Les Canadiens veulent savoir si les fonds publics sont utilisés judicieusement et si les programmes et services du gouvernement fonctionnent bien. Traditionnellement, les gouvernements ont assuré, dans la prestation de leurs programmes et services, un suivi de l’utilisation de leurs ressources, comme les ressources humaines affectées et les sommes dépensées, et ont produit des rapports sur ces aspects. Bien que cela fasse partie intégrante de la responsabilisation, les gouvernements doivent également rendre des comptes quant à l’efficacité de leurs programmes et services à atteindre les objectifs fixés : ils doivent rendre compte des résultats.
La présente publication fait état des efforts qu’a déployés le gouvernement fédéral au cours des dernières décennies pour mettre en œuvre le suivi des résultats et accroître son efficacité en matière de reddition de comptes. Il y est également question des récentes initiatives de reddition de comptes fondée sur les résultats; d’observations des vérificateurs généraux sur la qualité de l’information communiquée; des enjeux systémiques qui nuisent à l’efficacité du suivi des résultats; et de certaines des pratiques en vigueur ailleurs dans le monde.
Le gouvernement fédéral complémente ses rapports financiers grâce au suivi des résultats. À cette fin, il énonce les attentes en matière de rendement dans ses plans ministériels dès le début de l’exercice puis rend compte de l’atteinte de ses objectifs après la clôture de l’exercice dans les rapports ministériels sur les résultats.
Plus particulièrement, les organismes fédéraux définissent les objectifs de leurs programmes, mettent au point des indicateurs de rendement qui démontrent si les objectifs sont atteints, fixent des objectifs ou des buts quant à ces indicateurs et rendent compte du rendement réel par rapport aux indicateurs.
Idéalement, lorsque l’on rend compte des résultats, on parle du rendement et on explique comment l’utilisation des ressources humaines et financières a mené ou contribué à l’atteinte des résultats escomptés. Le tableau 1 illustre un exemple du lien entre les activités gouvernementales et les résultats intermédiaires et à long terme.
Activité | Produits | Résultats intermédiaires | Résultats à long terme |
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Source: Tableau préparé par l’auteur à partir d’informations tirées de Vérificateur général du Canada, « Pièce 5.2 : Programme de lutte contre le tabagisme », Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes – 1997 (9,1 Mo, 1 176 pages), vol. 1, 1997.
Pour être en mesure de rendre des comptes au sujet du rendement, les organismes doivent fixer des objectifs concrets, spécifiques et atteignables, et fondés sur les résultats escomptés; ils doivent démontrer clairement comment leurs programmes ont contribué à l’atteinte des objectifs à court et à long terme; et, enfin, ils doivent présenter, de façon crédible, les réussites et les échecs du passé, de même que les sphères où il y a matière à amélioration. Le suivi des résultats peut englober diverses méthodes, dont des descriptions qualitatives des réalisations, des indicateurs de rendement quantifiables et des résumés des évaluations indépendantes de l’efficacité des programmes.
L’avantage que l’on souhaite retirer du suivi des résultats est l’amélioration de l’efficacité de la prestation des programmes, de même que de la responsabilisation quant à l’atteinte de résultats qui comptent pour les Canadiens. Ce suivi permet aussi aux gouvernements de tirer parti de leur expérience, d’améliorer le rendement des programmes et d’affecter des ressources limitées là où leur incidence est la plus grande.
Le gouvernement fédéral tente de mettre en œuvre et d’améliorer son suivi des résultats depuis les cinquante dernières années. De manière générale, ces efforts sont associés à des changements dans la façon dont les décisions relatives aux dépenses sont prises.
En 1969, le gouvernement a adopté un système de programmes, de planification et de budgétisation dans l’intention de diriger l’attention de la direction et du Cabinet vers les objectifs et l’efficacité des programmes grâce à des évaluations périodiques. Dans le cadre de ce système, le budget a été revu afin de présenter les dépenses en fonction des programmes avec des énoncés d’objectifs connexes.
