Résumé législatif du projet de loi C‑75

Résumé Législatif
Résumé législatif du projet de loi C‑75 : Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois
Laura Barnett, Division des affaires juridiques et sociales
Maxime Charron‑Tousignant, Division des affaires juridiques et sociales
Tanya Dupuis, Division des affaires juridiques et sociales
Julia Nicol, Division des affaires juridiques et sociales
Dominique Valiquet, Division des affaires juridiques et sociales
Julian Walker, Division des affaires juridiques et sociales
Publication no 42-1-C75-F
PDF 808, (37 Pages) PDF
2018-05-07
Révisée le : 2019-07-25

Table des matières

Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.


1 Contexte

Le 29 mars 2018, l'honorable Jody Wilson‑Raybould, alors ministre de la Justice et procureure générale du Canada, a présenté à la Chambre des communes le projet de loi C‑75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d'autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois 1.

Le 11 juin 2018, après l'étape de la deuxième lecture, le projet de loi a été renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes pour examen. Ce comité a adopté plus de 50 amendements au projet de loi les 24 et 29 octobre 2018 2. Plusieurs de ces amendements sont de nature technique. De plus, quatre autres amendements de cette nature ont été adoptés à l'étape du rapport, le 20 novembre 2018 3.

Le projet de loi a été déposé au Sénat, où il a fait l'objet d'une première lecture le 3 décembre 2018. Après avoir franchi l'étape de la deuxième lecture, il a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 4 avril 2019. Le 4 juin 2019, ce comité a soumis son rapport au Sénat, dans lequel il a présenté 14 amendements et 7 observations 4. Le Sénat a adopté le projet de loi sans amendements supplémentaires en troisième lecture, le 13 juin 2019, et un message a été adressé à la Chambre des communes le même jour.

La Chambre des communes a étudié les amendements du Sénat les 17 et 19 juin 2019 et a adopté une motion approuvant (totalement ou en partie) 10 amendements, remplaçant (totalement ou en partie) 4 amendements, ajoutant un nouvel amendement et en rejetant un 5. Le Sénat n'ayant pas insisté sur ses amendements, le projet de loi a par la suite reçu la sanction royale le 21 juin 2019.

Ce projet de loi vise à moderniser et à rendre plus efficace le système de justice pénale, et à réduire les délais 6. Les modifications proposées se veulent une réponse aux arrêts R. c. Jordan et R. c. Cody de la Cour suprême du Canada 7, ainsi qu'au rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles intitulé Justice différée, justice refusée : l'urgence de réduire les longs délais dans le système judiciaire au Canada8. D'après le gouvernement fédéral, plusieurs de ces réformes reflètent « les efforts de collaboration visant à régler les délais judiciaires et ont été identifiées comme des priorités par les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Justice 9 ».

Le projet de loi modifie plusieurs aspects du droit pénal et de la procédure pénale dans le Code criminel (le Code) de manière à :

  • reclasser un certain nombre d'infractions criminelles (plusieurs infractions qui ne peuvent être poursuivies que par mise en accusation et sont passibles d'une peine d'emprisonnement maximale de 10 ans ou moins deviennent des infractions mixtes, et la peine maximale d'emprisonnement pour presque toutes les infractions punissables par procédure sommaire est uniformisée et fixée à deux ans moins un jour);
  • limiter le recours aux enquêtes préliminaires aux adultes accusés d'une infraction passible d’une peine maximale d’emprisonnement de 14 ans ou plus;
  • mieux protéger les victimes de violence entre partenaires intimes (en créant la notion de « partenaire intime » et la rendant applicable à tout le Code; en imposant un renversement du fardeau de la preuve lors de l'enquête sur la remise en liberté provisoire dans les cas de récidive; et en permettant l'imposition d'une peine maximale plus élevée dans les cas de récidive);
  • moderniser les pratiques et la procédure en matière de remise en liberté provisoire en prévoyant que toute décision prise concernant la remise en liberté provisoire d'un prévenu doit viser à le remettre en liberté à la première occasion raisonnable et aux conditions les moins sévères possible et en exigeant qu'une attention particulière soit accordée à la situation des prévenus autochtones et des prévenus appartenant à des populations vulnérables;
  • donner plus de discrétion aux juges et aux policiers en ce qui concerne les infractions contre l'administration de la justice en créant notamment un mécanisme de rechange lorsque le manquement en question n'a pas causé de préjudice aux victimes;
  • renforcer les pouvoirs des juges en matière de gestion des instances, permettre la recevabilité en preuve de certains éléments, faciliter la tenue d'audiences dans une autre circonscription territoriale et simplifier le processus lié à l'établissement des règles de cour;
  • réformer le processus de sélection des jurés, notamment en abolissant la récusation péremptoire qui permet aux procureurs de la Couronne et aux avocats de la défense d'exclure un candidat juré sans donner de raison et en habilitant le juge à déterminer le bien‑fondé des récusations motivées;
  • faciliter la comparution par audioconférence ou vidéoconférence de toute personne qui prend part à des poursuites criminelles.

Le projet de loi apporte également des modifications à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) 10, notamment « en vue de favoriser une réponse plus souple aux infractions contre l'administration de la justice 11 ».

De plus, le projet de loi C‑75 réintroduit les modifications législatives provenant des projets de loi suivants :

  • le projet de loi C‑28, Loi modifiant le Code criminel (suramende compensatoire);12
  • le projet de loi C‑38, Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes);
  • le projet de loi C‑39, Loi modifiant le Code criminel (dispositions inconstitutionnelles) et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois (ce projet de loi reprenait également les modifications proposées dans le projet de loi C‑32, Loi relative à l'abrogation de l'article 159 du Code criminel).

Finalement, le projet de loi C‑75 prévoit des dispositions de coordination avec les projets de loi suivants qui modifient dans certains cas les mêmes dispositions :

  • le projet de loi C‑45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d'autres lois;
  • le projet de loi C‑46, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois;
  • le projet de loi C‑51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi;
  • le projet de loi C‑59, Loi concernant des questions de sécurité nationale.

2  Description et analyse

2.1 Modification du Code criminel (art. 1 à 353 du projet de loi)

2.1.1 Reclassement et uniformisation de certaines infractions

Le projet de loi modifie plus de 110 infractions passibles d'une peine d'emprisonnement maximale de 10 ans ou moins qui, actuellement, peuvent uniquement être poursuivies par mise en accusation. Ces infractions sont converties en infractions mixtes, c.‑à‑d. qu'elles peuvent être poursuivies soit par mise en accusation, soit par procédure sommaire (au choix du poursuivant). Ce ne sont toutefois pas toutes les infractions punissables par mise en accusation et passibles d'un emprisonnement maximal de 10 ans ou moins du Code qui sont converties en infractions mixtes. Parmi les exceptions, on trouve certaines infractions relatives aux armes à feu, soit l'infraction délibérée de possession non autorisée d'une arme à feu ou d'autres armes (art. 92 du Code), le trafic d'armes (art. 99 du Code), la possession en vue de faire le trafic d'armes (art. 100 du Code) et l'infraction délibérée d'importation ou d'exportation non autorisées de certaines armes à feu (art. 103 du Code).

Parmi les amendements que la Chambre des communes a adoptés, certains font en sorte que plusieurs infractions ne sont plus mixtes. Voici les infractions en question :

  • fournir ou réunir des biens en vue de certains actes (art. 83.02 du Code);
  • fournir, rendre disponibles, etc. des biens ou services à des fins terroristes (art. 83.03 du Code);
  • utiliser ou avoir en sa possession des biens à des fins terroristes (art. 83.04 du Code);
  • participation à une activité d'un groupe terroriste (par. 83.18(1) du Code);
  • quitter le Canada : participation à une activité d'un groupe terroriste (art. 83.181 du Code);
  • préconiser ou fomenter la perpétration d'infractions de terrorisme (art. 83.221 du Code);
  • cacher une personne qui s'est livrée à une activité terroriste (al. 83.23(1)b)) et cacher une personne qui se livrera vraisemblablement à une activité terroriste (par. 83.23(2) du Code);
  • encouragement au génocide (par. 318(1) du Code).

De plus, par suite d'un amendement adopté par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, l'infraction de tenue de maison de débauche n'est plus reclassée puisque toutes les infractions et dispositions relatives aux maisons de débauche sont abrogées 13.

Le tableau 1 présente toutes les infractions qui font l'objet d'un tel reclassement.

