Résumé législatif du projet de loi C-41 : Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence

Résumé Législatif
Résumé législatif du projet de loi C-41 : Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence
Robert Mason, Division des affaires juridiques et sociales
Dana Phillips, Division des affaires juridiques et sociales
Publication no 44-1-C41-F
PDF 911, (14 Pages) PDF
2023-06-06

À propos de cette publication

Dans ce résumé législatif de la Bibliothèque du Parlement, tout changement d'importance depuis la publication précédente est signalé en caractères gras.


1 Contexte

Le projet de loi C‑41, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, a été déposé à la Chambre des communes le 9 mars 2023 par l'honorable Marco Mendicino, ministre de la Sécurité publique 1. Le 27 mars 2023, le projet de loi a franchi l'étape de la deuxième lecture et a été renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes (le Comité JUST).

Le projet de loi C‑41 modifie le Code criminel (le Code2 afin de permettre aux Canadiennes et aux Canadiens de fournir certaines formes d'aide dans des zones contrôlées par un groupe terroriste, lorsque le ministre de la Sécurité publique l'autorise. Le projet de loi C‑41 établit les conditions qui doivent être remplies avant qu'une telle autorisation puisse être accordée, y compris l'achèvement d'un examen de sécurité.

Le 31 mai 2023, le Comité JUST a proposé des amendements à ce projet de loi. Ces amendements précisent notamment que les organisations humanitaires sont protégées automatiquement des conséquences pénales pour les activités humanitaires menées de bonne foi. Ainsi, une autorisation expresse ne serait pas nécessaire dans ces cas. Les amendements exigent également que le gouvernement indique, sur demande, si une autorisation est requise pour une activité donnée.

La raison d'être immédiate du projet de loi C‑41 est la situation humanitaire en Afghanistan. L'Afghanistan est sous le contrôle des talibans, un groupe terroriste au sens du Code 3, depuis le retrait des forces armées des États‑Unis et de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord en août 2021. Cela a entraîné l'exclusion de l'Afghanistan du système bancaire international, le gel de ses réserves étrangères et la suspension de l'aide internationale au développement 4.

L'alinéa 83.03b) actuel du Code interdit la fourniture directe ou indirecte de biens ou de services financiers « en sachant qu'ils seront utilisés, en tout ou en partie, par un groupe terroriste ou qu'ils bénéficieront, en tout ou en partie, à celui‑ci 5 ». En raison de cette disposition générale, les organisations humanitaires canadiennes sont actuellement incapables de fournir de l'aide en Afghanistan sans risque de sanction criminelle, puisque leur travail pourrait, incidemment, profiter aux talibans en payant, par exemple, des impôts.

En décembre 2021, le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies (ONU) a adopté la résolution 2615, qui précise que l'aide humanitaire en Afghanistan ne constituerait pas une violation des sanctions internationales contre les talibans et leurs entités associées, conformément à la résolution 2255 du Conseil de sécurité de l'ONU 6. En même temps, la résolution encourageait vivement les prestataires « à faire tout ce qu'ils peuvent raisonnablement pour que les avantages que pourraient tirer des personnes ou [des] entités [comme les talibans], que ce soit à la suite d'une fourniture directe de l'aide ou d'un détournement, soient réduits au maximum 7 ». Cela a été réaffirmé et élargi en décembre 2022 par la résolution 2664 du Conseil de sécurité de l'ONU 8. Plusieurs pays ont mis en œuvre ces résolutions en modifiant leurs cadres juridiques nationaux 9.

Malgré les efforts internationaux visant à éliminer les obstacles à l'aide humanitaire, à la fin de 2022, plus de 90 % des Afghans souffraient d'un certain degré d'insécurité alimentaire, et le nombre de personnes confrontées à une insécurité alimentaire aiguë devrait atteindre 20 millions 10. Les enfants et les familles monoparentales dirigées par une femme sont exposés à un risque disproportionné. De plus, la question de l'insécurité alimentaire est aggravée par la restriction plus générale des droits de la personne en Afghanistan, y compris la violation systématique des droits des femmes et des filles 11.

Le rapporteur spécial de l'ONU sur la situation des droits de la personne en Afghanistan a récemment signalé que la crise humanitaire en Afghanistan « a été exacerbée par les conséquences imprévues de la prudence politique et de l'application excessive des sanctions, malgré les exemptions humanitaires accordées par le Conseil de sécurité 12 ».

