Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le 6 novembre 2018, devant la Chambre des communes, l’honorable Jean‑Yves Duclos, ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, a déposé le projet de loi C‑87, Loi concernant la réduction de la pauvreté (titre abrégé : « Loi sur la réduction de la pauvreté ») 1.
Ce projet de loi édicte la Loi sur la réduction de la pauvreté (la Loi), laquelle prévoit des cibles à atteindre d’ici 2020 et 2030 en matière de réduction de la pauvreté, établit un seuil officiel de la pauvreté au Canada ainsi que d’autres outils pour mesurer la pauvreté, et constitue le Conseil consultatif national sur la pauvreté.
Statistique Canada publie des statistiques concernant trois différents seuils ou « lignes » de faible revenu. Il s’agit des seuils de faible revenu (SFR), des mesures de faible revenu (MFR) et de la mesure du panier de consommation (MPC). Statistique Canada souligne de manière claire et constante que les lignes de faible revenu ne sont pas des mesures de pauvreté 2.
À l’aide des données de 1992 sur les dépenses des familles, les SFR permettent d’établir les « niveaux de revenu auxquels on s’attend à ce que ces familles ou personnes dépensent 20 points de pourcentage de plus de leur revenu que la moyenne pour l’alimentation, le logement et l’habillement3 ». Ils sont calculés selon deux notions relatives au revenu, à savoir les seuils avant impôt et les seuils après impôt, et chaque type de seuil comporte 35 seuils qui varient en fonction de la taille des ménages et des communautés. Il convient de préciser que les SFR ont été, pour les années subséquentes, ajustés à l’aide de l’Indice des prix à la consommation.
C’est en 1991 que les MFR ont été publiées pour la première fois, alors que d’autres pays avaient déjà mis en place de telles mesures, en se fondant sur un ménage dont le revenu était inférieur à la moitié du revenu médian au pays 4. Ces mesures s’appuient sur le revenu avant impôt et après impôt ainsi que sur le revenu du marché uniquement, et ne varient pas en fonction de la taille des ménages ou des communautés.
Conçue par Emploi et Développement social Canada (EDSC), la MPC est basée « sur le coût d’un panier de biens et de services correspondant à un niveau de vie de base5 », lequel est ensuite statistiquement ajusté en fonction de différentes formations de ménages. Les calculs sont réalisés pour 19 communautés précises et 31 combinaisons de province et taille de centre de population. La MPC permet, au moment de calculer le revenu disponible, de déduire du revenu certaines dépenses « non discrétionnaires » en fonction de ce panier précis et d’une famille économique de deux adultes et deux enfants, par exemple les charges sociales assumées par les particuliers, les dépenses non remboursées consacrées à la garde des enfants ainsi que les dépenses consacrées aux soins de santé prescrits, mais non assurés.
Les SFR et les MFR sont des mesures « relatives », tandis que la MPC en est une « absolue », ainsi que le précise l’Organisation de coopération et de développement économiques 6.
En octobre 2016, le gouvernement fédéral a publié un document de discussion ainsi qu’un document d’information sur la pauvreté au Canada 7. Le premier document contient des données sur l’incidence du faible revenu sur les Canadiens et au sein de groupes de Canadiens particulièrement vulnérables, comme les personnes handicapées, les personnes seules de 45 à 64 ans, les familles monoparentales, les immigrants récemment admis et les Autochtones 8. On y propose des questions de discussion, notamment quant à la manière dont les initiatives fédérales pourraient appuyer les programmes provinciaux, territoriaux et municipaux existants, et aux initiatives – canadiennes ou autres – qui ont permis de réduire efficacement la pauvreté 9.
En février 2017, EDSC a lancé un processus de consultation pour « orienter l’élaboration d’une Stratégie canadienne de réduction de la pauvreté10 ». Dans le cadre de ce processus, EDSC s’est tourné vers des groupes de personnes qui étaient reconnus comme étant plus susceptibles de sombrer dans la pauvreté. Un sondage en ligne a également été mené. Ce processus de consultation s’est achevé en août 2017 et les résultats ont été rendus publics dans un document publié en février 2018. Y sont mis en évidence les liens qui existent entre la pauvreté et d’autres facteurs, comme les coûts liés au logement, les risques associés à la santé, l’itinérance, les coûts élevés liés aux études de niveau postsecondaire ainsi que l’insécurité alimentaire 11.
