outre, le projet de loi C-55 modifie la Loi fédérale sur les hydrocarbures 7 afin d’autoriser le ministre compétent à annuler, moyennant une indemnisation, des titres pétroliers et gaziers dans les régions où des ZPM sont désignées en vertu de la Loi sur les océans. Il donne aussi au gouverneur en conseil le pouvoir d’interdire toute activité pétrolière et gazière dans les ZPM désignées en vertu de la Loi sur les océans.
Le projet de loi C-55 a été renvoyé au Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, qui l’a amendé en vue d’ajouter le maintien de l’intégrité écologique aux raisons qui permettent de désigner une ZPM. Le projet de loi a également été amendé pour veiller à ce que la désignation des ZPM par arrêté s’effectue d’une manière qui n’est pas incompatible avec les accords sur les revendications territoriales. Le projet de loi amendé a été présenté à la Chambre des communes le 11 décembre 2017 8.
La Loi sur les océans établit le cadre juridique pour la stratégie canadienne de gestion des océans 9. Selon l’article 30 de la Loi, la stratégie repose sur trois principes : le développement durable, la gestion intégrée des activités et l’application du principe de la prévention.
La Loi présente également en détail deux points complémentaires : la mise en œuvre de plans de gestion intégrée (art. 31 et 32) et la mise en place d’un réseau national de ZPM, qui constituent les zones de l’espace maritime ayant besoin d’une protection particulière (art. 35).
En vertu du paragraphe 35(3) de la Loi, le gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre des Pêches et des Océans, désigne les ZPM. Le paragraphe 35(1) précise que les ZPM sont créées pour l’une ou plusieurs des raisons suivantes :
Reconnaissant le déclin des habitats et de la biodiversité marine dans le monde, les parties au Sommet mondial de 2002 pour le développement durable, dont le Canada, ont convenu d’établir des réseaux nationaux de ZPM 10. À la conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique des Nations Unies, organisée en 2010 à Nagoya, dans la préfecture d’Aichi, au Japon, le Canada a accepté le Plan stratégique 2011-2020 pour la diversité biologique, qui comprend 20 cibles appelées « objectifs d’Aichi ».
L’objectif 11 d’Aichi constitue l’engagement, pour les parties concernées, à protéger d’ici 2020 au moins 10 % des zones côtières et marines 11. C’est donc dans cet objectif et dans celui de reconnaître la nécessité de poursuivre les efforts de conservation de la biodiversité marine que la lettre de mandat de 2015 du ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne a établi la priorité suivante pour le Canada : « accroître la proportion de zones marines et côtières protégées […] à 5 % d’ici 2017 et à 10 % d’ici 2020 12 ». À l’heure actuelle, environ 8 % des océans du Canada sont reconnus et protégés par des mesures fédérales et provinciales 13. Parmi ces zones protégées figurent 11 ZPM désignées en vertu de la Loi sur les océans 14.
En juin 2016, compte tenu du rythme d’établissement des ZPM – le processus prend en moyenne de cinq à sept ans –, le gouvernement du Canada a annoncé un plan en cinq points pour atteindre ses objectifs de conservation marine 15. Ce plan prévoit notamment la modification de la Loi sur les océans en vue de faciliter le processus de désignation des ZPM.
La Loi fédérale sur les hydrocarbures est l’une des principales lois fédérales régissant l’exploration pétrolière et gazière en mer. En effet, la Loi autorise l’attribution de droits en vue de la prospection, de l’exploitation et de la production de ressources pétrolières dans les régions relevant de la compétence du gouvernement fédéral et n’étant pas visées par d’autres lois, à l’instar, par exemple, des régions relevant de l’Office Canada–Terre Neuve et Labrador des hydrocarbures extracôtiers et de l’Office Canada–Nouvelle Écosse des hydrocarbures extracôtiers. La Loi fédérale sur les hydrocarbures régit aussi la concession de droits pétroliers et gaziers, ainsi que l’établissement de redevances sur la production 16.