En 1979, le gouvernement a mis en place une nouvelle approche à l’égard de la gestion des dépenses appelée le Système de gestion des secteurs de dépenses et des politiques, dans le cadre duquel les comités du Cabinet établissaient les priorités en fonction des enveloppes de dépenses et finançaient les nouvelles initiatives à partir des réserves techniques. À l’appui de ce processus, les ministères ont élaboré des plans opérationnels pluriannuels dans lesquels ils faisaient état des dépenses prévues dans le cadre des programmes en cours. En 1982, le gouvernement a instauré la partie III du budget des dépenses – plans de dépenses pour les ministères et organismes (la partie I étant le plan de dépenses du gouvernement et la partie II comprenant le budget des dépenses principal), laquelle était constituée de documents ministériels qui énonçaient les programmes, les résultats planifiés et réels, les dépenses connexes et les données relatives au rendement.
En 1995, le gouvernement a révisé le système de gestion des dépenses afin d’encourager l’examen continu des programmes et des services existants et de financer les nouvelles initiatives grâce à la réaffectation des ressources existantes. Entrepris en 1996 en collaboration avec un groupe de travail parlementaire, le Projet d’amélioration des rapports financiers au Parlement a donné lieu à la division en deux parties de la partie III du budget des dépenses à compter de l’exercice 1997‑1998 : les rapports sur les plans et priorités, déposés au printemps, ainsi que les rapports sur les résultats ministériels, déposés à l’automne.
En 2000, le gouvernement a publié Des résultats pour les Canadiens et Canadiennes : Un cadre de gestion pour le gouvernement du Canada, qui comprenait un engagement à évoluer vers une approche de gestion fondée sur les résultats pour « l’ensemble des activités, des fonctions, des services et des programmes qui jouent un rôle important au gouvernement du Canada 1 ». L’objectif était d’établir un cycle plus productif de planification, de mesure, d’évaluation et de suivi des résultats pour les citoyens et le Parlement, de manière à favoriser « une culture d’apprentissage continu et d’ajustement constant 2 ».
Au cours des dernières années, les efforts ont été multipliés afin d’améliorer le suivi des résultats.
Dans son budget de 2016, le gouvernement fédéral a indiqué qu’il « passe à une culture axée sur l’évaluation et les retombées. Il se dote aussi des outils nécessaires pour réaliser les priorités, canaliser les ressources vers les programmes et les activités qui procurent des bienfaits réels à la population canadienne et communiquer des renseignements utiles aux Canadiens et au Parlement 3. »
Dans le cadre de son approche, le gouvernement a mis sur pied une Unité des résultats et de la livraison au sein du Bureau du Conseil privé, laquelle appuie les efforts à l’égard de la supervision de la livraison, de l’élimination des obstacles à la mise en œuvre entourant les principales priorités et de la reddition de comptes au premier ministre au sujet des progrès réalisés 4. L’Unité assure un « suivi des lettres de mandat » afin de rendre compte des progrès réalisés quant aux engagements énoncés dans les lettres de mandat que le premier ministre a envoyées à chaque ministre du Cabinet 5.
En juillet 2016, le Conseil du Trésor a publié sa Politique sur les résultats 6, laquelle a notamment remplacé la Politique sur l’évaluation (2009) et la Politique sur la structure de la gestion, des ressources et des résultats (2010). En vertu de cette nouvelle politique, les ministères fédéraux sont tenus de mettre en place des cadres ministériels sur les résultats qui établissent les responsabilités essentielles, de mettre au point des répertoires de programmes, de définir des indicateurs de résultats pour leurs programmes, de mettre en place une solide fonction de mesure du rendement et d’établir une fonction d’évaluation neutre, y compris un plan quinquennal d’évaluation.