Tableau 1 – Reclassement en infractions mixtes des infractions punissables par mise en accusation (peine d'emprisonnement de 10 ans ou moins)
Projet de loi C‑75 Code criminel Infraction
Art. 6 Par. 52(1) Sabotage
Art. 7 Par. 57(3) Possession d’un passeport faux, etc.
Art. 8 Par. 58(1) Emploi frauduleux d'un certificat de citoyenneté
Art. 9 Par. 62(1) Infractions relatives aux forces militaires
Art. 10 Art. 65 Punition des émeutiers; Dissimulation d'identité
Art. 11 Art. 69 Négligence d'un agent de la paix
Art. 12 Par. 70(3) Exercices illégaux
Art. 14 Par. 82(1) Possession d’explosifs
Art. 33 Par. 121(3) Fraudes envers le gouvernement
Art. 35 Art. 122 Abus de confiance par un fonctionnaire public
Art. 36 Par. 123(1), 123(2) Actes de corruption dans les affaires municipales; Influencer un fonctionnaire municipal
Art. 37 Art. 124 Achat ou vente d'une charge
Art. 38 Art. 125 Influencer ou négocier une nomination ou en faire commerce
Art. 39 Par. 126(1) Désobéissance à une loi
Art. 42 Art. 138 Infractions relatives aux affidavits
Art. 43 Par. 139(2) Entrave à la justice
Art. 44 Par. 141(1) Composition avec un acte criminel
Art. 45 Art. 142 Acceptation vénale d'une récompense pour le recouvrement d'effets
Art. 46 Art. 144 Bris de prison
Art. 48 Art. 146 Permettre ou faciliter une évasion
Art. 49 Art. 147 Délivrance illégale
Art. 50 Art. 148 Fait d'aider un prisonnier de guerre à s'évader
Art. 57 Par. 172(1) Corruption d'enfants
Art. 59 Par. 176(1) Gêner ou arrêter un ministre du culte, ou lui faire violence
Art. 61 Par. 180(1) Nuisance publique
Art. 63 Art. 182 Cadavres
Art. 64 Par. 184(1) Interception
Art. 65 Par. 184.5(1) Interception de communications radiotéléphoniques
Art. 67 Par. 191(1) Possession, etc.
Art. 68 Par. 193(1) Divulgation de renseignements
Art. 69 Par. 193.1(1) Divulgation de renseignements obtenus par suite de l'interception d'une communication radiotéléphonique
Art. 70 Par. 201(1) Tenancier d'une maison de jeu ou de pari
Art. 71 Par. 206(1) Loteries et jeux de hasard
Art. 72 Art. 209 Tricher au jeu
Art. 76 Art. 221 Causer des lésions corporelles par négligence criminelle
Art. 79 Art. 237 Punition de l'infanticide
Art. 82 Art. 242, 243 Négligence à se procurer de l'aide lors de la naissance d'un enfant; Suppression de part
Art. 83 Par. 245(1) Fait d'administrer une substance délétère
Art. 84 Par. 247(1), 247(2), 247(3) Trappes susceptibles de causer des lésions corporelles; Lésions corporelles; Lieu infractionnel
Art. 85 Par. 249(3) Conduite dangereuse causant ainsi des lésions corporelles
Art. 86 Par. 251(1) Bateau innavigable et aéronef en mauvais état
Art. 87 Par. 252(1.2) Défaut d'arrêter lors d'un accident
Art. 88 Par. 255(2), 255(2.1), 255(2.2) Conduite avec capacités affaiblies
Art. 90 Art. 262 Empêcher de sauver une vie
Art. 104 Par. 279.02(1) Avantage matériel – traite de personnes
Art. 105 Par. 279.03(1) Rétention ou destruction de documents – traite de personnes
Art. 106 Par. 280(1) Enlèvement d'une personne âgée de moins de 16 ans
Art. 107 Art. 281 Enlèvement d'une personne âgée de moins de 14 ans
Art. 109 Par. 286.2(1) Avantage matériel provenant de la prestation de services sexuels
Art. 112 Par. 291(1) Bigamie
Art. 113 Par. 292(1) Mariage feint
Art. 114 Par. 293(1) Polygamie
Art. 115 Art. 293.1, 293.2 Mariage forcé; Mariage de personnes de moins de seize ans
Art. 116 Art. 294 Célébration du mariage sans autorisation
Art. 117 Art. 295 Mariage contraire à la loi
Art. 118 Art. 300, 301 Libelle délibérément faux; Diffamation
Art. 119 Par. 302(3) Extorsion par libelle
Par. 122(1) Al. 334a) Punition du vol
Art. 123 Par. 338(1), 338(2) Prendre frauduleusement des bestiaux ou enlever les marques; Vol de bestiaux
Art. 124 Par. 339(1) Prise de possession, etc. de bois en dérive
Art. 125 Art. 340 Destruction de titres
Art. 126 Art. 341 Fait de cacher frauduleusement
Art. 128 Par. 351(2) Déguisement dans un dessein criminel
Art. 129 Art. 352 Possession d'instruments pour forcer un appareil à sous ou un distributeur automatique de monnaie
Art. 130 Par. 353(1) Fait de vendre, etc. un passe‑partout d'automobile
Art. 131 Al. 355a) Possession de biens criminellement obtenus
Art. 132 Art. 357 Apporter au Canada des objets criminellement obtenus
Art. 133 Al. 362(2)a), par. 362(3) Escroquerie : faux semblant ou fausse déclaration
Art. 134 Art. 363 Obtention par fraude de la signature d'une  aleur
Art. 135 Par. 377(1) Documents endommagés
Art. 136 Art. 378 Infractions relatives aux registres
Art. 137 Art. 381 Emploi de la poste pour frauder
Art. 138 Art. 382 Manipulations frauduleuses d'opérations boursières
Art. 139 Par. 382.1(1) Délit d'initié
Art. 140 Par. 383(1) Agiotage sur les actions ou marchandises
Art. 141 Art. 384 Courtier réduisant le nombre d'actions en vendant pour son propre compte
Art. 142 Par. 385(1) Cacher frauduleusement des titres
Art. 143 Art. 386 Enregistrement frauduleux de titre
Art. 144 Art. 387 Vente frauduleuse d'un bien immeuble
Art. 145 Art. 388 Reçu destiné à tromper
Art. 146 Par. 389(1) Aliénation frauduleuse de marchandises sur lesquelles on a avancé de l'argent
Art. 147 Art. 390 Reçus frauduleux sous le régime de la Loi sur les banques
Art. 148 Art. 392 Aliénation de biens avec l'intention de frauder des créanciers
Art. 149 Par. 393(1), 393(2) Fraude en matière de prix de passage, etc.
Art. 150 Par. 394(5) Fraudes relatives aux minéraux précieux
Art. 151 Par. 394.1(3) Possession de minéraux précieux volés ou obtenus illégalement
Art. 153 Par. 396(1) Infractions relatives aux mines
Art. 154 Par. 397(1), 397(2) Livres et documents
Art. 155 Art. 399 Faux relevé fourni par un fonctionnaire public
Art. 156 Par. 400(1) Faux prospectus, etc.
Art. 157 Art. 405 Reconnaissance d'un instrument sous un faux nom
Art. 158 Par. 417(1) Application ou enlèvement de marques sans autorisation
Art. 160 Art. 424, 424.1 Menaces de commettre une infraction contre une personne jouissant d'une protection internationale; Menaces contre le personnel des Nations Unies ou le personnel associé
Art. 161 Par. 426(3) Commissions secrètes
Art. 163 Par. 435(1) Incendie criminel : intention frauduleuse
Art. 164 Par. 436(1) Incendie criminel par négligence
Art. 165 Art. 436.1 Possession de matières incendiaires
Art. 166 Par. 438(1) Entrave au sauvetage d'un navire naufragé
Art. 167 Par. 439(2) Dérangement des signaux de marine
Art. 168 Art. 440, 441 Enlever une barre naturelle sans permission; Occupant qui détériore un bâtiment
Art. 169 Art. 443 Déplacer des bornes internationales, etc.
Art. 175 Art. 451 Possession de limailles, etc.
Art. 176 Art. 453 Pièce mise en circulation
Art. 177 Par. 460(1) Faire le commerce de la monnaie contrefaite, etc.
Art. 183 Al. 465(1)b) Complot
Art. 184 Par. 467.11(1) Participation aux activités d'une organisation criminelle
Art. 307 Par. 753.3(1) Défaut de se conformer à une surveillance de longue durée

Source : Tableau préparé par les auteurs à partir d’informations tirées du projet de loi C‑75 et du Code criminel.

Une autre modification apportée par le projet de loi consiste à augmenter la peine générale applicable aux infractions punissables par procédure sommaire. Ainsi, l'article 787 du Code est modifié pour faire passer de six mois à deux ans moins un jour la peine maximale d'emprisonnement. L'amende maximale de 5 000 $ reste la même.

De plus, les infractions punissables par procédure sommaire prévoyant une peine maximale différente de celle présentement prévue à l'article 787 du Code sont également uniformisées afin de prévoir elles aussi une peine maximale d'emprisonnement de deux ans moins un jour.

Toutefois, la peine d'emprisonnement maximale n'est pas modifiée pour les deux infractions suivantes :

  • exhibitionnisme à l'égard d'une personne âgée de moins de seize ans (al. 173(2)b) du Code) [la peine maximale est toujours de six mois];
  • agression sexuelle à l'égard d'une personne de seize ans ou plus (al. 271b) du Code) [la peine est toujours de dix‑huit mois];

Le tableau 2 présente toutes les infractions qui font l'objet d'une telle uniformisation.

Tableau 2 – Uniformisation de la peine d’emprisonnement maximale associée aux infractions punissables par procédure sommaire (deux ans moins un jour)
Projet de loi C‑75 Code criminel Infraction
Art. 18 Al. 83.12(1)a) Blocage des biens, communication ou vérification
Art. 23 Al. 83.231(3)b) Incitation à craindre des activités terroristes; Fait de causer des blessures corporelles
Art. 25 Al. 95(2)b) Possession d'une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte avec des munitions
Art. 26 Al. 96(2)b) Possession d'une arme obtenue lors de la perpétration d'une infraction
Art. 27 Al. 102(2)b) Fabrication d'une arme automatique
Par. 34(2) Al. 121.1(4)b) Interdiction – produits du tabac et tabac en feuilles
Par. 52(1) Par. 153.1(1) Exploitation sexuelle; personnes en situation d’autorité
Par. 55(2) Al. 161(4)b) Ordonnance d’interdiction – Infraction à l’égard d’une personne âgée de moins de seize ans
Par. 56 Al. 162.2(4)b) Ordonnance d’interdiction – Publication, etc. non consensuelle d’une image intime
Art. 58 Al. 173(1)b) Actions indécentes
Art. 74 Al. 215(3)b) Devoir de fournir les choses nécessaires à l'existence
Art. 75 Al. 218b) Abandon d'un enfant
Art. 80 Al. 241.3b) Non‑respect des mesures de sauvegarde (aide médicale à mourir)
Art. 81 Al. 241.4(3)b) Commission d’un faux (aide médicale à mourir)
Art. 88 Par. 255(1) Conduite avec capacités affaiblies
Art. 92 Al. 264.1(2)b) Proférer des menaces
Art. 94 Al. 269b) Lésions corporelles
Art. 95 Al. 270.01(2)b) Agression armée ou infliction de lésions corporelles – agent de la paix
Art. 96 Al. 270.1(3)b) Désarmer un agent de la paix
Art. 103 Al. 279(2)b) Séquestration
Art. 108 Al. 286.1(1)b) Obtention de services sexuels moyennant rétribution
Art. 110 Al. 286.4b) Publicité de services sexuels
Art. 121 Al. 333.1(1)b) Vol d’un véhicule à moteur
Art. 127 Al. 347(1)b) Taux d’intérêt criminel
Par. 162(1) Al. 430(4.1)b) Méfait : biens religieux, établissements d’enseignement, etc.
Par. 162(2) Al. 430(4.11)c) Méfait : monuments commémoratifs de guerre
Art. 170 Al. 445(2)b) Tuer ou blesser des animaux
Art. 171 Al. 445.01(2)b) Tuer ou blesser certains animaux
Art. 172 Al. 445.1(2)b) Faire souffrir inutilement un animal
Art. 173 Al. 446(2)b) Causer blessure ou lésion (animaux, oiseaux)
Art. 174 Al. 447(2)b) Arène pour combats de coqs
Art. 178 Art. 462.2 Importation, exportation, fabrication, vente ou promotion de documentation ou d’instruments pour l’utilisation de drogues illicites
Art. 194 Art. 487.0198 Infraction : ordonnance de préservation ou de communication
Art. 200 Al. 487.08(4)b) Utilisation des substances – ordonnances ou autorisations
Art. 204 Al. 490.031(1)b) Ne pas se conformer à certaines ordonnances
Art. 205 Al. 490.0311b) Déclaration fausse ou trompeuse dans le cadre de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels
Art. 298 Al. 733.1(1)b) Défaut de se conformer à une ordonnance
Art. 299 Al. 734(5)b) Emprisonnement pour défaut de paiement
Art. 305 Al. 743.21(2)b) Ordonnance de non‑communication
Art. 322 Al. 811b) Manquement à l’engagement

Source : Tableau préparé par les auteurs à partir d’informations tirées du projet de loi C‑75 et du Code criminel.

2.1.1.1  Modifications corrélatives

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a adopté deux amendements afin que le reclassement des infractions punissables par mise en accusation en infractions mixtes n’ait pas d’impact sur le prélèvement de substance corporelle à des fins d’analyse génétique ou à des fins d’identification.

Le premier amendement (art. 196.1 du projet de loi) a pour effet d’ajouter à l’alinéa 487.04c) du Code toutes les infractions reclassées à la définition d’« infraction secondaire ». Ainsi, à la suite d’une poursuite sommaire, il serait toujours possible pour le tribunal de rendre une ordonnance de prélèvement pour ces infractions.

Deuxièmement, l’article 388 du projet de loi modifie la Loi sur l’identification des criminels afin de préciser et clarifier que la prise des empreintes digitales, des photographies ou de toute autre mensuration d’une personne légalement détenue et inculpée d’une infraction mixte est autorisée, et ce, même si le poursuivant procède plus tard par procédure sommaire.

2.1.2 Restrictions quant au recours à une enquête préliminaire

2.1.2.1 Contexte

L'enquête préliminaire est une procédure précédant le procès qui vise à établir si la preuve est suffisante pour renvoyer un prévenu à procès relativement à un acte criminel, conformément à la partie XVIII du Code (art. 535 et suivants). L'objectif d'une enquête préliminaire est

de déterminer si le ministère public dispose d'une preuve suffisante pour justifier le renvoi de l'accusé pour qu'il subisse son procès. L'enquête préliminaire n'est pas un procès. Il s'agit plutôt d'une procédure préalable au procès visant à filtrer les dossiers faibles ne justifiant pas la tenue d'un procès […] Le juge évalue la preuve admissible pour décider si elle suffisante [sic] pour justifier le renvoi de l'accusé à procès 14.

Présentement, une enquête préliminaire peut avoir lieu dans les cas suivants :

  • un prévenu accusé d'un acte criminel choisit d'être jugé par un juge seul ou par un tribunal composé d'un juge et d'un jury devant une cour supérieure (par. 536(2) et 536(4)) ou n'a pas fait de choix quant au mode d'instruction (art. 565);
  • un prévenu est accusé d'une infraction en vertu de l'article 469 (p. ex. meurtre, trahison);
  • un juge de la cour provinciale décide, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, que l'inculpation devrait être poursuivie sur acte d'accusation (par. 555(1));
  • le procureur général exige que le prévenu soit jugé par un juge et un jury (art. 568).

À la suite de l'enquête préliminaire, le juge doit renvoyer l'accusé à procès ou le libérer (par. 548(1)).