Le projet de loi C‑41 fait suite aux résolutions 2615 et 2664 du Conseil de sécurité de l'ONU, ainsi qu'aux recommandations récentes de trois comités parlementaires visant à éliminer les obstacles canadiens à l'aide humanitaire en Afghanistan 13.

2 Description et analyse

Le projet de loi C‑41 compte six articles. La discussion dans cette section porte sur l'article 1, qui comprend les modifications les plus importantes du projet de loi. Ces modifications sont regroupées par thème.

2.1 Exception à l'interdiction du financement du terrorisme avec autorisation

En vertu de l'article 83.03 actuel du Code, il s'agit d'une infraction criminelle de fournir des biens ou des services en vue d'une activité terroriste (al. 83.03a)) ou « en sachant qu'ils seront utilisés, en tout ou en partie, par un groupe terroriste ou qu'ils bénéficieront, en tout ou en partie, à celui‑ci » (al. 83.03b)). Un « groupe terroriste » est défini au paragraphe 83.01(1) comme une entité qui facilite ou qui exerce des activités terroristes, ou une entité inscrite sur la liste établie par le gouverneur en conseil en vertu de l'article 83.05 14.

L'article 1 du projet de loi C‑41 remplace l'actuel article 83.03 par les nouveaux articles 83.03 à 83.0392. En vertu du projet de loi, les alinéas 83.03a) et 83.03b) deviennent les paragraphes 83.03(1) et 83.03(2), et un intertitre distinct est ajouté pour le paragraphe 83.03(2). Cette façon de scinder l'article 83.03 met l'accent sur la distinction entre fournir des biens ou des services en vue d'une activité terroriste et fournir des biens ou des services qui profiteront à un groupe terroriste. Une exception à cette dernière infraction est ensuite créée au titre du nouveau paragraphe 83.03(3) pour les personnes autorisées à exercer des activités précises en vertu du nouveau régime.

L'exception créée par le nouveau paragraphe 83.03(3) pourrait être utilisée pour protéger les fournisseurs autorisés d'aide en Afghanistan contre la responsabilité criminelle, même si leurs activités profitent incidemment aux talibans. Cette exception serait également offerte à ceux qui cherchent à fournir de l'aide dans toute région contrôlée par un groupe terroriste.

Le Comité JUST a amendé l'article 1 du projet de loi C‑41 pour que les infractions prévues aux nouveaux paragraphes 83.03(1) et 83.03(2) du Code s'appliquent seulement aux personnes qui agissent « délibérément et sans justification ou excuse légitime ». Cet amendement vise à tenir compte du principe de droit international humanitaire selon lequel les populations civiles ont légalement le droit de recevoir des secours humanitaires 15.

Le Comité JUST a également amendé l'article 1 afin d'ajouter au Code le paragraphe 83.03(4), selon lequel les infractions prévues aux nouveaux paragraphes 83.03(1) et 83.03(2) ne s'appliquent pas à la personne qui agit « dans le seul but de participer à des activités d'aide humanitaire sous les auspices d'organisations humanitaires impartiales conformément au droit international, tout en déployant des efforts raisonnables pour minimiser tout avantage pour les groupes terroristes ». Cet amendement est conforme à la recommandation du Comité sénatorial permanent des droits de la personne concernant la création d'une exemption humanitaire générale à l'alinéa 83.03b) actuel du Code afin de préciser « que cette disposition ne s'applique [pas] à l'aide humanitaire qui est fournie de manière légitime – sans dessein terroriste – mais qui bénéficie fortuitement à un groupe terroriste 16 ».

Les témoins qui ont comparu devant le Comité JUST lors de l'étude du projet de loi C‑41 ont expliqué qu'une exemption humanitaire générale est compatible avec l'approche adoptée par d'autres administrations et avec le droit international, qui protège les fournisseurs impartiaux d'aide humanitaire 17. Cependant, les représentants du gouvernement ont prévenu qu'une exemption humanitaire générale ne s'appliquerait pas à d'autres activités, comme l'éducation et l'aide au développement 18. Ces autres activités sont traitées au cas par cas dans le cadre de la procédure d'autorisation établie par le projet de loi C‑41.

