Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique 1 (titre abrégé : « Loi sur la non-discrimination génétique »), est un projet de loi d’intérêt public émanant du Sénat, qui a été déposé par le sénateur James S. Cowan le 8 décembre 2015. Le projet de loi érige en infraction criminelle le fait d’obliger une personne à subir un test génétique ou à en communiquer les résultats comme condition préalable à la fourniture de biens et de services, à la conclusion ou au maintien d’un contrat ou de toute partie d’une entente ou à l’offre ou au maintien de modalités particulières dans un contrat ou une entente. Il prévoit cependant des exceptions relatives à l’utilisation de renseignements tirés de tests génétiques par les professionnels de la santé et les chercheurs. Le projet de loi modifie aussi le Code canadien du travail 2 afin d’interdire aux employeurs sous réglementation fédérale d’obliger leurs employés à subir des tests génétiques ou à en communiquer les résultats. Enfin, il modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne 3 afin d’interdire, dans la sphère de compétence fédérale, la discrimination fondée sur des caractéristiques génétiques.
Le projet de loi a été adopté par le Sénat avec des amendements le 14 avril 2016. Il a ensuite été renvoyé à la Chambre des communes, où il a été adopté en première lecture le 3 mai 2016, puis renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne le 26 octobre 2016. Le 5 décembre 2016, le Comité a fait rapport sur le projet de loi, avec un amendement (il s’agit de dispositions de coordination, qui n’ont pas d’effet sur le fond du projet de loi).
Les tests génétiques consistent en l’analyse des gènes d’une personne pour déceler des traits ou des marqueurs particuliers. Ces traits forment ce que l’on appelle les « caractéristiques génétiques » d’une personne 5. Le projet de loi S-201 ajoute les « caractéristiques génétiques » à la liste des motifs de distinction illicite énoncés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Une foule de renseignements personnels peuvent être tirés des marqueurs génétiques. Ceux-ci peuvent être utilisés à des fins non médicales, par exemple pour connaître les origines ancestrales d’une personne, établir un lien de parenté entre deux personnes ou déterminer si un individu est lié à un crime particulier. Dans le domaine médical, l’identification des marqueurs génétiques aide les professionnels de la santé à diagnostiquer des maladies et affections existantes et à trouver le traitement le mieux adapté au patient. Les marqueurs génétiques servent aussi à détecter une prédisposition à certaines maladies, ce qui permet une intervention précoce. À l’heure actuelle, seul un petit nombre de troubles génétiques peuvent faire l’objet de tests permettant de déterminer avec exactitude leurs effets sur la santé et la longévité, mais les progrès se poursuivent dans ce domaine 6.
Étant donné la multiplication des services qui utilisent les renseignements génétiques, la protection de ces derniers est devenue un enjeu primordial 7. Par exemple, si un test génétique révèle qu’une personne risque de développer une maladie ou une affection héréditaire, la divulgation de cette information pourrait compromettre ses chances d’obtenir un emploi ou de souscrire une assurance-vie ou une assurance-invalidité répondant à ses besoins. Les assureurs et les employeurs éventuels pourraient traiter de façon discriminatoire cette personne s’ils craignent de conclure avec elle un contrat susceptible d’entraîner pour eux des coûts additionnels ou des inconvénients dans l’avenir. Devant la possibilité que les renseignements génétiques donnent lieu à de tels comportements discriminatoires, des voix se sont élevées en faveur de l’adoption d’une loi pour réduire ce risque au minimum.
À la lumière de ces inquiétudes, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a fait de la protection des renseignements génétiques une de ses priorités stratégiques au cours des dernières années 8. Toutefois, le commissaire a recommandé de ne pas modifier les lois fédérales en matière de protection de la vie privée (la Loi sur la protection des renseignements personnels 9 et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques 10), dont les dispositions s’appliquent déjà, à son avis, aux renseignements génétiques 11.
Même si quelques provinces ont commencé à protéger dans une certaine mesure les renseignements génétiques dans leurs lois sur la protection de la vie privée 12, aucune loi fédérale ne vient, à l’heure actuelle, régir explicitement l’utilisation des renseignements génétiques ou interdire la discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques. Si une affaire de discrimination génétique était portée devant les tribunaux, il se pourrait que les juges concluent que la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques ou une loi provinciale sur les droits de la personne procure déjà une certaine protection contre cette forme de discrimination et à l’égard de la confidentialité des renseignements génétiques. Or, comme les tribunaux canadiens n’ont pas encore eu à statuer sur la question, l’incertitude subsiste 13. Différents organismes, juristes et observateurs ont débattu de la nécessité d’adopter au Canada une loi, que ce soit au niveau fédéral ou provincial, pour traiter de ces enjeux 14.
