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Le projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle (2016) 1, a été déposé au Sénat le 31 mars 2022 par l’honorable Marc Gold, représentant du gouvernement au Sénat. Le 11 mai 2022, le Sénat a terminé la deuxième lecture du projet de loi et ce dernier a été renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants (le Comité SECD).
Le 15 juin 2022, ce comité a renvoyé le projet de loi avec des amendements. Le lendemain, le Sénat a adopté le rapport du Comité SECD et le projet de loi S-7 a passé l’étape de la troisième lecture le 20 juin 2022. Les amendements visent à :
Le projet de loi a été déposé à la Chambre des communes le 20 octobre 2022 et a passé l’étape de la première lecture le même jour.
Le projet de loi S-7 modifie la Loi sur les douanes 2 (LSD) et la Loi sur le précontrôle (2016) 3 afin d’établir des normes quant à l’examen, par un agent des douanes (ci-après, « agent ») de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ou un contrôleur dans le cadre du précontrôle des personnes à destination des États Unis, de documents conservés dans un appareil numérique personnel. Plus particulièrement, il établit dans quelles circonstances un tel examen peut être effectué et permet la prise de règlements à cet égard.
Le projet de loi fait suite à la décision rendue en 2020 par la Cour d’appel de l’Alberta dans les affaires R. v. Canfield et R. v. Townsend (affaire Canfield) 4. Dans ces affaires entendues simultanément, la Cour a conclu que l’alinéa 99(1)a) de la LSD – sur lequel les agents de l’ASFC s’étaient appuyés pour effectuer l’examen des appareils numériques à la frontière – est inconstitutionnel puisqu’il autorise de tels examens sans imposer de limite ni d’exigence minimale. Cette décision, qui est abordée plus loin dans le présent résumé législatif, soulignait qu’il revient au Parlement d’établir une norme applicable à l’examen des appareils numériques par les agents de l’ASFC. Plus récemment, en août 2024 dans R. v. Pike, la Cour d’appel de l’Ontario – qui a également invalidé l’alinéa 99(1)a) de la LSD – a conclu que cette norme d’examen devrait être celle des « soupçons raisonnables » 5. Cette décision va dans le même sens que les amendements apportés au projet de loi S-7 et adoptés par le Sénat en juin 2022.
Toutefois, à l’instar de la Cour d’appel de l’Alberta, la Cour d’appel de l’Ontario a convenu que le Parlement pourrait fixer une norme d’examen moins stricte pour permettre aux agents de consulter certains documents électroniques téléchargés dans les appareils numériques, comme des reçus ou des documents de voyage 6.
L’ASFC a la responsabilité de fournir des services frontaliers intégrés à l’appui des priorités liées à la sécurité nationale et à la sécurité publique et de faciliter la libre circulation des personnes et des marchandises, y compris les animaux et les végétaux, qui respectent toutes les exigences de la législation frontalière 7. En outre, la LSD confère aux agents de l’ASFC des pouvoirs de fouille de personnes et d’examen de marchandises afin de permettre à l’ASFC de s’acquitter de son mandat 8.
Entre autres, les personnes qui arrivent au Canada peuvent faire l’objet d’une fouille dans les circonstances prévues à l’article 98 de la LSD. Afin que l’agent de l’ASFC puisse procéder à une telle fouille, une certaine norme doit être respectée, c’est-à-dire que l’agent doit avoir des motifs raisonnables de soupçonner une infraction à la LSD. Par exemple, l’agent doit soupçonner, pour des motifs raisonnables, que la personne dissimule sur elle un objet d’infraction à la LSD ou à ses règlements d’application; un objet permettant d’établir une telle infraction; ou une marchandise d’importation ou d’exportation prohibée en vertu de la LSD ou de toute autre loi fédérale.
Par ailleurs, le paragraphe 99(1) de la LSD confère aux agents de l’ASFC le pouvoir de procéder à l’examen de marchandises dans diverses circonstances. En vertu de l’alinéa 99(1)a) de la LSD – lequel est utilisé pour examiner sans mandat les effets personnels d’une personne (p. ex. les bagages) –, un agent peut, « tant qu’il n’y a pas eu dédouanement, examiner toutes marchandises importées et en ouvrir ou faire ouvrir tous colis ou contenants, ainsi qu’en prélever des échantillons en quantités raisonnables 9 ». Ainsi, contrairement à d’autres dispositions relatives aux fouilles de personnes et à l’examen de marchandises et qui assujettissent les agents l’ASFC à la norme des « motifs raisonnables » 10, l’alinéa 99(1)a) de la LSD n’impose pas une telle norme pour l’examen des marchandises importées. Comme il sera expliqué plus loin, l’ASFC interprète l’alinéa 99(1)a) de la LSD comme permettant à ses agents de procéder à l’examen d’appareils numériques à la frontière de manière discrétionnaire, pourvu que ce soit à des fins douanières 11.
En outre, les articles 99.2 et 99.3 de la LSD prévoient d’autres pouvoirs de fouille et d’examen, notamment en ce qui concerne les personnes se trouvant dans une zone de contrôle des douanes ou qui quittent une telle zone 12 et les marchandises en la possession de ces personnes.
L’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) protège les personnes contre les intrusions injustifiées de l’État dans leur vie privée en offrant une protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives 13. Par ailleurs, la Cour suprême du Canada a statué qu’« [u]ne fouille ne sera pas abusive si elle est autorisée par la loi, si la loi elle-même n’a rien d’abusif et si la fouille n’a pas été effectuée d’une manière abusive 14 ». Ainsi, pour être conforme à la Charte, une fouille doit être raisonnable et, en ce sens, faire l’objet de certaines limites selon les circonstances.
Dans ce contexte, il y a lieu de différencier les deux principales normes qui sont actuellement applicables dans le cadre de fouilles, de perquisitions et de saisies, soit la norme des « motifs raisonnables de croire » et la norme des « motifs raisonnables de soupçonner ».
La norme des « motifs raisonnables de croire », aussi appelée « motifs raisonnables et probables de croire », constitue une norme plus rigoureuse que la norme des « motifs raisonnables de soupçonner », bien qu’il soit nécessaire de se fonder sur des faits objectifs dans les deux cas.
