Au Canada, la compétence en matière de langue est partagée entre les différents ordres de gouvernement. Bien qu’il ait mis en place ses propres mesures d’appui, le gouvernement fédéral compte sur le soutien des provinces et des territoires pour assurer, à la grandeur du pays, la reconnaissance des deux langues officielles, soit le français et l’anglais.
Cette étude de la Colline trace un portrait des régimes linguistiques mis en place par les provinces et les territoires, et en décrit brièvement les principales caractéristiques. Au fil des années, plusieurs efforts ont été déployés à la grandeur du pays pour favoriser la reconnaissance du français et de l’anglais ainsi que pour améliorer l’offre de services à la population dans ces deux langues. Des mesures ont également été prises à travers le pays pour accroître la protection et la revitalisation des langues autochtones.
Chaque province et territoire possède un régime linguistique qui lui est propre et qui évolue au fil du temps. Ce régime linguistique est encadré par un certain nombre de textes officiels qui prennent la forme, selon le cas, d’une disposition constitutionnelle, d’une loi, d’un règlement, d’une politique ou d’un plan stratégique. Il peut s’appliquer à différents domaines, comme l’offre de services gouvernementaux, l’adoption des lois, la justice, l’éducation ou les services municipaux, pour ne nommer que ceux‑là.
Ces dernières années, on a constaté, au sein des provinces et des territoires, une recrudescence des dispositions visant à favoriser l’épanouissement et à assurer le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. En outre, plusieurs administrations provinciales et territoriales ont mis à jour leurs dispositions législatives, réglementaires ou politiques pour s’adapter aux besoins linguistiques changeants de leurs populations respectives. Cela dit, selon l’endroit où ils habitent, les Canadiens et les Canadiennes connaissent de grands écarts quant au type de services qu’ils peuvent recevoir dans la langue officielle de leur choix.
Les pratiques de collaboration intergouvernementale ont elles aussi suivi une tendance vers la hausse. On constate la mise sur pied de différents mécanismes de partenariat, à l’échelle tant régionale, nationale qu’internationale, qui ont pour but de bonifier l’offre de services dans les deux langues officielles. Dans chaque province et territoire, il existe une structure de gouvernance qui permet d’assurer la reconnaissance du statut de la langue minoritaire. À certains endroits, un ombudsman ou un organisme est responsable du respect des droits linguistiques et traite les plaintes déposées à cet égard.
Au moment de rédiger la présente étude, le Parlement était toujours saisi d’un projet de loi visant à moderniser la Loi sur les langues officielles du Canada. Ce projet de loi met l’accent sur l’importance de la collaboration entre les différents ordres de gouvernement et reconnaît que la diversité des régimes linguistiques contribue à l’atteinte de l’égalité réelle entre le français et l’anglais au Canada. La Loi sur les langues autochtones du Canada, sanctionnée en 2019, a aussi affirmé l’importance de cette collaboration pour la revitalisation des langues autochtones, qui concerne à la fois les provinces, les territoires ainsi que les gouvernements et organismes autochtones.
Les différents régimes linguistiques en vigueur au Canada se nourrissent mutuellement et sont constamment appelés à changer, comme en témoignent la mise à jour récente des lois de l’Ontario et du Québec et la mise à jour attendue de la loi des Territoires du Nord‑Ouest. Au Nouveau‑Brunswick, le plus récent exercice de révision n’aur mené à aucune mise à jour de la loi provinciale, mais plutôt à la création d’un secrétariat des langues officielles prévue pour avril 2023.
Au Canada, il n’existe dans la Constitution aucune disposition relative à la compétence en matière de langue. Dans un arrêt rendu en 1988, la Cour suprême du Canada a affirmé que : « La langue n’est pas une matière législative indépendante, elle est “accessoire” à l’exercice de la compétence relative à une catégorie de sujets attribuée au Parlement ou aux assemblées législatives provinciales par la Loi constitutionnelle de 1867 1. » Ainsi, l pouvoir de légiférer dans le domaine linguistique appartient aux deux ordres de gouvernement, selon les compétences législatives qui leur sont attribuées.
Les provinces et les territoires sont appelés à jouer un rôle de premier plan à l’égard de la protection des minorités linguistiques dans les secteurs qui relèvent de leur compétence exclusive ou partagée. Des études ont fait ressortir les efforts déployés par les provinces et les territoires pour favoriser l’essor des langues officielles et l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire 2.