On ne sait toujours pas non plus à quel point la discrimination génétique est répandue au Canada et ailleurs dans le monde : certains spécialistes et organismes soutiennent que le problème se pose déjà, tandis que d’autres estiment que rien n’indique que ce type de discrimination soit répandu ou, encore, jugent qu’il manque d’information fiable pour arriver à des conclusions solides 15. Selon une étude de la jurisprudence, même si les tribunaux n’ont pas encore eu à se pencher expressément sur la discrimination génétique, cela ne veut pas dire qu’une telle forme de discrimination n’est pas pratiquée 16.
Lorsque le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a étudié le projet de loi S-201, des témoins ont indiqué que certains patients avaient été victimes de discrimination sur la base de leurs renseignements génétiques et que d’autres avaient refusé de subir des tests génétiques susceptibles de se révéler utiles, car ils craignaient de devenir non assurables 17. Il faut aussi tenir compte du fait que les membres d’une même famille ont en commun un grand nombre de gènes, de sorte que les résultats d’une personne à des tests génétiques peuvent en dire long sur les membres de sa famille. La communication de ces renseignements à un assureur pourrait ainsi avoir une incidence sur l’assurabilité de l’ensemble des membres d’une famille, ce qui rend la question encore plus complexe. Chose certaine, le nombre de tests génétiques fiables augmente, tout comme les façons d’utiliser les renseignements qui en sont tirés 18 et la gamme des services offerts pour aider les gens à comprendre les résultats des tests 19.
En l’absence de loi régissant explicitement l’utilisation des résultats de tests génétiques par les compagnies d’assurance au Canada, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes, l’Institut canadien des actuaires et l’Association canadienne des directeurs médicaux en assurance-vie ont adopté la position suivante : les personnes souhaitant souscrire une assurance ne seront pas obligées de se soumettre à des tests génétiques, mais il leur sera demandé de communiquer les résultats de tout test qu’elles ont déjà subi 20.
Un peu partout dans le monde, les craintes suscitées par les conséquences de la discrimination génétique ont incité des gouvernements et des organisations internationales à prendre différentes mesures au cours des dernières années. Certains pays, dont l’Australie, les États-Unis et la France, ont adopté des lois interdisant certaines formes de discrimination génétique 21. Le Royaume-Uni a suivi une autre voie, en permettant à l’industrie de l’assurance d’adopter une politique d’autoréglementation qui limite la façon dont les renseignements génétiques peuvent être utilisés 22. L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a adopté des résolutions concernant l’utilisation des renseignements génétiques, comme la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme de 1997 (avalisée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1998) 23. Cet instrument vise, entre autres, à prévenir la discrimination génétique et l’utilisation de renseignements génétiques à des fins contraires à la dignité humaine et aux droits de la personne.
Six projets de loi ont été déposés au cours des 40e et 41e législatures dans le but d’assurer une protection contre la discrimination génétique. Cinq de ces projets de loi étaient semblables à l’actuel projet de loi S-201 en ce sens qu’ils prévoyaient, entre autres changements, l’ajout des « caractéristiques génétiques » à la liste des motifs de distinction illicite énoncés dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Trois d’entre eux étaient des projets de loi émanant d’un député, qui sont morts au Feuilleton à la Chambre des communes 24. S’y sont ajoutés les projets de loi S-218 et S-201 25, deux incarnations identiques d’un même projet de loi d’intérêt public émanant du Sénat, semblable à l’actuel projet de loi S-201, qui, comme ce dernier, ont aussi été parrainées par le sénateur Cowan. Le projet de loi S-218 en était à l’étape du débat sur la motion de deuxième lecture lorsque la 1re session de la 41e législature a été prorogée. Pour sa part, le projet de loi S-201 antérieur avait été renvoyé au Sénat avec plusieurs amendements à l’issue de l’examen par le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, mais n’a pu passer à l’étape de la troisième lecture avant la dissolution de la 41e législature 26. Ces deux projets de loi sont donc morts au Feuilleton avant d’avoir été adoptés.
Un point en particulier distingue l’actuel projet de loi S-201 de ses prédécesseurs de la 41e législature : un article prévoyant une exemption pour les contrats d’assurance à valeur élevée a été supprimé (de plus amples détails à ce sujet sont fournis à la partie 3 du présent résumé législatif).
