La présente publication a été préparée dans le cadre d’une série visant à appuyer les parlementaires au commencement de la 43e législature.
Au Canada, l'approvisionnement en matière de défense est un processus complexe auquel participent plusieurs ministères et organismes fédéraux, notamment le ministère de la Défense nationale, Services publics et Approvisionnement Canada, Innovation, Sciences et Développement économique Canada, ainsi que le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Cette méthode décentralisée et multiministérielle d'acquisition du matériel de défense est propre au Canada.
D'autres pays industrialisés utilisent différents modèles d'approvisionnement en matière de défense. Par exemple, des acquisitions sont faites par les forces armées concernées, les ministères de la Défense, des organismes de défense centralisés, des organismes gouvernementaux distincts ou des sociétés civiles indépendantes.
Malgré l'existence de ces différents modèles d'approvisionnement en matière de défense et les réformes entreprises dans plusieurs pays ces dernières années, la plupart des processus – quel que soit le modèle – continuent d'être aux prises avec des problèmes et des critiques similaires. En effet, écueils bureaucratiques, ingérence politique, dépassements des coûts et retards dans la réalisation de grands projets sont le lot de nombre de processus.
Aucun des modèles en place ne semble pouvoir offrir une solution adéquate à tous les défis liés à l'approvisionnement en matière de défense au XXIe siècle. Parmi ces défis, notons la complexité croissante et l'augmentation des coûts des grands systèmes d'armes et des chaînes d'approvisionnement mondiales, ainsi que l'évolution rapide de la technologie dans certains domaines.
Les lettres de mandat que le premier ministre du Canada a adressées à plusieurs ministres en décembre 2019 invoquent « la présentation d'analyses et d'options pour la création d'Approvisionnement de défense Canada ». Dans ce contexte, un examen de la gamme complète des modèles d'approvisionnement en matière de défense utilisés par les alliés du Canada et d'autres pays pourrait être mené dans le but de cerner certains des avantages et des inconvénients, ainsi que les leçons tirées en lien avec chaque modèle.
La forte augmentation des dépenses militaires dans le contexte d'un environnement de sécurité internationale imprévisible et instable, depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001, a mené les gouvernements du monde entier à examiner de plus près la question de l'approvisionnement en matière de défense.
Depuis ces attentats, les dépenses militaires mondiales ont augmenté considérablement, passant de 839 milliards de dollars américains en 2001 1 à plus de 1,8 billion de dollars américains en 2018 2. Cet argent a servi en grande partie à acquérir de nouveaux systèmes d'armes et équipements militaires, comme l'artillerie, les armes légères, les véhicules motorisés et blindés, les aéronefs et hélicoptères militaires, les navires de guerre et sous-marins, de même qu'un vaste éventail d'autres produits de défense. Par ailleurs, la vente et le commerce des armes à l'échelle mondiale ont eux aussi augmenté. En effet, les ventes totales d'armes des 100 principaux fabricants d'armes au monde se sont accrues de 47 % entre 2002 et 2018, totalisant 420 milliards de dollars américains au début de 2019 3. Le volume des transferts internationaux d'armes entre 2015 et 2019 a augmenté de 5,5 % par rapport à ce qu'il était entre 2010 et 2014, et de 20 % par rapport à la période de 2005 à 2009 4.
Dans de nombreux pays, le volume – et l'augmentation – des dépenses militaires a commencé à susciter un intérêt marqué de la part des gouvernements, des forces militaires, des industries nationales et internationales de la défense ainsi que des médias et du public. En outre, les inquiétudes croissantes quant aux retards dans l'exécution, les dépassements de coûts et d'autres défis dans le cadre de grands projets d'approvisionnement dans certains pays ont renouvelé l'intérêt de revoir les organismes et les processus d'approvisionnement en matière de défense.
Comme il est illustré en annexe, il existe dans le monde différents modèles d'approvisionnement en matière de défense. Chaque pays administre un processus d'approvisionnement militaire adapté aux besoins et aux exigences de ses forces armées, tout en tenant compte de son économie et de son infrastructure industrielle de défense. Au cours des dernières années, plusieurs gouvernements ont instauré des mesures afin de réformer et de rationaliser leurs organismes et leurs processus nationaux d'approvisionnement en matière de défense pour améliorer la gestion du matériel de défense et en accélérer l'acquisition.
Le présent document examine quelques‑uns des différents organismes d'approvisionnement en matière de défense du monde industrialisé, notamment au Canada. Après une vue d'ensemble du processus d'approvisionnement en matière de défense du Canada, le présent document présente les organismes d'approvisionnement en matière de défense des États-Unis, de l'Inde, du Mexique, de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie, de la France, de l'Allemagne, du Royaume‑Uni, du Pakistan, de Singapour, de la Corée du Sud, de la Turquie, de l'Afrique du Sud, de la Suède et de la Suisse. Bon nombre de ces pays, y compris le Canada, comptent parmi ceux qui consacrent le plus de fonds aux dépenses militaires 5. Il est ensuite question des réformes en matière d'approvisionnement militaire qu'ont instaurées récemment le Canada, l'Australie, le Royaume‑Uni et les États-Unis, et il met en relief certains des problèmes auxquels se heurtent ces pays à cet égard.
