Résumé législatif du projet de loi C-18, Loi sur les nouvelles en ligne

Résumé Législatif
Résumé législatif du projet de loi C-18 : Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada
Laurence Brosseau, Division des affaires juridiques et sociales
Gabrielle de Billy Brown, Division des affaires juridiques et sociales
Marion Ménard, Division des affaires juridiques et sociales
Publication no 44-1-C18-F
PDF 919, (17 Pages) PDF
2022-10-13

À propos de cette publication

Dans ce résumé législatif de la Bibliothèque du Parlement, tout changement d'importance depuis la publication précédente est signalé en caractères gras.

Table des matières


1 Contexte

Le 5 avril 2022, l’honorable Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien, a déposé à la Chambre des communes le projet de loi C‑18, Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada (titre abrégé : « Loi sur les nouvelles en ligne ») 1. Le 31 mai 2022, au terme de la deuxième lecture, le projet de loi a été renvoyé pour étude au Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes.

Le projet de loi C‑18 vise à équilibrer le rapport de force sur le marché des nouvelles numériques et ainsi assurer une rémunération équitable aux médias et aux journalistes canadiens. Il crée un nouveau cadre législatif et réglementaire afin de permettre aux intermédiaires de nouvelles numériques de négocier des accords avec les médias canadiens les autorisant à diffuser le contenu généré par ceux‑ci sur leurs plateformes. Le projet de loi met également en place un processus de négociation qui permet aux médias plus petits de négocier collectivement.

Par ailleurs, le projet de loi élargit le mandat et les pouvoirs du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). En effet, il confère à celui‑ci la responsabilité de l’élaboration du code de conduite encadrant les négociations entre les intermédiaires de nouvelles numériques et les entreprises de nouvelles. Il confie également au CRTC le mandat d’évaluer les ententes conclues indépendamment du processus de négociation afin de s’assurer qu’elles remplissent les conditions d’exemption.

Selon l’énoncé concernant la Charte pour le projet de loi C‑18 préparé par le ministre de la Justice, ce projet de loi est compatible avec la Charte canadienne des droits et libertés 2. Pour parvenir à ce constat, le ministre a considéré les effets possibles du projet de loi sur la liberté d’expression (al. 2b)), les fouilles, les perquisitions et les saisies (art. 8) ainsi que les droits à un procès équitable (art. 11).

1.1 Situation des médias au Canada

Le projet de loi C‑18 s’inscrit dans un contexte où les médias canadiens font face à des pertes de revenus significatives, et ce, depuis plusieurs années. La perte de confiance envers le milieu journalistique ainsi que la montée de la désinformation constituent également des défis importants que doivent surmonter les médias canadiens.

Dans Le miroir éclaté : Nouvelles, démocratie et confiance dans l’ère numérique, un rapport publié par le Forum des politiques publiques, le Syndicat des communications d’Amérique faisait état d’une baisse du tiers de ses membres travailleurs de l’information depuis 2010 3. Par ailleurs, selon le Reuters Institute for the Study of Journalism, la confiance de la population canadienne envers les médias, décline, passant de 58 à 42 % en quatre ans 4.

Lors de la 42e législature, le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes a mené une étude sur les médias et les communautés locales, à la suite de laquelle il a publié un rapport intitulé Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation. Le rapport constate les importantes baisses de revenus publicitaires et de diffusion des quotidiens et journaux régionaux et communautaires. À l’inverse, le rapport indique que les revenus publicitaires en ligne des plateformes numériques ont augmenté de façon exponentielle sur la même période. Le Comité recommandait alors au gouvernement qu’il « uniformise les règles du jeu parmi les industries publiant des nouvelles canadiennes sur toutes les plateformes 5 ».

2 Description et analyse

Le projet de loi C‑18 comprend 93 articles, dont les principaux sont examinés dans les sous‑sections suivantes.