Les pratiques ne cessent d’évoluer, comme en témoigne l’entrée en vigueur, en 2013, de la Loi sur les langues officielles et de la Loi sur la protection de la langue inuit du Nunavut 3. L’Île‑du‑Prince‑Édouard a révisé son régime linguistique la même année 4. Le Nouveau‑Brunswick a emboîté le pas en 2013, puis a entamé un nouveau processus de révision de sa Loi sur les langues officielles en 2021, auquel le premier ministre de la province n’avait répondu que sommairement au moment de rédiger la présente étude 5. Pour sa part, Terre‑Neuve‑et‑Labrador a adopté sa Politique sur les services en français en 2015, tandis que le Manitoba a vu sa Loi sur l’appui à l’épanouissement de la francophonie manitobaine entrer en vigueur en 2016, et que l’Alberta a adopté sa Politique en matière de francophonie en 2017 6. Par ailleurs, l’Ontario et le Québec viennent tout juste de mettre à jour leurs lois linguistiques respectives, tandis qu’un processus de révision est en cours aux Territoires du Nord‑Ouest 7. À ce jour, la Colombie‑Britannique demeure la seule province sans cadre législatif, politique ou réglementaire, mais cette situation serait en voie de changer 8.
Durant les 43e et 44e législatures, le gouvernement fédéral a déposé des projets de loi visant à moderniser la Loi sur les langues officielles fédérale, notamment pour reconnaître la diversité des régimes linguistiques provinciaux et territoriaux et leur contribution à la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne. Le Parlement était toujours saisi de l’un de ces projets de loi au moment de rédiger la présente étude 9. En 2019, le gouvernement fédéral a aussi reconnu l’importance de la collaboration avec les gouvernements et organismes autochtones, mais également avec les provinces et les territoires pour la mise en œuvre de sa nouvelle Loi sur les langues autochtones 10.
Le présent document résume les régimes linguistiques provinciaux et territoriaux existants ainsi que les pratiques en vigueur dans le domaine de la collaboration intergouvernementale.
Les régimes linguistiques varient énormément d’une province et d’un territoire à l’autre. Seuls le Québec et le Manitoba avaient des obligations linguistiques au moment de leur entrée dans la Confédération. Le Nouveau‑Brunswick a fait œuvre de pionnier en édictant la toute première Loi sur les langues officielles en 1969.
Aujourd’hui, toutes les provinces – à l’exception de la Colombie‑Britannique – et tous les territoires ont adopté des mesures concernant la reconnaissance des langues officielles ou l’offre de services en français.
En plus de ces dispositions générales, les provinces et les territoires ont adopté des mesures linguistiques particulières en ce qui concerne, entre autres, l’éducation, la justice, les services municipaux, les processus de plainte, les services gouvernementaux, l’Assemblée législative et les lois ou les communautés de langue officielle.
Sur le plan de l’éducation, toutes les provinces et tous les territoires ont mis en œuvre des mesures législatives afin de se conformer aux critères énoncés à l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés 17. Cet article reconnaît aux parents le droit de faire instruire leurs enfants aux niveaux primaire et secondaire dans la langue de la minorité, là où le nombre le justifie. Il leur reconnaît aussi le droit de gérer les écoles de la minorité 18.
Depuis 1970, le gouvernement fédéral offre un soutien financier aux provinces et aux territoires afin de couvrir les frais supplémentaires engagés pour l’enseignement dans la langue de la minorité et l’enseignement dans la langue seconde. La gestion du financement en éducation se fait par l’entremise d’un protocole signé entre le gouvernement du Canada et le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada). Chaque province et territoire met au point un plan d’action contenant des engagements financiers et des indicateurs de performance 19.
Le Nunavut constitue un cas à part pour ce qui est des droits linguistiques en éducation, puisque la Loi sur la protection de la langue inuit prévoit des dispositions particulières pour l’instruction de la population du territoire dans la langue inuite 20. Par ailleurs, le gouvernement fédéral offre un soutien financier pour favoriser l’apprentissage de l’inuktitut à l’école et favoriser la revitalisation de la langue 21.
Sur le plan de la justice, l’article 530 du Code criminel 22 garantit à tout accusé le droit de subir un procès en matière de droit criminel dans la langue de son choix. Les provinces et les territoires, qui doivent se conformer à ces exigences, ont pour la plupart mis en œuvre des mesures législatives en ce sens et ont prévu d’autres mesures pour encadrer les droits linguistiques dans leurs tribunaux.
