Résumé législatif du projet de loi S-242 : Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication

Résumé Législatif
Résumé législatif du projet de loi S-242 : Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication
Dana Fan, Division de l'Économie, des ressources et de l'environnement
Sarah Lemelin-Bellerose, Division de l'Économie, des ressources et de l'environnement
Publication no 44-1-S242-F
PDF 658, (8 Pages) PDF
2023-10-05

À propos de cette publication

 

Dans ce résumé législatif de la Bibliothèque du Parlement, tout changement d'importance depuis la publication précédente est signalé en caractères gras.


1 Contexte

Le projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication, a été présenté au Sénat par l’honorable sénateur Dennis Glen Patterson le 23 mars 2022 1. Il a été examiné par le Comité sénatorial permanent des transports et des communications (le Comité sénatorial), qui en a fait rapport avec amendements, dont deux substantiels, le 30 mars 2023 2. Il a été adopté en troisième lecture par le Sénat le 20 avril 2023. Le 11 mai 2023, le député Ryan Williams l’a présenté à la Chambre des communes. La Chambre des communes a entamé la deuxième lecture du projet de loi le 19 septembre 2023..

Le projet de loi modifie la Loi sur la radiocommunication 3 afin d’ajouter une condition aux licences pour le déploiement du spectre de radiofréquence. Les titulaires doivent remplir deux critères pour satisfaire à cette condition : dans les trois ans qui suivent la délivrance d’une licence, ils doivent, d’une part, déployer le spectre à au moins 50 % de la population couverte par la licence et, d’autre part, le déployer de manière à fournir des services à au moins 50 % de la population de toute zone de service de niveau 5, c’est-à-dire le plus petit niveau de zone de service, située dans la zone géographique couverte par la licence. Le Comité sénatorial a amendé le projet de loi pour ajouter ce second critère. Le projet de loi prévoit aussi des mesures visant à permettre au ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie (le ministre) de retirer une licence de spectre à un titulaire qui ne respecterait pas cette nouvelle condition.

Le présent résumé législatif décrit brièvement les mesures proposées dans le projet de loi.

1.1 Contexte de la gestion du spectre au Canada

Le spectre électromagnétique regroupe des ondes d’énergie transmises dans l’espace à la vitesse de la lumière. Il regroupe plusieurs types d’ondes selon leurs bandes de fréquences. L’une d’elles, la gamme des radiofréquences, est d’origine humaine et sert de canal lors de l’envoi ou de la réception de signaux sans fil (dans ce résumé législatif, le terme « spectre » est seulement utilisé dans le sens de gamme de radiofréquences). Le spectre est donc au cœur de la gestion des services sans fil.

Au Canada, Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) s’occupe de la gestion du spectre (hormis le spectre utilisé pour la radiodiffusion, lequel est géré par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [CRTC]) en se fondant principalement sur le principe du premier arrivé, premier servi en ce qui concerne l’attribution des fréquences et la délivrance des licences. Depuis 1999, lorsque la demande dépasse l’offre, ISDE assigne les licences au moyen d’enchères publiques. Il définit les paramètres des ventes aux enchères par le truchement de consultations publiques avec les parties prenantes 4. Couvrant l’ensemble du Canada, les licences sont divisées en zones de service de cinq niveaux, établis en fonction des données des sous-divisions du recensement de Statistique Canada 5. Les niveaux de zones de service correspondent à ce qui suit :

  • le niveau 1 couvre une zone qui représente l’ensemble du Canada;
  • le niveau 2 comprend 14 zones qui correspondent à des provinces et des régions à forte densité de population;
  • le niveau 3 comprend 59 zones de service régional;
  • le niveau 4 comprend 172 zones de service local (divisées selon les sous‑divisions du recensement de 1996 de Statistique Canada 6);
  • le niveau 5 comprend 654 zones de service. Le gouvernement a créé cette zone en juillet 2019, après avoir entendu les préoccupations de plusieurs parties prenantes quant à la taille des licences 7.

Les exigences de déploiement varient d’une licence à l’autre, en fonction notamment du niveau de licence et de la densité de population.