2.2 Critères d'admissibilité à l'autorisation

Les nouveaux paragraphes 83.032(1) à 83.032(4) du Code énoncent les principaux critères d'admissibilité à l'autorisation en vertu du nouveau régime créé par le paragraphe 83.03(3). Au titre du nouveau paragraphe 83.032(1), le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre de la Sécurité publique) peut autoriser une personne à exercer des activités précises « dans une région précisée dans l'autorisation qui est contrôlée par un groupe terroriste ».

Les activités doivent servir à l'une des fins énumérées. Dans la version du projet de loi soumise en première lecture, elles comprennent la prestation d'aide humanitaire, de services de santé, de services d'éducation, de programmes d'emploi, de programmes de droits de la personne et de services relatifs à l'immigration (nouveaux al. 83.032(1)a) à 83.032(1)f)). Les activités appuyant d'autres types d'opérations du gouvernement canadien peuvent également être autorisées (nouvel al. 83.032(1)g)), mais aucune subvention ou contribution du gouvernement ne peut être autorisée à cette fin (nouveau par. 83.032(3)). Conformément à son amendement visant à établir une exemption humanitaire générale (voir section 2.1 ci‑dessus), le Comité JUST a supprimé l'aide humanitaire de la liste des fins pour lesquelles des activités peuvent être autorisées en vertu du nouveau paragraphe 83.032(1).

Le nouveau paragraphe 83.032(2) définit ce qu'est une zone géographique contrôlée par un groupe terroriste. Le groupe doit exercer une influence suffisamment importante pour qu'on puisse raisonnablement s'attendre à ce qu'il utilise des biens ou des services liés à l'exercice d'une activité dans la région ou en tire profit.

Le Comité JUST a amendé le projet de loi pour y ajouter le paragraphe 83.032(2.1), qui exige que le ministre de la Sécurité publique fournisse par écrit « des renseignements précisant si l'exercice d'une activité – ou catégorie d'activités – dans une région donnée nécessite une autorisation » lorsqu'une personne ou une organisation admissible en fait la demande. Cette disposition répond à la préoccupation exprimée par plusieurs témoins qui ont comparu devant le Comité JUST, selon laquelle le projet de loi impose aux organisations la responsabilité de déterminer si les régions dans lesquelles elles souhaitent travailler sont contrôlées par un groupe terroriste – un exercice difficile et hautement politique 19. Le nouveau paragraphe 83.032(4) établit que seuls les Canadiennes et les Canadiens ou les personnes se trouvant au Canada sont admissibles à une autorisation en vertu du régime.

2.3 Processus d'autorisation

Le processus d'autorisation comporte deux étapes. Premièrement, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ou le ministre des Affaires étrangères (selon l'objet de la demande) décide s'il y a lieu de renvoyer une demande d'autorisation au ministre de la Sécurité publique (nouveau par. 83.032(5)). Ce n'est qu'une fois qu'une demande a fait l'objet d'un renvoi que le ministre de la Sécurité publique peut effectuer un examen de sécurité et décider d'accorder ou non l'autorisation demandée. À ces deux étapes, le ministre compétent peut désigner une personne pour agir en son nom (nouveau par. 83.031(2)).

Le projet de loi C‑41 n'établit pas de délais précis pour le processus d'autorisation.

2.3.1 Renvoi par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ou le ministre des Affaires étrangères

Le processus de renvoi est décrit aux nouveaux paragraphes 83.032(5) à 83.032(8). Pour renvoyer une demande, le ministre compétent doit être convaincu que la demande satisfait aux conditions suivantes (nouveau par. 83.032(6)) :

  • La demande est conforme à toute exigence réglementaire.
  • La région identifiée dans la demande est contrôlée par un groupe terroriste.
  • L'activité proposée dans la demande vise l'une des fins énumérées.
  • L'activité « répond à un besoin réel et important » dans la région identifiée.
  • Le demandeur est capable d'administrer les fonds de façon responsable.

Ces conditions chevauchent les critères d'admissibilité énoncés aux nouveaux paragraphes 83.032(1) à 83.032(4), mais ne sont pas identiques à ceux‑ci.

Si le ministre compétent décide de renvoyer la demande au ministre de la Sécurité publique, il doit fournir une évaluation de la manière dont ces conditions sont remplies (nouveau par. 83.032(8)).