En 2019, des modifications ont été apportées à la Loi sur le divorce afin de permettre aux parties d’opter pour l’une de deux langues officielles lors de procédures de divorce 27. Ces modifications, bien qu’adoptées par le Parlement du Canada, s’appliqueront graduellement à l’ensemble des provinces et des territoires 28.
Sur le plan municipal, le Québec, l’Ontario, le Nouveau‑Brunswick et le Manitoba ont légiféré pour prescrire des régimes linguistiques qui tiennent compte des communautés de langue officielle en situation minoritaire 29. Pour sa part, le Nunavut a établi des droits et des obligations concernant la langue inuite à l’échelon municipal dans la Loi sur la protection de la langue inuit. La Loi sur les langues officielles du Nunavut prévoit entre autres qu’une municipalité peut offrir des communications et des services en français, en anglais ou en langue inuite là où il y a une demande importante. Ailleurs au Canada, certaines municipalités ont un statut bilingue ou offrent des services dans les deux langues officielles, notamment à l’Île‑du‑Prince‑Édouard, en Nouvelle‑Écosse, en Saskatchewan, en Alberta et aux les Territoires du Nord‑Ouest.
Dans certaines provinces, des municipalités se sont associées pour assurer le maintien et la prestation de services municipaux en français. On compte parmi les exemples de regroupements associatifs l’Association française des municipalités de l’Ontario, l’Association francophone des municipalités du Nouveau‑Brunswick, l’Association des municipalités bilingues du Manitoba et l’Association bilingue des municipalités de l’Alberta.
Trois provinces (l’Ontario, le Nouveau‑Brunswick et le Québec) et deux territoires (les Territoires du Nord‑Ouest et le Nunavut) ont institué un poste d’ombudsman linguistique ou créé un organisme responsable du respect des droits linguistiques. Celui‑ci a pour rôle de faire respecter, dans la province ou le territoire concerné, la loi linguistique et l’offre de services en français comme langue de la minorité – ou de la majorité dans le cas du Québec – et d’examiner les plaintes à ces égards. Il arrive que des échanges informels aient lieu entre les ombudsmans provinciaux ou territoriaux et le commissaire fédéral aux langues officielles 30.
Par ailleurs, la Loi sur les services en français de l’Île‑du‑Prince‑Édouard ne prévoit pas la création d’un bureau d’ombudsman, mais prescrit la nomination d’un agent aux plaintes relevant du ministre responsable des Affaires acadiennes et francophones. Selon le processus en place, les plaintes sont d’abord traitées par le coordonnateur des services en français de l’institution gouvernementale impliquée dans l’incident, puis confiées à l’agent aux plaintes, au besoin.
La majorité des provinces (huit sur dix) et tous les territoires ont adopté des mesures concernant l’offre de services gouvernementaux dans la langue de la minorité. L’étendue des obligations à cet égard varie toutefois d’un endroit à l’autre.
L’utilisation de la langue de la minorité est possible dans le cadre des travaux de neuf assemblées législatives :
Huit provinces et territoires prévoient également l’impression et la publication des lois dans la langue de la minorité :
Certaines lois ou politiques provinciales ou territoriales contiennent des dispositions à l’égard du développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire :
Le tableau suivant présente une liste non exhaustive des textes officiels adoptés dans chaque province et territoire concernant la reconnaissance des langues officielles, l’offre de services dans la langue de la minorité ou le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Province ou territoire | Textes officiels |
---|---|
Yukon |
|
Territoires du Nord‑Ouest |
|
Nunavut |
|
Colombie‑Britannique | – |
Alberta |
|
Saskatchewan |
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Manitoba |
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Ontario |
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Québec |
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Nouveau‑Brunswick |
|
Nouvelle‑Écosse |
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Île‑du‑Prince‑Édouard |
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Terre‑Neuve‑et‑Labrador |
|
Notes :
Seules les dates d’adoption sont indiquées dans le tableau pour les lois, les règlements et les politiques; dans certains cas, des changements ont pu être apportés par la suite. Pour les plans stratégiques, toutes les dates pertinentes sont indiquées dans le tableau.
Au sujet du Nunavut, la première Loi sur les langues officielles dont il est fait mention dans le tableau est celle des Territoires du Nord‑Ouest qui était en vigueur lors de la création du Nunavut, en 1999, et a été abrogée lors de l’adoption de la Loi sur les langues officielles de 2008.