Au Canada, l'approvisionnement en matière de défense relève d'un processus complexe auquel participent plusieurs ministères et organismes fédéraux, notamment le ministère de la Défense nationale (MDN), Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC), Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) et le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada 6. Cette approche multiministérielle d'approvisionnement en matière de défense, dans le cadre de laquelle chaque ministère et organisme est responsable d'une étape du processus, est propre au Canada.
Bien que SPAC détienne, en vertu de la Loi sur la production de défense, le « pouvoir exclusif » de faire l'acquisition du matériel de défense requis par le MDN 7, les deux ministères entretiennent une « relation de partenariat » dans le cadre du processus d'approvisionnement en matière de défense. En effet, ils se sont entendus sur un « partage des responsabilités » pour « l'acquisition de biens et de services », ainsi que sur les « activités d'assurance de la qualité du matériel et des services acquis pour le compte du MDN et assujettis aux spécifications militaires ». Les nouveaux systèmes d'armes et équipements militaires sont généralement le type de produits de défense dont l'acquisition est soumise à des spécifications militaires. Toutefois, cette division des responsabilités ne concerne pas le « matériel et les services assujettis aux spécifications non militaires », telles que l'acquisition des fournitures de bureau et d'autres produits civils 8.
Le Guide des approvisionnements de SPAC décrit en détail les responsabilités et rôles respectifs du MDN et de SPAC dans le cadre du processus d'approvisionnement en matière de défense. Bien que les deux ministères participent à la plupart des étapes du processus, chacun y assume des responsabilités distinctes. SPAC, par exemple, est le ministère principal pour tout ce qui concerne :
Le MDN, quant à lui, est notamment le ministère principal pour les tâches suivantes :
En résumé, le MDN établit les besoins d'approvisionnement en matière de défense, mais la responsabilité de l'attribution des contrats et de l'acquisition du matériel ou des services relève de SPAC.
ISDE est responsable de la coordination et de l'administration de la Politique des retombées industrielles et technologiques (RIT) du gouvernement du Canada. Adoptée dans le cadre de la Stratégie d'approvisionnement en matière de défense qui a été lancée en février 2014, la politique des RIT a remplacé la Politique des retombées industrielles et régionales (RIR) qui était en vigueur depuis 1986. La politique des RIT s'applique aux contrats d'approvisionnement militaire annoncés après février 2014, tandis que les obligations définies dans la politique des RIR continuent de s'appliquer aux contrats signés avant cette date 11.
Tout comme la politique des RIR, la politique des RIT permet au gouvernement du Canada d'avoir recours à des contrats d'approvisionnement en matière de défense pour générer des retombées industrielles et économiques au Canada. Les entrepreneurs ont toujours l'obligation de faire des investissements commerciaux dans l'économie du pays d'un montant qui équivaut à la totalité de la valeur du contrat.
La différence entre la politique des RIR et la politique des RIT réside essentiellement dans le fait que l'accent n'est désormais plus mis sur l'investissement dans les régions, mais sur l'investissement dans les technologies qui sont essentielles au Canada et à son industrie de la défense. En vertu de la politique des RIT, les sociétés qui soumissionnent des contrats de défense seront désormais cotées et pondérées en fonction de leur proposition de valeur, c'est‑à‑dire la valeur des retombées industrielles et technologiques de leur investissement dans l'économie canadienne. La proposition de valeur d'un soumissionnaire sera évaluée et notée selon la façon dont il planifie de faire ce qui suit :
On encourage également les soumissionnaires à présenter des plans concernant la diversité et l'égalité entre les sexes et à cibler les investissements dans certaines « capacités industrielles clés » préétablies par SPAC 12.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada est notamment responsable de :
D'autres ministères et organismes fédéraux, y compris le ministère des Finances, le ministère des Pêches et des Océans, le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement et le Bureau du Conseil privé, participent aux différentes étapes du processus d'approvisionnement en matière de défense 14.
Aucun ministère ou ministre n'est responsable à lui seul de l'ensemble du système multiministériel d'approvisionnement en matière de défense du Canada. Toutefois, l'entrée en vigueur de la Stratégie d'approvisionnement en matière de défense a donné lieu à la création du Secrétariat de l'approvisionnement de la défense, qui relève de SPAC. Le Secrétariat est chargé de chapeauter le système d'approvisionnement en matière de défense et de coordonner la mise en œuvre de la Stratégie dans les différents ministères et organismes fédéraux engagés dans le processus 15.
Le Secrétariat rend des comptes au Comité de gouvernance des sous-ministres (CGSM), présidé par SPAC et formé de sous-ministres du MDN, d'ISDE, du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, et du ministère des Pêches et des Océans, dont relève la Garde côtière canadienne. Le CGSM est le principal organe décisionnel de l'approvisionnement en matière de défense et il donne aussi des conseils sur des questions relatives à l'approvisionnement en matière de défense au Groupe de travail des ministres 16.