2.1 Définitions et interprétation (art. 2 et 3)

Le paragraphe 2(1) du projet de loi définit des termes qui n’étaient pas précédemment définis dans la législation canadienne. Parmi les nouvelles définitions, on note :

  • entreprise de nouvelles : Personne physique ou entité qui exploite un média d’information (news business);
  • exploitant : Personne physique ou entité qui exploite, par quelque moyen que ce soit, un intermédiaire de nouvelles numériques (operator);
  • intermédiaire de nouvelles numériques : Plateforme de communication en ligne, notamment un moteur de recherche ou un service de réseautage social, qui relève de la compétence législative du Parlement et au moyen de laquelle un contenu de nouvelles produit par des médias d’information est rendu disponible aux personnes se trouvant au Canada. La présente définition exclut le service de messagerie dont l’objectif principal est de permettre aux personnes de communiquer entre elles en privé (digital news intermediary).

Le paragraphe 2(2) énonce que le contenu de nouvelles est considéré comme « rendu disponible » à deux conditions :

  • qu’il soit reproduit en tout ou en partie;
  • que son accès soit facilité par « notamment un répertoire, une agrégation ou un classement du contenu ».

L’article 3 précise que le projet de loi est conçu afin d’être compatible avec la liberté d’expression (par. 3(1)) et vise tant à soutenir l’indépendance journalistique (par. 3(2)) qu’à prévenir l’interférence dans le contenu de nouvelles rendu disponible par les intermédiaires de nouvelles numériques (par. 3(3)).

2.2 Désignation du ministre (art. 5)

L’article 5 permet au gouvernement de désigner par décret le ministre responsable de l’application de la loi. En l’absence de décret, la responsabilité en revient au ministre du Patrimoine canadien selon le paragraphe 2(1).

2.3 Champ d’application (art. 6 à 10)

L’article 6 du projet de loi énonce les facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il existe un « déséquilibre important » entre l’exploitant de l’intermédiaire de nouvelles numériques et les entreprises de nouvelles. Ces facteurs sont la taille de l’exploitant ou de l’intermédiaire en question, la présence ou non d’un avantage stratégique à l’égard de l’entreprise de nouvelles et la position, de premier plan ou non, qu’occupe l’intermédiaire sur le marché.

Le paragraphe 7(1) crée l’obligation pour l’exploitant d’aviser le CRTC si la loi s’applique à son intermédiaire de nouvelles numériques. L’exploitant doit également fournir les renseignements qu’exige le CRTC et qui prouvent que la loi ne s’applique pas à son intermédiaire, le cas échéant (par. 7(2)).

L’article 8 du projet de loi demande au CRTC de compiler une liste des intermédiaires de nouvelles numériques sous l’égide de la Loi sur les nouvelles en ligne.

Les articles 9 et 10 indiquent que la Loi sur les nouvelles en ligne ne s’applique ni aux intermédiaires de nouvelles numériques en ce qui concerne la radiodiffusion (art. 9) ni aux fournisseurs de services de télécommunication n’agissant qu’à ce titre (art. 10).

2.4 Exemptions (art. 11 à 17)

Le paragraphe 11(1) du projet de loi prévoit que le CRTC peut prendre une ordonnance d’exemption à l’égard des exploitants d’intermédiaires de nouvelles numériques s’ils ont conclu des accords avec des entreprises de nouvelles. Ces accords doivent remplir certains critères :

  • qu’ils prévoient le versement d’une indemnisation équitable aux entreprises de nouvelles admissibles;
  • qu’une partie de ces indemnisations soit utilisée pour le soutien de la production de nouvelles locales, régionales et nationales;
  • qu’ils ne portent pas atteinte à la liberté d’expression et à l’indépendance journalistique;
  • qu’ils contribuent à la viabilité du marché canadien des nouvelles;
  • qu’ils encouragent des modèles d’entreprises novateurs dans ce secteur;
  • que l’éventail des médias d’information visés par ces accords reflète la diversité du marché canadien, notamment sur le plan linguistique, les groupes racialisés et les collectivités autochtones, les nouvelles locales et les modèles d’entreprise.

Le paragraphe 12(1) précise que le CRTC peut prendre une ordonnance provisoire à l’égard d’un intermédiaire de nouvelles numérique. Les paragraphes 14(2) et 14(3) du projet de loi précisent les conditions sous lesquelles une ordonnance d’exemption et une ordonnance provisoire peuvent être abrogées par le CRTC.