Source :
Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées des sites Web des gouvernements provinciaux et territoriaux.
À partir du milieu des années 1990, la signature d’ententes de collaboration entre le gouvernement fédéral et ceux des provinces et des territoires pour promouvoir les services en français dans les provinces et les territoires est devenue pratique courante 48. Ces ententes ont pour but d’accroître la capacité des gouvernements provinciaux et territoriaux de développer, d’améliorer et d’offrir des services dans la langue de la minorité, y compris les services municipaux.
Les fonds investis permettent, par exemple, d’appuyer la mise en œuvre des lois provinciales et territoriales. Ils favorisent la prestation de services dans tout secteur (autre que l’éducation) jugé essentiel au développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire (p. ex. justice, santé, jeunesse, arts, culture). Chaque province et territoire met au point un plan stratégique décrivant les activités prévues et les résultats attendus.
Les gouvernements provinciaux et territoriaux ont tous mis sur pied un bureau responsable des affaires francophones ou anglophones, dans le cas du Québec. Dans la plupart des cas, ce bureau est sous la responsabilité du ministre désigné; dans certains cas, il relève d’un autre portefeuille ministériel (p. ex. secrétariat provincial, affaires intergouvernementales). Au Québec, la gestion des relations avec la population d’expression anglaise est assurée depuis novembre 2017 par un secrétariat qui relève du ministère du Conseil exécutif.
Dans toutes ses initiatives quinquennales lancées depuis 2003, le gouvernement fédéral a réitéré l’importance de la collaboration intergouvernementale et de l’appui à l’offre de services dans les deux langues officielles dans les provinces et les territoires 49. Le projet de loi pour moderniser la Loi sur les langues officielles du Canada, déposé à la Chambre des communes le 1er mars 2022 et toujours à l’étude au moment de rédiger la présente étude, met lui aussi l’accent sur l’importance de cette collaboration 50.
Depuis la fin des années 1980, le gouvernement du Québec a conclu des ententes de coopération avec les gouvernements des autres provinces et territoires en vue d’aider ces derniers à bonifier l’offre de services en français 51. Parmi les secteurs visés se retrouvent, en priorité, la culture, les communications, l’éducation, le développement économique et la santé. De l’aide est également offerte dans d’autres secteurs, comme les services à la petite enfance, la jeunesse, l’immigration, la justice, le tourisme ou tout autre domaine jugé pertinent.
En 2006, le Québec a mis à jour sa politique en matière de francophonie canadienne en vue de renforcer la solidarité entre les francophones du Québec et ceux du reste du pays 52. En 2017, il a dévoilé la Politique d’affirmation du Québec et de relations canadiennes, qui place la francophonie canadienne au cœur du dialogue entre le Québec et le reste du Canada 53. En 2022, la province a de nouveau mis à jour sa politique en matière de francophonie canadienne et lancé un plan d’action pour accompagner sa mise en œuvre 54. De plus, sa loi en matière linguistique contient, depuis le 1er juin 2022, des mentions au sujet des communautés francophones et acadiennes du Canada 55. La mobilité des jeunes, l’accès aux études postsecondaires et à la recherche en français, les partenariats dans les domaines de la santé et de l’économie ainsi que l’instauration de la Journée de la francophonie canadienne figurent parmi les domaines d’intervention ciblés.
Depuis 1994, les provinces et les territoires participent annuellement au Conseil des ministres sur la francophonie canadienne (anciennement la Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne) 56. Cette instance vise à renforcer la concertation intergouvernementale sur des dossiers qui touchent au maintien et au développement de la francophonie canadienne. Elle vise aussi à améliorer la coordination entre les actions des gouvernements provinciaux et territoriaux et celles du gouvernement fédéral. Chaque province et territoire y est représenté par un ministre responsable, tandis que le gouvernement fédéral y est représenté depuis 2005.
Lors des dernières conférences annuelles, les ministres provinciaux et territoriaux se sont penchés sur divers enjeux, dont l’immigration francophone, l’offre de services en français, la modernisation de la Loi sur les langues officielles fédérale et la pénurie de main‑d’œuvre bilingue. Ils ont demandé une collaboration accrue avec le gouvernement fédéral dans la foulée du futur plan d’action pour les langues officielles, qui sera en vigueur de 2023 à 2028, et au sujet duquel des consultations publiques ont été menées.
