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Le projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois, a été déposé à la Chambre des communes le 22 mars 2023, a fait l’objet d’une deuxième lecture le 31 mars 2023 et d’une troisième lecture le 21 juin 2023. Le projet de loi a été lu pour la première fois au Sénat le 22 juin 2023 et a franchi l’étape de la deuxième lecture le 26 septembre 2023 1. Le projet de loi renforce l’engagement du gouvernement envers la mise en place d’un registre accessible au public de la propriété effective des sociétés régies en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) 2, dans le cadre des mesures prises pour renforcer le régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. En plus de modifier la LCSA, le projet de loi apporte des modifications à la Loi sur l’accès à l’information, à la Loi de l’impôt sur le revenu, à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et à la Loi no 1 d’exécution du budget de 2022.
Le « propriétaire légal » d’un bien détient le titre de propriété en son nom, alors que le « propriétaire effectif » retire certains avantages de la propriété même si son nom n’apparaît pas sur le titre de propriété. Par exemple, un individu qui n’est pas le propriétaire légal d’une société peut avoir directement ou indirectement le pouvoir d’influer sur la conduite de la société et peut, à ce titre, être considéré comme son propriétaire effectif. Fait à noter, la propriété légale et la propriété effective ne sont pas mutuellement exclusives.
Les sociétés – qui sont considérées comme des personnes morales au Canada – peuvent être utilisées de façon pratique pour blanchir de l’argent, car elles offrent la possibilité de garder secret le nom de leur propriétaire. Une société installée au Canada peut être constituée soit sous le régime fédéral de la LCSA, soit sous le régime de constitution de sociétés de la province ou du territoire où la société exerce ses activités. Certains renseignements relatifs à la société sont recueillis et rendus accessibles au public au moment de la constitution en société, entre autres, les noms et adresses des administrateurs. Toutefois, ces derniers n’en sont peut-être pas les propriétaires légaux ou effectifs et sont souvent employés par la société pour administrer ses activités quotidiennes. Les renseignements relatifs à la société sont conservés par le gouvernement dont le régime a servi à constituer la société. En conséquence, il n’y a pas de registre central des administrateurs de sociétés et, de façon générale, aucune information n’est enregistrée sur la propriété effective.
Le Groupe d’action financière (GAFI) est un organisme intergouvernemental créé par les ministres de ses États membres, dont le Canada. Selon l’organisme, le GAFI a pour objectif d’élaborer des normes et de promouvoir l’application efficace de mesures législatives, réglementaires et opérationnelles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les autres menaces connexes à l’intégrité du système financier international.
Le GAFI a formulé des recommandations, qui sont reconnues en tant que norme internationale et qui « définissent un cadre complet et cohérent de mesures devant être mises en œuvre par les pays afin de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que le financement de la prolifération des armes de destruction massive 3 ». La transparence quant à la propriété effective est l’un des éléments abordés par ces recommandations. Par exemple, la recommandation 10 du GAFI demande que les institutions financières soient obligées de prendre des mesures de vigilance à l’égard de leur clientèle dans certaines circonstances, et notamment :
[i]dentifier le bénéficiaire effectif et prendre des mesures raisonnables pour vérifier son identité de sorte que l’institution financière a l’assurance de savoir qui est le bénéficiaire effectif. Pour les personnes morales et les constructions juridiques, ceci devrait impliquer que les institutions financières comprennent la structure de propriété et de contrôle du client 4.
Les pays établissent des seuils différents pour désigner ce qu’ils considèrent comme un « propriétaire effectif » en fonction de l’étendue de la participation de contrôle d’un individu dans la société. Le GAFI n’impose pas un tel seuil, mais a déterminé qu’un seuil de contrôle de 25 % est acceptable 5. Ce contrôle peut s’exercer par l’entremise d’une participation de contrôle (détenir des actions d’une société), de droits de vote ou la possibilité de révoquer et de remplacer les membres du conseil d’administration d’une société.
Comme annoncé le 11 décembre 2017, les ministres fédéral et provinciaux/territoriaux des Finances ont convenu de modifier leurs lois respectives sur le statut des sociétés de façon à ce que ces dernières conservent des renseignements exacts et à jour sur les propriétaires effectifs et que ces renseignements soient mis à la disposition des organismes d’application de la loi, ainsi que des administrations fiscales et autres 6. Des modifications en ce sens ont été apportées à la législation par le gouvernement fédéral à partir de 2018 et par la suite. Ainsi, la LCSA exige désormais que la plupart des entreprises constituées en société sous le régime fédéral 7 dressent et tiennent à jour une liste des « particuliers ayant un contrôle important ».