Selon Statistique Canada, en 2015‑2016 15 :

  • 34 698 accusations réglées en cour provinciale (ou 3 % de toutes les accusations réglées en cour provinciale) ont fait l'objet d'une enquête préliminaire (elles représentaient 8 047 causes instruites devant une cour provinciale (ou 2 % du total));
  • 6 467 accusations réglées en cour supérieure (ou 49 % de toutes les accusations réglées en cour supérieure) ont fait l'objet d'une enquête préliminaire (elles représentaient 1 674 causes instruites devant une cour supérieure (ou 54 % du total)).

Dans les deux cas, les statistiques révèlent que les accusations ayant fait l'objet d'une enquête préliminaire ont généralement pris plus de temps à faire l'objet d'une décision finale.

Dans l'arrêt Jordan, rendu par la Cour suprême en 2016, les juges de la majorité ont indiqué que « le Parlement voudra peut‑être se pencher sur la question de la valeur des enquêtes préliminaires à la lumière des obligations accrues en matière de communication de la preuve 16 ». Selon le gouvernement fédéral, « [l]e recours à cette procédure varie d'une province à l'autre et son objet a été considérablement réduit par l'obligation de la Couronne de fournir à l'accusé tous les éléments de preuve relatifs aux accusations portées contre lui 17 ». La valeur et la nature des enquêtes préliminaires ont également fait l'objet de « débats animés » lors de l'étude sur les délais du système judiciaire réalisée par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Ce dernier a recommandé dans son rapport final de juin 2017 d'éliminer le recours aux enquêtes préliminaires ou d'en restreindre l'utilisation aux infractions les plus graves 18.

Il est à noter que des réformes ont déjà été apportées en 2002 lorsque le Parlement a limité les enquêtes préliminaires aux cas où la défense ou le poursuivant en font la demande expresse, autorisé les accords en vue de restreindre leur portée et autorisé la présentation d'éléments de preuve par écrit 19.

2.1.2.2 Les modifications

Le projet de loi C-75 (art. 238 et suivants) vient limiter le recours aux enquêtes préliminaires aux cas concernant des adultes accusés d’infractions passibles d’une peine maximale d’emprisonnement de 14 ans ou plus (y compris l’emprisonnement à perpétuité). Initialement, le projet de loi limitait ces enquêtes aux infractions passibles de l’emprisonnement à perpétuité.

De plus, en vertu de l'article 537 modifié du Code, un juge de paix agissant dans le cadre d'une enquête préliminaire peut « régler le cours de l'enquête de toute manière qui lui paraît souhaitable, notamment afin de favoriser une enquête rapide et équitable […] » (par. 242(1) du projet de loi). Le juge de paix « peut notamment limiter l'enquête préliminaire à des questions données ainsi que le nombre de témoins qui peuvent être entendus sur ces questions » (par. 242(3) du projet de loi).

2.1.3 Infractions contre un partenaire intime

2.1.3.1 Contexte

Le Code ne prévoit pas d'infractions spécifiques en ce qui concerne la violence entre partenaires intimes (aussi appelé violence familiale ou domestique). Toutefois, les formes que peut prendre ce type de violence sont généralement visées par plusieurs infractions, dont celles relatives à la violence physique et sexuelle, à l'administration de la justice, à certaines formes de violence psychologique ou émotionnelle, à la négligence et à l'exploitation financière 20. De plus, six provinces (l'Alberta, le Manitoba, la Nouvelle‑Écosse, l'Île‑du‑Prince‑Édouard, Terre‑Neuve‑et‑Labrador et la Saskatchewan) et trois territoires (les Territoires du Nord‑Ouest, le Yukon et le Nunavut) ont adopté des lois portant spécifiquement sur la violence familiale dans les domaines relevant de leur compétence et qui peuvent comprendre des mesures afin d'interdire à l'agresseur de communiquer avec une victime 21.

Différentes dispositions particulières du Code offrent présentement une certaine protection aux victimes de violence domestique. En vertu de l'article 515, le tribunal peut établir des conditions de remise en liberté qui interdiraient par exemple à l'accusé d'avoir tout contact avec une victime. Selon l'article 810, le tribunal peut également ordonner qu'un individu s'engage à ne pas troubler l'ordre public et respecte certaines conditions lorsque, par exemple, on craint pour l'intégrité physique ou psychologique d'une victime. Lors de la détermination de la peine, l'alinéa 718.2a)(ii) prévoit comme circonstance aggravante les situations où l'infraction constitue un mauvais traitement de l'époux ou du conjoint de fait. Enfin, l'article 720 autorise le tribunal à reporter, sous certaines conditions, la détermination de la peine pour permettre au délinquant de participer à un programme d'aide en matière de violence conjugale.

Selon les plus récentes statistiques, en 2016, 28 % des personnes de 15 ans et plus ayant été victimes d'un crime violent déclaré par la police ont été agressées par un partenaire intime. Dans 12 % des cas, il s'agissait d'un conjoint ou ex‑conjoint, dans 15 % des cas d'un partenaire amoureux actuel ou ancien, et dans 0,4 % des cas, d'un autre partenaire intime. De plus, 79 % des victimes de violence entre partenaires intimes étaient des femmes et la violence entre partenaires intimes était la principale forme de violence subie par les femmes 22.

2.1.3.2 Les modifications

Le paragraphe 1(3) du projet de loi ajoute la définition de « partenaire intime » à l'article 2 du Code. Cette nouvelle définition s'entend notamment de l'époux, du conjoint de fait ou du partenaire amoureux, actuels ou anciens, d'une personne. Sa portée est ainsi plus large que celle de « conjoint de fait » qui figure présentement à l'article 2 du Code 23. Elle est également plus large que la définition de « partenaire intime » prévue à l'article 110.1 du Code (et dont la portée est limitée aux art. 109 et 110), qui s'entend d'un époux, d'un conjoint de fait et d'un partenaire amoureux. Il est à noter que l'article 110.1 du Code est abrogé par l'article 32 du projet de loi. L'ajout de cette nouvelle définition entraîne la modification de plusieurs dispositions du Code en conséquence (voir notamment les art. 30, 31, 159, 293 et 302 ainsi que les par. 225(3), 225(6), 319(1) et 319(4) du projet de loi).

Le projet de loi renforce également plusieurs dispositions et procédures relatives à des infractions avec violence contre un partenaire intime :

  • Les paragraphes 225(3) et 225(6) du projet de loi modifient l'article 515 du Code en introduisant un renversement du fardeau de preuve lors d'une demande de remise en liberté provisoire lorsqu'un prévenu est accusé d'une telle infraction et qu'il a été auparavant condamné pour une infraction perpétrée contre un partenaire intime.
  • L'article 294 du projet de loi ajoute le paragraphe 718.3(8) dans la partie du Code qui traite de la détermination de la peine. Ce nouveau paragraphe autorise le tribunal à ordonner une peine maximale plus élevée lorsqu'un accusé est déclaré coupable d'un acte criminel perpétré contre un partenaire intime et qu'il a été auparavant déclaré coupable d'une telle infraction. Ainsi, le tribunal peut infliger une peine supérieure à la peine d'emprisonnement maximale prévue jusqu'à concurrence de cinq ans, 10 ans, 14 ans ou la perpétuité, suivant la durée de la peine maximale prévue. Il est à noter que le sous‑alinéa 718.2a)(ii) du Code (modifié par l'art. 293 du projet de loi) prévoit comme circonstance aggravante aux fins de la détermination de la peine le fait que la victime de l'infraction est un partenaire intime, ou un membre de la famille de la victime ou du délinquant.

De plus, les nouveaux articles 718.04 et 718.201 ont été ajoutés au Code afin de prévoir de nouvelles obligations pour le tribunal lors de la détermination de la peine. L'article 718.04 prévoit que l'on doit accorder une attention particulière aux objectifs de dénonciation et de dissuasion de l'agissement à l'origine de l'infraction lorsque cette dernière constitue « un mauvais traitement à l'égard d'une personne vulnérable en raison de sa situation personnelle, notamment en raison du fait qu'elle est une personne autochtone de sexe féminin ». L'article 718.201 précise quant à lui que le tribunal qui impose une peine pour une infraction constituant un mauvais traitement à l'égard d'un partenaire intime doit désormais considérer « la vulnérabilité accrue des victimes de sexe féminin, en accordant une attention particulière à la situation des victimes autochtones de sexe féminin ». Selon le ministre de la Justice, ces deux amendements donneraient suite aux recommandations 5.17 et 5.18 du rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ainsi qu'à certaines des observations formulées par la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Barton24.

2.1.4 Mise en liberté provisoire

2.1.4.1 Contexte

L'alinéa 11e) de la Charte canadienne des droits et libertés 25 (la Charte) garantit que tout inculpé a le droit « de ne pas être privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement raisonnable ». Compte tenu de ce droit, toute détention d'un accusé doit être justifiée. Généralement, un agent de la paix peut détenir l'accusé sous garde jusqu'à la tenue d'une enquête sur le cautionnement, mais selon l'infraction, l'agent de la paix peut aussi le mettre en liberté sous réserve de conditions 26. Pour qu'un accusé demeure sous garde, le poursuivant doit démontrer au cours de l'enquête sur le cautionnement pourquoi cette personne devrait être détenue en attendant qu'une décision définitive soit rendue sur les accusations. Si le ministère public n'arrive pas à prouver que la détention est dûment justifiée, le tribunal peut accorder à l'accusé une mise en liberté provisoire par voie judiciaire (c.‑à‑d. une mise en liberté sous caution), qui permet à l'accusé de conserver sa liberté sauf s'il est jugé coupable. Pour certains actes criminels, le fardeau est renversé et les accusés sont détenus sauf s'ils peuvent démontrer qu'ils devraient demeurer en liberté. Il en est par exemple ainsi lorsqu'une personne est accusée :

  • d'un acte criminel présumé avoir été commis alors qu'elle était en liberté et était en attente d'un procès à l'égard d'une autre infraction;
  • d'un acte criminel (si elle ne réside pas habituellement au Canada);
  • de trafic, d'importation ou d'exportation de drogues;
  • d'infractions mettant en jeu des armes à feu; ou
  • de terrorisme 27.

Aux termes de l'article 503 du Code, lorsqu'une personne est arrêtée et mise sous garde, cette personne accusée doit être conduite devant un juge de paix (ou un juge) dans un délai de 24 heures ou le plus tôt possible si un juge de paix n'est pas disponible dans ce délai. L'article 515 énonce la procédure à suivre pour déterminer si l'accusé bénéficiera d'une mise en liberté provisoire ou s'il demeurera en détention. Comme l'administration de la justice relève de la compétence des provinces, la question de savoir si un juge ou un juge de paix statuera sur la mise en liberté varie d'une province à une autre 28.

Le paragraphe 515(10) du Code énonce les motifs justifiant la détention d'un accusé, dont les suivants :

  • pour assurer sa présence au tribunal;
  • pour la protection du public, des victimes et des témoins, notamment s'il est probable que l'accusé, s'il est remis en liberté, commettra une autre infraction ou nuira à l'administration de la justice;
  • pour ne pas miner la confiance du public envers l'administration de la justice, compte tenu de certaines circonstances comme le fait que l'accusation paraisse fondée, la gravité de l'infraction, la peine dont l'infraction est assortie et l'usage d'une arme à feu.

L'ordonnance de mise en liberté peut énoncer des conditions que doit respecter l'accusé sous peine de se voir accusé de manquement à une condition. Les conditions pouvant être spécifiées dans l'ordonnance de mise en liberté sont énoncées aux paragraphes 515(4) à 515(4.3) du Code. Par exemple, l'accusé peut être tenu de se présenter à un agent de la paix, de s'abstenir de communiquer avec toute victime ou témoin, de respecter un couvre‑feu, de s'abstenir de consommer de l'alcool ou de la drogue, de s'abstenir de posséder une arme à feu ou une autre arme réglementée, ou d'observer d'autres « conditions raisonnables » que le juge de paix estime « opportunes ».

