Partout dans le monde, des véhicules autonomes (automatisés) et connectés sont mis au point et à l’essai. Au Canada, le gouvernement de l’Ontario a annoncé en octobre 2015 un projet pilote visant à permettre l’essai de véhicules automatisés dans la province1, alors qu’il est déjà possible de se procurer au pays des véhicules pourvus de technologies connectées et présentant un faible degré d’automatisation.
Le présent document donne un aperçu général des véhicules autonomes et connectés et met en relief un certain nombre d’importants enjeux stratégiques les concernant. Les deux types de véhicules sont définis dans la première partie. La deuxième partie traite du moment où leur utilisation à plus grande échelle est prévue. Une vue d’ensemble de leurs avantages possibles est ensuite donnée. Enfin, le document présente la sphère de compétence du gouvernement fédéral à l’égard des véhicules autonomes et connectés, à la lumière de certaines grandes questions stratégiques soulevées par leur arrivée sur le marché.
Les véhicules autonomes et les véhicules connectés ont en commun certaines technologies, lesquelles peuvent être combinées (c. à d. qu’un véhicule peut être à la fois autonome et connecté), mais les deux expressions ne sont pas synonymes. Le Programme des véhicules connectés et automatisés des Centres d’excellence de l’Ontario établit la distinction suivante entre les deux types de véhicules :
Les véhicules connectés utilisent des technologies sans fil pour se brancher avec [des infrastructures de transport,] d’autres véhicules et des appareils mobiles [p.ex. téléphones intelligents] afin de donner aux conducteurs des renseignements utiles pour des déplacements plus sécuritaires. Les véhicules automatisés, aussi appelés voitures autonomes, se servent de capteurs [p. ex. radars et caméras] et d’analyses informatiques pour reconnaître leur environnement et naviguer sans intervention humaine2.
Les figures 1 et 2 illustrent les deux technologies.
Figure 1 - Véhicules autonomes
Figure 2 - Véhicules connectés
Dans le cas des véhicules connectés, la communication entre véhicules dotés de technologies similaires rend possible l’échange d’information en temps réel sur leur localisation, leur direction, leur vitesse et l’état des freins, entre autres3. La connectivité véhicule infrastructure permet quant à elle l’échange d’information en temps réel entre les infrastructures routières intelligentes dotées de la technologie des véhicules connectés (feux de circulation, signalisation routière, postes frontaliers, passages à niveau, etc.) et les véhicules et les téléphones intelligents. Ces technologies permettent de communiquer aux véhicules la localisation d’autres véhicules sur la route et d’alerter le conducteur en cas de situations potentiellement dangereuses (p. ex. un véhicule qui s’apprête à brûler un feu rouge ou un véhicule en sens inverse qui dévie de sa voie pour éviter un objet sur la route)4.
Les communications entre véhicules et véhicule infrastructure se font au moyen de réseaux de communications spécialisées à courte portée (CSCP), une technologie sans fil qui permet des communications rapides (jusqu’à 10 fois par seconde) entre les éléments d’un réseau de véhicules connectés à l’intérieur d’une distance de 300 à 500 mètres5. Au Canada et aux États Unis, la plage allant de 5850 à 5925 mégahertz (MHz) est réservée aux CSCP6.
L’expression « véhicule connecté » peut aussi servir à désigner de manière plus générale les véhicules munis de capacités de télécommunications diverses, comme la navigation améliorée grâce à un système de localisation GPS, l’Internet mobile, l’infodivertissement (p. ex. communications mains libres et divertissement pour les passagers des sièges arrière) et les mises à niveau logicielles à distance7.
Pour ce qui est des véhicules autonomes, il est important de noter qu’il existe différents niveaux d’automatisation. Le tableau 1 résume les six niveaux d’automatisation selon la norme J3016 de la Société internationale des ingénieurs de l’automobile, laquelle est utilisée aux fins du règlement sur le projet pilote en Ontario8. Aux États Unis, la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) utilise un système de classification légèrement différent9.