Un sixième projet de loi similaire a aussi déjà émané du gouvernement : le projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (titre abrégé : « Loi sur la protection contre la discrimination génétique ») 27. Déposé à la Chambre des communes le 9 juin 2015 par l’honorable Peter MacKay, alors ministre de la Justice et procureur général du Canada, ce projet de loi est mort au Feuilleton lorsque la 41e législature a pris fin.
Le projet de loi C-68 prévoyait l’ajout d’une nouvelle disposition à la Loi canadienne sur les droits de la personne pour élargir les pratiques discriminatoires interdites afin de protéger les personnes ayant subi des tests génétiques qui ont révélé une prédisposition à une déficience. Il proposait également de modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques pour qu’il soit fait expressément mention des renseignements provenant des tests génétiques dans les dispositions de ces deux lois énonçant les types de renseignements personnels protégés.
Le projet de loi S-201 contient 10 articles. Les articles 1 à 7 édictent une nouvelle loi, intitulée Loi sur la non-discrimination génétique. Les autres articles modifient des lois existantes.
L’article 2 du projet de loi S-201 définit les termes « communiquer », « professionnel de la santé » et « test génétique » aux fins de la nouvelle Loi sur la non-discrimination génétique.
Les articles 3 à 7 du projet de loi instituent des infractions criminelles et les peines qui s’y rattachent.
Conformément au paragraphe 3(1), nul ne peut obliger une personne à subir un test génétique comme condition préalable à la fourniture de biens ou de services, à la conclusion ou au maintien d’un contrat ou d’une entente ou, encore, à l’offre ou au maintien de modalités particulières dans un contrat ou une entente. Le paragraphe 3(2) interdit à quiconque de refuser d’exercer une activité visée au paragraphe 3(1) à l’égard d’une personne au motif que celle-ci a refusé de subir un test génétique.
Selon l’article 4, nul ne peut, comme condition préalable à l’exercice d’une activité visée au paragraphe 3(1), obliger une personne à communiquer les résultats d’un test génétique qu’elle a déjà subi. Il est également interdit de refuser d’exercer une des activités visées à l’égard d’une personne au motif qu’elle a refusé de communiquer les résultats d’un test génétique déjà subi.
L’article 5 du projet de loi interdit à quiconque exerce une activité visée au paragraphe 3(1) à l’égard d’une personne de recueillir, d’utiliser ou de communiquer les résultats d’un test génétique de celle-ci sans son consentement écrit. Ces infractions sont créées dans la nouvelle Loi sur la non-discrimination génétique et non au moyen de modifications à d’autres lois, comme le Code criminel.
L’article 6 du projet de loi prévoit des exemptions en ce qui concerne les médecins, les pharmaciens ou les chercheurs menant des recherches médicales ou scientifiques, en énonçant que les articles 3 à 5 ne s’appliquent pas dans le cadre de la prestation de services de santé ou à l’égard des participants à un projet de recherches.
L’article 7 précise les peines qui s’appliquent aux infractions susmentionnées. Quiconque contrevient aux dispositions prévues aux articles 3 à 5 commet une infraction passible, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, d’une amende maximale de 1 million de dollars et d’un emprisonnement maximal de cinq ans (ou l’une de ces peines); ou, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 300 000 $ et d’un emprisonnement maximal de 12 mois (ou l’une de ces peines).
L’article 8 du projet de loi S-201 modifie la partie III du Code canadien du travail en y ajoutant deux nouveaux articles (art. 247.98 et 247.99). Le Code s’applique de manière générale aux questions relatives au travail dans les secteurs relevant de la compétence fédérale 29. La partie III du Code compte 16 sections qui établissent diverses normes et conditions d’emploi, notamment en ce qui concerne les heures travaillées, les salaires, les congés et les vacances. Les articles 247.98 et 247.99 qui sont ajoutés forment une nouvelle subdivision, intitulée « section XV.3 : Tests génétiques », dans la section XV (qui traite du paiement du salaire, du harcèlement sexuel et des congés pour les membres de la force de réserve), à l’intérieur de la partie III.
Le nouvel article 247.98 du Code protège le droit des employés de ne pas être tenus de subir un test génétique ou de communiquer les résultats d’un tel test. Il interdit à l’employeur de congédier ou de suspendre un employé, de lui imposer une sanction pécuniaire ou de refuser de le rémunérer, que ce soit parce qu’il refuse de subir un test génétique ou de communiquer les résultats d’un tel test, ou en raison des résultats d’un test qu’il a subi. De plus, nul ne peut communiquer à l’employeur le fait qu’un employé a subi un test génétique ou les résultats d’un tel test sans le consentement écrit de l’employé, et l’employeur ne peut recueillir ou utiliser les résultats d’un test génétique subi par un employé sans le consentement écrit de celui-ci.