La norme des « motifs raisonnables de croire » n’exige pas une « preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité », mais exige plutôt une croyance raisonnable ou une probabilité raisonnable 15. Cette norme en vertu de plusieurs dispositions du Code criminel est nécessaire afin de justifier une fouille ou une perquisition dans le cadre d’une enquête criminelle 16.
Pour sa part, la norme des « motifs raisonnables de soupçonner », aussi appelée « soupçons raisonnables », évoque la possibilité – plutôt que la probabilité – raisonnable d’un crime 17. La Cour suprême du Canada a indiqué qu’il y a lieu d’évaluer les soupçons à la lumière de toutes les circonstances d’une affaire :
L’appréciation doit prendre en compte l’ensemble des faits objectivement discernables qui donneraient à l’enquêteur un motif raisonnable de soupçonner une personne d’être impliquée dans le type d’activité criminelle sur lequel porte l’enquête. L’appréciation doit s’appuyer sur des faits, être souple et relever du bon sens et de l’expérience pratique quotidienne 18.
La suffisance de la norme des « motifs raisonnables de croire » et de la norme des « motifs raisonnables de soupçonner » dans le cadre de fouilles ou de perquisitions, afin de respecter l’article 8 de la Charte, dépend de plusieurs facteurs, comme le fait que les attentes raisonnables en matière de vie privée peuvent varier selon le contexte et la nature envahissante de la fouille ou de la perquisition. De manière générale, comme il sera expliqué ci-dessous, une norme moins élevée est attendue à la frontière, alors qu’une norme plus élevée est souvent attendue dans le cadre d’une enquête criminelle.
Dès 1988, dans l’affaire R. c. Simmons, la Cour suprême du Canada a reconnu que les États remplissent une fonction très importante quant à la protection de leurs frontières en contrôlant les personnes et les effets qui entrent sur leur territoire. Les personnes traversant une frontière internationale s’attendent à faire l’objet de vérifications, notamment par le biais de fouilles et d’examens de leurs bagages. Pour ces raisons, la Cour a statué que « les attentes raisonnables en matière de vie privée sont moindres aux douanes que dans la plupart des autres situations 19 ». En ce sens, à la frontière, la Charte offre certaines protections de base, mais ces protections ne sont pas aussi élevées que dans d’autres circonstances, comme dans le cadre d’une enquête criminelle. Dans cette même décision, la Cour suprême du Canada a précisé qu’il semble y avoir trois types de fouilles à la frontière.
Le premier type de fouilles est
l’interrogatoire de routine auquel est soumis chaque voyageur à un port d’entrée, lequel est suivi dans certains cas d’une fouille des bagages et peut-être même d’une fouille par palpation des vêtements extérieurs 20.
Selon la Cour, ce type de fouilles ne soulève aucune question de nature constitutionnelle puisqu’une personne qui se trouve dans cette situation n’est pas détenue 21.
Les deux autres types de fouilles définis par la Cour sont
la fouille à nu […] Cette fouille est effectuée dans une pièce fermée, après un examen secondaire et avec la permission d’un agent des douanes occupant un poste d’autorité [Enfin], celui qui comporte l’empiétement le plus poussé, est parfois appelé examen des cavités corporelles; pour ce genre de fouille, les agents des douanes ont recours à des médecins, à des rayons X, à des émétiques, ainsi qu’à d’autres moyens comportant un empiétement des plus poussés 22.
Ces deux types de fouilles, qui empiètent davantage sur la vie privée des personnes, soulèvent des questions de nature constitutionnelle en ce qui concerne les droits et libertés accordés par la Charte. Ainsi, la Cour a déterminé que la justification de ces fouilles et le degré de protection constitutionnelle accordé lorsqu’elles ont lieu doivent être plus importants.
Dans le passé, plusieurs cours de justice ont statué que les appareils numériques constituaient des « marchandises 23 » au sens de la LSD et que leur examen tombait donc dans la première catégorie de fouilles établie dans l’affaire R. c. Simmons, à savoir les fouilles qui ne soulèvent pas de question de nature constitutionnelle liée à la Charte 24. En ce sens, il avait été établi que leur examen n’exigeait pas de mandat ni de motif précis.
Cependant, l’absence d’exigences minimales à respecter pour procéder à l’examen d’appareils numériques à la frontière a été jugée inconstitutionnelle le 29 octobre 2020 par la Cour d’appel de l’Alberta (CAA) dans l’affaire Canfield. Dans sa décision, la CAA a statué qu’il était nécessaire de réexaminer le précédent établi par la Cour suprême dans l’affaire Simmons, soulignant que
les attentes raisonnables en matière de respect de la vie privée sont peut-être moins élevées à la frontière, mais l’évolution de l’ensemble des faits législatifs et sociaux ainsi que les changements apportés au droit relativement à la vie privée et aux appareils électroniques personnels n’ont pas encore été pleinement évalués dans le contexte frontalier 25.
En l’espèce, la CAA était appelée à se pencher sur le caractère raisonnable de l’examen d’appareils numériques trouvés en la possession de deux personnes à la douane par des agents de l’ASFC en vertu de l’alinéa 99(1)a) de la LSD. La CAA a indiqué que la définition de « marchandises » prévue par la LSD englobe bel et bien le contenu des appareils numériques 26, mais a souligné que la question qui se posait était plutôt celle de savoir si le contenu des appareils numériques devait être traité d’une manière différente de celui d’autres contenants à la frontière 27. En outre, la CAA a rappelé que, dans l’affaire Simmons, la Cour suprême du Canada avait indiqué que « plus l’empiétement sur la vie privée [résultant d’une fouille] est important, plus sa justification et le degré de protection constitutionnelle accordée doivent être importants 28 ».
Dans ce contexte, la CAA a souligné que, bien que l’examen d’un appareil numérique ne puisse être assimilé à la saisie d’échantillons de substances corporelles ou à une fouille à nu 29, un tel examen peut néanmoins constituer une atteinte importante à la vie privée 30. Par conséquent, la CAA a statué qu’afin de respecter l’article 8 de la Charte, certaines exigences doivent être respectées afin que l’examen soit raisonnable 31. La CAA a donc déclaré inconstitutionnel l’alinéa 99(1)a) de la LSD, considérant qu’il n’impose pas de limites à l’examen des appareils numériques à la frontière, que cela constitue une violation de l’article 8 de la Charte et que cette violation n’est pas justifiée au sens de l’article premier de la Charte. Corollairement, elle a déclaré la définition de « marchandises » prévue à l’article 2 de la LSD inopérante puisqu’elle englobe le contenu des appareils numériques aux fins de l’application de l’alinéa 99(1)a) 32.