Le paragraphe 2.1(1) de la LCSA définit un particulier ayant un contrôle important comme le particulier :
a) qui a l’un ou l’autre des droits ou intérêts ci-après, ou toute combinaison de ceux-ci, relativement à un nombre important d’actions :
(i) il en est le détenteur inscrit,
(ii) il en a la propriété effective,
(iii) le cas échéant, il exerce un contrôle direct ou indirect ou a la haute main sur celui-ci;
b) qui exerce, le cas échéant, une influence directe ou indirecte ayant pour résultat le contrôle de fait de la société;
c) à qui les circonstances réglementaires s’appliquent.
Selon le paragraphe 2.1(3) de la LCSA, le terme « nombre important d’actions » est tout nombre d’actions qui confère 25 % ou plus des droits de vote ou qui équivaut à 25 % ou plus de la juste valeur marchande de l’ensemble des actions en circulation de la société.
L’article 21.1 de la LCSA énonce les détails du registre des particuliers ayant un contrôle important que la société doit elle-même créer et conserver (le registre des particuliers ayant un contrôle important). Plus précisément, ce registre doit contenir, pour chacun des particuliers ayant un contrôle important :
De plus, la société doit prendre des mesures raisonnables afin de s’assurer que tous ces particuliers sont identifiés et que les renseignements inscrits au registre sont exacts, exhaustifs et à jour. Elle doit également inscrire les mesures prises à cet effet.
Les articles 21.3 et 21.31 de la LCSA prévoient que les renseignements figurant au registre des particuliers ayant un contrôle important doivent être communiqués sur demande au directeur de Corporations Canada (le directeur) et aux organismes d’enquête, dont les autorités policières et fiscales, ainsi qu’aux actionnaires et aux créanciers de la société qui envoient un affidavit.
Le paragraphe 1(1) du projet de loi modifie l’alinéa 21.1(1)a) de la LCSA afin d’ajouter la citoyenneté et l’adresse aux fins de signification aux renseignements inscrits au registre des particuliers ayant un contrôle important. Le paragraphe 1(2) du projet de loi modifie le paragraphe 21.1(2) de la LCSA pour obliger les sociétés à mettre à jour leur registre des particuliers ayant un contrôle important à la demande du directeur, de la manière décrite dans la Loi et sur une base annuelle.
L’article 2 du projet de loi modifie l’article 21.21 de la LCSA, qui n’est pas encore en vigueur, pour permettre au directeur de déterminer quels renseignements contenus dans les registres des particuliers ayant un contrôle important doivent être fournis par les sociétés, et pour créer une infraction pour toute société qui contrevient à cette exigence, sans motif raisonnable. En première lecture du projet de loi, cette infraction était punissable, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 5 000 $.
L’article 5 du projet de loi modifie l’article 21.4 de la LCSA pour créer une infraction visant les administrateurs ou les dirigeants d’une société qui, sciemment, autorisent ou permettent que la société contrevienne à ses obligations en ce qui concerne les renseignements relatifs à la propriété effective. Cette infraction était punissable, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d’une amende maximale de 200 000 $ et d’un d’emprisonnement maximal de six mois, ou de l’une de ces peines.
Lors de son examen du projet de loi, le Comité permanent de l’industrie et de la technologie de la Chambre des communes a amendé les peines susmentionnées. Ainsi, l’article 2 du projet de loi a été amendé en vue de faire passer de 5 000 $ à 100 000 $ l’amende maximale prévue pour les sociétés reconnues coupables par procédure sommaire qui contreviennent à l’article 21.21 de la LCSA. Par ailleurs, l’article 5 du projet de loi a été amendé en comité afin d’augmenter les peines maximales prévues pour les administrateurs ou les dirigeants qui contreviennent à l’article 21.4 de la LCSA, et les faire passer à une amende maximale de 1 000 000 $ et un emprisonnement maximal de cinq ans, ou l’une de ces peines 8.
Le paragraphe 6(2) du projet de loi modifie le paragraphe 212(3.1) de la LCSA pour autoriser le directeur à dissoudre une société qui a contrevenu à l’article 21.21 de la Loi.