2.3.2 Décision finale du ministre de la Sécurité publique

Une fois la demande renvoyée, le ministre de la Sécurité publique peut accorder l'autorisation s'il est satisfait des conditions supplémentaires suivantes :

  • Il n'existe aucun moyen pratique d'exercer l'activité proposée dans la demande sans risque qu'un groupe terroriste en bénéficie (nouvel al. 83.032(9)a)).
  • Les avantages liés à l'exercice de l'activité l'emportent sur ce risque (nouvel al. 83.032(9)b)).

Pour déterminer si les avantages l'emportent sur les risques, le ministre de la Sécurité publique doit tenir compte de l'information fournie dans le renvoi, ainsi que des mesures ou des conditions qui peuvent être incluses dans l'autorisation afin de réduire au minimum le risque de profiter à un groupe terroriste. Le ministre de la Sécurité publique doit également effectuer un examen de sécurité pour évaluer l'incidence potentielle de l'autorisation sur le financement du terrorisme (nouveau sous‑al. 83.032(9)b)(ii) et nouveau par. 83.032(10)). Le nouveau paragraphe 83.032(10) établit une liste non exhaustive de facteurs que le ministre de la Sécurité publique peut prendre en considération dans le cadre de l'examen de sécurité, facteurs qui visent tous à déterminer les liens possibles entre le demandeur et des groupes ou des activités terroristes.

Le nouveau paragraphe 83.032(15) établit une autre limite à l'octroi d'une autorisation lorsque l'activité proposée profitera à une entité inscrite assujettie aux sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU 20. Dans ce cas, l'activité ne peut être autorisée que si le ministre des Affaires étrangères confirme que le Conseil de sécurité a approuvé ou n'a pas eu l'intention d'interdire l'activité, ou que « rien, en droit international, ne s'oppose à la délivrance de l'autorisation ». Cette disposition s'appliquerait aux activités en Afghanistan, puisque les talibans sont une entité inscrite assujettie aux sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU.

2.4 Droits et responsabilités en matière de procédure

À la première étape, une demande peut être réputée retirée si le demandeur ne fournit pas, dans les 60 jours, les renseignements manquants qui ont été demandés (nouveau par. 83.032(7)). À la deuxième étape, le ministre de la Sécurité publique peut demander que des renseignements supplémentaires concernant la demande soient fournis dans un délai précis, à défaut de quoi la demande peut être réputée retirée (nouveau par. 83.032(11)). Contrairement au processus de renvoi, le ministre de la Sécurité publique ne se limite pas à demander des renseignements qui auraient dû être inclus dans la demande initiale.

Si la décision est prise de refuser une demande à l'une ou l'autre des étapes du processus d'autorisation, un avis doit être donné au demandeur « dans un délai raisonnable » (nouveau par. 83.033(1)). Selon la version du projet de loi C‑41 soumise en première lecture, le demandeur doit attendre 180 jours avant de présenter une nouvelle demande, à moins que le ministre ayant donné l'avis soit convaincu que « la situation a évolué de façon importante » (nouveau par. 83.033(2)). Si le ministre de la Sécurité publique a donné l'avis et qu'il s'estime satisfait à cet égard, la nouvelle demande peut être examinée sans passer par le processus de renvoi décrit ci‑dessus (nouveau par. 83.033(3)). Le Comité JUST a amendé le projet de loi afin de réduire de 180 à 30 jours la période d'attente avant de présenter une nouvelle demande.

Le nouvel article 83.034 permet au ministre de la Sécurité publique d'effectuer des examens de sécurité supplémentaires à tout moment lorsqu'une autorisation est en vigueur et de demander des renseignements supplémentaires au demandeur à cette fin. Cela permettrait au gouvernement d'évaluer les circonstances changeantes et d'y réagir de façon appropriée, y compris, par exemple, tout nouveau renseignement ou toute nouvelle allégation concernant les activités du demandeur dans la région. Le Comité JUST a amendé le projet de loi pour préciser que toute demande de renseignements supplémentaires faite par le ministre de la Sécurité publique « ne doit concerner que l'autorisation ou son renouvellement ».