La CAA a néanmoins suspendu cette déclaration d’invalidité pour une période d’un an afin que le Parlement se penche sur la question 33. En effet, la CAA a décidé qu’il revenait au Parlement de déterminer la norme appropriée à respecter pour l’examen des appareils numériques par les agents de l’ASFC, « [c]’est-à-dire si la norme appropriée est un doute raisonnable ou si elle doit être moins élevée en raison de la nature unique de la frontière 34 ». Par ailleurs, la CAA a laissé entendre que cette norme « pourrait être inférieure aux motifs raisonnables de soupçonner exigés pour procéder à une fouille à nu en vertu de la Loi sur les douanes 35 ».
Une demande d’autorisation d’appel de cette décision de la CAA a été faite à la Cour suprême du Canada, mais cette dernière l’a rejetée le 11 mars 2021, confirmant le caractère final de cette décision 36.
En 2024 dans l’arrêt R. v. Pike, la Cour d’appel de l’Ontario a également conclu à l’inconstitutionnalité de l’alinéa 99(1)a) de la LSD dans la mesure où il s’applique à l’examen d’appareils numériques, considérant que cet article viole l’article 8 de la Charte 37. La Cour a suspendu sa déclaration d’invalidité pendant une période de six mois, soit jusqu’en février 2025.
L’ASFC s’est dotée d’une politique particulière pour l’examen d’appareils numériques par ses agents 38 et a aussi publié sur son site Web des renseignements concernant la manière dont cet examen se déroule aux frontières 39.
L’ASFC souligne notamment que, lorsque des personnes passent à la frontière, ses agents peuvent examiner à des fins de douanes les appareils numériques en la possession de ces personnes, et ce, au même titre que toutes autres marchandises en vertu de l’alinéa 99(1)a) de la LSD 40. Quant aux motifs d’examen, le bulletin opérationnel de l’ASFC datant de 2015 et intitulé Examen des appareils et des supports numériques aux points d’entrée – Lignes directrices précise ce qui suit :
Bien qu’aucun[e] [norme] n’ait été défini[e] quant aux motifs justifiant l’examen de ces appareils, la politique actuelle de l’ASFC stipule que ces examens ne doivent pas être effectués systématiquement, mais uniquement lorsqu’il y a une multiplicité d’indicateurs que les appareils ou les supports numériques pourraient contenir des preuves de contraventions.
...
L’examen d’appareils ou de supports numériques doit toujours être motivé par un lien clair avec l’application ou l’exécution de la législation frontalière, prévue dans le mandat de l’ASFC, qui régit la circulation transfrontalière des personnes et des marchandises, y compris les végétaux et les animaux. Les agents de l’ASFC ne doivent pas examiner les appareils et les supports numériques dans l’unique ou principal but de chercher des éléments de preuve d’infraction criminelle à une loi fédérale. Ils doivent être en mesure d’expliquer leurs motifs et d’expliquer en quoi ils peuvent raisonnablement s’attendre à ce que chaque type d’information, de programme ou d’application contenus dans l’appareil ou dans le support numérique confirme ou réfute ces motifs. Les notes de l’agent doivent énoncer clairement les types de données examinées ainsi que le motif qui l’a poussé à effectuer cet examen 41.
En outre, selon ce bulletin opérationnel, « l’examen initial des appareils et des supports numériques est de nature sommaire; il devient de plus en plus détaillé à mesure que les indicateurs se multiplient 42 ».
Selon des statistiques fournies par l’ASFC, entre le 20 novembre 2017 et le 30 juin 2022, 276 631 519 voyageurs ont été contrôlés à la frontière et les appareils numériques de 34 066 d’entre eux (soit 0,012 % des voyageurs) ont fait l’objet d’un examen. Des examens menés, 12 731 ont donné un résultat positif, ce qui signifie que « [p]armi [les] examens, 37,3 % ont permis de détecter une infraction liée aux douanes ou à l’immigration 43 ». Toutefois, le nombre réel d’appareils numériques que les agents de l’ASFC examinent est peut-être sous-estimé. En effet, il est possible que plusieurs agents qui procèdent à l’examen d’appareils numériques omettent de remplir les documents qui permettent la compilation de ces statistiques 44.
L’ASFC précise également sur son site Web que lorsque l’un de ses agents décide de procéder à l’examen d’un appareil numérique, la personne qui est en possession de l’appareil doit lui fournir le mot de passe 45, lequel est noté sur une feuille de papier. Toujours selon l’ASFC, l’agent devrait également mettre l’appareil examiné « en mode avion pour désactiver sa capacité d’envoyer et de recevoir des informations 46 ». Ainsi, l’agent ne peut « accéder qu’aux informations sauvegardées sur l’appareil 47 », et non aux médias sociaux, aux sites bancaires ni aux courriels non sauvegardés sur l’appareil. Si l’agent trouve dans l’appareil une preuve d’infraction à une loi, il peut saisir cet appareil.
En ce qui a trait au secret professionnel d’un avocat, l’ASFC indique ce qui suit :
Si un agent tombe sur du contenu marqué comme protégé par le secret professionnel d’un avocat pendant son examen, il doit cesser d’inspecter le document en question. En cas de doute sur la légitimité du secret professionnel de l’avocat, l’appareil peut être mis de côté en vue d’être examiné par un tribunal, qui prendra une décision quant à son contenu 48.
À ce sujet, l’Association du Barreau canadien et le Barreau du Québec avaient entre autres recommandé en 2017 l’établissement d’un groupe de travail aux fins d’élaboration d’une politique sur le secret professionnel de l’avocat à la frontière 49.
Comme l’a défini le ministère de la Sécurité publique du Canada, le « précontrôle »
est une entente conclue entre deux pays pour permettre aux agents de douaniers et d’immigration du pays d’arrivée d’autoriser ou de refuser l’entrée de voyageurs ou des biens dans le territoire du pays d’origine 50.
Ce type d’ententes a pour but d’améliorer l’efficacité de la validation de l’identité des voyageurs, la gestion des déplacements des voyageurs et les flux des marchandises, ainsi que d’assurer et de renforcer la sécurité à la frontière entre les deux pays 51.