Le Groupe de travail des ministres a été établi pour « assurer […] les responsabilités partagées à l'égard des achats militaires », ainsi que pour avoir un forum où l'on « discutera des dossiers, donnera des conseils et réglera les problèmes relatifs à la mise en œuvre des principaux projets d'approvisionnement » 17. Le Groupe est présidé par la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement et est composé de ministres du MDN, d'ISDE, du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement et du ministère des Pêches et des Océans 18.
Seul le Canada s'est doté d'un modèle multiministériel d'approvisionnement en matière de défense. Les modèles d'approvisionnement en matière de défense des autres pays se divisent en cinq grandes catégories :
Ces différents modèles sont décrits dans les sections ci‑dessous.
Dans plusieurs pays, ce sont les forces armées (armée de terre, marine et forces aériennes) qui sont responsables de l'acquisition des systèmes d'armes et équipements militaires dont elles ont besoin. Par conséquent, chacune utilise son propre processus d'approvisionnement. Dans la plupart des cas, les activités d'approvisionnement des forces armées sont supervisées par le ministère de la Défense du pays, qui crée et gère souvent les politiques et règlements en matière d'approvisionnement auxquels les forces armées doivent se conformer. Ce système permet aux forces armées d'exercer un contrôle quasi complet sur leurs activités d'approvisionnement militaire respectives. Les États-Unis font partie des pays qui utilisent ce modèle d'approvisionnement décentralisé en matière de défense.
Aux États-Unis, la gestion du processus d'approvisionnement en matière de défense relève du Department of Defense (département de la Défense), ou DOD, au sein duquel plusieurs organismes jouent un rôle. L'Office of the Under Secretary of Defense for Acquisition and Sustainment (bureau du sous-secrétaire à la Défense pour les acquisitions et le maintien en puissance) est chargé de superviser les activités d'approvisionnement des divers segments du DOD 19. Plus précisément, le sous‑secrétaire relève directement du secrétaire à la Défense des États-Unis pour :
toutes les questions relatives à l'approvisionnement, à l'administration des contrats, à la logistique et à l'état de préparation du matériel, aux installations et à l'environnement, à l'énergie opérationnelle, aux armes chimiques, biologiques et nucléaires, au personnel en matière d'approvisionnement et à l'infrastructure industrielle de défense 20.
Chaque service armé des États-Unis (l'armée de terre, les forces navales, le corps des Marines, les forces aériennes et la garde côtière) s'occupe lui‑même d'acquérir son matériel de défense et reçoit le soutien d'un bureau d'approvisionnement distinct 21 :
Chacun de ces bureaux d'approvisionnement dirige un éventail de sous-organismes ayant leur propre sphère de spécialisation de l'approvisionnement, comme la recherche et développement, l'acquisition de systèmes d'armes, d'équipements et d'infrastructures militaires, l'achat de produits commerciaux et la prestation de services de soutien 22.
De plus, certains commandements de combat du DOD, par exemple le U.S. Special Operations Command (commandement des opérations spéciales des États-Unis) et le U.S. Cyber Command (commandement de cyberdéfense des États-Unis), ont leurs propres pouvoirs et budgets d'approvisionnement pour équiper leurs forces 23.
Aussi, plus de 30 organismes du DOD participent activement aux activités d'approvisionnement en matière de défense, dont les suivants 24 :
En 2019, près de 175 000 membres du personnel militaire et du personnel civil travaillaient dans le secteur de l'approvisionnement en matière de défense au sein des forces armées et des différents organismes et commandements de combat du DOD aux États-Unis 30.
L'Irlande est un des pays où, comme aux États-Unis, l'approvisionnement en matière de défense relève principalement de chacune des forces armées 31.
Dans certains pays, le ministère de la Défense assume la responsabilité générale en matière d'acquisition des systèmes d'armes et de l'équipement militaire dont les forces armées du pays ont besoin. Dans ce contexte, le ministère de la Défense exerce souvent les fonctions suivantes :
Ces activités sont habituellement entreprises par l'entremise d'une unité spécialisée responsable du matériel, de l'approvisionnement ou des contrats au sein du ministère de la Défense, et où travaillent généralement des membres du personnel civil et du personnel militaire. En général, ces unités collaborent étroitement avec les forces armées. L'Inde, le Mexique et la Nouvelle-Zélande sont des exemples de pays où l'approvisionnement en matière de défense relève du ministère de la Défense.
En Inde, l'approvisionnement en produits de défense pour les forces armées relève du Defence Acquisition Council (conseil d'acquisition de matériel de défense), ou DAC, un organisme du ministère de la Défense. Le DAC a été créé en 2001 pour superviser l'ensemble du processus d'approvisionnement, et ses décisions sont mises en œuvre par des unités ministérielles axées sur l'approvisionnement, la production et la recherche et développement en matière de défense 32. Toutefois, en janvier 2020, le ministère de la Défense a annoncé que la supervision de l'approvisionnement en matière de défense allait bientôt relever conjointement du DAC et du nouveau Department of Military Affairs (département des Affaires militaires), ou DMA, qui relèvera du ministère de la Défense. Le DAC continuera de superviser les « grands besoins en matière d'approvisionnement en immobilisation », par exemple les aéronefs militaires, les chars d'assaut, les navires de guerre de surface et les sous‑marins. Le DMA, quant à lui, sera responsable des « questions liées à l'administration et à la perception des recettes en matière d'approvisionnement » qui concernent les « articles courants pour les utilisateurs nécessaires aux forces armées », parmi lesquels on trouve « les armes, les munitions, les explosifs, les véhicules, l'équipement de transmission, les magasins, les vêtements, les dispositifs de vision nocturne et les pièces de rechange ». Le DMA supervisera également les services d'entretien et de remise en état du principal matériel de défense 33.