La Loi fédérale sur les hydrocarbures stipule que les ministres suivants se partagent la responsabilité de son application :
L’article 4 du projet de loi C-55 ajoute le maintien de l’intégrité écologique aux cinq autres raisons, actuellement prévues au paragraphe 35(1) de la Loi, qui permettent de désigner une ZPM. L’intégrité écologique est définie au paragraphe 35(1.1) proposé. Elle s’entend de l’état d’un espace maritime dont : la structure, la composition et la fonction des écosystèmes ne sont pas perturbées par l’activité humaine; les processus écologiques naturels sont intacts et autonomes; les écosystèmes évoluent naturellement; la capacité d’auto-régénération des écosystèmes et leur biodiversité sont maintenues.
Le concept d’intégrité écologique proposé dans le projet de loi C-55 est conforme à la définition donnée par la Commission sur l’intégrité écologique des parcs nationaux du Canada mise sur pied par l’Agence Parcs Canada en 1998 17. Alors que selon le paragraphe 8(2) de la Loi sur les parcs nationaux du Canada 18, l’intégrité écologique est la première priorité du ministre en ce qui concerne la gestion des parcs nationaux terrestres, il n’existe aucune disposition du genre dans la Loi sur les océans pour les ZPM. C’est pourquoi le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes a recommandé, dans son rapport de 2017 sur les zones protégées, que le gouvernement du Canada modifie la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada et la Loi sur les océans afin d’« adopter le rétablissement et le maintien de l’intégrité écologique comme priorité absolue pour les aires marines de conservation, parallèlement avec la Loi sur les parcs nationaux du Canada 19 ».
L’article 4 du projet de loi C-55 propose aussi que, dans le but de coordonner l’établissement d’un réseau national de ZPM, le ministre s’assure que des objectifs de conservation sont clairement définis pour chaque ZPM, que le réseau est représentatif sur le plan écologique et qu’il couvre « divers types d’habitat, [d’]aires biogéographiques et [de] milieux ». La représentation écologique est aussi recherchée dans le cadre de l’objectif 11 d’Aichi, par la Commission mondiale des aires protégées de l’Union internationale pour la conservation de la nature 20 et dans le Cadre national pour le réseau d’aires marines protégées du Canada 21.
L’article 5 du projet de loi C-55 autorise le ministre des Pêches et des Océans à désigner une ZPM par arrêté, jusqu’à ce qu’elle soit désignée officiellement par règlement par le gouverneur en conseil (nouveaux par. 35.1(2) et 35.3(1) de la Loi sur les océans). La création d’une telle ZPM provisoire se fait à la discrétion du ministre, « d’une manière qui n’est pas incompatible avec quelque accord sur des revendications territoriales mis en vigueur et ratifié ou déclaré valide par une loi fédérale ».
Le projet de loi C-55 permet de « geler l’empreinte 22 » laissée par l’activité humaine dans les ZPM désignées par arrêté ministériel. En effet, l’arrêté interdit toute activité qui perturbe, endommage, détruit ou retire de cette zone désignée toute caractéristique géologique ou archéologique unique, tout organisme marin vivant ou toute partie de son habitat, ou qui est susceptible de le faire, et qui ne fait pas partie d’une catégorie d’activités en cours (nouvel al. 35.1(2)b)). Les catégories d’activités qui sont en cours dans la ZPM doivent être énumérées dans l’arrêté (nouvel al. 35.1(2)a)).
Une activité « en cours », au sens du nouveau paragraphe 35.1(1), s’entend de l’activité exercée dans la ZPM provisoire qui :
L’arrêté peut toujours limiter certaines activités en cours régies par la législation fédérale sur les pêches (nouvel al. 35.1(2)c)).
Le projet de loi C-55 autorise aussi le ministre compétent à exempter, aux conditions qu’il estime indiquées, l’exercice de toute activité – par un étranger 23, une entité qui est constituée en personne morale ou formée sous le régime de la législation d’un pays étranger, un navire étranger 24 ou un État étranger – dans une ZPM désignée par arrêté (nouvel al. 35.1(2)d)).