Historiquement, le Canada et les États-Unis ont conclu plusieurs ententes de ce type. L’une des premières a permis aux États-Unis d’effectuer des précontrôles dans certains aéroports canadiens dès 1952 52. De 2002 à 2019, le précontrôle effectué par les États Unis au Canada était fondé sur l’Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique relatif au précontrôle dans le domaine du transport aérien 53 et la Loi sur le précontrôle de 1999 54.
En 2015, dans le cadre du plan d’action commun Par-delà la frontière : une vision commune de la sécurité du périmètre et de la compétitivité économique 55, le Canada et les États-Unis ont signé l’accord relatif au précontrôle dans les domaines du transport terrestre, ferroviaire, maritime et aérien 56 (accord TFMA). Cet accord a mené le Canada à adopter la Loi sur le précontrôle (2016) 57 ainsi qu’à prendre les règlements nécessaires pour l’application de cette loi 58. La Loi sur le précontrôle (2016) et l’accord TFMA sont entrés en vigueur simultanément le 15 août 2019 59.
En pratique, cela permet aux voyageurs en direction des États-Unis de se soumettre à toutes les inspections douanières et d’immigration américaines avant de quitter le Canada.
À l’heure actuelle, les États-Unis mènent des opérations de précontrôle dans huit aéroports du Canada, soit ceux de Vancouver, d’Edmonton, de Calgary, de Winnipeg, de Toronto, d’Ottawa, de Montréal et de Halifax 60. Le service de précontrôle « en transit » des passagers internationaux à destination des États-Unis pourrait être offert dans tout aéroport doté d’installations de précontrôle, mais il ne l’est qu’aux aéroports internationaux de Vancouver et de Toronto 61.
Pour sa part, le Canada ne mène actuellement aucune opération de précontrôle aux États-Unis, mais « des discussions pour soutenir la mise en œuvre d’une preuve de concept pilote en mode terrestre sont en cours 62 ». De plus, dans le budget de 2021, le gouvernement fédéral prévoyait le financement de la mise en œuvre de « trois projets pilotes canadiens de précontrôle aux États-Unis qui permettraient d’effectuer les inspections des douanes et de l’immigration avant que les marchandises et les voyageurs n’entrent au Canada 63 ».
La Loi sur le précontrôle (2016) permet des opérations de précontrôle dans les domaines du transport aérien, terrestre, ferroviaire et maritime et énonce les pouvoirs que peuvent exercer les contrôleurs. Ces derniers sont des agents autorisés par le gouvernement des États-Unis à effectuer le précontrôle au Canada, dans des zones de précontrôle ou dans des périmètres de précontrôle.
En ce qui concerne les zones de précontrôle, l’article 6 de la Loi sur le précontrôle (2016) précise que ces zones sont désignées par le ministre et figurent à l’annexe de cette loi 64. Les emplacements où des zones de précontrôle peuvent être désignées sont les suivants :
En conséquence, une zone de précontrôle n’est pas limitée à la zone où les voyageurs et les biens font l’objet d’un examen. En effet, elle peut comprendre les salles d’attente où les voyageurs attendent avant de monter à bord d’un moyen de transport, le moyen de transport lui-même lorsqu’il est stationné en préparation du départ en direction des États-Unis, et les zones de traitement des bagages.
Pour ce qui est des périmètres de précontrôle, l’article 7 de la Loi sur le précontrôle (2016) précise qu’un tel périmètre peut être désigné par le ministre. Ce périmètre est un espace à proximité immédiate du lieu où le moyen de transport est stationné en vue de son départ vers les États-Unis. Ainsi, les contrôleurs peuvent, dans le périmètre de précontrôle, examiner l’extérieur du moyen de transport, examiner les marchandises qui doivent être chargées dans le moyen de transport et ordonner à une personne qui se trouve dans le périmètre de s’identifier et de préciser la raison pour laquelle elle s’y trouve 66. Cette désignation est également précisée à l’annexe de la Loi sur le précontrôle (2016).
L’article 20 de cette même loi prévoit des pouvoirs généraux pour les contrôleurs en zone de précontrôle seulement. Ceux-ci comprennent le pouvoir d’« examiner, fouiller et retenir des biens à destination des États-Unis, notamment en prélevant des échantillons en quantités raisonnables 67 ». Un pouvoir similaire applicable dans un périmètre de précontrôle est prévu à l’article 28 de la Loi sur le précontrôle (2016). Ces pouvoirs ne sont assortis d’aucune exigences minimales que les contrôleurs doivent respecter pour effectuer une telle fouille. Ainsi, à l’heure actuelle, il est possible que les contrôleurs invoquent ce pouvoir pour procéder à la fouille d’appareils numériques dont des personnes à destination des États-Unis sont en possession.
D’emblée, l’accord TFMA établit une réciprocité entre le Canada et les États-Unis. Les autorisations relatives au précontrôle accordées en vertu de cet accord s’appliquent autant aux contrôleurs canadiens qui travaillent aux États-Unis qu’aux contrôleurs américains qui travaillent au Canada 68. Par ailleurs, ces autorisations s’appliquent pour tous les modes de transport. L’accord TFMA stipule aussi que les contrôleurs doivent appliquer les lois du pays dans lequel ils travaillent.
Ainsi, la Loi sur le précontrôle (2016) établit comment le précontrôle effectué par les contrôleurs américains, qui appliquent les lois américaines en matière d’importation de biens, d’immigration, d’agriculture ou de santé et de sécurité publiques dans une zone ou un périmètre de précontrôle, s’effectue conformément au droit canadien. L’article 9 de cette loi énonce explicitement « que les règles du droit canadien s’appliquent – et que leur exécution et contrôle d’application peuvent être assurés – dans les zones et périmètres de précontrôle ». Le paragraphe 10(2) précise pour sa part que le contrôleur ne peut « exercer aucun des pouvoirs d’interrogation, d’examen, de fouille, de saisie, de confiscation, de détention ou retenue ou d’arrestation que lui confèrent les lois des États-Unis ».