Niveau d’automatisation | Description |
---|---|
Niveau 0 : Aucune automatisation | Un conducteur humain contrôle tous les aspects de la conduite, même lorsque le véhicule est muni de systèmes d’avertissement ou d’intervention. |
Niveau 1 : Aide à la conduite | Un système d’aide à la conduite contrôle les fonctions de commande du volant ou d’accélération/décélération en utilisant des données sur l’environnement de conduite. Le conducteur doit exécuter toutes les autres commandes liées à la conduite. |
Niveau 2 : Automatisation partielle | Un ou plusieurs systèmes d’aide à la conduite contrôlent à la fois les fonctions de commande du volant et d’accélération/décélération en utilisant des données sur l’environnement de conduite. Le conducteur doit exécuter toutes les autres commandes liées à la conduite. |
Niveau 3 : Automatisation conditionnelle | Un système de conduite automatisé contrôle tous les aspects de la conduite, et l’on s’attend à ce que le conducteur réagisse de manière appropriée lorsqu’il lui est demandé d’intervenir. |
Niveau 4 : Automatisation élevée | Un système de conduite automatisé contrôle tous les aspects de la conduite, même lorsque le conducteur ne réagit pas de manière appropriée lorsqu’il lui est demandé d’intervenir. |
Niveau 5 : Automatisation complète | Un système de conduite automatisé contrôle en tout temps tous les aspects de la conduite dans toutes les conditions routières et environnementales gérables par un conducteur humain. |
Source: Tableau préparé par l’auteur à partir de données tirées de SAE [Société des ingénieurs de l’automobile] International, Automated Driving : Levels of Driving Automation Are Defined in New SAE International Standard J3016 (83 ko, 2 pages), 2014 [DISPONIBLE EN ANGLAIS SEULEMENT].
Même si elle n’est pas nécessaire en tout temps au fonctionnement des véhicules autonomes, la technologie des véhicules connectés peut leur être utile ou essentielle à certains égards (p. ex. téléchargement des versions les plus récentes des cartes, des systèmes d’exploitation et des logiciels de conduite)10.
Les technologies de connectivité entre véhicules peuvent apporter un surcroît de sécurité aux véhicules autonomes, tandis que les données recueillies par les capteurs des véhicules autonomes peuvent être téléchargées sur d’autres réseaux à l’aide de la technologie des véhicules connectés11. Le département des Transports des États Unis a d’ailleurs déclaré que seule la connectivité permet de tirer pleinement avantage de l’automatisation des véhicules12.
Les technologies des véhicules autonomes et connectés peuvent aussi servir dans les véhicules électriques, appelés véhicules ACE (autonomes, connectés et électriques)13.
Les consommateurs peuvent déjà se procurer des véhicules semi autonomes (qui présentent un faible degré d’automatisation). Des véhicules ayant un niveau d’automatisation plus élevé devraient arriver sur le marché vers 2020, et l’on s’attend à ce que les consommateurs commencent à adopter ce genre de véhicules vers le milieu ou la fin des années 2020. D’après certains experts, les véhicules autonomes deviendront le principal mode de transport urbain au cours des années 203014.
Cela dit, la cadence à laquelle les consommateurs adopteront la technologie suscite une certaine incertitude : le rythme sera t il relativement lent, comme on l’observe à l’égard des nouveaux modèles d’automobiles, ou rapide comme dans le cas des nouvelles technologies de consommation (p. ex. les téléphones intelligents)15? Si la période de transition est longue, des véhicules présentant différents niveaux d’automatisation partageront la route avec les véhicules traditionnels16. Selon les prévisions les moins optimistes, il pourrait falloir attendre jusqu’aux années 2040 à 2060 avant que les véhicules autonomes deviennent courants et abordables17.