Au Mexique, la défense nationale et les forces armées relèvent de deux entités distinctes, qui administrent les programmes d'approvisionnement qui leur sont propres en matière de défense. Il s'agit du Secretaría de la Defensa Nacional (secrétariat de la Défense nationale), ou SEDENA, pour l'armée de terre et les forces aériennes, et du Secretaría de Marina (secrétariat de la Marine), ou SEMAR, pour la Marine 34.
En Nouvelle-Zélande, l'approvisionnement en matière de défense relève du Ministry of Defence (ministère de la Défense) et de la New Zealand Defence Force (Force de défense de la Nouvelle-Zélande), ou NZDF. Le secrétaire de la Défense et le chef de la Force de défense se partagent la responsabilité de livrer les produits et les capacités de défense à la NZDF. Le secrétaire de la Défense dirige les volets de la politique stratégique, du renforcement des capacités et de l'approvisionnement du cycle de vie des capacités, qui sont sous sa responsabilité. Le chef de la Force de défense dirige les étapes de la mise en service, de l'exploitation et de l'élimination, dont il est également responsable 35.
La Ministry of Defence's Capability Delivery Division (division de la mise en œuvre des capacités du ministère de la Défense) supervise l'approvisionnement en matière de défense et est « responsable de l'ensemble du cycle de vie du processus d'approvisionnement 36 ». Sa principale responsabilité est de « diriger les équipes multidisciplinaires qui définissent, élaborent et mettent en œuvre des capacités militaires pour la NZDF qui répondent aux objectifs de la politique de défense du gouvernement 37 ». Les équipes sont formées de membres du personnel civil et du personnel militaire du ministère de la Défense et de la NZDF. La division de la mise en œuvre des capacités est notamment responsable des activités suivantes :
À l'instar de l'Inde, du Mexique et de la Nouvelle-Zélande, la Tchéquie 39 et la Finlande 40 sont des exemples de pays où l'approvisionnement en matière de défense est administré et coordonné par le ministère de la Défense.
Un certain nombre de pays ont créé des organismes de défense centralisés auxquels ils confient la gestion de leur processus d'approvisionnement en matière de défense. Ces entités sont chargées d'acquérir tous les systèmes d'armes et l'équipement militaires dont les forces armées du pays ont besoin. La plupart de ces organismes relèvent du ministère de la Défense de leur pays, bien qu'ils demeurent habituellement indépendants de l'armée et possèdent leurs propres budgets. L'Australie, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni comptent parmi les pays dont l'approvisionnement en matière de défense relève d'un organisme de défense centralisé.
En Australie, le Capability Acquisition and Sustainment Group (groupe d'acquisition et de maintien de la capacité), ou CASG, qui relève du ministère de la Défense, est responsable de l'acquisition, du service de soutien pendant le cycle de vie ainsi que de l'élimination de tous les systèmes d'armes et de l'équipement militaire qu'utilise l'Australian Defence Force (force de défense australienne). Dirigé par un sous‑secrétaire, le CASG a été créé en 2015 pour remplacer la Defence Materiel Organisation (agence du matériel de défense), ou DMO. Cette dernière, établie en 2000, avait obtenu le statut d'organisme visé par règlement du gouvernement de l'Australie en 2005.
En 2019, le CASG avait un effectif d'environ 5 000 personnes 41.
En France, un seul organisme gouvernemental est chargé de l'approvisionnement en matière de défense. Il s'agit de la Direction générale de l'armement, ou DGA, créée en 1961. La DGA est l'organe d'approvisionnement central du ministère des Armées. Elle est chargée de l'acquisition – de l'acquisition à la livraison – des systèmes d'armes et de l'équipement militaire destinés aux forces armées françaises. Elle est également chargée de la promotion des ventes à l'exportation de l'industrie de la défense du pays.
En 2019, la DGA avait un effectif d'environ 9 700 personnes 42.
Créé en 2012, le Bundesamt für Ausrüstung, Informationstechnik und Nutzung der Bundeswehr (office fédéral des équipements, des technologies de l'information et du soutien en service de la Bundeswehr), ou BAAINBw, est responsable de l'approvisionnement en matière de défense. Cet organisme relève du ministère de la Défense et est dirigé par un directeur général.
Le BAAINBw est essentiellement un agent d'approvisionnement central et ses tâches principales sont liées, entre autres, à la mise au point, aux essais sur le terrain, à l'acquisition et au soutien en service de produits de défense pour les forces armées allemandes. L'organisme est responsable de plusieurs organismes subordonnés, dont six centres techniques, deux instituts de recherche et un arsenal naval.
En 2019, le BAAINBw avait un effectif d'environ 10 500 personnes 43.