Au cours des dernières années, le nombre d'accusés en détention provisoire a augmenté considérablement. Selon Statistique Canada, le nombre de personnes en détention provisoire dans les prisons provinciales ou territoriales dépasse constamment le nombre de personnes en détention après condamnation, et ce, depuis 10 ans. Par exemple, les adultes en détention provisoire représentaient 60 % de la population carcérale en 2015‑2016, ce qui représente une augmentation de 35 % par rapport à 2005-2006. Au niveau des provinces et des territoires, on observe que 7 sur 13 affichaient une proportion plus élevée d'adultes en détention provisoire que d'adultes en détention après condamnation 29.

La réforme de la mise en liberté provisoire fait l'objet de discussions depuis de nombreuses années 30. Récemment, plus précisément en 2015, un rapport commandé par le ministère de la Justice du Canada et rédigé par la professeure Cheryl Marie Webster a décrit le système canadien de mise en liberté provisoire, qu'elle qualifie de lacunaire, et les problèmes du système de détention provisoire. Mme Webster s'est penchée sur les statistiques pertinentes et sur les conséquences du nombre élevé de personnes en détention provisoire, et a souligné que cette situation exerce une pression sur des ressources limitées et crée des problèmes de gestion de la population carcérale en détention provisoire. Elle a ajouté qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir une mise en liberté provisoire en raison de l'augmentation du nombre d'infractions pour lesquelles le fardeau de la preuve n'incombe plus au ministère public, mais bien à l'accusé (ce qui complique particulièrement la situation des accusés qui se représentent seuls). Parmi les autres facteurs à l'origine de cette tendance, figurent l'accent mis sur la répression de la criminalité, le souci des juges et des juges de paix de ne pas miner la confiance du public envers l'administration de la justice, et l'imposition de conditions de mise en liberté de plus en plus rigoureuses 31. Elle a recommandé un changement systémique :

[N]ous avons besoin d'une nouvelle mentalité qui forcera les principaux acteurs à conceptualiser de nouveau la mise en liberté sous caution comme ils l'avaient fait à l'origine, c'est‑à‑dire comme une procédure sommaire qui protège et défend la présomption d'innocence tout en assurant en priorité la présence de l'accusé au tribunal 32.

Durant son étude sur les délais dans le système judiciaire, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a entendu divers témoins provenant de partout au Canada, dont la professeure Webster, qui a parlé du nombre élevé de personnes en détention provisoire et de la nécessité de mettre en œuvre une réforme dans ce domaine. Le Comité a recommandé d'engager une réforme et d'accorder la priorité à la réduction du nombre de personnes en détention provisoire au Canada 33.

2.1.4.2 Les modifications

Le projet de loi C‑75 apporte plusieurs modifications à la partie XVI du Code intitulée Mesures concernant la comparution d'un prévenu devant un juge de paix et la mise en liberté provisoire (art. 493 à 529.5 du Code). Ces modifications visent à moderniser les pratiques et la procédure en matière de mise en liberté provisoire. Le projet de loi réorganise plusieurs dispositions et modifie certaines procédures afin de favoriser « la mise en liberté rapide des inculpés selon les conditions les moins lourdes qui conviennent dans les circonstances 34 », et ce à différentes étapes du processus.

Tout d'abord, l'article 210 du projet de loi introduit de nouveaux principes et facteurs à considérer dans toute décision portant sur la mise en liberté provisoire. Le nouvel article 493.1 du Code introduit le « principe de la retenue » voulant que toute décision prise doit viser à remettre en liberté un prévenu à la première occasion raisonnable et aux conditions les moins sévères possible. Le nouvel article 493.2 du Code quant à lui exige que, dans toute décision prise, on accorde une attention particulière à la situation des prévenus autochtones et des prévenus « appartenant à des populations vulnérables qui sont surreprésentées au sein du système de justice pénale et qui souffrent d'un désavantage lorsqu'il s'agit d'obtenir une mise en liberté au titre de la présente partie ».

Le projet de loi élargit dans une certaine mesure les pouvoirs policiers en prévoyant qu'un agent de la paix (plutôt qu'un fonctionnaire responsable comme c'est actuellement le cas) a le pouvoir de mettre en liberté un prévenu (voir par exemple les nouveaux art. 498 et 499 du Code). Par exemple, dans le cas de certains manquements ou de certaines violations de conditions (voir les nouveaux art. 495.1 et 496 du Code), un agent de la paix peut désormais faire comparaître un individu devant un juge ou un juge de paix soit en portant des accusations, soit en lui délivrant une citation à comparaître pour manquement au titre des nouvelles « procédures relatives aux omissions de se conformer aux conditions de mise en liberté » (nouveaux art. 523.1 et suivants du Code; voir la rubrique suivante du présent résumé législatif, « Infractions contre l'administration de la justice »). Ces nouvelles dispositions offrent une solution de rechange pour gérer certaines infractions contre l'administration de la justice. Le projet de loi vient aussi préciser que les « promesses » (dont on donne une nouvelle définition au paragraphe 1(3) du projet de loi) remises à un agent de la paix doivent préciser un certain nombre d'éléments, y compris les conditions obligatoires et les autres conditions « raisonnables eu égard aux circonstances » et « nécessaires » qui sont imposées au prévenu (nouvel art. 501 du Code). Autre nouveauté, l'article 217 du projet de loi ajoute le paragraphe 503(1.1) au Code qui précise que l'agent de la paix peut réévaluer sa décision de garder en détention un individu qui a commis une infraction (sauf exception).

L'intention d'imposer les formes les moins sévères de mise en liberté se retrouve également au stade de la procédure applicable à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire. L'article 225 du projet de loi modifiant l'article 515 du Code le précise et prévoit, en ce sens, un recours limité à la caution.

L'article 235 du projet de loi modifie l'article 525 du Code qui prévoit une procédure d'examen de la détention lorsque celle-ci excède 30 jours dans le cas d'une infraction punissable par procédure sommaire, ou 90 jours dans le cas d'un acte criminel 35. Une demande en ce sens est faite à un juge par la personne ayant la garde du prévenu. L'article 235 du projet de loi apporte plusieurs modifications en vue de « simplifier » cette procédure et prévoit notamment que le prévenu peut renoncer par écrit à son droit à une audition. L'article 525 modifié du Code précise les critères dont le juge doit obligatoirement tenir compte lors de l'évaluation du caractère déraisonnable des délais de l'affaire.

2.1.5 Infractions contre l’administration de la justice

2.1.5.1 Contexte

Les infractions contre l'administration de la justice, qui se trouvent dans diverses dispositions du Code 36, se rapportent à différentes questions, dont les suivantes : le défaut d'un accusé ou d'un délinquant de respecter les conditions qui lui sont imposées; l'évasion ou le fait d'être illégalement en liberté; le défaut de comparaître en cour et le manquement aux conditions de la probation. Elles se rapportent aussi à d'autres questions, comme le fait de se présenter faussement comme un agent de la paix, le fait de tromper un agent de la paix et le parjure. Ces infractions concernent principalement la bonne administration de la justice et non une quelconque forme de dommage à une victime en particulier. Il s'agit généralement d'infractions commises à la suite d'une autre infraction commise ou alléguée. Bon nombre d'entre elles ont été créées pour assurer le bon fonctionnement d'un système permettant aux accusés de conserver leur liberté tout en veillant à ce qu'ils ne troublent pas l'ordre public par l'imposition de certaines conditions et de l'obligation de comparaître en cour pour répondre aux accusations portées contre eux.

Les infractions contre l'administration de la justice représentent une grande partie des causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle. Selon Statistique Canada, les tribunaux provinciaux de juridiction criminelle ont été saisis d'un peu plus d'un million d'infractions en 2015‑2016, et de ces infractions, un peu plus de 350 000 étaient des infractions contre l'administration de la justice; l'infraction la plus commune était le défaut de se conformer à une ordonnance (175 170 37). En 2014‑2015, les infractions contre l'administration de la justice représentaient 23 % des causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes 38. Dans le rapport Justice différée, justice refusée, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a souscrit à l'avis de nombreux témoins qui estimaient que les infractions contre l'administration de la justice encombraient inutilement les tribunaux et contribuaient ainsi à la « crise des délais 39 », et a recommandé que

la ministre de la Justice priorise la réduction du temps d'audience consacré aux infractions contre l'administration de la justice et qu'elle élabore, en collaboration avec les provinces et territoires, des solutions de rechange pour ce type d'infractions 40.
2.1.5.2 Comparutions pour manquement

L'article 234 du projet de loi ajoute l'article 523.1 au Code, qui établit une autre procédure de traitement de certaines infractions contre l'administration de la justice, notamment lorsqu'une personne a omis de se conformer à une sommation, à une citation à comparaître, à une promesse ou à une ordonnance de mise en liberté ou d'être présente au tribunal comme l'exige le tribunal. Conformément à cette nouvelle procédure, aux termes du nouvel article 496 du Code (art. 212 du projet de loi), l'agent de la paix peut décider de ne pas porter d'accusation, mais délivrer une citation à comparaître pour que la personne comparaisse devant un juge ou un juge de paix pour avoir omis de se conformer à ses obligations. Même si des accusations sont portées, un juge ou un juge de paix a le pouvoir d'envisager différentes solutions aux termes de la nouvelle procédure. Pour qu'il y ait comparution pour manquement aux termes de l'article 523.1 du Code, le procureur de la Couronne doit demander qu'une décision soit rendue aux termes de cet article et le manquement en question ne doit pas avoir causé de dommages – matériels, corporels ou moraux – ou de pertes économiques à une victime. Les comparutions pour manquement prévues au nouvel article 523.1 du Code peuvent être menées par un juge de paix ou un juge de la cour provinciale (sauf si l'accusé a été mis en liberté conformément à une ordonnance de mise en liberté provisoire prise aux termes du nouveau paragraphe 522(3) du Code (art. 232 du projet de loi), auquel cas l'affaire doit être renvoyée devant un juge de la cour supérieure d'une province). Après avoir entendu l'affaire, le juge ou le juge de paix peut :

  • ne pas agir;
  • annuler la sommation, la citation à comparaître, la promesse ou l'ordonnance de mise en liberté et selon le cas :
    • rendre une ordonnance de mise en liberté au titre de l'article 515 du Code,
    • s'il existe des motifs justifiant la détention du prévenu au titre du paragraphe 515(10) du Code, rendre une ordonnance en conséquence et énoncer les motifs pour lesquels le prévenu devrait demeurer détenu jusqu'à ce qu'il puisse être « traité selon la loi » (voir le paragraphe 515(5) du Code);
  • renvoyer le prévenu à la détention pour la prise des empreintes digitales et des photographies en application de la Loi sur l'identification des criminels.

Si le juge ou le juge de paix prend la décision d'appliquer l'une ou l'autre des mesures énoncées ci‑dessus, il doit rejeter toute accusation portée à l'égard du prévenu pour l'omission en question. Aucune accusation ne peut être portée par la suite contre le prévenu pour toute omission visée par l'audience.

2.1.6 Récusation péremptoire de jurés

2.1.6.1 Contexte

Comme le garantit l'alinéa 11f) de la Charte, lorsqu'une personne est accusée d'une infraction dont la peine maximale est un emprisonnement de cinq ans ou une peine plus grave, elle a le droit de bénéficier d'un procès avec jury. Les jurys sont composés d'un maximum de 12 citoyens canadiens. Leur rôle consiste à décider si le procureur a prouvé la culpabilité de l'accusé hors de tout doute raisonnable. Ce processus est administré séparément par chaque province et territoire. Lorsqu'une personne est appelée à faire partie d'un jury, elle doit se présenter au tribunal pour le processus de sélection. Le juge contrôle le processus de sélection des jurés conformément aux règles énoncées dans la partie XX du Code. Habituellement, le jury est constitué par tirage au sort parmi les candidats jurés présents au tribunal le jour de la sélection. Aux termes de l'article 632, un juré peut être dispensé pour divers motifs, par exemple s'il a un intérêt dans l'affaire jugée, s'il a des liens avec des parties au procès, si sa fonction de juré lui occasionnerait des inconvénients sérieux ou pour toute autre raison jugée valable. Pour leur part, le procureur de la Couronne et l'avocat de la défense peuvent contester l'inclusion de tout juré pour l'un ou l'autre des motifs énoncés à l'article 638 du Code, comme le fait que le juré n'est pas impartial ou qu'il ne parle pas la langue officielle qui est celle de l'accusé, etc. Ils peuvent par ailleurs aussi demander la récusation péremptoire de tout juré, c.‑à‑d. faire récuser un juré sans explication. L'article 634 du Code régit le nombre des récusations péremptoires autorisé, qui dépend entre autres de l'infraction en cause.