2.5 Portée de l'autorisation

Le ministre de la Sécurité publique peut accorder une autorisation en vertu du projet de loi C‑41 sous réserve des conditions que le ministre juge nécessaires (nouveau par. 83.032(12)). L'autorisation s'applique à toute personne qui participe, directement ou indirectement, à l'activité approuvée (nouveau par. 83.032(13)) et est valide pour une période déterminée n'excédant pas cinq ans (nouveau par. 83.032(14)). Sur demande, le ministre de la Sécurité publique peut renouveler une autorisation pour des périodes successives d'au plus cinq ans à la fois (nouvel art. 83.035).

Le ministre de la Sécurité publique peut également modifier une autorisation, sauf dans le cas où « la modification serait d'une importance telle que la nature fondamentale de l'autorisation en serait altérée » (nouvel art. 83.036). Puisque les fins énumérées pour l'activité constituent l'essence même de l'autorisation, le ministre ne peut donc pas modifier l'autorisation en changeant ces fins ou en en ajoutant d'autres (nouveau par. 83.036(2)).

Le ministre de la Sécurité publique peut suspendre, révoquer ou restreindre la portée d'une autorisation accordée si une personne ne se conforme pas à ses conditions ou ne fournit pas les renseignements demandés pour des examens de sécurité supplémentaires en vertu du nouvel article 83.034 (nouvel art. 83.037).

Le nouveau paragraphe 83.032(16) précise que la Loi sur les textes réglementaires ne s'applique pas à une autorisation accordée en vertu du projet de loi C‑41. Cela permet de s'assurer que les autorisations ne sont pas assujetties aux diverses exigences procédurales relatives aux règlements et aux autres textes réglementaires. Plus particulièrement, ce paragraphe permet de s'assurer que les autorisations ne doivent pas être accessibles au public ni faire l'objet d'un examen par le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation.

2.6 Échange de renseignements

Pour faciliter la mise en œuvre du régime d'autorisation, le nouvel article 83.038 du Code permet l'échange de renseignements entre divers ministères fédéraux, organismes chargés de l'exécution de la loi et organismes de renseignement aux fins du projet de loi C‑41 21. Le Comité JUST a amendé le projet de loi afin d'y ajouter les paragraphes 83.038(2) et 83.038(3), qui confèrent une certaine protection aux renseignements communiqués au cours du processus. Le nouveau paragraphe 83.038(2) précise que les renseignements recueillis ou communiqués ne peuvent être utilisés que pour l'application et l'exécution du régime d'autorisation créé par le projet de loi. Le nouveau paragraphe 83.038(3) exige que le ministre de la Sécurité publique prenne « des mesures raisonnables » pour veiller au respect du paragraphe 83.038(2).

2.7 Processus de révision judiciaire

Une décision prise par un ministre à l'une ou l'autre des étapes du processus d'autorisation prévu dans le projet de loi C‑41 peut être contestée devant la Cour fédérale dans le cadre d'une révision judiciaire. Le nouvel article 83.039 du Code établit des règles visant à protéger la confidentialité des renseignements de nature délicate pendant la révision judiciaire et les processus d'appel, tout en garantissant certains droits procéduraux au demandeur.

Par exemple, bien que le ministre compétent et le demandeur aient tous deux le droit d'être entendus (al. 83.039(2)d)), le juge doit exclure le demandeur et le public lors de l'audition des observations sur certains éléments de preuve si le ministre le demande et si cela est jugé nécessaire pour protéger la sécurité nationale ou la sécurité d'une personne (nouvel al. 83.039(2)a)). Le demandeur doit être « suffisamment informé » des motifs de la décision du ministre au moyen d'un résumé de la preuve, mais cela ne doit pas comprendre de renseignements qui porteraient atteinte à la sécurité nationale ou qui mettraient en danger une personne s'ils étaient divulgués (nouvel al. 83.039(2)c)). Même si un résumé de certains éléments de preuve n'a pas été fourni au demandeur, la décision du juge peut tout de même se fonder sur ces éléments de preuve (nouvel al. 83.039(2)e)).

Le Comité JUST a amendé le projet de loi afin d'y ajouter l'alinéa 83.039(2)(a.1), qui prévoit qu'un amicus curiae 22 peut participer au processus de révision judiciaire et examiner les éléments de preuve ou les autres renseignements pertinents.