Il est aussi à prévoir que les constructeurs de voitures traditionnelles et les entreprises de technologie procéderont différemment au déploiement de la technologie des véhicules autonomes, les premiers préférant une approche graduelle (intégration progressive de fonctions d’aide à la conduite à leurs véhicules), et les deuxièmes optant pour une approche plus révolutionnaire (conception, mise à l’essai et vente de véhicules entièrement autonomes dès le départ). Par exemple, la plupart des grands constructeurs de voitures ont l’intention de commercialiser des véhicules qui peuvent être autonomes une partie du temps d’ici 2020, tandis que certains d’entre eux prévoient mettre en marché des véhicules hautement automatisés d’ici 2025. En revanche, Google veut offrir au public des véhicules qui seraient autonomes sur les rues et les autoroutes entre 2017 et 201918.
Le 25 août 2016, le fabricant de logiciels nuTonomy a lancé le premier essai public de service de taxi sans chauffeur. Les personnes invitées à utiliser l’application pour téléphone intelligent de nuTonomy pourront appeler un taxi autonome afin de se déplacer sans frais dans le quartier des affaires One North de Singapour. Un ingénieur de l’entreprise sera à bord du véhicule pour en surveiller le bon fonctionnement et prendre les commandes au besoin19. Aux États Unis, le service de covoiturage Uber a lancé un projet pilote de véhicules autonomes à Pittsburgh le 14 septembre 201620.
En ce qui concerne les véhicules connectés, des technologies de communications entre véhicules ont été mises à l’essai au moyen de projets pilotes et devraient être lancées sur le marché au cours des deux prochaines années21. Aux États Unis, le département des Transports prépare un règlement en vue de rendre obligatoire l’installation de matériel de communications entre véhicules dans tous les nouveaux véhicules22, tandis que les technologies de connectivité véhicule infrastructure devraient être déployées sur une période de 20 ans, à mesure que les infrastructures existantes seront remplacées ou mises à niveau. Comme la technologie véhicule infrastructure s’appuie sur les technologies de communications entre véhicules, son déploiement devrait être plus lent23.
Depuis 2011, la connectivité véhicule infrastructure est mise à profit dans le système de transport intelligent du Japon, où les infrastructures routières sont utilisées pour recueillir et échanger des données avec les véhicules, afin de fournir trois services aux conducteurs : guidage routier dynamique, aide à la conduite sécuritaire et péage électronique. Les Pays Bas, l’Allemagne et l’Autriche travaillent aussi à l’établissement d’un corridor européen intelligent qui permettra entre autres d’informer les automobilistes sur les travaux routiers et la circulation24.
Le projet ACTIVE AURORA, qui est dirigé par des chercheurs de l’Université de l’Alberta et de l’Université de la Colombie Britannique, a aussi testé sur ses circuits d’essai des technologies de communications entre véhicules et véhicule infrastructure25.
Un rapport publié en 2015 par le Conference Board du Canada26 a mis en lumière un certain nombre d’avantages rattachés aux véhicules autonomes :
Selon le rapport, les véhicules autonomes procureront au Canada des avantages économiques globaux de l’ordre de 65 milliards de dollars par année (en dollars de 2013). Cette estimation comprend les économies liées à l’évitement des collisions, les gains de productivité (dans un véhicule entièrement autonome, la personne qui conduirait normalement peut consacrer son temps de déplacement à d’autres activités), les économies d’essence et l’évitement de la congestion32.
Les véhicules connectés devraient aussi comporter des avantages :
Les technologies des véhicules autonomes et des véhicules connectés présentent aussi un certain nombre de défis. Ceux ci sont abordés dans la prochaine partie, qui traite des principaux enjeux stratégiques pour les pouvoirs publics au Canada.
Au Canada, le gouvernement fédéral est chargé de veiller à ce que les normes en matière d’émissions et de sécurité soient respectées à l’étape de la conception et de la construction des véhicules fabriqués ou importés au Canada. La Loi sur la sécurité automobile34 est assortie de règlements détaillés sur la sécurité, communément appelés les Normes de sécurité des véhicules automobiles du Canada35.