Au Royaume-Uni, l'approvisionnement en matière de défense est administré par un seul organisme, Defence Equipment and Support (Soutien et matériel de défense), ou DE&S. L'organisme se définit lui-même comme une entité commerciale sur mesure, indépendante du ministère de la Défense 44. DE&S est dirigé par un directeur général et relève du ministre chargé de l'Approvisionnement en matière de défense, ministre en second du ministère de la Défense.
DE&S existe depuis avril 2007 et résulte de la fusion de deux organismes faisant partie du ministère de la Défense, à savoir la Defence Procurement Agency (Agence d'approvisionnement en matière de défense) et la Defence Logistics Organisation (Organisation de logistique de défense). La fusion visait à créer un nouvel organisme intégré d'approvisionnement et de soutien.
En 2019, DE&S avait un effectif d'environ 12 000 employés 45.
À l'instar de l'Australie, de la France, de l'Allemagne et du Royaume-Uni, d'autres pays, comme le Brésil 46, la Chine 47, le Danemark 48, l'Estonie 49, la Grèce 50, la Hongrie 51, l'Italie 52, le Japon 53, la Lituanie 54, les Pays-Bas 55, la Norvège 56 et l'Espagne 57, confient l'approvisionnement en matière de défense à un organisme de défense centralisé.
La Russie avait ce modèle dans le passé. Toutefois, en septembre 2014, le gouvernement de la Russie a annoncé le démantèlement de ses deux organismes centraux d'approvisionnement en matière de défense (Rosoboronzakaz et Rosoboronpostavka), pour concentrer le processus d'approvisionnement au ministère de la Défense du pays 58.
Certains pays centralisent leur approvisionnement en matière de défense au sein d'un seul ministère ou organisme gouvernemental indépendant du ministère de la Défense. Dans la plupart des cas, ces organismes sont administrés par des autorités civiles et ont des chaînes de commandement et des budgets distincts. Dans le cadre de leur mandat, ces organismes sont généralement chargés des aspects suivants :
Le Pakistan, Singapour, la Corée du Sud et la Turquie font partie des pays qui utilisent ce modèle d'approvisionnement.
Au Pakistan, l'approvisionnement en matière de défense relève du Ministry of Defence Production (ministère de la Production de défense), un ministère qui fonctionne en toute indépendance du ministère de la Défense du pays. Créé en 2004, ce ministère est dirigé par un ministre du Cabinet, le ministre fédéral de la Production de défense. Le ministère de la Production de défense est chargé des activités suivantes :
Créée en 2000, la Defence Science and Technology Agency (agence des technologies et sciences de défense), ou DSTA, est un conseil réglementaire du gouvernement de Singapour chargé de tous les aspects de l'approvisionnement en matière de défense. La DSTA est dirigée par un directeur général qui relève d'un conseil d'administration, lui‑même placé sous la direction d'un président. Parmi les rôles et fonctions de la DSTA, notons :
En 2019, la DSTA avait un effectif d'environ 3 000 personnes 60.
En Corée du Sud, la Defense Acquisition Program Administration (administration des programmes d'acquisition de la défense) ou DAPA, qui est dirigée par le ministre de l'Acquisition en matière de défense, est l'organisme gouvernemental responsable de l'acquisition et de la production en matière de défense. Créée en 2006, la DAPA a été conçue de manière à devenir le centre administratif centralisé pour :
Avant la création de la DAPA, l'approvisionnement en matière de défense de la Corée du Sud relevait de huit organismes de défense, dont chacun des services armés du pays 61.
Créée en 1985, la Presidency of Defence Industries (présidence de l'industrie de la défense de la Turquie), ou SSB, est la seule autorité de passation de marchés sous la présidence de la République de Turquie 62. L'organisme est dirigé par le président de l'industrie de la défense, qui rend compte directement au président de la République de Turquie. La principale fonction de la SSB est de mettre en œuvre les décisions prises par le comité de gestion de l'industrie de la défense de la Turquie, principal organe décisionnel du pays pour l'acquisition et la production en matière de défense. Il est dirigé par le président de la République de Turquie et est formé du vice‑président du pays, du ministre du Trésor et des Finances, du ministre de l'Intérieur, du ministre de la Défense nationale, du commandant des forces armées turques et du président de l'industrie de la défense.
La SSB est notamment responsable des activités suivantes :
À l'origine, la SSB relevait du ministère de la Défense nationale. L'organisme a été rebaptisé et restructuré à plusieurs reprises avant d'être rattaché à la présidence de la République de Turquie en décembre 2017, et d'être renommé SSB en juillet 2018 63.
À l'instar du Pakistan, de Singapour, de la Corée du Sud et de la Turquie, l'Arabie saoudite 64 dispose d'un organisme gouvernemental unique chargé de l'approvisionnement et de la production en matière de défense. De même, l'Irak a récemment annoncé son intention de créer un « organisme indépendant » chargé de superviser les approvisionnements de défense et la production nationale de produits de défense 65.
Dans certains pays, l'approvisionnement en matière de défense est délégué à des organismes civils qui appartiennent soit à l'État, soit à des intérêts privés. C'est notamment le cas de l'Afrique du Sud, de la Suède et de la Suisse.