2.8 Exigences en matière de rapports

Dans la version du projet de loi C‑41 soumise en première lecture, le nouveau paragraphe 83.0392(1) exige que le ministre de la Sécurité publique dépose un rapport sur le fonctionnement du régime d'autorisation prévu dans le projet de loi pour chaque année civile, dans les 180 jours suivant le 1er janvier. En vertu du nouveau paragraphe 83.0392(2), le ministre de la Sécurité publique doit entreprendre un examen approfondi du nouveau régime dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur, et un rapport doit être déposé devant chaque Chambre du Parlement.

Le Comité JUST a apporté plusieurs amendements aux exigences en matière de rapports prévues par le projet de loi C‑41. L'un d'eux exige que le rapport annuel soit déposé dans les 90 jours (plutôt que dans les 180 jours) suivant le 1er janvier, et que la loi fasse l'objet d'un examen dans l'année suivant sa promulgation (plutôt que dans les cinq ans).

Le Comité JUST a également ajouté certaines exigences relatives au contenu et au traitement du rapport. Le nouveau paragraphe 83.0392(1.1) exige que le rapport indique le nombre de demandes d'autorisation présentées, ainsi que le nombre de demandes qui ont été approuvées et le nombre de demandes qui ont été rejetées, au cours de l'année précédente. Par ailleurs, le nouveau paragraphe 83.0392(1.2) prévoit que, si le rapport contient des passages caviardés, une version non caviardée doit être transmise au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et à l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement.

2.9 Autorité réglementaire

Le nouvel article 83.0391 confère au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements concernant le processus d'autorisation, comme le recommande le ministre de la Sécurité publique. Les règlements peuvent également ajouter des entités à la liste des entités autorisées à échanger des renseignements en vertu du nouvel article 83.038.

2.10 Modifications corrélatives

Les articles 2 et 3 du projet de loi C‑41 remplacent les renvois à l'article 83.03 du Code et à la Loi canadienne sur les sociétés par actions par des renvois aux nouveaux paragraphes 83.03(1) et 83.03(2), pour tenir compte de la distinction créée par le projet de loi C‑41.

Les articles 4, 5 et 6 modifient la Loi sur la taxe d'accise, la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi de 2001 sur l'accise afin de permettre expressément aux fonctionnaires de communiquer des renseignements confidentiels sur les contribuables aux fins des examens de sécurité effectués en vertu du nouveau régime créé par le projet de loi. Cette modification vient compléter la nouvelle disposition sur l'échange de renseignements (nouvel art. 83.038) dont il est question plus haut à la section 2.6 de ce résumé législatif.

2.11 Entrée en vigueur

Le projet de loi C‑41 ne contient aucune disposition transitoire et ne précise pas non plus une date d'entrée en vigueur. Par conséquent, le projet de loi entre en vigueur à la date de sa sanction royale 23.