Enfin, l’article 11 de la Loi sur le précontrôle (2016) assure la conformité au droit canadien en précisant que les contrôleurs américains doivent respecter le droit canadien, notamment la Charte, la Déclaration canadienne des droits et la Loi canadienne sur les droits de la personne 69. Ainsi, les contrôleurs américains doivent suivre une formation sur le droit canadien pour pouvoir exercer au Canada les attributions que cette loi leur confère.
Par ailleurs, toute personne qui se trouve dans une zone ou un périmètre de précontrôle est assujettie au droit pénal canadien ainsi qu’aux lois canadiennes, y compris :
Par conséquent, les normes canadiennes en matière de fouilles et d’examens (décrites ci-dessus) s’appliquent également aux fouilles et examens effectués par les contrôleurs américains. Par contre, tout comme pour les agents de l’ASFC, des préoccupations subsistent en matière de protection de la vie privée concernant les fouilles et examens faits par les contrôleurs américains, plus particulièrement en ce qui a trait aux appareils numériques. De plus, comme les contrôleurs sont des agents américains, l’exercice des pouvoirs en matière de précontrôle soulève des préoccupations quant à l’application des lois canadiennes sur le terrain, particulièrement la Charte, et à la manière dont les Canadiens peuvent réellement exercer leurs droits en cas de violation 70.
L’article 1 du projet de loi ajoute le nouvel article 99.01 à la LSD pour préciser dans quelles circonstances un agent de l’ASFC peut examiner les documents qui sont conservés dans un appareil numérique personnel, y compris les courriels, les messages texte, les reçus, les photographies et les vidéos. En d’autres termes, ce nouvel article crée pour les agents de l’ASFC un pouvoir d’examen spécifique aux appareils numériques personnels, notamment dans le but de les différencier de la catégorie générale des « marchandises ».
Le projet de loi ne définit pas le terme « appareil numérique personnel ». Cependant, l’ASFC utilise le terme « appareil numérique personnel » et le définit comme « tout appareil pouvant contenir des données numériques 71 ». Sont compris, par exemple, un téléphone cellulaire ou intelligent, une tablette, un ordinateur, un lecteur et une montre intelligente 72.
L’examen de documents se trouvant dans un appareil numérique personnel peut se faire tant qu’il n’y a pas eu dédouanement ou exportation 73.
Le nouveau paragraphe 99.01(1) de la LSD prévoit que les documents examinés doivent être « conservés » dans l’appareil numérique personnel. Comme il a été précisé précédemment, la politique actuelle de l’ASFC prévoit que lorsqu’un agent procède à l’examen de documents conservés dans un appareil numérique, il devrait mettre l’appareil numérique en « mode avion » de manière à « désactiver sa capacité d’envoyer et de recevoir des informations » et à n’être en mesure d’« accéder qu’aux informations sauvegardées sur l’appareil 74 ». Ainsi, pour l’application de ce nouveau paragraphe, le terme « conservé » semble viser, selon la politique de l’ASFC, les documents qui sont accessibles en « mode avion », mais exclure les documents conservés dans le stockage infonuagique puisqu’ils ne sont pas accessibles en « mode avion ». D’ailleurs, lors de sa comparution devant le Comité SECD, le ministre de la Sécurité publique, l’honorable Marco Mendicino, a confirmé que le paragraphe 99.01(1) de la LSD ne vise que les documents « qui sont conservés effectivement dans le téléphone », et que, « [d]ans le cadre du protocole de la fouille, les agents auront l’instruction – et ils seront formés à cette fin – de désactiver l’antenne et tout signal sans fil qui permettraient d’accéder au nuage 75 ».
D’ailleurs, la Cour d’appel de l’Ontario a confirmé en 2024 que la Loi sur les douanes n’autorise pas les agents de l’ASFC à consulter les données infonuagiques, c’est-à-dire les données qui sont accessibles avec l’appareil, mais qui proviennent plutôt de serveurs distants et qui non pas été téléchargées dans la mémoire de l’appareil numérique 76.
Le Comité SECD a amendé l’article premier du projet de loi afin de préciser, au nouveau paragraphe 99.01(1) de la LSD, qu’un agent de l’ASFC peut examiner les documents conservés dans un appareil numérique personnel « dont la connectivité réseau a été désactivée 77. »
Le nouveau paragraphe 99.01(1) de la LSD établit une norme à respecter pour que les agents puissent examiner les documents conservés dans un appareil numérique personnel, et énonce les fins précises pour lesquelles un agent peut procéder à un tel examen. Plus particulièrement, la version du projet de loi en première lecture prévoyait que l’agent doit avoir des
préoccupations générales raisonnables, selon le cas :
- qu’un ou plusieurs documents ont donné ou pourraient donner lieu à une infraction à la [LSD] ou à ses règlements d’application;
- qu’un ou plusieurs documents ont donné ou pourraient donner lieu à une infraction à toute autre loi fédérale prohibant, contrôlant ou réglementant les importations ou les exportations de marchandises à l’égard de laquelle l’agent a des fonctions d’exécution ou de contrôle d’application, ou à ses règlements d’application;
- qu’un ou plusieurs documents peuvent servir de moyen de preuve de telles infractions 78.
Également ajoutée à la Loi sur le précontrôle (2016) en vertu de l’article 9 du projet de loi S-7 (dans sa version en première lecture), la norme des « préoccupations générales raisonnables » n’est pas utilisée ailleurs dans la LSD ni dans d’autres lois fédérales, pas plus qu’elle n’était définie dans le projet de loi. Cette norme juridique semble moins rigoureuse que celle « des motifs raisonnables de soupçonner » et celle des « motifs raisonnables de croire 79 ». Lors de sa comparution devant le Comité SECD, le ministre de la Sécurité publique, l’honorable Marco Mendicino, a précisé que la norme des préoccupations générales raisonnables se veut plus rigoureuse « qu’un simple soupçon ou une intuition », mais moins restrictive que la norme des motifs raisonnables de soupçonner 80. Le ministre a précisé que le terme raisonnable « signifie que les indicateurs factuels de non-conformité relevés doivent être objectifs et vérifiables » et que le terme « générale » a pour objectif de « faire une distinction avec les [normes] plus élevé[e]s qui peuvent exiger que les agents déterminent une contravention spécifique avant de commencer l’examen 81 ». Finalement, le ministre a souligné que le terme « préoccupation » a été utilisé afin de différencier la norme proposée de celle des soupçons raisonnables :
Il s’agit d’un[e] nouve[lle] [norme] plus flexible que cel[le] du « soupçon raisonnable ». En même temps, [elle] n’autorise pas les agents à examiner les appareils sans préoccupations individuelles comme les tribunaux ont suggéré qu’un[e] [norme] du « soupçon généralisé » pourrait le faire. Une « préoccupation générale raisonnable » exige que la préoccupation soit individualisée et qu’elle soit attribuable à une personne spécifique ou à son appareil 82.