Comme le décrit l’Association britanno colombienne pour l’accès à l’information et la protection de la vie privée, ces normes « établissent des exigences précises pour une foule d’éléments, allant des ceintures de sécurité et des harnais d’auto pour les enfants jusqu’à l’emplacement des dispositifs de contrôle et d’affichage, en passant par le choix des pneus, des jantes et du matériel de vitrage des fenêtres36 ». Ces normes de sécurité sont généralement harmonisées avec celles des États Unis, étant donné que l’industrie automobile exerce ses activités au sein d’un marché nord américain intégré et que les voitures traversent régulièrement la frontière entre les deux pays37.
Puisque la technologie des véhicules autonomes et connectés est toute nouvelle, il n’y a pas encore de norme de sécurité fédérale propre à ces types de véhicules au Canada. Toutefois, dans le budget fédéral de 2016, un financement de 7,3 millions de dollars sur deux ans a notamment été prévu pour soutenir l’élaboration d’un cadre réglementaire à l’égard des nouvelles technologies comme les véhicules autonomes38. En février 2016, le ministre des Transports a indiqué que son ministère travaillait en collaboration avec des organismes nationaux et internationaux à l’harmonisation des règlements et des normes touchant les véhicules autonomes et les véhicules connectés et a demandé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications d’entreprendre une étude sur « les questions réglementaires, stratégiques et techniques que le Canada doit examiner afin de déployer ces technologies avec succès39 ».
En septembre 2016, le département américain des Transports a annoncé une politique fédérale concernant les véhicules autonomes. Entre autres, la politique prévoit une évaluation de la sécurité en 15 points pour les constructeurs de véhicules et inclut une politique type à l’intention des gouvernements étatiques40.
Plusieurs initiatives d’harmonisation sont aussi en cours :Les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables de la réglementation touchant l’utilisation du réseau routier, ce qui veut dire qu’il leur revient d’autoriser les essais sur route des véhicules autonomes44. En janvier 2016, l’Ontario a lancé un projet pilote, échelonné sur 10 ans, en vue de la mise à l’essai de ces véhicules. Dans le cadre du projet, les véhicules autonomes pourront être utilisés seulement pour des essais, et les participants devront satisfaire certaines exigences et présenter une demande au ministère des Transports de la province45.
À ce jour, aucune autre province canadienne n’a adopté de règlement permettant l’essai de véhicules autonomes sur les routes. Aux États Unis, plusieurs États ont adopté des lois permettant les essais de véhicules autonomes, et la politique adoptée récemment au niveau fédéral comprend une politique type sur les véhicules autonomes à l’intention des États46.
Le gouvernement fédéral est responsable de la gestion du spectre sans fil, qui est régi par la Loi sur le ministère de l’Industrie, la Loi sur la radiocommunication et le Règlement sur la radiocommunication, tout en tenant compte des objectifs de la Loi sur les télécommunications47. Le Cadre de la politique canadienne du spectre guide la gestion du spectre au pays48.
Comme on l’a mentionné plus tôt, au Canada et aux États Unis, la plage allant de 5850 à 5925 MHz est réservée aux communications spécialisées à courte portée (CSCP), qui sont utilisées aux fins de la technologie des véhicules connectés.
Le Centre d’excellence canadien des véhicules autonomes (Canadian Automated Vehicles Centre of Excellence, CAVCOE) a mis en lumière un certain nombre d’enjeux touchant la sécurité nationale et le maintien de l’ordre soulevés par les véhicules autonomes et les véhicules connectés :
Les véhicules autonomes peuvent être utilisés comme des passeurs pour transporter n’importe quoi ou presque sur le réseau routier, et peut être même à l’extérieur de ce dernier. Les véhicules autonomes pourraient devenir très rapidement l’instrument favori des criminels ou des terroristes, que ce soit pour transporter des dispositifs terroristes ou des drogues ou pour mener des activités criminelles ou une vendetta personnelle49.