Le nouveau paragraphe 35.3(1) de la Loi exige que, au plus tard au cinquième anniversaire de l’entrée en vigueur d’un arrêté pris pour désigner une ZPM, le ministre des Pêches et des Océans :
Tant le préambule de la Loi sur les océans que les principes de la stratégie de gestion des océans énoncés à l’article 30 de la Loi font référence à l’application du principe de la prévention relativement, comme le précise le préambule, « à la conservation, à la gestion et à l’exploitation des ressources marines afin de protéger ces ressources et de préserver l’environnement marin ».
L’article 5 du projet de loi ajoute le nouvel article 35.2 à la Loi et précise que le gouverneur en conseil et le ministre des Pêches et des Océans ne peuvent utiliser « l’absence de certitude scientifique concernant les risques que peut présenter l’exercice d’activités dans certains espaces maritimes » comme prétexte pour remettre à plus tard la désignation des ZPM et la réglementation des activités exercées dans celles ci, ou pour ne pas désigner les ZPM ni réglementer les activités qui y sont exercées.
Les articles 7 à 12 du projet de loi C-55 établissent le cadre visant à promouvoir le respect de la Loi sur les océans modifiée et harmonisent les pouvoirs d’application de la Loi sur les océans avec les dispositions d’autres lois fédérales, comme la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) et la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada.
Le paragraphe 10(1) modifie le paragraphe 39.1(1) de la Loi sur les océans afin de préciser qu’un agent de l’autorité peut, entre autres, visiter et inspecter un moyen de transport. Bien que la Loi sur les océans ne définisse pas le terme « moyen de transport », la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) le définit comme étant notamment « tout véhicule, navire ou aéronef ».
Le paragraphe 10(3) modifie également le paragraphe 39.1(1) de la Loi et élargit les pouvoirs de l’agent de l’autorité afin de lui permettre :
Le paragraphe 10(4) modifie les pouvoirs de saisie de l’agent de l’autorité afin de lui permettre de saisir tout objet dont il a des motifs raisonnables de croire qu’il a servi ou est lié à la contravention de la Loi sur les océans ou de ses règlements, ou qu’il a été obtenu dans le cadre d’une telle contravention (nouveau par. 39.1(1.2)).
Le même paragraphe prévoit qu’un agent de l’autorité, ainsi que toute personne agissant sous sa direction et son autorité, peut pénétrer dans une propriété privée, à l’exclusion de tout local d’habitation, et y circuler dans le cadre de ses fonctions (nouveaux par. 39.1(2.1) et 39.1(2.2)).
L’article 11 permet à l’agent de l’autorité d’ordonner à un navire et à une personne à son bord qui a commis, est en train de commettre ou est sur le point de commettre une infraction à la Loi sur les océans et à un navire qui a été ou est utilisé, ou est sur le point d’être utilisé dans le cadre de la perpétration de l’infraction de se rendre en un lieu donné et il lui permet d’ordonner la détention du navire (nouveaux art. 39.2 et 39.21). Ces dispositions sont semblables à celles de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (art. 225).
L’article 11 donne également à l’agent de l’autorité le pouvoir de donner un ordre d’exécution à une personne qui est en train de commettre ou qui est sur le point de commettre une infraction à la Loi sur les océans (nouvel art. 39.22). L’ordre d’exécution peut intimer à cette personne de prendre, à ses frais, des mesures précises prévues au nouveau paragraphe 39.22(4) qui, selon l’agent de l’autorité, sont justifiées en l’espèce pour protéger le milieu marin.
Faute par l’intéressé de prendre les mesures qui sont énoncées dans l’ordre d’exécution, l’agent de l’autorité ou la personne autorisée par l’agent peut pénétrer dans une propriété et prendre les mesures jugées nécessaires dans les circonstances (nouvel art. 39.25).