De plus, le ministre de la Sécurité publique a précisé que le gouvernement avait envisagé d’adopter la norme des motifs raisonnables de soupçonner, mais que, selon lui, cette norme est trop restrictive pour l’examen d’appareils numériques personnels à la frontière. Il a expliqué ce qui suit :
En outre, les « motifs raisonnables de soupçonner » sont utilisés à la frontière pour les fouilles à nu, qui ont été reconnues par la jurisprudence comme étant plus intrusives – et plus invasives – que l’examen des appareils numériques personnels.
J’aimerais souligner que nous avons maintenant des statistiques qui prouvent à quel point il est difficile de respecter l[a] [norme] plus élevé[e] dans ce contexte. Nous avons déjà commencé à constater une forte baisse du nombre d’examens d’appareils numériques personnels en Alberta et en Ontario depuis l’entrée en vigueur des décisions des tribunaux.
Malheureusement, du matériel interdit est importé chaque jour. La mise en œuvre à l’échelle nationale d’un[e] [norme] plus élevé[e] compromettrait l’intégrité des frontières et réduirait considérablement la capacité de l’ASFC à intercepter la contrebande illégale. Depuis le 29 avril, les agents doivent s’en remettre à l’alinéa 99(1)e) de la Loi sur les douanes, qui exige des « motifs raisonnables de soupçonner », pour déclencher un examen. Prolonger l’obligation d’utiliser ce[tte] [norme] plus élevé[e] compromettra incontestablement la sécurité publique et l’intégrité de la frontière, du fait de la diminution des interceptions de matériel interdit dans les appareils numériques personnels 83.
Selon des observateurs, l’utilisation du mot « générales » fait en sorte que cette norme manque de clarté quant à la nécessité, pour l’agent, de se fonder sur des faits objectifs 84. Le Comité SECD a donc amendé l’article premier du projet de loi afin de remplacer la norme des « préoccupations générales raisonnables », prévue au nouveau paragraphe 99.01(1) de la LSD, par celle des « motifs raisonnables de soupçonner ».
Finalement, le nouveau paragraphe 99.01(3) de la LSD précise que l’article 99.01 de la même loi ne s’applique pas aux appareils numériques personnels qui sont importés ou exportés uniquement en vue de leur vente, d’usages industriels, professionnels, collectifs ou autres usages analogues ou uniquement en vue d’usages prévus par règlement.
L’article 2 du projet de loi modifie l’article 99.4 de la LSD en y ajoutant un alinéa afin de conférer au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements à l’égard de l’examen de documents conservés dans des appareils numériques personnels effectué en vertu du nouveau paragraphe 99.01(1) de la LSD.
Le Comité SECD a amendé l’article 2 du projet de loi afin de conférer au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements « concernant les mesures que doit prendre l’agent si une personne affirme qu’un document devant être examiné en vertu du paragraphe 99.01(1) est protégé par une immunité reconnue par le droit de la preuve, le secret professionnel de l’avocat ou du notaire ou le privilège relatif au litige ».
L’article 110 de la LSD prévoit divers pouvoirs de saisie conférés aux agents de l’ASFC. Entre autres, le paragraphe 110(3) de la LSD permet à un agent de l’ASFC, lorsqu’il croit, pour des motifs raisonnables, à une infraction à la LSD ou à ses règlements, de saisir « tous éléments dont il croit, pour des motifs raisonnables, qu’ils peuvent servir de moyens de preuve de l’infraction ».
L’article 3 du projet de loi modifie l’article 110 de la LSD de manière à ajouter le nouveau paragraphe 110(3.1) pour autoriser un agent qui exerce le pouvoir prévu au paragraphe 110(3) de la LSD à faire une copie électronique d’un document dans l’une ou l’autre des situations suivantes :
Ainsi, un agent de l’ASFC pourrait, par exemple, faire des copies de photos, de vidéos, de messages textes ou de courriels conservés dans un appareil numérique personnel.
À l’heure actuelle, l’article 111 de la LSD prévoit qu’un juge de paix, s’il reçoit une dénonciation faite sous serment qui respecte certaines formalités, peut signer un mandat autorisant un agent de l’ASFC à perquisitionner et à saisir des biens lorsqu’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire à la présence, dans un bâtiment, un emplacement ou autre lieu
L’article 4 du projet de loi modifie l’article 111 de la LSD en y ajoutant le nouveau paragraphe 111(8) pour autoriser l’agent à faire, par divers moyens de télécommunication, la dénonciation requise pour obtenir un mandat. Cet article du projet de loi modifie en outre le paragraphe 111(2) de la LSD pour préciser qu’un mandat émis par un juge de paix en vertu du paragraphe 111(1) de cette loi peut être exécuté en tout lieu au Canada, élargissant ainsi la compétence territoriale du juge de paix. L’article 4 du projet de loi ajoute également le nouveau paragraphe 111(3.1) à la LSD pour autoriser un agent qui exécute un mandat émis en vertu du paragraphe 111(1) de la même loi à faire une copie électronique d’un document dans l’une ou l’autre des situations suivantes :
Par ailleurs, l’article 4 du projet de loi apporte plusieurs modifications à la version anglaise de l’article 111 de la LSD afin qu’elle corresponde davantage à la version française ainsi que pour préciser que la perquisition et la saisie peuvent viser tous documents, peu importe leur support, englobant ainsi les documents sur support numérique.
Dans sa version actuelle, le paragraphe 115(1) de la LSD prévoit que, en cas d’examen ou de saisie de documents en vertu de cette loi, l’agent de l’ASFC qui examine ou saisit les documents peut en faire ou en faire faire des copies. L’article 5 du projet de loi modifie le paragraphe 115(1) de la LSD de manière à préciser que l’agent de l’ASFC peut en faire ou faire faire des copies quel que soit le support.