Le Code criminel50 fédéral traite de la plupart de ces infractions, mais ce sont les provinces qui sont responsables en général des corps policiers51 qui appliquent les lois52.
Grâce aux véhicules autonomes, il se peut que l’on ait besoin de moins de policiers pour appliquer le code de la route, étant donné que les ordinateurs conduisant les véhicules seront programmés pour mieux respecter la loi, par rapport aux êtres humains. En revanche, la réduction des patrouilles pourrait mener à une baisse du nombre d’arrestations pour des crimes plus graves, puisque les contrôles routiers aident parfois à détecter et à arrêter des personnes recherchées pour des infractions plus graves53.
Aux États Unis, le Federal Bureau of Investigation (FBI) a publié en mars 2016 un message d’intérêt public dans lequel il avertit les consommateurs que la connectivité numérique des véhicules automobiles les expose à des intrusions informatiques. Selon ce document, un pirate pourrait par exemple couper le moteur, neutraliser les freins, prendre les commandes du volant, verrouiller les portes et modifier le clignotant sur certains véhicules connectés54.
Les gouvernements provinciaux et territoriaux et les municipalités sont responsables de la construction, de l’exploitation et de l’entretien de la plupart des infrastructures publiques. Toutefois, depuis 2000, le gouvernement fédéral joue un rôle grandissant pour leur procurer un soutien dans ce domaine en finançant des projets partout au Canada55.
Il est recommandé dans le rapport du Conference Board que tous les nouveaux projets d’infrastructure de transports comprennent une évaluation approfondie des répercussions des véhicules autonomes, puisque ces derniers devraient se répandre pendant la durée de vie des infrastructures qui sont actuellement à l’étape de la conception ou de la construction56.
Même si les concepteurs de véhicules autonomes s’efforcent de produire des véhicules qui peuvent fonctionner dans le contexte de l’infrastructure actuelle, les infrastructures conçues en fonction des véhicules autonomes permettront de tirer le maximum de ces derniers, et ces nouvelles infrastructures auront à leur tour une incidence sur les besoins futurs en la matière. Voici quelques exemples d’améliorations possibles aux infrastructures : création de voies réservées aux véhicules autonomes, aménagement de carrefours giratoires (qui sont plus efficaces pour les véhicules autonomes que les feux de circulation) et remplacement des feux de circulation par des transmetteurs qui envoient directement les données aux véhicules autonomes57.
Les véhicules autonomes sont susceptibles d’accroître l’utilisation du réseau routier, mais aussi de l’optimiser en roulant plus près les uns des autres (surtout si l’on combine la technologie des véhicules connectés), ce qui pourrait bien augmenter la capacité des routes existantes. De façon générale, les véhicules autonomes devraient réduire la nécessité d’élargir les routes ou d’en construire de nouvelles58.
Les gouvernements provinciaux et territoriaux et les municipalités sont responsables de la construction, de l’exploitation et de l’entretien des infrastructures de transport en commun, mais reçoivent à cet égard du financement du gouvernement fédéral.
Il est probable que les modes traditionnels de transport en commun demeureront nécessaires dans les corridors à circulation dense, puisque les véhicules autonomes auront une incidence limitée sur les routes très occupées en période de pointe. Les modes de transport en commun conventionnels sont considérés comme un moyen efficace d’assurer rapidement le déplacement d’un grand nombre de personnes59.
Par contre, les véhicules autonomes pourraient être utilisés pour parcourir le « chaînon manquant », c’est-à-dire le segment de l’itinéraire entre le domicile et la station de transport en commun ou, encore, entre la dernière station du réseau pour l’usager et la destination finale60. En dehors des heures de pointe, les services de véhicules autonomes sur demande pourraient permettre d’offrir un service de porte à porte à un coût inférieur ou comparable à celui des transports en commun. Les véhicules autonomes pourraient également contribuer à la réduction des lignes d’autobus le long de trajets à faible volume dans les banlieues et régions rurales, surtout en dehors des heures de pointe61. Dans les petites et moyennes villes, une flotte de véhicules autonomes pourrait remplacer les transports en commun traditionnels62.