En Afrique du Sud, l'approvisionnement en matière de défense est administré par une société civile appartenant à l'État, Armaments Corporation of South Africa Ltd. (ARMSCOR). Créée en 1948, ARMSCOR est gérée et contrôlée par un conseil d'administration ayant à sa tête un président qui rend compte directement au ministre de la Défense et des Anciens combattants 66.
ARMSCOR est principalement chargée de l'acquisition, de la maintenance et de l'élimination du matériel de défense de la Force de défense nationale d'Afrique du Sud et du ministère de la Défense, de même que de tout ministère et organisme sud‑africain ayant besoin de services similaires, comme le service de police 67.
En 2019, ARMSCOR avait un effectif de plus de 1 460 personnes 68.
En Suède, la Försvarets materielverk (administration suédoise du matériel de défense), ou FMV, a été créée en 1968 avec le statut d'autorité civile indépendante relevant du gouvernement suédois 69. La FMV est dirigée par un conseil d'administration qui relève directement du gouvernement suédois et traite directement avec le Försvarsdepartementet (ministère suédois de la Défense). Le conseil se réunit cinq fois par an, et ses activités quotidiennes se font sous la direction d'un directeur général 70.
La FMV :
En 2019, la FMV avait un effectif d'environ 1 600 employés 72.
En Suisse, l'approvisionnement en matière de défense est assuré par armasuisse, un organisme indépendant dont les activités ne s'inscrivent pas dans la portée et la responsabilité des forces armées du pays. Cet organisme relève directement du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS); son conseil d'administration est dirigé par un directeur national des armements, qui relève directement du chef du DDPS 73.
Les origines d'armasuisse remontent aux années 1960, alors que des difficultés techniques et des dépassements de coûts colossaux ont été occasionnés par certains systèmes d'armes importants que les forces armées suisses avaient acquis. Ces difficultés ont amené le gouvernement de la Suisse à conclure que les services armés du pays – qui, jusqu'alors, achetaient eux-mêmes tout leur matériel de défense – n'étaient plus en mesure de gérer adéquatement l'acquisition de systèmes d'armes modernes, complexes et perfectionnés. Par conséquent, en 1968, le gouvernement de ce pays a décidé de centraliser l'approvisionnement militaire sous un même organisme gouvernemental, le Gruppe für Rüstungdienste (agence d'approvisionnement militaire) ou GRD, qui a été restructuré en 2000 pour devenir armasuisse. La réorganisation découlait principalement de la fusion, en 1999, de diverses usines d'armement appartenant à l'État et auparavant gérées par le GRD, pour créer une nouvelle société d'État spécialisée dans les technologies de défense, la Rüstungs Unternehemen Aktiengesellschaft, ou RUAG 74.
En 2019, armasuisse avait un effectif de quelque 800 employés 75.
La hausse marquée des dépenses mondiales de défense au cours des deux dernières décennies exerce une pression considérable sur les systèmes d'approvisionnement en matière de défense des pays dont les budgets militaires sont les plus élevés. Dans la plupart des cas, les systèmes d'approvisionnement sont incapables de répondre efficacement à la demande militaire croissante ou d'éviter les écueils bureaucratiques, les ingérences politiques, les difficultés techniques, les dépassements de coûts et les retards de livraison. Dans certains pays, ces problèmes suscitent des critiques du public et une volonté de revoir les systèmes d'approvisionnement en matière de défense afin d'en optimiser l'efficacité, de réduire les délais de livraison, de diminuer les dépenses et d'assurer une meilleure supervision. Le Canada, l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis figurent au nombre des pays qui envisagent d'entreprendre ou qui ont entrepris une révision de leurs systèmes d'approvisionnement en matière de défense 76.
Ces dernières années, le MDN et SPAC ont mis en œuvre plusieurs initiatives afin d'améliorer les processus d'approvisionnement en matière de défense et de raccourcir les cycles d'acquisition 77. Le gouvernement fédéral a également lancé, en juin 2010, la Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale, renommée Stratégie nationale de construction navale en 2016. En outre, en février 2014, le gouvernement a annoncé sa Stratégie d'approvisionnement en matière de défense. Cette stratégie vise à rationaliser le système d'approvisionnement et à en améliorer l'efficacité, à améliorer la reddition de comptes et à accroître les retombées industrielles et économiques liées aux contrats de défense 78. En 2017, dans sa politique Protection, sécurité, engagement : La politique de défense du Canada 79, le gouvernement a annoncé de nouvelles initiatives pour simplifier et améliorer le processus d'approvisionnement en matière de défense.
Toutefois, en dépit des efforts déployés récemment pour simplifier, rationaliser et moderniser le processus d'approvisionnement en matière de défense au Canada, des difficultés persistent en ce qui a trait aux projets d'approvisionnement de défense 80. Plus particulièrement, divers projets d'envergure, coûteux et très en vue sont toujours minés par les retards et les dépassements de coûts 81.