En août 2018, le gouvernement a publié un document intitulé Une chance pour tous : la première Stratégie canadienne de réduction de la pauvreté 12. Ce document met en évidence les investissements antérieurs et comporte un chapitre intitulé « Obtenir des effets durables ». Le gouvernement s’y engage notamment à présenter une loi dans laquelle seraient « inscrits » trois éléments de la Stratégie, à savoir des cibles de réduction de la pauvreté, un seuil officiel de la pauvreté au Canada et un Conseil consultatif national sur la pauvreté 13.
Plus particulièrement, selon la Stratégie, le gouvernement propose de fonder le seuil officiel de la pauvreté sur la MPC. Les cibles relatives à ce seuil, établies à la lumière des données de 2015, passent à une réduction de la pauvreté de 20 % d’ici 2020 et de 50 % d’ici 2030. Par ailleurs, il a été proposé que le Conseil consultatif national sur la pauvreté ait pour mandat de « conseiller le gouvernement sur la question de la réduction de la pauvreté et [de] rendre publics tous les ans, au Parlement et aux Canadiens, les progrès réalisés14 ». Ainsi qu’il est précisé en détail ci‑après, le projet de loi C‑87 tient largement compte de ces engagements.
En outre, dans le cadre de sa stratégie, le gouvernement s’engage à utiliser, en complément à la mesure du seuil officiel de la pauvreté, un « tableau comprenant d’autres indicateurs », lesquels se veulent « significatifs, mesurables et vérifiables15 ». Au nombre de ces indicateurs se trouvent des données sur les salaires, l’insécurité alimentaire, la littératie et la numératie, la pauvreté extrême, les besoins insatisfaits en matière de logement et l’itinérance, ainsi que les besoins insatisfaits en matière de santé 16.
Le gouvernement s’est également engagé à investir dans l’« infrastructure statistique du Canada17 », notamment en répartissant les données afin de brosser un tableau plus détaillé de la pauvreté dans des régions en particulier (comme le Nord du pays) et au sein des groupes racialisés (comme les Canadiens de race noire).
Des cibles de réduction de la pauvreté sont établies dans projet de loi C‑87; ces mêmes cibles ont été enchâssées dans une loi adoptée précédemment qui a reçu la sanction royale le 13 décembre 2018. En effet, la section 21 de la partie 4 du projet de loi C‑86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures (titre abrégé : Loi no 2 d’exécution du budget de 2018) 18 a promulgué la Loi sur la réduction de la pauvreté, laquelle établit des cibles identiques en matière de réduction de la pauvreté. La section 21 de la partie 4 du projet de loi C‑86 est entrée en vigueur au moment où ce dernier a reçu la sanction royale.
Le préambule du projet de loi décrit l’aspiration du Canada à être un chef de file mondial en matière d’élimination de la pauvreté, en plus de souligner que les progrès réalisés vers l’atteinte de cet objectif contribuent également à l’atteinte des objectifs de développement durable des Nations Unies.
Le titre abrégé du projet de loi – « Loi sur la réduction de la pauvreté » – est établi à l’article 1.
Les définitions qui s’appliquent au projet de loi sont énoncées à l’article 2. En particulier, « Conseil » est défini comme étant le Conseil consultatif national sur la pauvreté, tandis que « seuil officiel de la pauvreté » est défini comme étant la MPC.
L’article 3 du projet de loi précise que la Loi vise à soutenir la réduction de la pauvreté au Canada et la surveillance de cette réduction.
Par application de l’article 4 du projet de loi, le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner un ministre qui sera chargé de l’application de la Loi. Le ministre ainsi désigné doit, conformément à l’article 5, élaborer et mettre en œuvre une stratégie de réduction de la pauvreté.
L’article 6 du projet de loi reprend le contenu des articles de la section 21 de la partie 4 du projet de loi C‑86, laquelle établit des cibles de réduction de la pauvreté. Les cibles consistent à réduire la pauvreté de 20 % d’ici 2020 et de 50 % d’ici 2030, comparativement à la MPC de 2015.
En vertu du paragraphe 7(1) du projet de loi, le seuil officiel de la pauvreté (c.‑à‑d. la MPC) est l’« outil de mesure officiel » pour mesurer le taux de pauvreté ainsi que pour évaluer les progrès en vue de l’atteinte des cibles établies. Par ailleurs, le paragraphe 7(2) du projet de loi précise que le seuil officiel de la pauvreté sera révisé sur une base régulière, que décide Statistique Canada, de manière à ce qu’il reflète le prix courant d’un panier de biens et de services en tenant compte d’un « niveau de vie de base modeste ».