Dans son document de réforme des langues officielles dévoilé en février 2021, le gouvernement fédéral avait proposé de reconnaître « le mandat, la collaboration et l’action du Conseil des ministres sur la francophonie canadienne », mais cela ne s’est pas transposé dans le projet de loi déposé au Parlement le 1er mars 2022 57.
Deux gouvernements provinciaux (le Québec et le Nouveau‑Brunswick) sont membres de l’Organisation internationale de la Francophonie 58. Cette participation constitue un levier politique permettant à ces deux provinces d’exercer une influence sur un certain nombre d’enjeux qui touchent à la francophonie à l’échelle internationale. Depuis novembre 2016, l’Ontario y a un statut d’observateur, ce qui lui permet d’assister aux réunions des instances de la Francophonie, sans toutefois pouvoir intervenir lors les débats. Les autres provinces et territoires sont représentés par le gouvernement fédéral, qui a le statut de membre.
Au niveau municipal, un certain nombre de municipalités du Québec ainsi que l’Association francophone des municipalités du Nouveau‑Brunswick sont membres de l’Association internationale des maires francophones, un réseau international d’élus locaux issus de pays où la place du français est officiellement reconnue 59.
La figure suivante précise, au moyen d’une représentation visuelle, les particularités des régimes linguistiques en vigueur dans les provinces et les territoires ainsi que la structure de gouvernance en place pour assurer la reconnaissance du statut de la langue minoritaire.
La figure illustre les particularités des régimes linguistiques par province et territoire du Canada. Des textes officiels existent dans l’ensemble des provinces et territoires, à l’exception de la Colombie‑Britannique. Ces textes prennent la forme de dispositions constitutionnelles au Manitoba, au Québec et au Nouveau‑Brunswick. Des lois et règlements ont été adoptés partout, sauf en Colombie‑Britannique et à Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Des politiques ont été mises en place au Yukon, aux Territoires du Nord‑Ouest, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, au Nouveau‑Brunswick et à Terre‑Neuve‑et‑Labrador. Un plan stratégique a été adopté aux Territoires du Nord‑Ouest, au Nunavut, en Alberta, en Ontario et au Nouveau‑Brunswick. Dans les trois territoires, la loi ne peut être modifiée sans l’assentiment du Parlement. Aux Territoires du Nord‑Ouest, au Nunavut, en Alberta, au Manitoba, en Ontario et au Nouveau‑Brunswick, une loi ou une politique prévoit un délai de révision des dispositions ou des textes officiels.
Les textes officiels reconnaissent le statut de la langue minoritaire dans différents domaines. Partout, sauf en Colombie‑Britannique et au Québec, ils précisent les dispositions touchant à l’offre de services gouvernementaux. Des dispositions sur les services offerts par des tiers existent au Nunavut, au Manitoba, en Ontario, au Nouveau‑Brunswick et à l’Île‑du‑Prince‑Édouard. Des dispositions sur l’offre active de services existent partout, sauf en Colombie‑Britannique, au Québec et en Nouvelle‑Écosse. Les textes officiels précisent également les dispositions linguistiques touchant à l’Assemblée législative, à la justice et à l’adoption des lois dans les trois territoires de même qu’en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, au Québec et au Nouveau‑Brunswick. Le statut des communautés de langue officielle en situation minoritaire est reconnu dans une loi ou une politique au Nunavut, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, au Nouveau‑Brunswick, en Nouvelle‑Écosse et à l’Île‑du‑Prince‑Édouard. Dans certains cas, des lois ou politiques encadrent les secteurs de la santé, de l’éducation, des forces policières ou des services municipaux. Des dispositions permettant aux citoyens de déposer des plaintes sont enchâssées dans la loi aux Territoires du Nord‑Ouest, au Nunavut, en Ontario, au Québec, au Nouveau‑Brunswick et à l’Île‑du‑Prince‑Édouard.
Des bureaux responsables des services dans la langue de la minorité ou responsables des relations avec la communauté de langue officielle en situation minoritaire existent partout et prennent différentes appellations. Un ombudsman ou organisme est responsable du respect des droits linguistiques aux Territoires du Nord‑Ouest, au Nunavut, en Ontario, au Québec et au Nouveau‑Brunswick. Au Québec, les organismes compétents traitent les plaintes liées à la langue de la majorité, alors que dans les quatre autres administrations, l’entité compétente traite les plaintes liées à la langue de la minorité.