Le projet de loi C‑75 a été déposé à un moment où la réforme du processus de sélection des jurés faisait couler beaucoup d'encre à la suite du verdict d'acquittement rendu dans une affaire concernant une accusation de meurtre au deuxième degré pour le meurtre de Colten Boushie. Comme l'accusé était de race blanche, et la victime autochtone, il a été souligné à maintes reprises dans les médias que la défense avait « récusé » (c.‑à‑d. rejeté) les jurés d'apparence autochtone et que le jury finalement sélectionné était composé uniquement de personnes de race blanche 41.

Dans l'arrêt R. c. Sherratt, la Cour suprême du Canada a reconnu que les jurés doivent être impartiaux et a ajouté que la représentativité du jury est un principe constitutionnel. La Cour a précisé que les récusations péremptoires se justifient, bien qu'elles puissent « être utilisées pour changer jusqu'à un certain point la mesure dans laquelle le jury représente la collectivité ». Elle a ajouté que si les récusations motivées ont elles aussi leur raison d'être, elles « glissent toutefois dans l'illégitimité » dès lors qu'on y recourt à la seule fin « d'assurer la représentation excessive ou insuffisante d'une certaine classe sociale 42 ». Les auteurs de certaines études réclament une réforme des récusations péremptoires 43. Par exemple, il a été recommandé dans le rapport de 1991 issu de l'Enquête publique sur l'administration de la justice et les peuples autochtones au Manitoba d'abolir les récusations péremptoires et d'autoriser uniquement les récusations motivées dans la sélection des jurés 44. En 2013, l'ancien juge de la Cour suprême Frank Iacobucci a publié un rapport sur « l'insuffisante représentation des membres des Premières Nations vivant dans des réserves sur la liste des jurés en Ontario ». Il a fait un survol de l'histoire de la jurisprudence et des commissions de réforme du droit qui se sont intéressées à la sélection des jurés et a recommandé de modifier le Code afin qu'il soit « impossible d'user de récusations péremptoires pour écarter les membres des Premières Nations d'un jury de façon discriminatoire 45 ».

2.1.6.2 Les modifications

Le projet de loi C‑75 modifie diverses dispositions portant sur la constitution d'un jury. Certaines modifications sont relativement mineures et visent principalement à moderniser ou à actualiser le libellé. Par exemple, l'article 271 du projet de loi actualise l'alinéa 638(1)c) du Code afin d'autoriser une récusation motivée lorsqu'un juré a été condamné à une peine d'emprisonnement d'au moins deux ans pour une infraction à l'égard de laquelle il n'y a ni pardon ni suspension du casier. L'alinéa actuellement en vigueur fait référence à un emprisonnement de plus de 12 mois ou à une condamnation à mort (la peine de mort a été abolie en 1976).

Les modifications les plus importantes concernent les motifs pour lesquels un juré peut être récusé ou ne pas être sélectionné. Par exemple, l'article 269 du projet de loi abroge l'article 634 du Code, qui autorise les récusations péremptoires. Les modifications font en sorte que les jurés peuvent être récusés ou retirés, ou se faire demander de se tenir à l'écart uniquement pour les motifs précisés.

L'article 269 du projet de loi modifie l'article 633 du Code, qui permet actuellement à un juge d'ordonner à un juré de se « tenir à l'écart » pour toute raison valable, y compris un inconvénient personnel sérieux pour le juré. Si un juré éventuel doit se « tenir à l'écart », on lui demande d'attendre jusqu'à l'assermentation des autres jurés au cas où il serait nécessaire de le rappeler. La modification ajoute un autre motif pour lequel un juge peut ordonner une mise à l'écart, à savoir le maintien de la « confiance du public envers l'administration de la justice ». Le temps nous dira comment les tribunaux peuvent interpréter une phrase aussi générale, mais il se peut qu'elle donne aux juges la possibilité d'établir si un jury semble suffisamment représentatif ou constitué convenablement pour favoriser un verdict juste, et peut‑être même de se pencher sur la question de savoir si un préjugé racial pourrait être un facteur.

L'article 272 du projet de loi modifie l'article 640 du Code et les procédures de traitement des récusations motivées. Les dispositions actuellement en vigueur créent un processus qui, dans certains cas, peut faire en sorte que des jurés assermentés se prononcent sur le bien‑fondé d'une demande de récusation. Suivant la nouvelle procédure, seul un juge peut déterminer si les motifs de récusation sont fondés.

2.1.7 Procédure et preuve : gestion des dossiers, compétence du procureur général, exécution des mandats, langue et comparution de l'accusé, et preuve

2.1.7.1 Gestion des instances et règles de cour
2.1.7.1.1 Contexte

Comme l'a souligné la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Jordan, un élément essentiel de la lutte contre les problèmes à l'origine des délais dans le système de justice pénale consiste à provoquer un changement de culture afin que tous les intervenants du système de justice, y compris les avocats, les législateurs, les juges et les responsables de l'administration des tribunaux, accordent la priorité à la tenue de procès équitables et efficaces. La Cour suprême a souligné ceci à l'intention de la magistrature :

Les tribunaux de première instance souhaiteront peut‑être revoir leurs régimes de gestion des instances pour s'assurer que ceux‑ci fournissent aux parties les outils nécessaires pour collaborer et mener les dossiers de façon efficace. Les juges devront en outre faire des efforts raisonnables pour diriger et gérer le déroulement des procès. Les tribunaux d'appel devront appuyer ces efforts en faisant preuve de déférence à l'égard des choix des cours de première instance en matière de gestion des instances 46.

Dans le rapport Justice différée, justice refusée, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s'est exprimé en ces termes : « L'absence d'un cadre solide de gestion des instances et des dossiers par la magistrature constitue sans doute la principale cause des délais 47. » Le Comité a insisté sur le rôle important que doivent jouer les juges pour veiller à ce que le système de justice pénale soit géré efficacement. Les responsables de l'administration des tribunaux, les juges et les juges en chef accomplissent bien des tâches dans l'objectif d'assurer la bonne administration des nombreuses instances traitées dans le système. Le Comité a dit estimer que la magistrature, en raison de son indépendance, est particulièrement bien placée pour améliorer la gestion des instances, notamment par l'imposition d'échéances et le rejet de requêtes d'ajournement inutiles. Ceci étant dit, les juges doivent néanmoins interpréter les lois lorsqu'ils appliquent le droit criminel, et le gouverneur en conseil peut prendre des mesures pour assurer l'uniformité des règles de cour. Par conséquent, le Comité a recommandé que la ministre de la Justice « envisage de modifier le Code criminel pour favoriser une meilleure gestion des instances, s'il y a lieu 48».

Les tribunaux et les juges peuvent favoriser la gestion efficace des instances de différentes façons 49. L'article 482 du Code permet aux tribunaux d'établir et de publier des règles de cour dans la mesure où celles‑ci sont compatibles avec le Code ou toute autre loi fédérale. Ces règles peuvent régir les séances des juges et les plaidoyers, les pratiques et les procédures, y compris les conférences préparatoires, applicables dans les causes criminelles.

La partie XVIII.1 du Code (art. 551.1 à 551.7) permet à un juge en chef de nommer un juge responsable de la gestion de l'instance à une cause criminelle, dont le rôle consiste à favoriser la tenue d'un procès équitable et efficace et à veiller à ce que la preuve soit présentée sans interruption, dans la mesure du possible. L'article 551.3 du Code décrit les pouvoirs qu'un juge responsable de la gestion de l'instance « peut » exercer avant la présentation de la preuve. Ces pouvoirs sont les mêmes qu'aurait un juge qui préside le procès à ce stade‑là; ainsi, le juge responsable de la gestion de l'instance peut notamment :

  • aider les parties à désigner les témoins qui seront entendus et à établir les questions à trancher;
  • encourager les parties à admettre des faits et à conclure des accords;
  • établir des horaires et imposer des échéances aux parties;
  • entendre des plaidoyers de culpabilité et prononcer des peines;
  • trancher des questions concernant par exemple la communication et la recevabilité de la preuve, la Charte canadienne des droits et libertés et la séparation des chefs d'accusation.

Aux termes de l'article 551.7 du Code, il y a des facteurs particuliers à considérer lorsque la tenue d'une audience conjointe est envisagée en vue de trancher des questions dans le cadre de procès  connexes.

Les décisions du juge responsable de la gestion de l'instance lient les parties, que le juge soit le juge qui préside le procès ou non, et le juge qui préside le procès peut renvoyer des questions au juge responsable de la gestion de l'instance à tout stade du procès.

Le Code met aussi différents pouvoirs et outils à la disposition des juges afin qu'ils puissent gérer divers éléments des causes criminelles, en ce qui concerne notamment la preuve, les témoignages, les enquêtes préliminaires et les voir‑dire 50.

2.1.7.1.2 Les modifications

Le projet de loi C‑75 comporte plusieurs modifications apportées au Code qui pourraient aider les tribunaux et les juges à gérer les instances et à en assurer l'efficacité.

Les articles 186 et 187 du projet de loi éliminent l'exigence prévue aux paragraphes 482(2) et 482.1(5) du Code voulant que les règles de cour et les règles sur la gestion des instances soient établies « [s]ous réserve de l'approbation du lieutenant‑gouverneur en conseil de la province en question ». L'article 186 du projet de loi élimine aussi l'obligation de publier ces règles dans la Gazette du Canada et prévoit qu'elles doivent simplement être accessibles au public.

L'article 251 du projet de loi modifie l'article 551.3 du Code afin d'indiquer non plus que le juge responsable de la gestion de l'instance « peut exercer », à titre de juge qui préside le procès, les pouvoirs d'un tel juge, mais bien qu'il « exerce, à titre de juge qui préside le procès, les pouvoirs dévolus à un tel juge avant ce stade [celui de la présentation de la preuve sur le fond] de manière à favoriser la tenue d'un procès équitable et efficace ». Il est impossible de savoir comment les tribunaux interpréteront cette modification, mais elle semble mettre l'accent sur le fait que le juge responsable de la gestion de l'instance doit exercer les pouvoirs qui lui sont dévolus à titre de juge qui préside le procès afin d'assurer la tenue d'un procès équitable et efficace, et non pas considérer qu'il s'agit là d'une attribution facultative. Cette modification pourrait aussi servir à souligner que les juges qui président le procès et les juges des cours d'appel devraient respecter les décisions du juge responsable de la gestion de l'instance dans ces affaires.

Le projet de loi modifie aussi l'alinéa 599(1)a) du Code, qui permet à un juge de renvoyer une affaire devant le tribunal d'une autre circonscription territoriale de la même province si « la chose paraît utile aux fins de la justice ». L'article 267 du projet de loi précise à cet égard qu'un tel renvoi pour cette raison se justifie notamment pour « favoriser la tenue d'un procès équitable et efficace » ou pour assurer la sécurité des victimes et des témoins ou protéger leurs intérêts ainsi que ceux de la collectivité.

Le projet de loi C‑75 modifie aussi diverses dispositions sur l'admission de la preuve de manière à accroître l'efficacité des procédures pénales et à mettre à la disposition des juges d'autres outils favorisant la gestion efficace des instances, comme l'utilisation accrue de la vidéoconférence et des affidavits d'un policier (voir les sections 2.1.7.5 et 2.1.7.6 ci‑dessous).

2.1.7.2 Compétence du procureur général (art. 1, 2, 4, 28, 29, 179, 185 et 265 du projet de loi)

En matière criminelle, le pouvoir de poursuivre les infractions criminelles est généralement dévolu aux procureurs des provinces. Pour certaines infractions (celles qui concernent entre autres le terrorisme, le crime organisé et les produits de la criminalité et les infractions commises à l'extérieur du Canada), la compétence est partagée entre les provinces et les autorités fédérales.

Essentiellement, le projet de loi regroupe au nouvel article 2.3 du Code toutes les dispositions de compétence partagée qui sont actuellement dispersées dans le Code.