Bien que certains observateurs voient d'un bon œil la mise en œuvre de la Stratégie nationale de construction navale et de la Stratégie d'approvisionnement en matière de défense, la plupart conviennent qu'il reste des défis à relever et affirment que des réformes supplémentaires s'imposent. Ils affirment qu'il faudra revoir à la hausse les ressources humaines et financières. En outre, certains commentateurs estiment nécessaire de remédier à la multiplicité des centres de pouvoirs et de responsabilisation du modèle multiministériel d'approvisionnement en matière de défense du Canada, de façon à alléger la bureaucratie, à réduire le temps requis pour répondre aux besoins militaires, à éliminer les inefficiences et les chevauchements, et à renforcer la reddition de comptes. Selon eux, regrouper l'approvisionnement en matière de défense sous une même entité pourrait simplifier le processus et clarifier les responsabilités ministérielles 82.
Plus récemment, dans les lettres de mandat qu'il leur a transmises le 13 décembre 2019, le premier ministre du Canada a donné instruction à trois ministres – le ministre de la Défense nationale, la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement et la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne – de s'appuyer mutuellement pour :
la présentation d'analyses et d'options pour la création d'Approvisionnement de défense Canada, afin de veiller à ce que les projets d'approvisionnement les plus importants et les plus complexes pour la Défense nationale et la Garde côtière canadienne soient réalisés à temps et avec une plus grande transparence à l'égard du Parlement 83.
La centralisation de l'approvisionnement en matière de défense au sein d'un organisme gouvernemental unique transformerait considérablement le processus d'approvisionnement en matière de défense du Canada et sonnerait le glas du modèle d'approvisionnement militaire décentralisé et multiministériel utilisé depuis 50 ans 84.
Au cours de la dernière décennie, l'Australie a procédé à plusieurs examens et réformes de son système d'approvisionnement en matière de défense. L'un des plus récents examens, demandé par le gouvernement australien en 2008, portait sur la Defence Materiel Organisation (organisation du matériel de défense), ou DMO, et le système d'approvisionnement en matière de défense du pays. Il en est ressorti 46 recommandations visant à améliorer la DMO ainsi que l'efficacité et la rentabilité du processus d'acquisition. Une des recommandations était de dissocier la DMO du ministère de la Défense et d'en faire un organisme de direction indépendant du gouvernement australien. La recommandation visait à donner à la DMO un contrôle accru sur ses ressources et ses activités et à améliorer la transparence et la reddition de comptes 85.
Bien que le gouvernement australien ait accepté 42 des 46 recommandations et mis en œuvre la majorité d'entre elles avant 2012, il a refusé de faire de la DMO un organisme de direction. Selon le gouvernement, cette transformation n'entraînerait pas la création d'un organisme plus efficace, nuirait probablement aux activités du ministère de la Défense et risquerait d'entraîner des coûts importants 86.
En 2014, le ministre de la Défense a demandé un examen du ministère de la Défense pour veiller à ce que l'organisation demeure « apte à s'acquitter de son rôle et à réagir rapidement aux défis futurs 87 ». Les résultats de l'examen, rendus publics en avril 2015, comportaient 76 recommandations, dont 75 ont été acceptées par le gouvernement australien. Plus particulièrement, ayant constaté que la DMO était devenue trop hiérarchisée, complexe et inutilement lourde 88, les auteurs de l'examen ont recommandé son démantèlement et le transfert de ses principales responsabilités à un nouvel organisme, le Capability Acquisition and Sustainment Group (groupe d'acquisition et de maintien de la capacité), ou CASG, au sein du ministère de la Défense. Il a en outre été recommandé de doter le CASG d'une « nouvelle structure organisationnelle » et d'une « hiérarchie simplifiée » 89. Le CASG a officiellement remplacé la DMO en juillet 2015 90.
Depuis, d'autres réformes ont été instaurées pour améliorer et simplifier le processus d'approvisionnement en matière de défense, renforcer la responsabilisation dans la gestion de projet et la production de rapports, revoir le cycle de vie des capacités et le processus d'approbation des investissements en défense, cerner les problèmes rapidement, minimiser les risques, et améliorer la formation et le perfectionnement de l'effectif du CASG 91.
Toutefois, malgré ces réformes, des problèmes demeurent. En 2019, par exemple, l'Australian National Audit Office (bureau de vérification national de l'Australie), ou ANAO, faisait état d'une moyenne de retard de 27 % dans les calendriers des 26 plus importants projets d'approvisionnement en matière de défense pour l'exercice 2018‑2019, ce qui représente un total cumulatif de 691 mois de retard. L'ANAO faisait également état d'une hausse cumulative du budget total de 38 % (24,4 milliards de dollars australiens) pour ces grands projets 92.
Au Royaume-Uni, le système d'approvisionnement en matière de défense a fait l'objet de diverses réformes au cours des deux dernières décennies. Ces réformes ont donné lieu à la création de DE&S, en 2007, et à de nombreux changements aux processus et aux mécanismes de surveillance 93.
Malgré ces réformes, toutefois, le système d'approvisionnement en matière de défense est toujours miné par des problèmes. Par exemple, en 2009 et en 2010, le House of Commons Defence Committee (comité de la défense de la Chambre des communes) et le National Audit Office (bureau de vérification national) ont fait état de retards et de dépassements de coûts importants dans des projets d'approvisionnement en matière de défense du pays. Dans ces rapports, on souligne également un important manque à gagner pour payer les systèmes d'armes et l'équipement militaire commandés par rapport au financement accordé. Selon les estimations, l'écart se situe entre 6 et 36 milliards de livres 94.