Selon l’article 153.1 de la LSD :
Nul ne peut, physiquement ou autrement, entraver, rudoyer ou contrecarrer, ou tenter d’entraver, de rudoyer ou de contrecarrer, un agent qui fait une chose qu’il est autorisé à faire en vertu de la [LSD], ni empêcher ou tenter d’empêcher un agent de faire une telle chose 85.
Dans sa version actuelle, l’article 160.1 de la LSD précise qu’une personne qui contrevient à l’article 153.1 de la même loi encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et en plus de toute peine prévue :
a) soit une amende minimale de mille dollars et maximale de vingt cinq mille dollars;
b) soit une telle amende et un emprisonnement maximal de douze mois.
L’article 6 du projet de loi modifie l’article 160.1 de la LSD afin de faire de l’infraction prévue à l’article 153.1 une infraction mixte, c’est-à-dire une infraction punissable par procédure sommaire ou par mise en accusation. Les peines associées à l’infraction sont également modifiées de la manière suivante :
a) par procédure sommaire, une amende maximale de dix mille dollars et un emprisonnement maximal de six mois, ou l’une de ces peines;
b) par mise en accusation, une amende maximale de cinquante mille dollars et un emprisonnement maximal de cinq ans, ou l’une de ces peines.
Finalement, l’article 7 du projet de loi modifie l’article 163 de la LSD afin de faire passer le délai de prescription pour les poursuites par procédure sommaire d’infractions à la LSD ou prévues par elle de trois ans à huit ans à compter de la date du fait en cause.
L’article 9 du projet de loi crée le nouvel article 20.1 de la Loi sur le précontrôle (2016), lequel énonce les pouvoirs généraux des contrôleurs américains en zone de précontrôle au Canada 86 en ce qui a trait aux documents conservés dans un appareil numérique personnel. En vertu de cette nouvelle disposition, le contrôleur peut, aux fins de précontrôle, examiner, fouiller et retenir tout document, y compris des courriels, des messages texte, des reçus, des photographies ou des vidéos, conservé dans l’appareil numérique personnel d’un voyageur à destination des États Unis. Selon la version du projet de loi à l’étape de la première lecture, le contrôleur américain peut exercer ces pouvoirs lorsqu’il a des « préoccupations générales raisonnables » qu’un ou plusieurs documents ont donné ou pourraient donner lieu à une infraction à une loi américaine en matière d’importation de biens, d’immigration, d’agriculture ou de santé et de sécurité publiques. En vertu du nouvel article 20.1 de la Loi sur le précontrôle (2016), le contrôleur américain peut aussi exercer ces pouvoirs lorsqu’il a des préoccupations générales raisonnables qu’un ou plusieurs documents peuvent servir de moyen de preuve d’une telle infraction.
Cette norme des « préoccupations générales raisonnables » qu’il était proposé d’ajouter dans la Loi sur le précontrôle (2016), est la même que celle que le projet de loi, dans sa version originale en première lecture, proposait d’ajouter dans la LSD. Selon certains observateurs, cette norme semble être moins rigoureuse que la norme des motifs raisonnables de soupçonner ou celle des motifs raisonnables de croire du fait qu’elle « n’exige aucun motif juridique 87 ».
Le Comité SECD a amendé l’article 9 du projet de loi afin de remplacer la norme des « préoccupations générales raisonnables », prévue au nouveau paragraphe 20.1(1) de la Loi sur le précontrôle (2016), par celle des « motifs raisonnables de soupçonner ». Il a également amendé l’article 9 du projet de loi afin de préciser, au nouveau paragraphe 20.1(1) de la Loi sur le précontrôle (2016), qu’un contrôleur américain peut examiner les documents conservés dans un appareil numérique personnel « dont la connectivité réseau a été désactivée ».
L’article 9 du projet de loi précise également que le contrôleur a le pouvoir de retenir l’appareil numérique personnel dans lequel les documents sont conservés (nouveau paragraphe 20.1(2) de la Loi sur le précontrôle (2016)).
L’article 9 du projet de loi ajoute le nouveau paragraphe 20.1(3) à la Loi sur le précontrôle (2016) pour préciser que les pouvoirs du contrôleur doivent respecter les règlements ou les directives ministérielles du Canada émises en vertu du nouveau paragraphe 45.1(1) de la même loi et dont il est question plus en détail à la section 2.2.2 du présent résumé législatif.
Toujours selon l’article 9 du projet de loi, ces pouvoirs ne s’appliquent pas aux appareils numériques personnels à destination des États Unis en vue de leur vente, d’usages industriels, professionnels, commerciaux, collectifs ou d’autres usages analogues ou prévus par règlement (nouveau paragraphe 20.1(4) de la Loi sur le précontrôle (2016)).
Les nouveaux pouvoirs des contrôleurs dans les zones de précontrôle en matière de fouille, d’examen et de rétention d’appareils numériques personnels énoncés au nouvel article 20.1 de la Loi sur le précontrôle (2016) sont presque identiques aux nouveaux pouvoirs des contrôleurs dans le périmètre de précontrôle prévus à l’article 12 du projet de loi, qui ajoute le nouvel article 28.1 à la même loi. Les libellés de ces deux nouveaux articles, tels qu’ils étaient formulés dans la version du projet de loi à l’étape de la première lecture, étaient essentiellement les mêmes et prévoyaient la même norme juridique, à savoir celle des « préoccupations générales raisonnables ». Cependant, à l’égard des pouvoirs des contrôleurs dans les périmètres de précontrôle, l’article 28.1 de la Loi sur le précontrôle (2016) prévoit que les pouvoirs peuvent être appliqués non seulement aux fins de précontrôle, mais également « pour maintenir la sécurité ou le contrôle de la frontière entre le Canada et les États-Unis ». Il précise également que pour qu’un contrôleur puisse examiner, fouiller ou retenir un appareil numérique personnel, ce dernier doit être en la possession ou sous le contrôle d’un voyageur à destination des États-Unis et il doit être prévu que cet appareil soit chargé à bord d’un moyen de transport aérien, terrestre, ferroviaire ou maritime visé à l’alinéa 6(2)a) de la Loi sur le précontrôle (2016).