2.1.7.3 Exécution des mandats partout au Canada (art. 19, 66, 152, 180, 181, 191, 192, 195 à 197, 201, 207, 208 et 385 du projet de loi)

Traditionnellement, la juridiction territoriale constitue un aspect important du droit criminel au Canada. De façon générale, le Code exige que le mandat qui doit être exécuté dans une autre province soit visé (c.‑à‑d. que le mandat est autorisé par un juge de l'autre province par l'apposition d'un visa).

Pour accélérer le processus d'exécution, le projet de loi C‑75 prévoit que les mandats ou ordonnances suivants pourront être exécutés partout au Canada sans la nécessité de les faire viser :

  • autorisation d'écoute électronique (art. 188.1 du Code51;
  • mandat de perquisition (art. 395 et 487 du Code);
  • ordonnance de blocage (art. 462.33 du Code52;
  • mandat général (art. 487.01 du Code);
  • ordonnance d'assistance (art. 487.02 du Code);
  • mandat de prélèvement d'ADN (art. 487.05 du Code);
  • mandat de prélèvement d'empreintes corporelles (art. 487.092 du Code);
  • mandat pour un dispositif de localisation (art. 492.1 du Code);
  • mandat pour un enregistreur de données de transmission (art. 492.2 du Code);
  • mandat de perquisition relatif aux drogues (art. 11 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances).

Il faut toutefois noter que l'agent de la paix qui exécutera le mandat doit être habilité à agir à ce titre dans le lieu où celui‑ci est exécuté (par. 83.13(11) modifié).

2.1.7.4 Langue de l’accusé (art. 237 du projet de loi)

À l'heure actuelle, le moment où l'accusé peut faire le choix de subir son procès en anglais ou en français diffère selon l'infraction en cause. Le projet de loi uniformise ce moment pour tous les types d'infractions, soit le moment de la comparution de l'accusé au cours de laquelle la date du procès est fixée (nouveaux par. 530(1) et 530(2) du Code).

2.1.7.5 Présence à distance de l'accusé, des témoins et autres personnes (art. 41, 188, 198, 199, 203, 216, 242, 274, 275, 277, 281, 283, 285, 290 et 292 du projet de loi)

Le Code permet actuellement au tribunal d'entendre l'accusé, les témoins et le poursuivant à distance « au moyen d'un instrument qui retransmet sur le vif » l'image et la voix ou encore par « tout autre moyen leur permettant de se voir et de communiquer simultanément ». Cette formulation remonte à des modifications faites en 1999 et 2007 respectivement.

Le projet de loi C‑75 modernise ces formulations en les remplaçant par « vidéoconférence » dans la majorité des cas, et par « audioconférence » dans d'autres cas, et ajoute la définition de ces deux termes à l'article 2 du Code.

L'article 292 du projet de loi crée également une nouvelle partie dans le Code entièrement consacrée à cette question (Partie XXII.01, « Présence à distance de certaines personnes », art. 715.21 à 715.26 du Code). Le but de ces nouveaux articles est d'assurer la tenue d'audiences équitables et efficaces tout en améliorant l'accès à la justice (nouvel art. 715.22 du Code).

La nouvelle partie XXII.01 commence par établir que la comparution en personne est la règle générale en matière criminelle (nouvel art. 715.21). Toutefois, le Code permet le recours à la vidéoconférence et à l'audioconférence. La partie XXII.01 énonce donc les règles générales permettant à l'accusé, au juge et aux participants de comparaître ou de participer aux procédures à distance. La déposition à distance des témoins relève des articles 714.1 à 714.8 du Code (modifiés par l'art. 290 du projet de loi).

Dans sa décision d'autoriser l'utilisation de ces moyens de télécommunication dans le cadre des procédures, le juge doit prendre en considération certains facteurs énumérés, notamment les suivants (nouveaux art. 715.23, 715.25 et 715.26) :

  • le lieu où se trouve la personne;
  • la nature de la déposition;
  • les coûts qu'entraînerait la comparution en personne de l'intéressé;
  • la nature et la gravité de l'infraction;
  • le droit de l'accusé à un procès public et équitable.

Ce dernier facteur fera probablement l'objet du plus grand nombre de débats devant les tribunaux, car on voudra veiller à ce que les droits de l'accusé de contre‑interroger les témoins et de communiquer avec son avocat soient préservés.

Si l'accusé se trouve en prison et n'a pas accès à des conseils juridiques, le tribunal devra être convaincu que l'accusé comprend la nature de la procédure et que ses décisions sont volontaires (nouvel art. 715.24).

Le projet de loi prévoit des règles ailleurs dans le Code qui encadrent spécifiquement l'utilisation de la vidéoconférence pour certaines procédures – la tenue d'une audience relative à une ordonnance de prélèvement d'ADN d'un contrevenant (art 198 et 199 du projet de loi), la comparution (art. 216 du projet de loi), le procès (art 274 et 275 du projet de loi) et l'appel (art. 281 du projet de loi).

2.1.7.6 Recevabilité au moyen d’un affidavit d’éléments de preuve de routine présentés par la police (ancien art. 278 et art. 291 du projet de loi)

S'il n'avait pas été supprimé du projet de loi à la suite d'amendements adoptés par la Chambre des communes, l'ancien article 278 du projet de loi aurait ajouté le nouvel article 657.01 au Code afin de permettre « qu'un élément de preuve de routine, autrement admissible par témoignage, soit reçu en preuve au moyen d'un affidavit ou d'une déclaration solennelle d'un policier ». Le terme « élément de preuve de routine » était défini au nouveau paragraphe 657.01(7) du Code. Si elle n'avait pas été supprimée, cette nouvelle disposition aurait permis au juge d'exiger (sur demande ou de sa propre initiative) la comparution du policier en cour pour qu'il soit interrogé ou contre‑interrogé.

L'article 291 du projet de loi ajoute l'article 715.01 au Code afin de permettre la recevabilité en preuve de la transcription d'un témoignage fourni par un policier, en présence de l'accusé, dans le cadre d'un voir‑dire ou lors de l'enquête préliminaire. Le juge pourra exiger la comparution du policier en cour pour qu'il soit interrogé ou contre‑interrogé.

2.1.8 Suramende compensatoire

Dans sa version en première lecture, le projet de loi C-75 reprenait les modifications proposées au régime actuel des suramendes compensatoires prévues dans le projet de loi C-28, Loi modifiant le Code criminel (suramende compensatoire) 53. Toutefois, entre le dépôt du projet de loi C-75, le 29 mars 2018, et la date de la sanction royale, le 21 juin 2019, la Cour suprême du Canada a rendu, le 14 décembre 2018, sa décision dans l’affaire R. c. Boudreault 54. Dans cette décision, la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnel le régime actuel des suramendes compensatoires, ce qui a entraîné la nécessité de modifier les amendements proposés afin de rendre le régime des suramendes compensatoires conforme à cette décision 55.

La suramende compensatoire constitue un montant que le tribunal ordonne au contrevenant de verser au moment où la sentence est rendue. Ce montant s'ajoute automatiquement à toute autre peine infligée par le tribunal, que le contrevenant soit absous (aux termes de l'art. 730 du Code) ou condamné à l'égard d'une infraction prévue par le Code ou par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Le projet de loi modifie comme suit les dispositions du Code portant sur la suramende compensatoire :

  • Il redonne au tribunal le pouvoir discrétionnaire d’exempter un contrevenant du paiement d’une suramende compensatoire ou d’ordonner que le montant soit réduit lorsqu’il est convaincu qu’un tel paiement causerait un préjudice injustifié au contrevenant (tel que ce type de préjudice est défini au nouveau par. 737(2.2) du Code) ou que la suramende ne serait pas proportionnelle au degré de responsabilité du contrevenant ou à la gravité de l’infraction (nouveau par. 737(2.1) du Code).
  • Il exige que le tribunal motive sa décision lorsqu’il exerce son pouvoir d’accorder une exception relativement à une suramende compensatoire (nouveau par. 737(2.4)).

2.1.9 Dispositions inconstitutionnelles

Plusieurs articles du projet de loi C‑75 reprennent les modifications proposées dans le projet de loi C‑39, Loi modifiant le Code criminel (dispositions inconstitutionnelles) et d'autres lois en conséquence 56, qui lui‑même reprenait les modifications proposées dans le projet de loi C‑32, Loi relative à l'abrogation de l'article 159 du Code criminel 57. Le tableau 3 est une table de concordance permettant de situer les dispositions en question dans les trois projets de loi .

Tableau 3 – Table de concordance, projets de loi C‑75, C‑39 et C‑32
Projet de loi C‑75 Projet de loi C‑39 Projet de loi C‑32
Modification du Code criminel
Par. 4(2) Art. 1 Art. 2
Art. 51 Art. 2 Art. 3
Art. 53 Art. 3 Art. 4
Art. 54 Art. 4 Art. 1
Art. 55 Art. 5 Art. 5
Art. 60 Art. 6  
Art. 62 Art. 7  
Art. 77 et 78 Art. 8 et 9  
Art. 89 Art. 10  
Art. 98 à 102 Art. 11 à 15 Art. 6 à 10
Art. 111 Art. 16  
Art. 189 et 190 Art. 17 et 18 Art. 11 et 12
Art. 202 Art. 19  
Art. 295* Art. 20  
Art. 320 Art. 21 Art. 13
Modification de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
Art. 394 et 395 Art. 22 et 23 Art. 14 et 15
Modification de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents
Art. 383 Art. 24 Art. 16

Note :  *  L'article 295 du projet de loi C‑75 ne reprend pas le même libellé que celui proposé à l'article 20 du projet de loi C‑39, mais plutôt celui proposé à l'article 66 du projet de loi C‑51.

Source : Tableau préparé par les auteurs à partir d’informations tirées des projets de loi.

Ces dispositions modifient le Code afin d'en supprimer certains passages et d'abroger certaines dispositions déclarés inconstitutionnels par la Cour suprême du Canada, ainsi qu'une disposition jugée inconstitutionnelle par quatre cours d'appel provinciales. Le projet de loi apporte aussi des modifications corrélatives à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et à la LSJPA.

Ainsi, le projet de loi C‑75 abroge ou modifie les dispositions suivantes du Code :

  • l'article 159 (relations sexuelles anales), qui a été déclaré inconstitutionnel dans les affaires R. v. C.M. 58, en 1995, et R. c. Roy 59, en 1998;
  • l'alinéa 179(1)b) (vagabondage), qui a été déclaré inconstitutionnel dans l'affaire R. c. Heywood 60, en 1994 – par suite d'un amendement adopté par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, l'article 179 dans son ensemble est abrogé;
  • l'article 181 (diffusion de fausses nouvelles), qui a été déclaré inconstitutionnel dans l'affaire R. c. Zundel 61, en 1992;
  • l'alinéa 229c) (causer la mort pour une fin illégale), qui a été déclaré inconstitutionnel dans l'affaire R. c. Martineau 62, en 1990;
  • l'article 230 (infraction accompagnée d'un meurtre), qui a été déclaré inconstitutionnel dans l'affaire R. c. Martineau;
  • les alinéas 258(1)c) et 258(1)d) (présomptions d'exactitude et d'identité en ce qui concerne les échantillons d'haleine et de sang dans les affaires de conduite avec facultés affaiblies), qui ont été jugés en partie inconstitutionnels dans l'affaire R. c. St‑Onge Lamoureux 63, en 2012;
  • l'article 287 (avortement), qui a été déclaré inconstitutionnel dans l'affaire R. c. Morgentaler 64, en 1988;
  • le paragraphe 719(3.1) (réduction de la peine pour le temps passé en détention avant le prononcé de la sentence), qui a été jugé en partie inconstitutionnel dans l'affaire R. c. Safarzadeh‑Markhali 65, en 2016.

Ce projet de loi est nécessaire, car il ne suffit pas pour les tribunaux de déclarer qu'une mesure législative va à l'encontre de la Charte pour l'éliminer des recueils de lois; seule une loi du Parlement peut modifier ou abroger une loi fédérale. L'un des fondements de la primauté du droit exige que les lois soient claires, stables et rendues publiques 66. Les citoyens doivent avoir l'assurance que les dispositions contenues dans le Code, dans sa version imprimée ou en ligne, sont à jour et valides.