En octobre 2016, le gouvernement a publié le document de discussion intitulé Outiller les parlementaires avec de la meilleure information 7. On y faisait état des changements aux rapports parlementaires qui découleraient de la Politique sur les résultats, à savoir, les ministères rendraient des comptes au sujet des cadres ministériels sur les résultats en tenant compte des responsabilités essentielles et des répertoires de programmes.
On y décrivait également de quelle façon les rapports supplémentaires seraient intégrés à l’InfoBase du GC 8, un outil interactif de visualisation des données créé en 2013 qui fournit des données démographiques et des renseignements sur les finances fédérales, la gestion du personnel et les résultats. L’information qui se trouve dans InfoBase du GC est tirée des publications fédérales, comme les documents du budget, les plans ministériels et les rapports sur les résultats, ainsi que des comptes publics. Cette information est présentée en ligne dans un format qui se prête à la recherche.
Le gouvernement a également sommé les organismes fédéraux d’inclure de l’information sur l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) dans leurs plans ministériels et leurs rapports sur les résultats.
Divers vérificateurs généraux du Canada ont appuyé le suivi des résultats et ont formulé des commentaires quant aux sphères où il y a matière à amélioration au chapitre de la qualité de l’information transmise au Parlement.
Par exemple, en 1975, le vérificateur général, alors appelé « auditeur général », a affirmé que « les informations descriptives ne précisent pas suffisamment ce que font réellement les exécutants des programmes, n’indiquent pas beaucoup non plus qui en bénéficie, ni quels sont les résultats précis recherchés 9 ». En 1987, le vérificateur général a énoncé ce qui suit :
Il ne fait aucun doute que […] fournissent au Parlement, en temps opportun, une information plus complète et de meilleure qualité sur les programmes de l’administration fédérale […] Il y a cependant lieu d’apporter des améliorations à la façon dont les ministères décrivent comment les ressources seront utilisées pour atteindre les résultats escomptés. Les données sur les résultats obtenus avec les ressources dont on disposait au cours d’années antérieures ne satisfont pas à l’obligation de rendre compte au plan financier 10.
Les vérificateurs généraux ont continué de formuler des commentaires sur le suivi des résultats dans leurs rapports de 1988, 1992, 1995, 1997 et 2000. En 2002, la vérificatrice générale a publié un modèle pour évaluer les rapports ministériels sur le rendement en fonction des cinq critères suivants :
La vérificatrice générale a de nouveau utilisé ces critères en 2003 et en 2005, soulignant que bien que les rapports sur les résultats ministériels qui ont été examinés fournissaient un bon aperçu du contexte organisationnel et des résultats stratégiques planifiés, les attentes en matière de rendement n’étaient pas toujours claires et concrètes, et l’information n’était pas nécessairement axée sur les résultats des programmes. La vérificatrice générale a conclu que :
Les résultats […] suscitent autant d’inquiétudes au sujet de la qualité générale des rapports que lors de nos vérifications et études précédentes. D’après ces constatations, il est raisonnable de croire que si les ministères ne sont pas plus diligents et que si les comités parlementaires ne les surveillent pas de plus près, il faudra peut‑être des décennies au lieu de quelques années seulement pour obtenir des améliorations appréciables de la qualité de l’information communiquée sur le rendement. À notre avis, à ce rythme, les parlementaires et les Canadiens ne pourront obtenir une véritable reddition de comptes des ministères et des organismes en matière de rendement 12.
Plus récemment, le vérificateur général s’est concentré sur les résultats déclarés concernant des programmes en particulier. Par exemple, en 2018, il a constaté qu’Emploi et Développement social Canada n’avait pas recueilli les données ni défini les indicateurs de rendement nécessaires pour rendre compte de la capacité de ses programmes à atteindre l’objectif d’augmenter le nombre d’Autochtones qui avaient un emploi durable et intéressant 13.
Malgré les efforts déployés pendant bon nombre d’années pour améliorer le suivi des résultats, les organismes fédéraux ont réalisé des progrès limités, comme le soulignent les vérificateurs généraux.