Le nouvel article 247.99 du Code énonce les mesures visant à assurer le respect de l’article 247.98. Ainsi, il prévoit qu’un employé peut présenter une plainte au motif que son employeur a contrevenu à cet article. Toute plainte est déposée auprès d’un inspecteur désigné par le ministre du Travail conformément à l’article 249 du Code. L’inspecteur s’efforce de concilier les parties. En cas d’échec, un rapport est envoyé au ministre, qui peut alors nommer un arbitre. Si l’arbitre conclut que l’employeur a effectivement contrevenu à l’article 247.98, il peut ordonner à ce dernier de réintégrer l’employé, de lui verser une indemnité, d’annuler une mesure disciplinaire prise à son endroit ou de prendre toute autre mesure « équitable » pour remédier aux effets de la contravention.
L’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne est limitée à la sphère de compétence fédérale. Les ministères, sociétés d’État et organismes fédéraux et les sociétés sous réglementation fédérale sont donc visés par cette Loi, dont le paragraphe 3(1) interdit la discrimination fondée sur des motifs précis, comme la race, le sexe, l’âge, la religion ou la déficience, dans les domaines de l’emploi, du logement et des services destinés au public. La Loi interdit explicitement les « actes discriminatoires », comme le refus d’employer une personne ou de lui fournir des biens, des services ou des moyens d’hébergement ou, encore, d’empêcher son adhésion à une organisation (art. 5 à 14.1). La Commission canadienne des droits de la personne décrit la discrimination comme « une action ou une décision qui a pour effet de traiter de manière négative une personne ou un groupe en raison, par exemple, de sa race, de son âge ou de sa déficience 30 ». L’article 2 de la Loi impose aux employeurs et aux fournisseurs de services l’obligation positive de répondre par des mesures raisonnables aux besoins d’adaptation des personnes afin de prévenir la discrimination pour des motifs de distinction illicites 31.
Quiconque estime que ses droits protégés par la Loi ont été violés peut déposer une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne ou demander son aide. La Commission agira comme médiateur afin de régler le différend entre les parties. Si la médiation échoue, la plainte peut être déférée au Tribunal canadien des droits de la personne.
Les provinces et les territoires ont également des lois en matière de droits de la personne qui s’appliquent dans leurs domaines de compétence (ce qui comprend les institutions publiques comme les écoles, ainsi que la plupart des questions touchant l’emploi dans le secteur privé, les services et le logement). Étant donné la valeur quasi constitutionnelle conférée à ces lois par les tribunaux canadiens, les droits qui y sont énoncés jouissent d’une protection accrue 32.
Les articles 9 et 10 du projet de loi viennent inscrire « les caractéristiques génétiques » parmi les motifs de distinction illicite aux termes de la Loi en les ajoutant à l’objet de la Loi et à la liste des motifs énumérés à l’article 3 de cette dernière.
Au moment de son dépôt, l’actuel projet de loi S-201 incluait une définition précisant que la discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques est celle fondée sur « les résultats d’un test génétique » ou « le refus de subir un test génétique, d’en communiquer les résultats ou d’autoriser la communication de ceux-ci 33 ». Cette définition a cependant été retranchée du projet de loi en raison de la recommandation formulée par la Commission canadienne des droits de la personne dans son mémoire à l’intention du Comité sénatorial permanent des droits de la personne. En effet, la Commission a souligné que « les définitions peuvent limiter l’interprétation et l’évolution des motifs 34 ».
À la suite du retrait de la définition du projet de loi, l’interprétation complète de l’expression « discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques » reviendra au Tribunal canadien des droits de la personne et au système judiciaire canadien. Comme il a déjà été indiqué, l’article 2 du projet de loi comporte une définition de « test génétique », mais celle-ci ne vaut que pour l’application de la Loi sur la non-discrimination génétique.
Le paragraphe 10(2) du projet de loi précise qu’une distinction fondée sur le refus d’une personne, à la suite d’une demande, de subir un test génétique, de communiquer les résultats d’un tel test ou d’autoriser la communication de ces résultats est réputée être de la discrimination fondée sur les caractéristiques génétiques.