2.2 Modification de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (art. 361 à 384 du projet de loi)

2.2.1 Infractions contre l’administration de la justice (art. 361 à 363 et 372 du projet de loi)

Les articles 4 à 12 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents prévoient les mesures que les policiers et procureurs de la Couronne peuvent prendre au lieu d'engager des poursuites judiciaires. Ces mesures extrajudiciaires peuvent consister à ne prendre aucune mesure, à donner un avertissement ou une mise en garde formelle, ou à renvoyer l'adolescent à un programme communautaire ou à un programme de sanctions extrajudiciaire.

Ainsi, aux termes de la LSJPA, si l'adolescent fautif a commis une infraction sans violence et n'a jamais été déclaré coupable d'une infraction auparavant, il est présumé que la prise de mesures extrajudiciaires suffit pour le faire répondre de ses actes.

Le projet de loi C‑75 va plus loin dans le cas des infractions contre l'administration de la justice. En effet, dans le cas d'un adolescent qui a commis une infraction à l'article 137 de la LSJPA (défaut de se conformer à une peine ou décision) ou une infraction à l'article 496 du Code (manquement à une sommation, citation, promesse ou ordonnance), le recours à une mesure extrajudiciaire est réputé suffire, sauf exception (nouvel art. 4.1 de la LSJPA).

Par ailleurs, dans le cas où des accusations sont retirées, rejetées ou suspendues à l'égard des infractions principales, le procureur général doit décider s'il y a lieu de continuer la poursuite à l'égard des accusations pendantes d'infractions contre l'administration de la justice (c.‑à‑d. les accusations déposées en vertu des par. 145(2) à 145(5) du Code (nouvel art. 24.1 de la LSJPA)).

Finalement, le projet de loi limite les circonstances dans lesquelles un placement sous garde (c.-à-d. une peine de détention) peut être imposé à l'égard d'une infraction contre l'administration de la justice. En effet, on rajoute l'exigence qu'en commettant l'infraction en cause, l'adolescent doit avoir porté atteinte ou présenté un risque d'atteinte à la sécurité du public (nouvel al. 39(1)b) de la LSJPA).

2.2.2 Facteurs à prendre en compte dans l’imposition de conditions (art. 368, 371 et 373 à 375 du projet de loi)

Le projet de loi précise que le juge qui assortit de certaines conditions (par exemple, ne pas communiquer avec une telle personne ou ne pas consommer d'alcool ou de drogue) la mise en liberté provisoire ou l'imposition d'une peine spécifique à un adolescent doit prendre en compte certains facteurs, notamment, le fait que l'adolescent pourra raisonnablement se conformer à la condition imposée (nouvel al. 29(1)c) et nouveau sous‑al. 38(2)e.1)(ii) de la LSJPA).

Dans le cas d'une peine spécifique pour adolescent, la condition devra également favoriser la réadaptation et la réinsertion sociale de l'adolescent ainsi que la protection durable du public (nouveau sous‑al. 38(2)e.1)(i) de la LSJPA).

2.2.3 Peine applicable aux adultes (art. 376 du projet de loi)

En 2012, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés 67 a imposé au procureur général l'obligation de déterminer s'il y a lieu de présenter une demande d'assujettissement à la peine applicable aux adultes à l'égard d'un adolescent si celui‑ci a commis une « infraction grave avec violence » et avait 14 ans ou plus au moment où il l'a commise (art. 64(1.1) de la LSJPA). L'article 376 du projet de loi C‑75 supprime cette obligation.

2.2.4 Publication du nom des adolescents (art. 377 et 379 du projet de loi)

La Loi sur la sécurité des rues et des communautés avait également renversé le fardeau de la preuve (de l'adolescent vers le procureur général) pour ce qui est de l'interdiction de publication. Ainsi, c'est au procureur général qu'il incombe de convaincre le tribunal que l'ordonnance est indiquée lorsque l'adolescent a fait l'objet d'une demande d'assujettissement à la peine applicable aux adultes pour certaines infractions (art. 75 de la LSJPA).

Les articles 377 et 379 du projet de loi C‑75 suppriment la possibilité de lever l'interdiction de publication dans ce cas.

2.3 Modification de la Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes) (art. 386 du projet de loi)

L'article 386 du projet de loi C‑75 reprend les modifications proposées dans le projet de loi C‑38, Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes) 68. Le projet de loi C‑75 met ainsi en œuvre la plupart des dispositions contenues dans l'ancien projet de loi C‑452, Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes), un projet de loi d'initiative parlementaire déposé à la Chambre des communes le 16 octobre 2012 par la députée Maria Mourani. Le projet de loi C‑452 a reçu la sanction royale en juin 2015 et a été édicté sous le titre Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes) 69, mais cette loi n'est pas encore entrée en vigueur.

Dans le but de renforcer les dispositions du Code portant sur la traite de personnes, le projet de loi C‑75 met en vigueur (à différentes dates) les dispositions de l'ancien projet de loi C‑452 qui viennent :

  • créer une présomption relative à l'exploitation d'une personne par une autre, afin d'alléger le fardeau de la preuve pour les procureurs (entrera en vigueur à la date de la sanction royale du projet de loi C‑75);
  • ajouter la traite de personnes à la liste des infractions soumises à la confiscation des produits de la criminalité avec inversion de la charge de la preuve (entrera en vigueur à la date de la sanction royale du projet de loi C‑75);
  • créer un régime de peines consécutives (entrera en vigueur à la date fixée par décret).

2.4 Entrée en vigueur (art. 405 à 407 du projet de loi)

Le projet de loi prévoit quatre dates d'entrée en vigueur : au moment de la sanction royale du projet de loi, ainsi que le 30e, le 90e et le 180e jour suivant la sanction royale. Le tableau 4 présente ces différentes dates d'entrée en vigueur.

Tableau 4 – Dates d’entrée en vigueur
Date d’entrée en vigueur Dispositions
Lors de la sanction royale Le paragraphe 4(2), les articles 51, 53, 54, le paragraphe 55(1), les articles 60, 62, 63.1, 69.1, 69.2, 73, 77, 78, 89, 98 à 102, 111, 189, 190, 202, 251.1, 320, 354 à 360.1, 383, 384, 386, 394 et 395
Le 30e jour suivant la sanction royale Les articles 278, 301, 314
Le 90e jour suivant la sanction royale Les paragraphes 1(1) et (2), les articles 2 et 3, le paragraphe 4(1), les articles 6 à 23, 25 à 29, 33 à 46, 48 à 50 et 52, le paragraphe 55(2), les articles 56 à 59, 61, 63, 64 à 69, 70 à 72, 74 à 76, 79 à 88, 90 et 92 à 97, 103 à 110 et 112 à 156, le paragraphe 157(1), les articles 158 à 181 et 183 à 186, le paragraphe 187(2), les articles 188, 191 à 201, 203 à 208 et 216, le paragraphe 225(2), les articles 237 à 244, les paragraphes 245(1) à 245(3), les articles 246, 247, 250, 251, 252 et 253, les paragraphes 254(1), 254(4) et 254(5) et 255(1), 255(2), 255(4) et 255(5), les articles 256 à 259, le paragraphe 260(1), les articles 261 à 263, 265, 267 à 275 et 277, les paragraphes 281(1) et 281(2), les articles 282 à 286, 289 à 294, 298, 299, 302, 305 à 307, 315 à 319, 321, 322 et 329 à 333, les paragraphes 334(1) et 334(2) et 336(1), les articles 338 à 344, le paragraphe 345(1), les articles 346 et 347, les paragraphes 348(1) et 348(2) et 349(1) et 349(2), les articles 350 à 353, le paragraphe 370(1) et les articles 376 à 379, 382 et 385, le paragraphe 388(1) et les articles 399 et 400.1
Le 180e jour suivant la sanction royale Le paragraphe 1(3), les articles 5, 24, 30 à 32, 47 et 91, le paragraphe 157(2), l’article 182, le paragraphe 187(1), les articles 209 à 215, les articles 217 à 224, les paragraphes 225(1) et 225(3) à 225(7), les articles 226 à 236, le paragraphe 245(4), les articles 248 et 249, les paragraphes 254(2) et 254(3), 255(3) et 260(2), les articles 264, 266, 276, 279 et 280, les paragraphes 281(3) et 281(4), les articles 287, 288, 295, 296, 297, 300, 303, 304, 308 à 313 et 323 à 328, le paragraphe 334(3), l’article 335, le paragraphe 336(2), l’article 337, les paragraphes 345(2), 348(3) et 349(3), les articles 361 à 369, le paragraphe 370(2) et les articles 371 à 375, 380, 381 et 387, le paragraphe 388(2) et les articles 389 à 393, 396 à 398 et 400.

Source : Tableau préparé par les auteurs à partir d’informations tirées du projet de loi C‑75.


Notes

*  Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur.Retour au texte ]