Les taxis autonomes pourraient également concurrencer les services conventionnels de transport en commun, mais des autobus autonomes pourraient aussi être utilisés sur les voies rapides réservées aux autobus. De même, des autobus autonomes ou se déplaçant en convoi, le long de voies réservées aux autobus ou aux véhicules multioccupants, pourraient faire concurrence au transport ferroviaire63. Ces tendances pourraient avoir une incidence sur la nécessité d’investir dans les infrastructures liées au transport en commun.
De façon générale, la concurrence entre les services de véhicules autonomes sur demande et les transports en commun traditionnels pourrait avoir pour effet de réduire la clientèle et les revenus des réseaux de transport en commun et d’accroître le besoin de subventions pour ces réseaux64.
Le gouvernement fédéral exerce certaines responsabilités à l’égard de la protection des renseignements personnels recueillis par les fabricants de voitures en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, sauf en Colombie Britannique, en Alberta et au Québec où des lois provinciales semblables ont été adoptées65.
Selon une étude publiée en 2015 par la Munk School of Global Affairs de l’Université de Toronto, il serait nécessaire qu’un cadre de politiques fédéral ou provincial soit établi concernant la propriété, l’utilisation et la protection des données recueillies par les véhicules autonomes. Un tel cadre pourrait notamment aborder les questions suivantes :
Par ailleurs, les technologies des véhicules connectés actuelles suscitent un certain nombre de préoccupations, par exemple :
Notre examen de plusieurs politiques sur la protection de la vie privée et les modalités de services liées aux véhicules connectés révèle que l’industrie enfreint les lois canadiennes en matière de protection des données. En plus de ne pas obtenir de consentement des consommateurs et de les obliger à accepter une utilisation des données à des fins inutiles et sans doute inappropriées, les fournisseurs de services de véhicules connectés ne respectent pas les normes de la loi canadienne en matière d’ouverture, de responsabilité et de l’accès par le particulier, ni les limites en matière de collecte, de conservation, d’utilisation et de communication de données sur les clients68.
Les véhicules connectés actuels peuvent produire des données biométriques ainsi que des données sur le comportement du conducteur, sa santé, son emplacement, ses communications personnelles, son historique de navigation Web, ses contacts personnels et ses horaires. Il est possible de faire un suivi de ces renseignements, de les combiner à d’autres et d’établir des liens avec d’autres données. Dans un rapport publié en 2015, l’Association britanno colombienne pour l’accès à l’information et la protection de la vie privée recommande l’adoption d’un règlement pour protéger les données liées aux véhicules connectés69.
La planification urbaine relève normalement des municipalités et des gouvernements provinciaux et territoriaux. Selon un rapport préparé en 2016 par le cabinet d’avocats Borden Ladner Gervais, la planification urbaine et des réseaux de transport change considérablement lorsque l’on modifie les hypothèses au sujet des voitures70. Par exemple, les véhicules autonomes et les véhicules connectés pourraient contribuer à l’étalement urbain si les gens sont prêts à voyager sur une plus longue distance, car ils peuvent être plus productifs à bord des véhicules, et ce, surtout si le prix du logement est moins élevé loin du centre ville71. En bref, les changements touchant l’aménagement des terrains, les véhicules et les transports publics auront tous une incidence sur l’urbanisme et la planification des transports par les administrations locales72.