Notes

  1. Projet de loi C‑41, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, 44e législature, 1re session. Voir aussi Sécurité publique Canada, Projet de loi C‑41 : Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, document d'information; et Gouvernement du Canada, Projet de loi C‑41 : Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence – Énoncé concernant la Charte, 21 mars 2023. [ Retour au texte ]
  2. Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46. [ Retour au texte ]
  3. Ibid., par. 83.01(1); et Sécurité publique Canada, « Les Talibans », Entités inscrites actuellement. [ Retour au texte ]
  4. Organisation des Nations Unies (ONU), Conseil des droits de l'homme, « Situation of human rights in Afghanistan – Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in Afghanistan, Richard Bennett », Country Reports, 9 février 2023, p. 5 [en anglais]. [ Retour au texte ]
  5. Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, al. 83.03b). Une violation de l'al. 83.03b) constitue un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans. [ Retour au texte ]
  6. Conseil de sécurité de l'ONU, Résolution 2255 (2015) pdf (382 Ko, 15 pages), 21 décembre 2015. [ Retour au texte ]
  7. Conseil de sécurité de l'ONU, Résolution 2615 (2021) pdf (161 Ko, 2 pages), 22 décembre 2021. [ Retour au texte ]
  8. Conseil de sécurité de l'ONU, Résolution 2664 (2022) pdf (180 Ko, 4 pages), 9 décembre 2022. [ Retour au texte ]
  9. Voir Royaume‑Uni, Th  Sanctions (Humanitarian Exception) (Amendment) Regulations 202 3, no 121, règlement 6; et Union européenne, EUR‑Lex, Décision (PESC) 2023/338 du Conseil du 14 février 2023, Journal officiel no L 47/50. De même, les États‑Unis (É.‑U.) ont délivré des licences générales en vertu de leur cadre juridique actuel. Voir É.‑U., Département d'État, Issuance of Additional General Licenses and Guidance in Support of Assistance to Afghanistan, communiqué, 22 décembre 2021. [ Retour au texte ]
  10. ONU, Conseil des droits de l'homme, « Situation of human rights in Afghanistan – Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in Afghanistan, Richard Bennett », Country Reports, 9 février 2023 [en anglais]. [ Retour au texte ]
  11. Ibid. [ Retour au texte ]
  12. Ibid. [traduction]. [ Retour au texte ]
  13. Voir Chambre des communes, Comité spécial sur l'Afghanistan, Honorer l'héritage du Canada en Afghanistan : Répondre à la crise humanitaire et amener les gens en lieu sûr, premier rapport, juin 2022, recommandations 9 à 11; Chambre des communes, Comité permanent des affaires étrangères et du développement international (FAAE), Aide humanitaire en Afghanistan, sixième rapport, novembre 2022; FAAE, Aide humanitaire en Afghanistan, douzième rapport, février 2023; et Sénat, Comité permanent des droits de la personne (RIDR), Rapport provisoire sur les restrictions du Canada à l'aide humanitaire en Afghanistan pdf (239 Ko, 11 pages), cinquième rapport, décembre 2022, recommandations 1 à 4. [ Retour au texte ]
  14. Les talibans sont une entité inscrite en vertu de l'art. 83.05. Voir Règlement établissant une liste d'entités, DORS/2002-284. [ Retour au texte ]
  15. Comité international de la Croix‑Rouge, « Règle 55 », Bases de données de Droit international humanitaire; et Chambre des communes, Com11 permanent de la justice et des droits de la personne (JUST), Témoignages, 24 avril 2023. [ Retour au texte ]
  16. RIDR, Rapport provisoire sur les restrictions du Canada à l'aide humanitaire en Afghanistan pdf (239 Ko, 11 pages), cinquième rapport, décembre 2022, recommandation 4. [ Retour au texte ]
  17. Voir, par exemple, JUST, Témoignages, 19 avril 2023, 1635 (Leah West, professeure adjointe, Norman Paterson School of International Affairs, Université Carleton); et JUST, Témoignages, 19 avril 2023, 1640 (Joseph Belliveau, directeur général, Médecins Sans Frontières). [ Retour au texte ]
  18. JUST, Témoignages, 17 avril 2023, 1645 (Jennifer Loten, directrice générale, Bureau du crime international et du terrorisme, ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement); et JUST, Témoignages, 17 avril 2023, 1650 (Sébastien Aubertin‑Giguère, sous‑ministre adjoint, ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile). [ Retour au texte ]
  19. JUST, Témoignages, 19 avril 2023, 1630 (Jessica Davis, présidente, Insight Threat Intelligence); JUSTTémoignages, 19 avril 2023, 1635 (Leah West, professeure adjointe, Norman Paterson School of International Affairs, Université Carleton); et JUST, Témoignages, 19 avril 2023, 1730 (Usama Khan, directeur général, Islamic Relief Canada). [ Retour au texte ]
  20. Pour en savoir plus, voir Conseil de sécurité de l'ONU, Liste récapitulative du Conseil de sécurité des Nations Unies; et Gouvernement du Canada, Personnes inscrites. [ Retour au texte ]
  21. La Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada permet aux institutions fédérales d'échanger des renseignements afin de s'acquitter de leurs responsabilités « à l'égard d'activités portant atteinte à la sécurité du Canada ». Il est difficile de dire si cela s'appliquerait au régime d'autorisation prévu dans le projet de loi C‑41. Voir Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada, L.C. 2015, ch. 20, art. 2. [ Retour au texte ]
  22. Un amicus curiae – ou « ami de la cour » – est une personne désignée pour aider la cour à prendre ses décisions, notamment en veillant à ce que les points de vue divergents soient pleinement défendus; dans certains cas, la personne est désignée pour faire valoir les intérêts d'une personne concernée qui a été exclue de la procédure pour des raisons de sécurité nationale. [ Retour au texte ]
  23. Voir Kate Sinnott, « Guide pratique sur l'entrée en vigueur des lois fédérales », Notes de la Colline, Bibliothèque du Parlement, 4 octobre 2022. [ Retour au texte ]


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