Le paragraphe 8(1) du projet de loi fait mention d’autres outils de mesure, énoncés à l’annexe du projet de loi, qui seront également utilisés pour mesurer le taux de pauvreté au Canada 19. En outre, il est indiqué, au paragraphe 8(2) du projet de loi, que l’annexe peut être modifiée par décret afin d’adjoindre ou de supprimer un outil de mesure.
En vertu du paragraphe 9(1) du projet de loi, le Conseil consultatif national sur la pauvreté est constitué, lequel est composé de 8 à 10 membres, dont le président et un membre ayant des responsabilités particulières en ce qui touche les questions relatives aux enfants. Le paragraphe 9(2) du projet de loi précise que le sous‑ministre qui relève du ministre responsable doit être membre d’office du Conseil. Le gouverneur en conseil nomme tous les autres membres du Conseil pour des mandats respectifs de trois ans au maximum, lesquels mandats peuvent être renouvelés à leur échéance, conformément au paragraphe 9(3) du projet de loi.
Le paragraphe 9(4) prévoit que le président exerce sa charge à temps plein et que les autres membres du Conseil exercent la leur à temps partiel ou à temps plein. En outre, en vertu du paragraphe 9(5) du projet de loi, le président assure la direction du Conseil. Par ailleurs, le paragraphe 9(6) du projet de loi prévoit que, en cas d’absence ou d’empêchement du président ou de vacance de son poste, la présidence est assurée par un autre membre du Conseil désigné par le ministre pour un mandat maximal de 90 jours. Cette période peut être plus longue, auquel cas le consentement du gouverneur en conseil est requis.
Le paragraphe 9(7) du projet de loi prévoit que les membres du Conseil, à l’exception du sous‑ministre, reçoivent une rémunération que peut fixer le gouverneur en conseil pour l’exercice de leurs attributions. En outre, selon le paragraphe 9(8), les membres du Conseil sont indemnisés des frais de déplacement et de séjour pour l’exercice de leurs attributions hors de leur lieu habituel soit de travail (s’ils sont à temps plein), soit de résidence (s’ils sont à temps partiel).
Conformément au paragraphe 9(9) du projet de loi, tous les membres du Conseil sont réputés être des agents de l’État aux fins de l’application des indemnités pour accidents du travail, tandis que les membres qui exercent leurs attributions à temps plein sont également réputés être employés dans la fonction publique aux fins de l’application des dispositions relatives à la pension.
L’article 10 du projet de loi établit les fonctions du Conseil, lesquelles consistent à :
Le rapport du Conseil consultatif national sur la pauvreté dont il est fait mention à l’article 10 doit être déposé devant chacune des Chambres du Parlement dans les 15 premiers jours de séance suivant sa réception par le ministre, conformément à l’article 12.
Selon l’article 11 du projet de loi, le gouverneur en conseil peut, par décret, dissoudre le Conseil sur recommandation du ministre faite lorsque ce dernier est d’avis que le taux de pauvreté a été réduit de 50 % par rapport au taux de pauvreté de 2015.
L’article 13 du projet de loi porte sur l’entrée en vigueur de la section 21 de la partie 4 du projet de loi C‑86 (lequel, ainsi qu’il est mentionné précédemment, a édicté également la Loi sur la réduction de la pauvreté qui prévoit les mêmes cibles de réduction de la pauvreté) en tenant compte de l’entrée en vigueur de l’article premier du présent projet de loi. Plus précisément, la section 21 de la partie 4 du projet de loi C‑86 est abrogée, peu importe si son entrée en vigueur a lieu avant ou après celle de l’article premier du présent projet de loi, ou le même jour.
Conformément à l’article 14 du projet de loi, les articles 9 à 12, lesquels portent sur le Conseil consultatif national sur la pauvreté, entrent en vigueur à la date fixée par décret.
Bien que le projet de loi comprend une annexe sur des outils de mesure supplémentaires pour mesurer le taux de pauvreté au Canada (ainsi qu’il est précisé à la section 2.4 du présent résumé législatif), cette annexe ne contient pour le moment aucune information.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
© Bibliothèque du Parlement