2.5 Processus de négociation (art. 18 à 45)

Le processus de négociation d’un accord entre un exploitant d’intermédiaires de nouvelles numériques et les entreprises de nouvelles admissibles comporte plusieurs étapes à suivre. Les parties qui prennent part à ce processus de négociation sont tenues de le faire de bonne foi (art. 22). Si les parties n’arrivent pas à conclure un accord, l’une d’elles peut réclamer un arbitrage sur l’offre finale (al. 19(1)c)).

2.5.1 Droit d’auteur (art. 23 à 26)

L’article 23 du projet de loi énonce que les entreprises de nouvelles ne peuvent négocier que sur des contenus de nouvelles dont elles détiennent le droit d’auteur et pour lesquels elles sont autorisées à négocier sur le contenu en question.

L’article 25 précise qu’un exploitant ne peut avoir recours au processus de négociation s’il a déjà effectué un paiement pour l’utilisation d’un contenu de nouvelles, conformément au tarif de la Commission du droit d’auteur ou à tout autre licence ou accord signé indépendamment du processus.

Lorsqu’un accord existe entre les parties, un exploitant n’est pas responsable d’une violation du droit d’auteur concernant le contenu rendu disponible grâce à cet accord dans les circonstances prévues par celui‑ci (par. 26(1)). Toutefois, les exploitants ne sont pas absous de leurs responsabilités en cas de violation du droit d’auteur en dehors d’un tel accord (par. 26(2)).

2.5.2 Admissibilité (art. 27 à 31)

Le paragraphe 27(1) prévoit que le CRTC peut désigner qu’une entreprise de nouvelles est habilitée à conclure des ententes avec les exploitants d’intermédiaires de nouvelles numériques si cette entreprise correspond à la définition d’« organisation journalistique canadienne qualifiée » énoncée au paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu 6 (al. 27(1)a)). L’entreprise de nouvelles doit employer au moins deux journalistes et exercer ses activités au Canada (al. 27(1)b)). Le CRTC tient une liste des entreprises de nouvelles admissibles et la publie sur son site Web (par. 29(1)).

2.5.3 Accords (art. 32)

Un groupe d’entreprises de nouvelles admissibles qui conclut un accord avec un exploitant d’intermédiaires de nouvelles numériques doit déposer une copie de l’accord conclu auprès du CRTC. Des entreprises de nouvelles admissibles peuvent devenir membres de ce groupe après la conclusion de l’accord (par. 32(2)).

2.5.4 Arbitrage sur l’offre finale (art. 33 à 44)

L’arbitrage sur l’offre finale incite les parties à conclure un accord. Les arbitres sont choisis par les parties à partir d’une liste tenue par le CRTC (par. 34(1)). Le CRTC tient compte des préférences des parties pour nommer un arbitre, bien qu’il se réserve le droit de le refuser s’il estime que celui‑ci se trouve dans une situation de conflit d’intérêts (par. 34(2) et 35(1), respectivement).

Dans leur décision de choisir l’offre finale de l’une ou de l’autre partie, les arbitres tiennent compte des facteurs suivants :

  • la valeur ajoutée, monétaire et autre, du contenu de nouvelles en question, compte tenu des investissements des parties, de leurs dépenses et de leurs autres actions relatives à ce contenu (al. 38a));
  • le bénéfice, monétaire et autre, que chaque partie réalise du fait que le contenu de nouvelles est rendu disponible par l’intermédiaire de nouvelles numériques concerné (al. 38b)).

Les arbitres peuvent rejeter une offre finale si elle n’est pas dans l’intérêt public ou si elle est incompatible avec les objectifs d’accroître l’équité au sein du marché canadien des nouvelles numériques (par. 39(1)).

2.6 Recours civils (art. 45 et 46)

Une entreprise ou un groupe d’entreprises de nouvelles admissible peut percevoir toute somme exigible au titre d’un accord et, à défaut de paiement, la recouvrer devant un tribunal. Si l’une des stipulations d’un accord n’est pas respectée, chacune des parties peut demander à un tribunal de rendre une ordonnance obligeant son respect.

2.7 Loi sur la concurrence (art. 47 et 48)

Le paragraphe 45 de la Loi sur la concurrence 7 interdit les accords entre concurrents visant à fixer les prix, à attribuer les marchés ou à limiter la fourniture d’un produit. De son côté, l’article 90.1 de cette loi interdit les accords qui risquent d’entraîner une diminution ou un empêchement de la concurrence.