Comme il l’a fait pour l’article 9 du projet de loi, le Comité SECD a amendé l’article 12 du projet de loi. D’une part, il a amendé l’article 12 afin de remplacer la norme des « préoccupations générales raisonnables », prévue au nouveau paragraphe 28.1(1) de la Loi sur le précontrôle (2016), par celle des « motifs raisonnables de soupçonner ». D’autre part, il a modifié l’article 12 du projet de loi afin de préciser, au nouveau paragraphe 28.1(1) de la Loi sur le précontrôle (2016), qu’un contrôleur américain peut examiner les documents conservés dans un appareil numérique personnel « dont la connectivité réseau a été désactivée ».
Dans sa version actuelle, le paragraphe 34(1) de la Loi sur le précontrôle (2016) énonce les pouvoirs des contrôleurs américains dans la zone ou le périmètre de précontrôle en matière de saisie dans la mesure et de la manière permises par les lois des États-Unis. L’article 15 du projet de loi modifie ce paragraphe afin de permettre la saisie des appareils numériques retenus dans la zone de précontrôle ou le périmètre de précontrôle conformément aux nouveaux pouvoirs créés par les articles 9 et 12 du projet de loi.
L’article 16 du projet de loi, dans sa version en première lecture, modifiait l’article 43 de la Loi sur le précontrôle (2016) de manière à autoriser la prise de règlements quant à l’examen, la fouille et la rétention d’appareils numériques personnels effectués en vertu des nouveaux articles 20.1 ou 28.1 de la même loi.
Le Comité SECD a amendé l’article 16 du projet de loi afin d’autoriser également la prise de règlements
concernant les mesures que doit prendre le contrôleur si une personne affirme qu’un document visé par l’examen, la fouille ou la rétention en vertu des articles 20.1 ou 28.1 est protégé par une immunité reconnue par le droit de la preuve, le secret professionnel de l’avocat ou du notaire ou le privilège relatif au litige.
L’article 17 du projet de loi crée le nouvel article 45.1 de la Loi sur le précontrôle (2016) pour conférer au ministre le pouvoir discrétionnaire de donner des directives relatives à l’examen, la fouille et la rétention de tout document trouvé dans un appareil numérique personnel dans la zone de précontrôle ou le périmètre de précontrôle effectués par des contrôleurs en vertu des nouveaux articles 20.1 et 28.1 de la Loi sur le précontrôle (2016).
L’article 17 du projet de loi ajoute également les nouveaux paragraphe 45.1(2) et 45.1(3) à la Loi sur le précontrôle (2016), lesquels prévoient diverses modalités concernant la période de validité des directives ministérielles et le moment où elles cessent d’avoir effet.
En outre, selon le nouveau paragraphe 45.1(4), la Loi sur les textes réglementaires ne s’applique pas aux directives ministérielles, mais le ministre doit les faire publier dans la Gazette du Canada dans les 60 jours suivant la date où elles sont données.
Le nouveau paragraphe 45.1(5) de la Loi sur le précontrôle (2016) précise pour sa part que, dans le cas d’une incompatibilité entre les dispositions des directives et les dispositions des règlements, celles des règlements l’emportent sur celles des directives.
Les articles 8, 10, 13 et 14 du projet de loi modifient les alinéas 20(1)d), 27(2)a), 31(2)a) et 32(1)a) de la Loi sur le précontrôle (2016) en remplaçant le verbe existant « s’identifier » par « donner son identité » dans le but de mettre à jour la version française de cette loi en ce qui a trait à l’obligation pour les voyageurs de donner leur identité. Ces modifications assurent une conformité des verbes utilisés à l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur le précontrôle (2016) et à l’alinéa 4a) du Règlement sur le précontrôle au Canada 88.
Une zone de contrôle des douanes (ZCD)
est une zone désignée où il y a probabilité que les travailleurs et les voyageurs nationaux en partance entrent en contact avec des marchandises et des voyageurs internationaux qui n’ont pas encore subi le contrôle de l’ASFC […] L’ASFC mène ses activités à l’intérieur de zones désignées dans les points d’entrée en vertu de la Loi sur les douanes (y compris les bureaux de douane et autres installations servant à traiter les marchandises ou les personnes qui arrivent de l’étranger); ces zones sont considérées des « aires des douanes ».
Les ZCD sont des espaces désignés à l’intérieur de ces aires où il y a probabilité que les travailleurs ou les voyageurs nationaux en partance entrent en contact avec des marchandises et des voyageurs internationaux qui n’ont pas encore subi le contrôle de l’ASFC.
Voir ASFC, Zones de contrôle des douanes – Questions et réponses.
[ Retour au texte ]À titre d’exemple, dans le contexte d’une arrestation par un agent de police, la Cour suprême du Canada a interprété la norme des « motifs raisonnables et probables de croire » comme étant une norme impliquant un élément objectif et subjectif :
En résumé donc, le Code criminel exige que l’agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables et probables d’y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables, c’est-à-dire qu’une personne raisonnable se trouvant à la place de l’agent de police doit pouvoir conclure qu’il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l’arrestation. Par ailleurs, la police n’a pas à démontrer davantage que l’existence de motifs raisonnables et probables. Plus précisément, elle n’est pas tenue, pour procéder à l’arrestation, d’établir une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité.
Voir R. c. Storrey, [1990] 1 R.C.S. 241.
[ Retour au texte ]Gouvernement du Canada, Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement
des États-Unis d’Amérique relatif au précontrôle dans les domaines du transport terrestre,
ferroviaire, maritime et aérien. Selon le par. 2 de l’art. II de cet accord :
[ Retour au texte ]2. La Partie inspectrice veille à ce que les contrôleurs se conforment au droit de la Partie hôte lorsqu’ils se trouvent sur le territoire de cette dernière. Le droit de la Partie hôte s’applique dans la zone de précontrôle et dans le périmètre de précontrôle. Les contrôleurs n’exercent que les pouvoirs et attributions autorisés et conférés par la Partie hôte en vertu du présent Accord. Comme les contrôleurs doivent également administrer les lois de la Partie inspectrice sur le territoire de la Partie hôte, le précontrôle s’effectue d’une manière conforme au droit et aux constitutions des deux Parties et au présent Accord, étant entendu que les Parties sont tenues d’appliquer les normes applicables énoncées à l’article VI. Les Parties reconnaissent que la Partie inspectrice ne peut appliquer son droit criminel sur le territoire de la Partie hôte au moyen d’activités telles que des arrestations ou des poursuites.
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