  1. Projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d'autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, 1re session, 42e législature (L.C. 2019, ch. 25). [ Retour au texte ]
  2. Chambre des communes, Comité permanent de la justice et des droits de la personne, Vingt-deuxième rapport, 29 octobre 2018. [ Retour au texte ]
  3. Chambre des communes, Débats, 1re session, 42e législature, 20 novembre 2018. [ Retour au texte ]
  4. Sénat, Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (LCJC), Trente-deuxième rapport, 4 juin 2019. [ Retour au texte ]
  5. Chambre des communes, Débats, 1re session, 42e législature, 17 juin 2019, 2150. [ Retour au texte ]
  6. Ministère de la Justice, Énoncé concernant la Charte – Projet de loi C-75 : Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d'autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, 29 mars 2018. [ Retour au texte ]
  7. R. c. Jordan, 2016 CSC 27; R. c. Cody, 2017 CSC 31. Pour plus de détails, voir Maxime Charron-Tousignant, Délais déraisonnables lors des procès criminels : les suites de l'arrêt Jordan, Notes de la Colline, Bibliothèque du Parlement, 11 décembre 2017; et Maxime Charron-Tousignant, Délais déraisonnables lors des procès criminels : un nouveau cadre d'analyse, Notes de la Colline, Bibliothèque du Parlement, 17 août 2016. [ Retour au texte ]
  8. LCJC, Justice différée, justice refusée : L'urgence de réduire les longs délais dans le système judiciaire au Canada pdf (6,58 Mo, 235 pages), rapport final, juin 2017. [ Retour au texte ]
  9. Ministère de la Justice Canada, Le Canada dépose un projet de loi pour moderniser le système de justice pénale et pour réduire les délais judiciaires, communiqué, 29 mars 2018. [ Retour au texte ]
  10. Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1. [ Retour au texte ]
  11. Ministère de la Justice (2018), Énoncé concernant la Charte. [ Retour au texte ]
  12. Pour en savoir plus, voir la section 2.1.8 du présent résumé législatif. [ Retour au texte ]
  13. Les nouveaux articles 69.1 et 69.2, ainsi que l'art. 73 modifié du projet de loi C‑75 (et dans une moindre mesure, le nouvel art. 63.1 et les art. 102, 190 et 251 modifiés du projet de loi C-75) abrogent ou modifient les dispositions et les infractions relativement aux maisons de débauche que l'on retrouve principalement au par. 197(1) et aux art. 210 et 211 du Code. Au fil des décennies, ces infractions ont été restreintes de plus en plus, notamment depuis que les décisions R. c. Labaye, 2005 CSC 80 et Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72 ont été rendues. [ Retour au texte ]
  14. R. c. Hynes, 2001 CSC 82, par. 30. [ Retour au texte ]
  15. Ashley Maxwell, « Temps de traitement des tribunaux de juridiction criminelle pour adultes au Canada, 2015-2016 », Juristat, no 85-002-X au catalogue, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada, 13 février 2018. Il est important de noter la limite de ces statistiques, comme l'indique Maxwell à la note 5 :
    À l'heure actuelle, les données de l'Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle ne permettent pas de faire de distinction entre les enquêtes préliminaires demandées et tenues et celles qui peuvent être demandées, sans toutefois être tenues. Par exemple, il se peut au départ qu'un accusé comparaisse à une enquête préliminaire, mais qu'il décide de plaider coupable avant que l'enquête préliminaire ne se déroule.
    Il est également indiqué (à la note 19) que le nombre d'enquêtes préliminaires pourrait être sous-estimé dans les provinces et territoires qui ne déclarent pas les données des cours supérieures (Île-du-Prince-Édouard, Ontario, Manitoba, Saskatchewan, Nunavut). [ Retour au texte ]
  16. R. c. Jordan, par. 140. [ Retour au texte ]
  17. Ministère de la Justice, Réduire les délais et moderniser le système de justice pénale. [ Retour au texte ]
  18. LCJC (2017), recommandation prioritaire 11, p. 9; et Ibid., recommandation 7, p. 55. [ Retour au texte ]
  19. Loi de 2001 modifiant le droit criminel, L.C. 2002, ch. 13. [ Retour au texte ]
  20. Pour plus détails, voir Ministère de la Justice, Les lois sur la violence familiale. [ Retour au texte ]
  21. Ibid. [ Retour au texte ]
  22. Voir « Section 3 : Affaires de violence entre partenaires intimes déclarées par la police », dans Marta Burczycka et Shana Conroy, « La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2016 », Juristat, no 85-002-X au catalogue, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada, 17 janvier 2018. [ Retour au texte ]
  23. À noter que les notions « d'époux » et de « conjoint de fait » au sous-alinéa 718.2a)(ii) (circonstance aggravante) avaient été élargies par certains tribunaux afin d'inclure dans certains cas les ex-époux et anciens conjoints de fait (Cook c. R., 2009 QCCA 2423, par. 74 à 85 [disponible en anglais seulement]; R. v. Pakoo, 2004 MBCA 157, [disponible en anglais seulement]; et R. v. Denkers, 1994 CanLII 2660 (ON CA) [disponible en anglais seulement]) et les partenaires intimes en l'absence de cohabitation (R. v. McLeod, 2003 CanLII 4393 (ON CA), par. 12 à 17 [disponible en anglais seulement]). [ Retour au texte ]
  24. Chambre des communes (17 juin 2019), 2205; Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, vol. 1b, Ottawa, 2019; et R. c. Barton, 2019 CSC 33. [ Retour au texte ]
  25. Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11. [ Retour au texte ]
  26. Code criminel, par. 503(2). [ Retour au texte ]
  27. Code criminel, par. 515(6) et 515(11) et art. 522. La Cour suprême s'est penchée sur la constitutionnalité de la disposition prévoyant l'inversion du fardeau de la preuve en ce qui concerne le trafic de drogues dans l'arrêt R. c. Pearson, [1992] 3 RCS 665. [ Retour au texte ]
  28. Selon la distribution des pouvoirs législatifs prévue dans la Constitution du Canada, la compétence de la législature fédérale s'étend à « [l]a loi criminelle, sauf la constitution des tribunaux de juridiction criminelle, mais y compris la procédure en matière criminelle », et la compétence des législatures provinciales s'étend à « [l]'administration de la justice dans la province, y compris la création, le maintien et l'organisation de tribunaux de justice pour la province, ayant juridiction civile et criminelle, y compris la procédure en matières civiles dans ces tribunaux ». Voir Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, ch. 3 (R.-U.), par. 91(27) et 92(14). [ Retour au texte ]
  29. Ces sept provinces et territoires (et la proportion d'adultes en détention provisoire qui y sont dénombrés par rapport à la population carcérale totale) sont les suivants : Alberta (70 %), Ontario (67 %), Manitoba (66 %), Yukon (62 %), Colombie‑Britannique (61 %), Nouvelle-Écosse (58 %) et Territoires du Nord-Ouest (51 %). Voir Julie Reitano, « Statistiques sur les services correctionnels pour adultes au Canada, 2015-2016 », Juristat, no 85-002-X au catalogue, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada. [ Retour au texte ]
  30. Voir, par exemple, Abby Deshman et Nicole Myers, Set Up to Fail: Bail and the Revolving Door of Pre‑trial Detention pdf (1,12 Mo, 117 pages), Association canadienne des libertés civiles et le Fidéicommis canadien d'éducation en libertés civiles, juillet 2014 [disponible en anglais seulement]; et Loi sur la réforme du cautionnement, L.C. 1970-71-72, ch. 37. [ Retour au texte ]
  31. Cheryl Marie Webster, Lacunes relatives à la mise en liberté sous caution au Canada : comment y remédier? pdf (255 Ko, 26 pages), Ministère de la Justice du Canada, Division de la recherche et de la statistique, juin 2015, p. 6. [ Retour au texte ]
  32. Ibid., p. 12. [ Retour au texte ]
  33. LCJC (2017), recommandation 31, p. 153. [ Retour au texte ]
  34. Ministère de la Justice (2018), Énoncé concernant la Charte. [ Retour au texte ]
  35. À noter que l'interprétation de cette disposition fait l'objet d'un appel à la Cour suprême du Canada dans l'affaire Corey Lee James Myers c. Sa Majesté la Reine, CSC, no 37869, entendue le 18 octobre 2018 et présentement en délibéré. [ Retour au texte ]
  36. Pour obtenir une liste des infractions contre l'administration de la justice en vertu du Code criminel qui sont prises en compte dans la Déclaration uniforme de la criminalité et l'Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle, voir Marta Burczycka et Christopher Munch, «  Tendances des infractions contre l'administration de la justice », Juristat, no 85-002-X au catalogue, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada, 15 octobre 2015, annexes 1 et 2. [ Retour au texte ]
  37. Ashley Maxwell (2018), « Tableau 6 – Accusations réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes, cours provinciales, selon le type d'infraction et la décision, Canada, 2015-2016 ». [ Retour au texte ]
  38. Ashley Maxwell, «  Statistiques sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes au Canada, 2014-2015 pdf (923 Ko, 23 pages) », Juristat, no 85-002-X au catalogue, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada, 21 février 2017, p. 6. [ Retour au texte ]
  39. LCJC (2017), p. 1 et 2. [ Retour au texte ]
  40. Ibid., recommandation prioritaire 6, p. 7; et Ibid., recommandation 33, p. 157. [ Retour au texte ]
  41. Voir, par exemple, « The problems with jury selection, explained », Maclean's, reportage vidéo; Geordon Omand, « Les proches du jeune Colten Boushie rencontrent des ministres à Ottawa », Le Devoir [Montréal], 6 mars 2018; Joe Friesen, « Government proposes changes to jury-selection process after the Colten Boushie case », Globe and Mail, 29 mars 2018; The Canadian Press, «  After all-white jury acquits farmer who shot Colten Boushie, Liberals expected to overhaul selection system », National Post, reportage video, 29 mars 2018; Chris Purdy, The Canadian Press, « Gerald Stanley acquittal : What are peremptory challenges and why are they so controversial? », National Post, 9 février 2018; et Bill Graveland, La Presse Canadienne, «  Meurtre d'un jeune autochtone : le verdict de non‑culpabilité fait réagir », La Presse.ca, 10 février 2018. [ Retour au texte ]
  42. R. c. Sherratt, [1991] 1 R.C.S. 509. [ Retour au texte ]
  43. Outre celles qui sont mentionnées dans le texte, voir aussi Commission de réforme du droit du Canada, Le jury en droit pénal, document de travail 27, Ottawa, 1980. [ Retour au texte ]
  44. Gouvernement du Manitoba, « Chapter 9 – Juries », dans The Justice System and Aboriginal People, rapport de l'Enquête publique sur l'administration de la justice et les peuples autochtones au Manitoba, 1991 [disponible en anglais seulement]. [ Retour au texte ]
  45. Frank Iacobucci, La représentation des Premières Nations sur la liste des jurés en Ontario, Rapport de l'examen indépendant des Premières Nations sur la liste des jurés en Ontario, février 2013, recommandation 15. [ Retour au texte ]
  46. R. c. Jordan, par. 139. [ Retour au texte ]
  47. LCJC (2017), p. 6. [ Retour au texte ]
  48. Ibid., recommandation 13, p. 93. [ Retour au texte ]
  49. Pour obtenir de plus amples renseignements, voir Ministère de la Justice, « Principes directeurs d'une gestion efficace des dossiers », L'efficacité et l'accès en matière de justice. [ Retour au texte ]
  50. Un « voir-dire » peut être décrit comme un procès dans un procès. Il s'agit d'une audience menée en l'absence du jury qui vise à déterminer l'admissibilité de la preuve ou la compétence d'un témoin ou d'un juré. Voir, par exemple, Erven c. La Reine, [1979] 1 R.C.S. 926. [ Retour au texte ]
  51. À l'heure actuelle, une autorisation d'écoute électronique est valide partout au Canada, sauf si son exécution nécessite de pénétrer physiquement dans une propriété située dans une autre province. Dans ce cas, l'autorisation doit être confirmée. Le projet de loi C‑75 supprime l'obligation d'obtenir la confirmation de l'autorisation dans pareil cas. Ainsi, après l'adoption du projet de loi, une autorisation d'écoute électronique sera valide partout au Canada dans tous les cas. [ Retour au texte ]
  52. À l'heure actuelle, une ordonnance de blocage est valide partout au Canada, sauf si son exécution nécessite de pénétrer physiquement dans une propriété située dans une autre province. Dans ce cas, l'ordonnance doit être confirmée. Le projet de loi C-75 supprime l'obligation d'obtenir la confirmation du mandat dans pareil cas. Ainsi, après l'adoption du projet de loi, une ordonnance de blocage sera valide partout au Canada dans tous les cas. [ Retour au texte ]
  53. Projet de loi C-28, Loi modifiant le Code criminel (suramende compensatoire), 1re session, 42e législature. Pour plus d'information, voir Tanya Dupuis, Résumé législatif du projet de loi C-28 : Loi modifiant le Code criminel (suramende compensatoire), publication no 42-1-C28-F, Ottawa, Service d'information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 25 juillet 2017. [ Retour au texte ]
  54. R. c. Boudreault, 2018 CSC 58. [ Retour au texte ]
  55. Pour en savoir plus au sujet des amendements proposés par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, voir LCJC (4 juin 2019), paragr. 8. [ Retour au texte ]
  56. Projet de loi C-39, Loi modifiant le Code criminel (dispositions inconstitutionnelles) et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, 1re session, 42e législature. Pour plus d'information, voir Maxime Charron-Tousignant, Robin MacKay et Julia Nicol, Résumé législatif du projet de loi C-39 : Loi modifiant le Code criminel (dispositions inconstitutionnelles) et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, publication no 42-1-C39-F, Ottawa, Service d'information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 5 juin 2017. [ Retour au texte ]
  57. Projet de loi C-32, Loi relative à l'abrogation de l'article 159 du Code criminel, 1re session, 42e législature. Pour plus d'information, voir Julia Nicol, Résumé législatif du projet de loi C-32 : Loi relative à l'abrogation de l'article 159 du Code criminel, publication no 42-1-C32-F, Ottawa, Service d'information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 11 janvier 2017. [ Retour au texte ]
  58. R. v. C.M.,1995 CanLII 8924 (ON CA) [disponible en anglais seulement]. [ Retour au texte ]
  59. R. c. Roy, 1998 CanLII 12775 (QC CA). [ Retour au texte ]
  60. R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761. [ Retour au texte ]
  61. R. c. Zundel, [1992] 2 R.C.S. 731. [ Retour au texte ]
  62. R. c. Martineau, [1990] 2 R.C.S. 633. [ Retour au texte ]
  63. R. c. St‑Onge Lamoureux, 2012 CSC 57. [ Retour au texte ]
  64. R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30. [ Retour au texte ]
  65. R. c. Safarzadeh-Markhali, 2016 CSC 14. [ Retour au texte ]
  66. World Justice Project, What is the Rule of Law? [disponible en anglais seulement]. [ Retour au texte ]
  67. Loi sur la sécurité des rues et des communautés, L.C. 2012, ch. 1. [ Retour au texte ]
  68. Projet de loi C-38, Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes), 1re session, 42e législature. Pour plus d'information, voir Laura Barnett, Résumé législatif du projet de loi C-38 : Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes), publication no 42-1-C38-F, Ottawa, Service d'information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 1er mars 2017. [ Retour au texte ]
  69. Loi modifiant le Code criminel (exploitation et traite de personnes), L.C. 2015, ch. 16. [ Retour au texte ]

 


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