L’article 3 du projet de loi abroge les paragraphes 21.3(2) à 21.3(6) de la LCSA, qui permettaient aux actionnaires et aux créanciers d’une société détenant un registre des particuliers ayant un contrôle important, ou à leurs représentants personnels, d’avoir accès aux renseignements contenus dans ce registre.
Le registre accessible au public des particuliers ayant un contrôle important des sociétés régies par la LCSA est créé par l’article 4 du projet de loi, qui ajoute notamment le paragraphe 21.303(1) à la Loi pour obliger le directeur à rendre accessibles au public les renseignements suivants sur les particuliers ayant un contrôle important :
L’article 4 du projet de loi ajoute également le paragraphe 21.303(2) à la LCSA afin de prévoir une exemption pour la publication de renseignements sur les particuliers ayant un contrôle important inscrit au registre à qui les circonstances réglementaires s’appliquent ou qui sont âgés de moins de 18 ans. Enfin, l’article 4 du projet de loi ajoute le paragraphe 21.303(3) à la LCSA afin de permettre à un particulier ayant un contrôle important de demander au directeur que ces renseignements ne soient pas rendus accessibles au public si, selon le cas,
L’article 4 du projet de loi ajoute également l’article 21.302 à la LCSA pour autoriser le directeur à fournir des renseignements sur les particuliers ayant un contrôle important au registre corporatif d’une province, au ministère d’un gouvernement provincial ou à l’organisme responsables des sociétés dans une province.
L’article 7 du projet de loi modifie l’article 237 de la LCSA pour habiliter le directeur à exiger de toute personne de lui remettre des registres ou autres documents ou renseignements relativement à l’application de la Loi.
L’article 10 du projet de loi modifie le paragraphe 261(1) de la LCSA pour habiliter le gouverneur en conseil à préciser ce que constitue une « influence directe », une « influence indirecte » ou un « contrôle de fait » aux fins de l’interprétation du terme « particulier ayant un contrôle important » pour l’application des alinéas 2.1(1)b) et 21.31(3)c) de la Loi.
L’article 15 du projet de loi crée des mesures de protection pour les lanceurs d’alerte avec le nouvel article 266.1 de la LCSA pour les personnes qui fournissent au directeur des renseignements relatifs à un acte répréhensible ayant été commis qui contrevient à la Loi, qui concerne la constitution d’une société dans un but frauduleux ou illégal ou qui concerne un acte frauduleux ou malhonnête de la part de personnes participant à la constitution d’une société. Selon ce nouvel article, le directeur ne rendra pas l’identité de ces personnes publique sans leur consentement, mais il peut toutefois transmettre ces renseignements aux autorités policières et fiscales, ainsi qu’au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada et à une entité réglementaire.
Des modifications corrélatives ou connexes – ainsi que celles qui augmentent la capacité du directeur à demander que les documents incluent aussi des demandes d’autres renseignements – sont apportées à la LCSA par le paragraphe 6(1), les articles 8, 9, 11, 12, 13 et 14 du projet de loi qui modifient le sous-alinéa 212(1)a)(iii), l’article 258.1, le paragraphe 259(1), les articles 261.1 et 262.2, l’alinéa 263.1(1)a) et le paragraphe 266(1) de la LCSA, respectivement.
L’article 16 du projet de loi apporte des modifications corrélatives à l’annexe II de la Loi sur l’accès à l’information 10.
L’article 17 du projet de loi ajoute l’alinéa 241(4)u) à la Loi de l’impôt sur le revenu 11 pour autoriser la communication de certains renseignements sur les contribuables à un fonctionnaire du ministère de l’Industrie, uniquement en vue de la vérification et de la validation des données que doivent consigner certaines sociétés privées en vertu de l’article 21.21 de la LCSA relativement au registre de la propriété effective des sociétés.
L’article 18 du projet de loi modifie l’alinéa 73(1)c) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes 12 pour accroître la capacité du gouverneur en conseil de prendre des règlements concernant la déclaration de tout écart dans les renseignements sur la propriété effective ou le contrôle de toute entité aux institutions ou agences gouvernementales.
L’article 19 du projet de loi abroge l’article 434 de la Loi no 1 d’exécution du budget de 2022 13.
L’article 20 du projet de loi modifie l’article 266 de la LCSA après l’entrée en vigueur de l’article 433 de la Loi no 1 d’exécution du budget de 2022 et de l’article 14 du projet de loi C-42.
Selon l’article 21 du projet de loi, les dispositions du projet de loi C-42 entrent en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret du gouverneur en conseil.
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