L’article 47 du projet de loi précise que ces deux dispositions de la Loi sur la concurrence ne s’appliquent pas dans le cadre d’un versement de paiements ou du partage de renseignements qui sont prévus dans un accord entre un exploitant d’intermédiaires de nouvelles numériques et un groupe d’entreprises de nouvelles admissibles (al. 47a)). Ces deux dispositions ne s’appliquent pas non plus aux séances de négociation, de médiation ou d’arbitrage tenues entre les parties.

2.8 Code de conduite (art. 49 et 50)

L’article 49 du projet de loi confère au CRTC l’obligation d’établir, par règlement, un code de conduite visant à favoriser l’équité et la transparence dans les négociations relatives au contenu de nouvelles (par. 49(1) et 49(2)). Ce code de conduite contient des dispositions précisant que les exploitants d’intermédiaires de nouvelles numériques et les entreprises de nouvelles admissibles doivent négocier de bonne foi (par. 49(3)).

Le CRTC peut interdire l’inclusion de certaines stipulations dans les accords conclus entre les parties (par. 49(4)). Par ailleurs, si le code de conduite n’est pas respecté par les parties signataires d’un accord, le CRTC peut les obliger à s’y conformer (par. 50(1)).

2.9 Discrimination, préférence et désavantage (art. 51 et 52)

L’article 51 interdit à un exploitant, en ce qui concerne un contenu de nouvelles rendu disponible par son intermédiaire de nouvelles numériques et produit principalement pour le marché canadien des nouvelles par un média d’information exploité par une entreprise de nouvelles, d’agir de manière à discriminer injustement cette entreprise, de lui accorder une préférence indue ou de lui faire subir un désavantage de même nature. Dans cette éventualité, une entreprise de nouvelles ou un groupe d’entreprises de nouvelles admissibles peut déposer une plainte au CRTC (art. 52).

2.10 Fourniture de renseignements (art. 53 à 56)

Les exploitants d’intermédiaires de nouvelles numériques et les entreprises de nouvelles admissibles ont l’obligation de communiquer au CRTC les renseignements qu’il exige (art. 53). Le CRTC peut transmettre au ministre responsable ou au statisticien en chef du Canada ces mêmes renseignements (art. 54). La personne physique ou l’entité qui fournit des renseignements au CRTC peut désigner ceux‑ci comme confidentiels (art. 55).

Par ailleurs, le paragraphe 55(4) autorise le CRTC à effectuer ou exiger la communication de renseignements confidentiels dans le cadre d’une affaire dont il est saisi, s’il est d’avis qu’une telle communication est dans l’intérêt public. Il peut en outre effectuer ou exiger la communication de ces renseignements au commissaire à la concurrence, si celui‑ci en fait la demande.

2.11 Exécution et contrôle d’application (art. 57 à 78)

2.11.1 Ordonnances de communication (art. 57 et 58)

Le CRTC peut enjoindre par ordonnance à un exploitant d’intermédiaires de nouvelles numériques ou une entreprise de nouvelles de lui fournir tout document dont il a des motifs raisonnables de croire qu’ils contiennent des renseignements utiles pour l’exécution et le contrôle d’application de la loi (par. 58(1)). Les règles prévues à l’article 55 du projet de loi portant sur la confidentialité des renseignements s’appliquent.

2.11.2 Entreprises de nouvelles (art. 59)

En vertu du paragraphe 59(1), le CRTC peut imposer des conditions aux entreprises de nouvelles admissibles qui contreviennent à une disposition de la Loi sur les nouvelles en ligne ou des règlements ou à une ordonnance prise sous le régime de celle‑ci. Il peut également suspendre ou révoquer l’ordonnance établissant l’admissibilité d’une entreprise de nouvelles.

2.11.3 Sanctions administratives pécuniaires (art. 60 à 76)

Les articles 60 à 76 du projet de loi établissent un régime de sanctions administratives pécuniaires.