En général, les relations de travail relèvent de la compétence des provinces, en vertu de leur pouvoir d’édicter des lois concernant « la propriété et les droits civils dans la province » conformément au paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867. Toutefois, à titre exceptionnel, le gouvernement fédéral peut avoir compétence sur les relations de travail. Par exemple, les entreprises fédérales relèvent de la compétence législative du Parlement. Parmi les secteurs sous réglementation fédérale régis par le Code canadien du travail, mentionnons les services interprovinciaux et internationaux (comme les transports ferroviaire et routier, les canaux, les traversiers, les tunnels, les ponts et les services de transport par navire), la radiodiffusion et la télédiffusion, le transport aérien, les banques et la plupart des sociétés d’État fédérales73.
L’utilisation des véhicules autonomes devrait à la fois créer et éliminer des emplois. Dans les secteurs liés aux véhicules autonomes, aux véhicules connectés et aux infrastructures connexes, les entreprises pourraient créer des emplois si elles réussissent à saisir les occasions qui se présentent74. Par exemple, le nombre d’emplois devrait s’accroître dans les entreprises qui développent la technologie utilisée dans les véhicules autonomes et les véhicules connectés, tout comme dans les entreprises qui construisent les infrastructures associées à ces véhicules75. Les industries qui utilisent beaucoup les transports pourraient aussi réaliser des gains de productivité et innover en matière de modèles d’affaires76.
À l’inverse, des pertes d’emplois pourraient être subies dans les secteurs fortement tributaires des modèles de transports actuels. Par exemple, les entreprises de réparation et d’entretien de voitures pourraient voir leur chiffre d’affaires baisser si l’adoption des véhicules autonomes entraîne une diminution du nombre d’accidents. D’autres bouleversements sont aussi à prévoir dans l’industrie du taxi et du transport par limousine une fois que les services de covoiturage, comme ceux offerts par Uber et Lyft, commenceront à recourir aux véhicules autonomes77.
Dans d’autres industries, les nouvelles possibilités d’affaires pourraient se conjuguer à des pertes d’emplois. Par exemple, l’industrie du transport des marchandises s’attend à ce que les véhicules autonomes entraînent une réduction des coûts78 et une hausse de la productivité, mais des camionneurs pourraient perdre leur emploi79.
Une évolution favorable aux services de transport sur demande à l’aide de véhicules autonomes pourrait perturber le modèle d’affaires actuel des constructeurs de voitures, surtout si un nombre grandissant de personnes décident de ne pas devenir propriétaires. Les constructeurs pourraient décider de mettre l’accent sur la fabrication de véhicules autonomes conçus spécialement pour le covoiturage80. Bien qu’un seul taxi autonome puisse remplacer l’équivalent de dix voitures, ces véhicules auraient une courte durée de vie (de deux à trois ans) en raison de leur utilisation intensive. Ils devront donc être remplacés plus souvent que les voitures appartenant des particuliers81.
Pour sa part, le CAVCOE recommande que le gouvernement fédéral aide à réduire les répercussions des pertes d’emploi causées par l’adoption de ces véhicules et à favoriser le recyclage des travailleurs82.
Au Canada, l’assurance automobile est obligatoire en vertu des lois provinciales et territoriales. Des organismes de réglementation provinciaux et territoriaux peuvent aussi surveiller la façon dont les compagnies d’assurance évaluent les risques, fixent les primes et traitent les réclamations. En outre, les gouvernements provinciaux et territoriaux déterminent les facteurs que les assureurs peuvent utiliser pour fixer les primes d’assurance automobile. Conformément à la Loi sur les sociétés d’assurance83, le gouvernement fédéral réglemente la solvabilité et la stabilité financière des sociétés d’assurance constituées en vertu de lois fédérales (comme les sociétés d’assurance automobile) ainsi que les activités des filiales canadiennes de compagnies d’assurance constituées à l’étranger, et ce, par l’entremise du Bureau du surintendant des institutions financières84.
En Colombie Britannique, en Saskatchewan et au Manitoba, les gouvernements provinciaux fournissent l’assurance automobile minimale requise (couverture en cas de blessures), tandis que des sociétés privées et des assureurs de l’État vendent des polices supplémentaires. Le Québec a un régime similaire, mais ce sont les assureurs privés qui couvrent les réclamations touchant des blessures corporelles si l’accident est survenu à l’extérieur de la province. Dans toutes les autres provinces et les trois territoires, ce sont les sociétés privées qui fournissent les différentes assurances automobiles85.