Les régions rurales dépendent grandement des services sans fil pour avoir accès à Internet à large bande. Or, ces régions ont souvent moins accès aux licences de spectre, car, comme l’ont argué diverses parties prenantes, notamment dans un rapport divulgué par le CRTC 8 et dans des rapports préparés par le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes 9, les principaux fournisseurs de services de télécommunications préfèrent généralement déployer leurs licences de spectre dans des endroits plus densément peuplés, et donc plus rentables 10.

2 Description et analyse

2.1 Mise en place d’une nouvelle condition de déploiement du spectre

Le paragraphe 1(1) du projet de loi S-242 ajoute plusieurs paragraphes à l’article 5 de la Loi sur la radiocommunication, notamment les paragraphes 5(1.11) et 5(1.12).

Le sous-alinéa 5(1)a)(i.1) de la Loi sur la radiocommunication octroie au ministre le pouvoir de délivrer les licences de spectre et de les assortir de conditions, conditions qui ne sont pas précisées. Le nouveau paragraphe 5(1.11) créé par le projet de loi S 242 insère dans la Loi sur la radiocommunication une condition de déploiement de spectre pour chaque licence délivrée. Le titulaire d’une licence doit répondre à deux critères de déploiement pour remplir cette condition :

  • en vertu du nouvel alinéa 5(1.11)a), il doit déployer le spectre de manière à fournir des services à au moins 50 % de la population dans la zone géographique couverte par la licence;
  • en vertu du nouvel alinéa 5(1.11)b), il doit déployer le spectre de manière à fournir des services à au moins 50 % de la population de chaque zone de service de niveau 5 située dans la zone géographique couverte par la licence.

Au terme de son étude du projet de loi, le Comité sénatorial a amendé le projet de loi pour ajouter ce second critère afin d’assurer que le niveau de service minimum imposé s’étende davantage aux régions rurales et éloignées 11. Le titulaire d’une licence doit répondre aux deux critères dans les trois ans suivant la délivrance de la licence.

Le paragraphe 5(1.12) dispose qu’une licence vendue dans les trois ans suivant sa délivrance demeure assujettie à la condition énoncée au paragraphe 5(1.11). Autrement dit, un titulaire ne peut vendre une licence dans le but de prolonger le temps alloué pour remplir cette condition.

2.2 Annulation et réattribution d’une licence

Le paragraphe 1(2) du projet de loi S-242 ajoute les paragraphes 5(3) à 5(9) à la Loi sur la radiocommunication pour offrir des mesures législatives au ministre si le titulaire d’une licence ne répond pas à la nouvelle condition de déploiement du spectre à l’intérieur de trois ans. Le Comité sénatorial a ajouté un nouveau paragraphe après le paragraphe 5(6) du texte initial du projet de loi pour permettre la subordination d’une licence visée par un avis d’annulation.

Le nouveau paragraphe 5(3) dispose que si le ministre est convaincu que le titulaire d’une licence de spectre n’a pas respecté la condition prévue au paragraphe 5(1.11), il peut annuler la licence en lui transmettant un avis d’annulation précisant la date d’entrée en vigueur de l’annulation. Le ministre doit néanmoins accorder la possibilité au titulaire de la licence de présenter ses observations à l’égard de l’avis d’annulation avant d’annuler la licence (par. 5(4)).

Le paragraphe 5(5) établit le moment d’entrée en vigueur d’un avis d’annulation de licence. Si le titulaire n’utilise pas le spectre pour offrir des services à la population dans la zone géographique couverte par la licence, la licence est annulée selon la date d’envoi de l’avis d’annulation. Dans les autres cas, la licence est annulée dans les 180 jours suivant l’envoi de l’avis d’annulation.