L’exploitant d’un intermédiaire de nouvelles numériques ou tout administrateur, dirigeant, employé ou mandataire de celui‑ci commet une violation s’il contrevient à une disposition de la Loi sur les nouvelles en ligne, à ses règlements ou à une ordonnance prise sous le régime de celle‑ci (par. 60(1)).

Le paragraphe 61(1) prévoit une pénalité maximale de 25 000 $ pour une première violation commise par une personne physique (al. 61(1)a)) et de 10 millions de dollars pour une première violation dans les autres cas (al. 61(1)b)).

Le paragraphe 61(2) énonce une liste de critères dont le CRTC doit tenir compte pour établir le montant de la pénalité, tels que la nature et la portée de la violation, les antécédents de l’auteur et sa capacité de payer.

L’article 62 prévoit une procédure en cas de violation aux termes du paragraphe 60(1). Ainsi, le CRTC peut désigner les agents autorisés à dresser les procès‑verbaux pour une violation (al. 63a)). Ces agents sont autorisés à faire signifier les procès‑verbaux aux auteurs présumés d’une violation s’il y a des motifs raisonnables de croire que ladite violation a été commise (par. 64(1)).

Les alinéas 64(2)b) et 64(2)c) précisent qu’un procès‑verbal doit mentionner l’acte ou l’omission à l’origine de la violation, les dispositions en causes, le montant de la pénalité à payer ainsi que les délais et les modalités de paiement. L’alinéa 64(2)d) offre la possibilité pour l’auteur présumé de la violation de payer la pénalité immédiatement ou de présenter ses observations relativement à cette violation au CRTC.

Les cas de violation peuvent aussi être réglés au moyen d’un engagement de la part de l’auteur présumé (par. 65(1)). L’engagement énonce notamment les actes ou omissions sur lesquels il porte et, le cas échéant, l’obligation pour l’auteur présumé de payer une somme précise (par. 65(2)). L’engagement met fin à la procédure en violation, en ce qui concerne les actes ou omissions mentionnés dans l’engagement (par. 65(4)).

Lorsque la personne physique ou l’entité présumée d’une violation présente des observations au CRTC, celui‑ci peut décider d’infliger la pénalité prévue au procès‑verbal, de la réduire, de ne pas en infliger ou d’en reporter le paiement (par. 66(2)).

En vertu du paragraphe 69(1), une personne ne peut être tenue responsable d’une violation, sauf pour contravention à l’article 22 (négociation de bonne foi), si elle démontre qu’elle a pris toutes les précautions voulues pour en prévenir la commission.

Toute procédure en violation se prescrit par trois ans à compter de la date où le CRTC a eu connaissance des éléments constitutifs de la violation (par. 72(1)).

2.11.4 Autres dispositions (art. 77 et 78)

L’article 77 du projet de loi énonce que le CRTC possède les mêmes pouvoirs qu’une cour supérieure en ce qui concerne la comparution et l’interrogatoire des témoins ainsi que la production et l’examen des pièces. Par ailleurs, l’article 78 du projet de loi précise que les contraventions aux dispositions de la présente loi ou de ses règlements ou à une ordonnance prise sous son régime sont soustraites à l’application des articles 126 (désobéissance à une loi) et 127 (désobéissance à une ordonnance du tribunal) du Code criminel 8.

2.12 Dispositions financières (art. 79 à 83)

L’article 79 du projet de loi autorise le CRTC à prendre des règlements concernant les frais à payer pour la prestation de services. Le CRTC peut notamment régir le mode de calcul des paiements des frais ainsi que les intérêts à payer en cas de paiement tardif. Le mode de calcul des frais est déterminé par les revenus des d’intermédiaires de nouvelles numériques ou du groupe d’entreprises de nouvelles ainsi que par le marché qu’ils desservent (par. 79(4)).

2.13 Règlements (art. 84 et 85)

L’article 84 du projet de loi accorde au gouverneur au conseil le pouvoir de prendre des règlements concernant certaines dispositions de la Loi sur les nouvelles en ligne telles que :

  • le champ d’application;
  • les conditions prévues par le CRTC lorsqu’il prend des ordonnances d’exemption;
  • les conditions d’application de la loi à l’égard de la Société Radio‑Canada.