L’arrivée des véhicules autonomes et des véhicules connectés devrait avoir d’importantes répercussions sur l’industrie de l’assurance. On s’attend à ce que les taux d’accidents chutent lorsque l’utilisation des véhicules autonomes se répandra, ce qui devrait réduire considérablement les frais d’assurance. De plus, il sera possible de munir les véhicules de technologies permettant de les suivre et de les désactiver à distance, d’où une baisse escomptée des coûts d’assurance liés aux vols de voitures86.
Étant donné qu’il n’y aura pas d’humain au volant des voitures autonomes, la responsabilité des accidents pourrait être imputée, en tout ou en partie, aux constructeurs automobiles, ce qui accroîtra les besoins des fabricants et des fournisseurs en matière d’assurance responsabilité associée aux produits87. Dans le cas de véhicules semi autonomes, les conducteurs et les fabricants pourraient partager les risques88.
La technologie des véhicules connectés peut fournir des données très détaillées sur le risque associé à chaque déplacement, y compris la durée, la vitesse et l’utilisation (ou non) des fonctions d’aide à la conduite. Cette technologie, qui est déjà en place dans certains véhicules, pourrait permettre aux sociétés d’assurance d’offrir des polices aux primes variables selon les habitudes du conducteur89.
Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux peuvent tous jouer un rôle dans le financement de la recherche et développement (R et D) touchant les véhicules connectés et les véhicules autonomes. En octobre 2014, Transports Canada a annoncé que 1,3 million de dollars provenant du Fonds d’infrastructure de transport de la Porte et du Corridor de l’Asie Pacifique serviraient à financer le projet ACTIVE AURORA de l’Université de l’Alberta, qui mène des recherches sur les technologies des véhicules connectés90. Le gouvernement de l’Ontario a aussi affecté 2,95 millions de dollars au programme des véhicules automatisés et connectés des Centres d’excellence de l’Ontario, dans le cadre duquel des universités travaillent avec des entreprises afin de développer et promouvoir les technologies de transports novatrices91.
Or, le CAVCOE estime qu’il faudrait accroître les fonds investis dans le développement de ces technologies et recommande que le gouvernement fédéral effectue un investissement important dans le développement et la mise à l’essai des véhicules autonomes, ainsi que dans les activités connexes de l’industrie de l’automobile, du secteur technologique, du milieu universitaire et du Conseil national de recherches92.
Aux États Unis, le département des Transports participe à différentes activités de recherche liées aux véhicules autonomes et aux véhicules connectés93. En janvier 2016, le président a proposé un investissement sur 10 ans de près de 4 milliards de dollars américains (environ 5,1 milliards de dollars canadiens) afin d’accélérer le développement et l’adoption de technologies d’automatisation sécuritaires par l’entremise de projets pilotes réalisés en contexte réel94. Ailleurs dans le monde, le Centre for Connected and Autonomous Vehicles du Royaume Uni mène un programme de recherche, développement, démonstration et déploiement qui pourrait atteindre 200 millions de livres (environ 335 millions de dollars canadiens)95.
Les consommateurs peuvent déjà se procurer des véhicules dotés de capacités de connectivité et de fonctions automatisées limitées, mais qui sont appelées à gagner en importance dans un proche avenir. L’utilisation à plus grande échelle des véhicules autonomes et connectés soulève de nombreuses questions pertinentes pour les décideurs canadiens, y compris les suivantes :
† Les études générales de la Bibliothèque du Parlement sont des analyses approfondies de questions stratégiques. Elles présentent notamment le contexte historique, des informations à jour et des références, et abordent souvent les questions avant même qu’elles deviennent actuelles. Les études générales sont préparées par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
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