Le paragraphe 12(2) prévoit que l’agent de l’autorité peut, au moment de la saisie, remettre à l’eau les poissons qu’il estime encore vivants (nouveau par. 39.3(3.1)).
Les articles 13 à 18 du projet de loi C-55 érigent en infraction le fait de contrevenir à certaines dispositions de la Loi sur les océans et en établissent les peines.
Aux termes de l’article 13, toute personne physique ou morale qui ne se conforme pas à un ordre de détention ou à un ordre d’exécution ou qui n’a pas pris toutes les précautions voulues et qui contrevient aux interdictions établies pour les ZPM, y compris celles désignées par arrêté ministériel, en vertu de la Loi sur les océans et de ses règlements est passible des amendes suivantes sur déclaration de culpabilité (par. 39.6(1) modifié et nouvel art. 39.63) :
À l’instar de la Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales 25, le projet de loi C-55 stipule que les personnes morales à revenus modestes sont celles dont les revenus n’atteignaient pas 5 millions de dollars dans les 12 mois précédant l’infraction en question (nouveau par. 39.6(5)). Les sommes reçues en paiement d’amendes infligées à l’égard de toute infraction à la Loi sur les océans sont portées au crédit du Fonds pour dommages à l’environnement (nouvel art. 39.66). Le Fonds, géré par Environnement et Changement climatique Canada, sert de mécanisme pour investir les fonds provenant des amendes, des ordonnances de la cour et des règlements volontaires dans des projets qui seront avantageux pour le milieu naturel 26.
L’article 13 prévoit aussi qu’il est compté une infraction distincte pour chacun des jours au cours desquels une personne commet ou continue l’infraction (nouveau par. 39.64(1)). Malgré les limites précisées à l’article 39.6, les amendes peuvent être cumulatives si une infraction porte sur plus d’un animal, végétal, autre organisme ou objet (nouveau par. 39.64(2)). Une amende supplémentaire peut aussi être infligée si une personne a acquis des biens par suite de la perpétration de l’infraction ou en a tiré des avantages (nouveau par. 39.64(3)).
En cas de perpétration d’une infraction par un navire au titre de l’article 13, un certain nombre de personnes, dont les propriétaires, les dirigeants et les administrateurs de personnes morales propriétaires, les exploitants, les capitaines et les mécaniciens en chef, sont considérées comme des coauteurs de l’infraction et encourent, sur déclaration de culpabilité, la peine prévue pour l’infraction (nouveau par. 39.6(2), et nouveaux art. 39.61 et 39.62).
L’article 13 établit aussi les amendes à imposer aux personnes et aux navires déclarés coupables d’entrave à un agent de l’autorité (nouveaux par. 39.6(3) et 39.6(4)).
En plus de toute peine infligée en cas de déclaration de culpabilité pour une infraction à la Loi sur les océans, l’article 14 modifie l’article 39.9 de la Loi de manière à permettre au tribunal de rendre également une ordonnance imposant au contrevenant de verser une somme d’argent en vue :
L’article 16 remplace l’actuel article 39.11 de la Loi sur les océans par le nouvel article 39.92 afin de modifier le délai de prescription pour les poursuites visant une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire en vertu de la Loi. Ces poursuites se prescrivent par cinq ans à compter de la date de la perpétration de l’infraction au lieu de « deux ans à compter de la date où le ministre a eu connaissance des éléments constitutifs de l’infraction », comme c’était le cas auparavant.
La disposition transitoire prévue à l’article 18 précise que la prescription actuelle de deux ans continue de s’appliquer aux infractions perpétrées avant l’entrée en vigueur du nouvel article 39.92.
Les activités pétrolières et gazières sont explicitement interdites dans les aires marines nationales de conservation gérées par Parcs Canada en vertu de l’article 13 de la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada 27. Il n’existe toutefois pas d’interdictions semblables dans la Loi sur les océans. Par conséquent, des activités pétrolières et gazières peuvent être autorisées dans les ZPM à certaines conditions.