Source :
Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées des sites Web des gouvernements provinciaux et territoriaux.
Les régimes linguistiques des provinces et des territoires sont en constante évolution. Ils se nourrissent mutuellement, au gré des pressions populaires ou des changements qui surviennent dans la société canadienne ou dans la jurisprudence. Les pratiques de collaboration intergouvernementale suivent la même tendance, avec la reconnaissance de plus en plus évidente du besoin de partenariats soutenus entre les différents ordres de gouvernement. Le gouvernement fédéral doit en effet pouvoir compter sur le soutien de ses homologues des provinces et territoires pour assurer, à la grandeur du pays, la reconnaissance des deux langues officielles et favoriser l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Depuis quelques années, des efforts accrus sont aussi déployés à travers le Canada pour accroître la protection et la revitalisation des langues autochtones.
Au Manitoba, l’Assemblée législative a adopté la Loi sur l’appui à l’épanouissement de la francophonie manitobaine le 30 juin 2016. La prestation de services en français, auparavant protégée par une simple politique, bénéficie maintenant d’un encadrement législatif. Voir Manitoba, Loi sur l’appui à l’épanouissement de la francophonie manitobaine, C.P.L.M., ch. F157; et Brenna Haggarty, « Les régimes linguistiques en matière de la Francophonie des provinces des Prairies : un aperçu comparatif et critique – Le Manitoba », Blogue de la Chaire, Chaire de recherche Droits et enjeux linguistiques (François Larocque), 11 août 2021.
En Alberta, le gouvernement a dévoilé la Politique en matière de francophonie le 14 juin 2017. Cette politique a pour but d’aider les ministères de la province à améliorer leurs services en français et d’appuyer la vitalité de la francophonie en Alberta. Voir Alberta, Politique en matière de francophonie (153 Ko, 10 pages); et Brenna Haggarty, « Les régimes linguistiques en matière de la Francophonie des provinces des Prairies : un aperçu comparatif et critique – L’Alberta », Blogue de la Chaire, Chaire de recherche Droits et enjeux linguistiques (François Larocque), 28 juillet 2021.
[ Retour au texte ]Au Québec, la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, sanctionnée le 1er juin 2022, a modifié la Charte de la langue française en vue d’accorder une place plus importante au français comme langue officielle et commune de cette province. Voir Québec, Assemblée nationale, Projet de loi no 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, 42e législature, 2e session (L.Q. 2022, ch. 14); et Québec, Charte de la langue française, ch. C‑11. Des dispositions touchant à la langue de la législation, de la justice, du travail et de l’enseignement postsecondaire pourraient, selon certains intervenants, entraîner des répercussions négatives sur les droits des communautés anglophones du Québec. Des recours judiciaires ont d’ailleurs été initiés à cet effet. Les dispositions touchant à la langue de la justice ont d’ores et déjà été suspendues. Voir La Presse canadienne, « La Cour supérieure suspend des articles de la Loi sur la langue officielle et commune », Le Devoir, 12 août 2022.
Aux Territoires du Nord‑Ouest, le gouvernement territorial a lancé des consultations publiques au printemps 2022 et a proposé des modifications à la Loi sur les langues officielles dont l’entrée en vigueur est prévue pour le printemps 2023. Voir Territoires du Nord‑Ouest, Loi sur les langues officielles (184 Ko, 20 pages), L.R.T.N.‑O. 1998, ch. O‑1; Territoires du Nord‑Ouest, Exprimez‑vous au sujet de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord‑Ouest, communiqué, 16 mai 2022; Territoires du Nord‑Ouest, ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Formation, Ce que nous avons entendu – Échanges autour de la Loi sur les langues officielles des TNO (539 Ko, 9 pages), mai‑juin 2022; Thomas Éthier, « Craintes et attentes pour la commissaire aux langues des TNO », L’Aquilon, 7 juillet 2022; et Thomas Éthier, « Langues officielles : le GTNO présente un bilan des consultations publiques », L’Aquilon, 11 août 2022.
[ Retour au texte ]En 2016, le ministre des Affaires acadiennes a demandé à un comité de formuler des recommandations en vue de renforcer le rôle des Affaires acadiennes au sein du gouvernement provincial. Voir Nouvelle‑Écosse, Comité chargé de formuler des recommandations visant à renforcer le rôle des Affaires acadiennes au sein du gouvernement, Réalité acadienne en Nouvelle‑Écosse : C’est le temps d’agir! (891 Ko, 66 pages), rapport, 20 mars 2016.