Par ailleurs, l’article 85 confère au CRTC un pouvoir réglementaire dans différents domaines tels que :

  • les ordonnances d’exemption à l’égard des intermédiaires de nouvelles numériques;
  • le processus de négociation entre les exploitants d’intermédiaires de nouvelles numériques et les entreprises de nouvelles admissibles;
  • le code de conduite concernant les négociations relatives au contenu de nouvelles;
  • la fourniture de renseignements par les groupes de nouvelles admissibles.

2.14 Vérification indépendante (art. 86)

L’article 86 du projet de loi précise que le CRTC fait établir par un vérificateur indépendant un rapport annuel sur l’effet de la Loi sur les nouvelles en ligne sur le marché canadien des nouvelles numériques.

2.15 Examen de la loi (art. 87)

La Loi sur les nouvelles en ligne et son application doivent faire l’objet d’un examen cinq ans après son entrée en vigueur.

2.16 Modifications connexes (art. 88 à 92)

Les articles 88 à 92 du projet de loi prévoient des modifications connexes à plusieurs lois fédérales, à savoir la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur les télécommunications.

2.16.1 Loi sur l’accès à l’information

En vertu du paragraphe 24(1) de la Loi sur l’accès à l’information 9, le responsable d’une institution fédérale doit refuser de divulguer des documents qui comportent des renseignements dont la communication est restreinte en vertu d’autres lois fédérales. Les dispositions législatives interdisant une telle communication sont énumérées à l’annexe II de la Loi sur l’accès à l’information.

L’article 88 du projet de loi ajoute à l’annexe II de la Loi sur l’accès à l’information une référence aux paragraphes 55(2) et 58(4) de la nouvelle Loi sur les nouvelles en ligne. Par conséquent, certains renseignements désignés comme confidentiels ayant été fournis au CRTC ou à une personne désignée par le CRTC ne pourront pas être communiqués dans le cadre d’une demande d’accès à l’information.

2.16.2 Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes

L’article 12 de la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes 10 énonce la mission et les pouvoirs du CRTC en matière de radiodiffusion et de télécommunications. L’article 89 du projet de loi ajoute le paragraphe 12(1.1) à cette loi, qui précise que le CRTC exerce également les attributions qui lui sont conférées par la Loi sur les nouvelles en ligne.

L’article 13 de la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes prévoit une obligation pour le CRTC de soumettre un rapport au ministre du Patrimoine canadien à la fin de chaque exercice financier. L’article 90 du projet de loi ajoute le paragraphe 13(1.1) à cette loi, qui précise que ce rapport doit comprendre le contenu du rapport annuel de vérification prévu à l’article 86 de la Loi sur les nouvelles en ligne.

2.16.3 Loi sur la radiodiffusion

L’article 4 de la Loi sur la radiodiffusion 11 prévoit le champ d’application de cette loi. L’article 91 du projet de loi ajoute le paragraphe 4(5) à cette loi, qui précise que la Loi sur la radiodiffusion ne s’applique pas à l’exploitant, n’agissant qu’à ce titre, d’un intermédiaire de nouvelles numériques auquel la Loi sur les nouvelles en ligne s’applique.

Ce même paragraphe indique que les définitions des expressions « exploitant » et « intermédiaire de nouvelles numériques » énoncées au paragraphe 2(1) de la Loi sur les nouvelles en ligne s’appliquent en l’espèce.

2.16.4 Loi sur les télécommunications

L’article 4 de la Loi sur les télécommunications 12 prévoit le champ d’application de cette loi. L’article 92 du projet de loi ajoute l’article 4.1 à cette loi, qui précise que la Loi sur les télécommunications ne s’applique pas à la mise à disposition d’un contenu de nouvelles par un intermédiaire de nouvelles numériques auquel la Loi sur les nouvelles en ligne s’applique.

Ce même article indique que les définitions des termes « intermédiaire de nouvelles numériques » et « contenu de nouvelles » énoncées au paragraphe 2(1) de la Loi sur les nouvelles en ligne s’appliquent en l’espèce. Finalement, selon cet article, le contenu de nouvelles est considéré comme « rendu disponible » s’il est reproduit ou si son accès est facilité par tout moyen, y compris par un répertoire, une agrégation ou un classement.