L’article 19 du projet de loi C-55 prévoit que le gouverneur en conseil peut interdire l’exercice de certaines activités pétrolières et gazières régies par la Loi fédérale sur les hydrocarbures, y compris des activités en cours, dans les ZPM (par. 12(1) modifié).
L’article 20 du projet de loi autorise le ministre compétent à entamer des négociations pour déterminer l’indemnité à accorder au titulaire d’un titre pétrolier et gazier pour l’abandon de son titre (nouveaux par. 12.1(1) et 12.2(1)), si :
L’article 20 autorise aussi le ministre compétent à annuler un titre pétrolier et gazier et à préciser le montant de l’indemnité, sous réserve du processus d’audiences et de révision décrit à l’article 106 de la Loi fédérale sur les hydrocarbures (nouveaux par. 12.1(3), 12.1(4) et 12.2(2)), si :
Certaines organisations ont témoigné de leur appui au projet de loi C-55. Ainsi, la Living Oceans Society a diffusé un communiqué de presse dans lequel elle se prononce en faveur de la nouvelle disposition de la Loi sur les océans qui permet au ministre de désigner une ZPM par arrêté et qui exige que la permanence de cette désignation soit examinée dans un délai de cinq ans. L’organisation estime à ce sujet que « le processus d’établissement d’une ZPM, de la planification jusqu’à la désignation officielle, prend beaucoup trop de temps. Le Canada devra l’accélérer s’il veut respecter ses engagements internationaux 28 ».
Le cabinet d’avocats West Coast Environmental Law (WCEL) a jugé, pour sa part, que le délai de cinq ans fixé dans la loi pour la désignation permanente d’une ZPM après son établissement par arrêté ministériel « rendra le processus plus efficace et plus rapide 29 ». Le cabinet a cependant précisé que ce délai devrait « s’appliquer à toutes les ZPM [proposées], peu importe le mode de désignation ».
À l’inverse, le 18 septembre 2017, dans une déclaration faite devant l’Assemblée législative du Nunavut, l’honorable Johnny Mike a reproché au gouvernement fédéral de ne pas avoir adéquatement consulté les Nunavummiuts (personnes qui vivent au Nunavut) au sujet des répercussions possibles du projet de loi C-55 30. Les commentaires de M. Mike rappellent la déclaration diffusée le 31 août 2017 à l’issue du Forum des premiers ministres du Nord selon laquelle
les modifications proposées à la Loi sur les océans et à la Loi fédérale sur les hydrocarbures que contient le projet de loi C-55 autorisent l’établissement de zones de protection marine provisoires par un ministre fédéral sans consultations préalables. Cette disposition devrait être rayée du projet de loi C-55 31.
La Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP) s’est dite en faveur de l’application du principe de la prévention dans l’établissement des ZPM, rappelant à cet égard que « les études scientifiques prennent du temps, et les écosystèmes fragiles demeurent alors exposés à des activités humaines néfastes pendant des années, pour la simple raison que nous ne disposons pas de données suffisantes 32 ».
Bien qu’ils soutiennent le principe de la prévention, les pêcheurs commerciaux ont souligné le manque de données environnementales de base et de ressources attribuées à la recherche scientifique par le ministère des Pêches et des Océans, qui amène ce dernier à faire preuve d’une prudence excessive. Ils ont fait valoir que, pour les pêcheurs commerciaux, la nécessité de composer à la fois avec les nouvelles ZPM et avec les mesures actuelles de gestion des pêches constituerait un « énorme défi 33 ».
Les organisations non gouvernementales qui se consacrent à la défense de l’environnement appuient le gel de l’empreinte laissée par les activités humaines dans les ZPM désignées par arrêté ministériel, mais la SNAP a prévenu que cette mesure risque de ne pas être suffisante. En effet, l’organisation a maintenu que, « puisque des activités en cours font peser de sérieuses menaces sur des valeurs écologiques connues, le gel de l’empreinte protégerait peu les écosystèmes vulnérables 34 ».