Le gouvernement de la Nouvelle‑Écosse a répondu favorablement à deux de ces recommandations en s’engageant à renforcer le rôle des Affaires acadiennes et à créer un comité consultatif pour répondre aux besoins de la communauté. Il ne s’est pas toutefois pas engagé à moderniser sa Loi sur les services en français. Voir Nouvelle‑Écosse, Réponse aux rapports de la communauté acadienne et francophone (131 Ko, 8 pages), octobre 2016.
[ Retour au texte ]Pour ce qui est du Québec, les modifications récentes à la Charte de la langue française ont mis un accent encore plus important sur le statut du français comme seule langue officielle de la province. Ces modifications prévoient la création du poste de ministre de la Langue française et du poste de commissaire à la langue française, et elles renforcent les pouvoirs de l’Office québécois de la langue française. Voir Québec, Assemblée nationale, Projet de loi no 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, 42e législature, 2e session (L.Q. 2022, ch. 14), notes explicatives.
[ Retour au texte ]En Ontario, la Loi sur les services en français prévoit un examen tous les dix ans et prescrit une date fixe pour amorcer le premier examen, soit au plus tard avant la fin de 2031. Voir Ontario, Loi sur les services en français, L.R.O. 1990, ch. F32, par. 16(3).
Aux Territoires du Nord‑Ouest, la Loi sur les langues officielles prévoit que l’Assemblée législative, ou le comité qu’elle désigne ou crée à cette fin, examine cette loi après cinq ans. Le Comité permanent des opérations gouvernementales a mené de tels examens en 2009, 2015 et 2020. Le gouvernement territorial s’est engagé à modifier la législation d’ici le printemps 2023. Voir Territoires du Nord‑Ouest, Loi sur les langues officielles (184 Ko, 20 pages), L.R.T.N‑O. 1998, ch. O‑1, par. 35(1); Territoires du Nord‑Ouest, Exprimez‑vous au sujet de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord‑Ouest, communiqué, 16 mai 2022; Territoires du Nord‑Ouest, ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Formation, Ce que nous avons entendu – Échanges autour de la Loi sur les langues officielles des TNO (539 Ko, 9 pages), mai‑juin 2022. Le 1er novembre 2022, le gouvernement a déposé un projet de loi à l’Assemblée législative territoriale, laquelle a ajourné ses travaux le 3 novembre 2022 jusqu’au 7 février 2023. Voir Assemblée législative des Territoires du Nord‑Ouest, Projet de loi 63, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, 19e Assemblée, 2e session; et Julie Plourde, « Projet de loi 63 aux T.N.‑O. : la commissaire aux langues officielles a plus de pouvoirs (407 Ko, 9 pages) », Radio‑Canada, 10 novembre 2022.
Au Nunavut, la Loi sur les langues officielles prescrit un délai de révision de cinq ans, la révision devant être menée soit par l’Assemblée législative, soit par l’un de ses comités. Voir Nunavut, Loi sur les langues officielles, 2008, ch. 10, par. 37(1).
[ Retour au texte ]En Nouvelle‑Écosse, le gouvernement provincial a déposé un projet de loi à l’Assemblée législative le 12 avril 2022 en vue de reconnaître aux Acadiens le droit de gestion à l’égard des programmes, du financement et du recrutement du personnel dans les écoles de la minorité, en plus d’assurer dans ces dernières une fréquentation des élèves représentative du poids démographique de la population acadienne. Au moment de rédiger la présente étude, ce projet de loi en était à l’étape de la deuxième lecture. Voir Nouvelle‑Écosse, Assemblée législative, Loi sur l’éducation acadienne et francophone – Bill no 156, 64e assemblée, 1re session; et Pascal Vachon, « Début du processus vers une première Loi sur l’éducation en français au Canada », ONFR+, 12 avril 2022.
[ Retour au texte ]Tout parent d’un enfant inscrit au programme d’enseignement au Nunavut, y compris l’enfant pour lequel un plan d’études individuel a été proposé ou mis en application, a le droit de le faire instruire en langue inuit.