2.17 Entrée en vigueur

L’article 93 du projet de loi précise que ses dispositions entreront en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret.

3 Commentaire

3.1 Code de négociation des médias d’information (Australie)

Dans le cadre des discussions ayant mené à l’élaboration du projet de loi C‑18, le ministère du Patrimoine canadien a consulté différentes parties prenantes du secteur des médias (éditeurs, plateformes, radiodiffuseurs, universitaires, etc.). Deux approches ont été proposées pour résoudre les problèmes auxquels est confronté le secteur des médias canadiens : « (1) un code obligatoire et un régime d’arbitrage; (2) des contributions financières obligatoires de la part des plateformes, distribuées par un fonds indépendant 13 ». Le rapport préparé par le ministère à la suite des consultations montre qu’il n’y avait pas de consensus parmi les intervenants sur l’approche à privilégier.

Par ailleurs, dans un communiqué au sujet du dépôt du projet de loi C‑18, le ministère du Patrimoine canadien a cité en exemple une loi australienne 14. Le Code de négociation des médias d’information, ou News Media and Digital Platforms Mandatory Bargaining Code, est un projet de loi australien qui a obtenu la sanction royale le 2 mars 2021.

Comme l’indique le trésorier du gouvernement australien, l’objectif du projet de loi est de s’attaquer au « déséquilibre dans le pouvoir de négociation » qui subsiste entre les plateformes numériques et les entreprises médiatiques du pays 15. Pour atteindre cet objectif, le projet de loi institue un code de conduite qui oblige les plateformes qui souhaitent relayer des contenus de nouvelles à négocier une rémunération à cet effet auprès des organisations journalistiques. Dans l’éventualité d’une impasse dans les négociations, un arbitre pourra déterminer le montant de cette rémunération.

Le projet de loi C‑18 est construit sur un modèle semblable à celui de la loi australienne, mais y ajoute quelques éléments nouveaux. Par exemple, le projet de loi C‑18 introduit un processus de vérification indépendante (art. 86), en plus d’exiger la publication de certaines informations concernant, notamment, les ordonnances d’exemption (art. 17) et les sanctions administratives pécuniaires (art. 73).


Notes

  1. Projet de loi C‑18, Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada, 44e législature, 1re session. [ Retour au texte ]
  2. Gouvernement du Canada, Projet de loi C‑18 : Loi concernant les plateformes de communication e  ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada – Énoncé concernant la Charte, 21 juin 2022. [ Retour au texte ]
  3. Forum des politiques publiques, Le miroir éclaté : Nouvelles, démocratie et confiance dans l’ère numérique pdf (6,5 Mo, 114 pages), janvier 2017, p. 28. [ Retour au texte ]
  4. Colette Brin et Sébastien Charlton, « Canada », dans Nic Newman et al., dir., Reuters Institute Digital News Report 2022 pdf (8,5 Mo, 164 pages), 2022, p. 118. [ Retour au texte ]
  5. Chambre des communes, Comité permanent du patrimoine canadien, Bouleversements dans le paysage médiatique canadien : un monde en transformation pdf (10,6 Mo, 120 pages), sixième rapport, juin 2017, p. 38. [ Retour au texte ]
  6. Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). [ Retour au texte ]
  7. Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C‑34. [ Retour au texte ]
  8. Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46. [ Retour au texte ]
  9. Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A‑1. [ Retour au texte ]
  10. Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, L.R.C. 1985, ch. C‑22. [ Retour au texte ]
  11. Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11. [ Retour au texte ]
  12. Loi sur les télécommunications, L.C. 1993, ch. 38. [ Retour au texte ]
  13. Gouvernement du Canada, Mobilisation des parties prenantes sur le partage équitable des revenus entre les plateformes numériques et les médias d’information. [ Retour au texte ]
  14. Patrimoine canadien, Le gouvernement présente un projet de loi visant à garantir une rémunération équitable aux médias d’information et la viabilité des nouvelles locales, communiqué, 5 avril 2022. [ Retour au texte ]
  15. Australie, Parlement, « Chapter 1: Introduction », Treasury Laws Amendment (News Media and Digital Platforms Mandatory Bargaining Code) Bill 2020 [Provisions] [traduction]. [ Retour au texte ]


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