Les observateurs ont ciblé des difficultés systémiques qui nuisent à l’efficacité du suivi des résultats, notamment les suivantes :
Certains commentateurs ont suggéré des moyens grâce aux quels les organismes pourraient surmonter certaines de ces difficultés, par exemple :
En outre, l’examen externe des rapports sur les résultats par les parlementaires et les vérificateurs pourraient fournir aux gouvernements des incitatifs pour améliorer leur suivi 25.
Les exigences du gouvernement du Commonwealth de l’Australie en matière de suivi et de mesure du rendement sont énoncées dans la Public Governance, Performance and Accountability 2013 26, la Public Governance, Performance and Accountability Rule 2014 27 et les lignes directrices du ministère des Finances.
Au début de chaque cycle de rapports, les organismes gouvernementaux sont tenus de publier des plans ministériels dans lesquels ils énoncent des stratégies pour atteindre leurs résultats et mesurer leurs progrès. À la fin de chaque cycle, ils préparent des énoncés de rendement, qu’ils intègrent à leurs rapports annuels, dans lesquels ils précisent la mesure dans laquelle les objectifs ont été atteints. En plus d’avoir recours à des indicateurs de rendement clés, les entités peuvent également utiliser l’étalonnage, les enquêtes auprès des intervenants, l’examen par les pairs et les évaluations exhaustives.
L’Australian National Audit Office (ANAO) s’est engagé à réaliser chaque année un audit des énoncés de rendement. En 2018, l’ANAO conclu que les entités soumises à l’audit devaient améliorer leurs descriptions des répercussions attendues ainsi que la fiabilité et l’exhaustivité de leurs critères de rendement 28.
Le cadre de reddition de comptes pour les États‑Unis est énoncé dans la Government Performance and Results Act of 1993 29. Cette loi exige des organismes gouvernementaux qu’ils préparent des plans stratégiques quinquennaux, mis à jour tous les trois ans, avec des buts mesurables et des objectifs de rendement. Les organismes doivent soumettre au Congrès des rapports annuels sur le rendement avec des données comparatives de trois ans pour les indicateurs de rendement.
Ce cadre a été mis à jour par le truchement de la GPRA Modernization Act of 2010 30, en vertu de laquelle l’Office of Management and Budget (OMB) doit élaborer un plan de rendement pangouvernemental avec des objectifs prioritaires interinstitutions et qu’il rende publics, sur un seul site Web, les plans et rapports des organismes. Elle prévoit également que le gouvernement fédéral, par le truchement de l’OMB, établisse des objectifs prioritaires à long terme, en fasse la mise à jour et la révision tous les quatre ans et en examine le rendement chaque trimestre. Pour leur part, les organismes sont tenus de présenter les objectifs prioritaires à l’OMB tous les deux ans et de faire état de leur rendement chaque trimestre.
En 2017, le United States Government Accountability Office a déclaré que l’utilisation de l’information relative au rendement dans le processus décisionnel était limitée et que le répertoire des programmes fédéraux n’avait pas été mis à jour depuis 2014 31.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dispose d’un réseau de hauts responsables du budget qui aident les pays membres à concevoir et à mettre en œuvre des réformes de gestion et de budgétisation fondées sur les résultats et le rendement 32.
Dans une enquête réalisée en 2018 auprès des pays membres, l’OCDE a constaté que le recours aux cadres de rendement est en hausse. Les répondants ont affirmé que les principaux avantages de l’information sur le rendement sont la transparence des objectifs du programme ainsi que la qualité et l’utilité de cette information, tandis que les principales difficultés sont les problèmes de coordination, un manque de données précises et un manque de leadership 33.
† Les documents de la série En bref de la Bibliothèque du Parlement sont des survols de sujets d’actualité. Dans certains cas, ils donnent un aperçu de la question et renvoient le lecteur à des documents plus approfondis. Ils sont préparés par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires, ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
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