L’impact des modifications à la Loi canadienne sur les droits de la personne est circonscrit à la sphère de compétence fédérale; par conséquent, la majorité des contrats commerciaux conclus au Canada ne seront pas touchés, puisqu’ils relèvent de la compétence des provinces. Toutefois, les interdictions prévues aux articles 1 à 7 de la nouvelle Loi sur la non-discrimination génétique, qui prévoient des infractions criminelles et des peines en cas de discrimination génétique, s’appliqueront à l’échelle nationale.
Au moment de son dépôt, la version initiale de l’actuel projet de loi S-201 prévoyait des modifications aux lois fédérales en matière de protection de la vie privée - la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques 35 - pour inclure, dans les définitions de « renseignements personnels », la mention des renseignements provenant de tests génétiques afin que ceux-ci soient protégés explicitement. Or, le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Daniel Therrien, a recommandé au Comité sénatorial permanent des droits de la personne de retrancher du projet de loi les articles qui auraient entraîné la modification de ces lois, affirmant que cela « serait inutile et ne ferait qu’ajouter à la confusion 36 ». Le projet de loi a été modifié en conséquence à l’étape de la troisième lecture au Sénat.
La constitutionnalité de la mesure législative proposée a été une question longuement discutée au cours des audiences du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur l’actuel projet de loi S-201 et son incarnation antérieure. L’ancien projet de loi S-201 comportait une exception à l’égard des contrats d’assurance d’une valeur supérieure à 1 million de dollars ou prévoyant le versement d’une prestation de plus de 75 000 $ par année. Le sénateur Cowan a expliqué au Comité pourquoi cette disposition ne faisait pas partie de la nouvelle version du projet de loi :
En fait, une disposition du projet de loi précédent mentionnait le secteur de l’assurance. Il s’agissait à vrai dire d’une dérogation aux interdictions, que j’avais incluse pour tenter d’apaiser les craintes du milieu de l’assurance en ce qui a trait aux grandes polices d’assurance. Il est devenu évident la dernière fois que cette disposition était considérée comme une preuve que le projet de loi visait essentiellement le secteur de l’assurance. Comme je l’ai dit, cela n’a jamais été mon intention. J’ai donc supprimé la disposition pour qu’il soit bien clair que le projet de loi ne vise ni l’industrie des assurances ni aucune autre industrie, d’ailleurs. Le mot « assurance » n’apparaît donc nulle part dans le projet de loi 37.
Les contrats d’assurance sont principalement régis par les lois provinciales, tout comme les sociétés d’assurance. Le rôle du gouvernement fédéral à l’égard de la surveillance des compagnies d’assurance est essentiellement limité à la surveillance des banques, des sociétés de fiducie et des sociétés constituées sous le régime d’une loi fédérale qui offrent des polices et des services d’assurance 38. Le Parlement fédéral a adopté des lois régissant les contrats commerciaux, y compris en matière d’assurance, en vertu de l’autorité législative que lui confère la Loi constitutionnelle de 1867 en ce qui concerne « la réglementation du trafic et du commerce » (par. 91(2)) et la « loi criminelle » (par. 91(27)) 39. En règle générale, cependant, les tentatives du gouvernement fédéral visant à réglementer les contrats d’assurance ont été invalidées par les tribunaux canadiens 40.
Au cours de ses audiences sur le projet de loi S-201, le Comité a reçu des avis juridiques divergents sur la question de savoir si le projet de loi constitue un exercice légitime des pouvoirs fédéraux. Le professeur Bruce Ryder, de l’Osgoode Hall Law School, a affirmé dans son témoignage qu’il n’était pas rare qu’une loi chevauche les sphères de compétence fédérale et provinciale et que, en l’occurrence, il s’agissait d’un exercice légitime du pouvoir fédéral de légiférer en matière de droit pénal 41. En revanche, le cabinet Torys LLP a présenté un avis contraire, selon lequel le projet de loi n’a « pas d’objectif véritable en matière criminelle » qui en ferait une loi relevant de la compétence fédérale en la matière. Selon cet avis, le projet de loi empiète sur l’autorité législative des provinces concernant la propriété et les droits civils prévue à l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, puisqu’il peut être considéré « comme visant soit la réglementation de la fourniture de biens et de services et la réglementation des contrats, soit de manière plus générale la santé 42 ». Lorsqu’il a renvoyé le projet de loi au Sénat, le Comité a formulé dans son rapport l’observation suivante :
La question de la discrimination génétique touche divers paliers de gouvernement, et c’est pourquoi le Comité exhorte des représentants du gouvernement du Canada à rencontrer leurs homologues provinciaux et territoriaux pour prendre des démarches par rapport à la discrimination génétique dans leurs juridictions respectives 43.
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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