L’entrée en vigueur de cet article était prévue pour le 1er juillet 2019, mais a été suspendue temporairement pour les élèves de la 4e à la 12e année en raison du nombre insuffisant d’enseignants certifiés disponibles pour offrir l’instruction en langue inuite. En 2020, des modifications à cette loi et à la Loi sur l’éducation du Nunavut ont prolongé les délais pour une mise en œuvre par étape de l’enseignement en langue inuite, à partir de 2026 jusqu’en 2039. Voir Nunavut, Loi modifiant la Loi sur l’éducation et Loi sur la protection de la langue inuit, 2020, ch. 14; et Nunavut, Loi sur l’éducation, 2008, ch. 15.
En octobre 2021, l’organisme Nunavut Tunngavik Incorporated a déposé un recours devant la Cour de justice du Nunavut pour contester l’incapacité du gouvernement territorial à offrir des services d’éducation en langue inuite comme il s’était engagé à le faire en 2008. Voir Nunavut Tunngavik Incorporated, NTI v GN 2021; et Karine Lavoie, « Poursuite historique contre le gouvernement du Nunavut », Francopresse, 12 novembre 2021.
Au Yukon, la Loi sur l’éducation prévoit que le
ministre peut permettre que, dans un programme d’études, la totalité ou une partie de l’enseignement se fasse en langue autochtone après en avoir reçu la demande d’une commission scolaire, d’un conseil, d’un comité d’école, d’un bureau local indien de l’éducation ou, à défaut d’un tel bureau, d’une première nation du Yukon.
Voir Yukon, Loi sur l’éducation (1,02 Mo, 108 pages), L.R.Y. 2002, ch. 61, par. 50(1).
Aux Territoires du Nord‑Ouest, la Loi sur l’éducation stipule qu’elle ne doit pas « être interprétée de manière à porter atteinte aux droits des autochtones ». Voir Territoires du Nord‑Ouest, Loi sur l’éducation (1,01 Mo, 106 pages), L.T.N.‑O. 1995, ch. 28, par. 4.1(1).
[ Retour au texte ]Dans la foulée de l’adoption de la Loi sur les langues autochtones, le gouvernement fédéral a également prévu, à l’intention des communautés autochtones, du soutien financier dans les secteurs de l’enseignement primaire et secondaire, des centres éducatifs et culturels ou de l’appui aux langues autochtones en général. Voir Gouvernement du Canada, Financement – Peuples et cultures autochtones; Nunavut, ministère de la Culture et du Patrimoine, Travailler ensemble pour soutenir l’enseignement de l’inuktitut au Nunavut, communiqué, 9 mars 2021; et Patrimoine canadien, Document d’information : Contribution historique du gouvernement du Canada pour soutenir les langues autochtones dans le Nord.
[ Retour au texte ]Dans une autre décision rendue au printemps 2019, cette fois de manière unanime, la Cour suprême a toutefois précisé que, dans le contexte du droit criminel, l’art. 530 du Code criminel a préséance. Autrement dit, une personne accusée d’une infraction provinciale en Colombie‑Britannique a le droit de subir un procès dans la langue officielle de son choix. Voir Bessette c. Colombie‑Britannique (Procureur général), 2019 CSC 31.
[ Retour au texte ]En Ontario, la Loi sur les services en français permet – sans l’obliger – l’adoption d’un règlement municipal prévoyant que l’administration de la municipalité se fera en français et en anglais. Certaines municipalités de la province ont adopté des mesures réglementaires en ce sens. Depuis 2017, l’art. 11.1 de la Loi de 1999 sur la ville d’Ottawa reconnaît le caractère bilingue de la ville d’Ottawa. Voir Ontario, Loi de 1999 sur la ville d’Ottawa, L.O. 1999, ch. 14, annexe E.
Au Nouveau‑Brunswick, la Loi sur les langues officielles définit des exigences pour les municipalités dont la représentation des résidents de langue officielle minoritaire atteint au moins 20 %.
Au Manitoba, la Loi sur les municipalités énonce des conditions à remplir pour abroger ou modifier un règlement municipal sur les services en français. Voir Manitoba, Loi sur les municipalités, C.P.L.M. 1996, ch. M225, art. 147.1.
[ Retour au texte ]Dans les autres provinces et territoires, la plupart des démarches pour reconnaître le rôle des communautés minoritaires en matière d’immigration se font par l’intermédiaire d’ententes entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial ou territorial, et non dans le cadre de lois ou de règlements précis.
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