Toutefois, à tout moment entre l’envoi de l’avis d’annulation et son entrée en vigueur, le ministre peut consentir à ce que le titulaire de la licence visée confie à une tierce partie la prestation des services à la population (ou une partie de la population) couverte par la licence (par. 5(6)). Le ministre peut aussi délivrer à une tierce partie une licence subordonnée à la licence devant être annulée s’il est convaincu que cela permettra de répondre aux exigences énoncées au paragraphe 5(1.11) et si le titulaire de la licence devant être annulée respecte toutes les autres conditions et exigences réglementaires dont elle est assortie. Lorsqu’une licence visée par un avis d’annulation est subordonnée, cela annule l’avis et la période de trois ans mentionnée au paragraphe 5(1.11) commence le jour où la licence subordonnée est délivrée (par. 5(6.1) et 5(6.2)).

Le paragraphe 5(7) indique que dans le cas où une licence doit être annulée parce que la condition de déploiement stipulée au paragraphe 5(1.11) n’est pas remplie, s’il est incapable de confier la prestation des services pour la zone visée par sa licence, le titulaire doit renoncer à la licence en avisant le ministre par écrit. À défaut d’avoir avisé le ministre par écrit, le titulaire est considéré comme responsable des pertes ou des dommages subis par toute personne dans la zone géographique couverte par la licence et peut être poursuivi en dommages-intérêts devant un tribunal compétent. Dans le cas d’une renonciation, la licence est annulée le jour de l’envoi de l’avis de renonciation plutôt qu’à la date établie au paragraphe 5(5).

En vertu des paragraphes 5(8) et 5(9), le ministre a 60 jours suivant l’annulation ou la renonciation d’une licence pour la réattribuer au moyen d’une enchère ou d’un autre processus. Le titulaire de la licence annulée et ses affiliés ne sont pas admissibles à participer à ce processus de réattribution.

2.3 Disposition transitoire

La disposition transitoire vise à imposer la nouvelle condition énoncée au paragraphe 5(1.11) aux licences délivrées avant cet ajout dans la Loi sur la radiocommunication, sans pénaliser les détenteurs de celles-ci pour ne pas avoir répondu aux exigences antérieurement. Les paragraphes 2(1) et 2(2) du projet de loi fonctionnent conjointement pour veiller à ce que, dès l’entrée en vigueur du projet de loi S-242, tous les détenteurs de licences de spectre aient trois ans pour satisfaire au paragraphe 5(1.11).


Notes

  1. Projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication, 44e législature, 1re session. [ Retour au texte ]
  2. Sénat, Comité permanent des transports et des communications, Projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication, avec amendement et observations, quatrième rapport, 30 mars 2023. [ Retour au texte ]
  3. Loi sur la radiocommunication, L.C. 1985, ch. R-2. [ Retour au texte ]
  4. Gouvernement du Canada, Politique cadre sur la vente aux enchères du spectre au Canada, 3e éd., mars 2011. [ Retour au texte ]
  5. Gouvernement du Canada, Zones de service visant l’autorisation concurrentielle. [ Retour au texte ]
  6. Statistique Canada, Subdivision de recensement (SDR). [ Retour au texte ]
  7. Gouvernement du Canada, Décisions sur un nouvel ensemble de zones de service pour y effectuer la délivrance de licences de spectre, juillet 2019. [ Retour au texte ]
  8. Kris Joseph, Une analyse des enchères du spectre des services sans fil du Canada : Propriété et déploiement des licences dans les gammes de fréquences de 700 MHz, 2 500 MHz et 3 500 MHz, rapport préparé pour le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes. [ Retour au texte ]
  9. Chambre des communes, Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie (INDU), Connectivité à large bande dans les régions rurales du Canada : combler le fossé numérique, onzième rapport, avril 2018; et INDU, Accessibilité et abordabilité des services de télécommunication au Canada : soutenir la concurrence pour (enfin) combler le fossé numérique, septième rapport, juin 2021. [ Retour au texte ]
  10. Sarah Lemelin-Bellerose, « Comprendre la gestion du spectre au Canada », Notes de la Colline, Bibliothèque du Parlement, 10 mai 2021. [ Retour au texte ]
  11. Sénat, Comité permanent des transports et des communications, Projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication, avec amendement et observations, quatrième rapport, 30 mars 2023. [ Retour au texte ]

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