À l’inverse, la Société régionale inuvialuite (SRI) a exprimé des craintes concernant de possibles effets économiques et sociaux négatifs du gel de l’empreinte laissée par les activités humaines dans les ZPM désignées par arrêté ministériel. Dans une lettre envoyée au ministre des Pêches et des Océans le 26 avril 2017, la SRI a affirmé que les promoteurs possibles – y compris les entreprises inuvialuites – ne proposeront pas de projet dans les secteurs où le ministre est autorisé à établir une ZPM provisoire par arrêté, en raison du risque que les activités soient gelées pour une période donnée.
Le cabinet d’avocats WCEL et plusieurs autres participants à l’étude en cours concernant les ZPM menée par le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes ont fait ressortir le besoin d’appliquer des normes minimales de protection dans toutes les ZPM. Rashid Sumaila, scientifique à l’Université de la Colombie Britannique, a indiqué par exemple que des normes minimales de protection sont nécessaires pour interdire les activités les plus dommageables pour la biodiversité marine : l’exploitation et l’exploration gazière et pétrolière, l’exploration minière sous marine, le rejet de déchets dans les océans et « la grande pêche industrielle 35 ».
Selon la Commission d’aménagement du Nunavut, le processus d’établissement de mesures de protection est long, et des zones fragiles peuvent demeurer en grande partie non protégées pendant que durent les études et les discussions. La Commission a donc recommandé que la Loi sur les océans prévoie « la possibilité de mettre en œuvre des mesures de protection intermédiaires afin d’imposer des restrictions temporaires dans le but d’étudier les effets de l’établissement de ZPM 36 ».
L’Assemblée des Premières Nations (APN) a fait valoir des préoccupations à propos de la « participation et de la consultation pleines et entières » concernant les modifications proposées à la Loi sur les océans. Dans une résolution adoptée à son assemblée générale annuelle de 2017, à Regina, l’APN a demandé au ministre des Pêches et des Océans
de fournir les ressources financières nécessaires pour créer un groupe de travail des Premières Nations qui examinera les changements que l’on se propose d’apporter à la Loi sur les océans et qui offrira un soutien technique pour que les Premières Nations puissent évaluer les répercussions ou les avantages que les changements législatifs, réglementaires et stratégiques auront pour les détenteurs de droits 37.
La Chamber of Shipping de Colombie Britannique a déclaré que les modifications proposées à la Loi sur les océans, comme celles sur les nouveaux pouvoirs permettant aux agents de l’autorité de faire conduire un navire en tout lieu dans les eaux canadiennes et de détenir un navire « sont très préoccupantes pour notre industrie 38 ». Lors de son témoignage devant le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, le président de la Chamber of Shipping a aussi déclaré que « le barème de sanctions pour certaines infractions semble extrême, notamment pour les petites embarcations, et pourrait causer un préjudice indu à de petites entreprises côtières et aux nombreuses collectivités qu’elles soutiennent 39.
Au sujet des restrictions que le projet de loi C-55 propose d’imposer aux activités pétrolières et gazières, la SNAP a indiqué, dans un communiqué de presse, que ces restrictions constituent une « grande amélioration, car la Loi sur les océans ne prévoit actuellement aucune interdiction explicite concernant les activités pétrolières et gazières, contrairement à la Loi sur les aires marines nationales de conservation du Canada 40 ». La SNAP s’est toutefois dite « déçue que les modifications proposées aux activités pétrolières et gazières ne s’appliquent pas aux secteurs situés au large de Terre Neuve et Labrador et de la Nouvelle Écosse où les offices des hydrocarbures extracôtiers réglementent ces activités ».
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
[Attendu que le gouvernement du Canada] s’engage à adopter le principe de la prudence, si bien qu’en cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement.(Voir la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), L.C. 1999, ch. 33.) [ Retour au texte ]
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