En 2009, le ministère de la Défense a commandé une étude indépendante sur le système d'approvisionnement en matière de défense du pays. L'étude a relevé un certain nombre de problèmes, notamment que les projets d'approvisionnement accusaient en moyenne des retards de cinq ans, ce qui représentait des coûts supplémentaires de 900 millions à 2,2 milliards de livres par année. L'étude comprenait diverses recommandations pour améliorer le processus d'approvisionnement ainsi que les compétences, l'efficacité, la gestion de projet et la transparence. Une des recommandations était de dissocier DE&S du ministère de la Défense pour en faire une société d'État exploitée par un entrepreneur (SEEE) 95. En 2010, le ministère de la Défense a accepté la plupart des recommandations, en rejetant toutefois la proposition de transformer DE&S en SEEE 96. En 2014, comme indiqué précédemment, DE&S a fait l'objet d'une réforme et a été transformé en une entité commerciale sur mesure, indépendante du ministère de la Défense 97.
D'autres réformes ont depuis été instaurées afin d'améliorer et de moderniser la planification, le processus et la budgétisation des approvisionnements en matière de défense du Royaume-Uni, entre autres. Par exemple, le ministère de la Défense publie depuis 2012 un rapport annuel sur le plan d'acquisition d'équipement indiquant les dépenses prévues au cours de la prochaine décennie pour les projets d'approvisionnement en matière de défense. Le ministère a également publié divers documents stratégiques à cet égard, dont une stratégie nationale de construction navale (septembre 2017), une stratégie aérienne de combat (juillet 2018) et une politique industrielle de défense (décembre 2018) 98
Toutefois, malgré les réformes et certaines améliorations apportées au système d'approvisionnement en matière de défense du pays, des problèmes subsistent. Par exemple, en 2019, le Bureau de vérification national a indiqué que le plan d'acquisition d'équipement du ministère de la Défense « demeure inabordable, le ministère estimant qu'entre 2019 et 2029, les coûts [183,6 milliards de livres] dépasseront le budget [180,7 milliards de livres] de 2,9 milliards de livres 99 ». En 2018-2019, les échéances prévues pour achever les 27 plus importants projets d'approvisionnement de défense avaient été retardées de 69 mois 100.
Au cours de la dernière décennie, le gouvernement des États-Unis a mis en place diverses réformes pour améliorer son processus d'approvisionnement en matière de défense 101. Il a notamment adopté des changements législatifs visant à réformer le système d'approvisionnement et à reformuler les politiques et la réglementation à cet égard afin d'accroître la reddition de comptes, l'efficacité, l'efficience et la souplesse. Il a aussi mis en œuvre de nouvelles initiatives pour améliorer le rendement global du processus d'approvisionnement en matière de défense, notamment afin de simplifier le processus, d'éliminer les pratiques improductives et les lourdeurs bureaucratiques, d'accroître l'efficacité et la productivité, de favoriser la concurrence, de renforcer la surveillance, d'améliorer l'administration et la protection des droits de propriété intellectuelle, de renforcer les normes de cybersécurité applicables à l'approvisionnement en matière de défense, de contrôler les coûts des projets, de réduire les délais de livraison et de rehausser la qualité et le professionnalisme de la main-d'œuvre 102.
Toutefois, les évaluations des réformes apportées au processus d'approvisionnement en matière de défense des États-Unis indiquent qu'elles ont un succès mitigé. Par exemple, selon un rapport du Government Accountability Office (bureau de la responsabilité gouvernementale) publié en 2019, malgré les réformes, bon nombre des grands projets d'approvisionnement du département de la Défense accusent toujours des dépassements de coûts et des retards importants 103.
À l'instar du Canada, de l'Australie, du Royaume-Uni et des États-Unis, d'autres pays comme le Chili 104, la France 105, l'Allemagne 106, la Hongrie 107, l'Inde 108, l'Irak 109, le Japon 110, la Lituanie 111, la Nouvelle-Zélande 112, les Philippines 113, l'Arabie saoudite 114, l'Espagne 115, la Corée du Sud 116 et le Vietnam 117 ont réformé leurs processus d'approvisionnement en matière de défense ces dernières années. Les réformes, qui varient selon les pays, vont de l'amélioration et de la rationalisation des modes d'approvisionnement à la refonte des mécanismes de passation des marchés et de financement, en passant par la création de nouveaux organismes d'approvisionnement en matière de défense.
Toutefois, malgré ces réformes, les retards de livraison, les dépassements de coûts et d'autres difficultés continuent de nuire à l'approvisionnement en matière de défense partout dans le monde. Par exemple, en 2019, le Comptroller and Auditor General of India (contrôleur et vérificateur général de l'Inde), ou CAG, a relevé des problèmes majeurs pour plusieurs projets d'approvisionnement importants des forces aériennes indiennes et a critiqué le processus d'approvisionnement en matière de défense du pays. Selon le CAG, ce processus est « indûment long et lourd », « miné par des délais et une inefficacité intenables » et doit faire l'objet d'une « restructuration complète ». Il a recommandé la création d'un « organisme d'approvisionnement intégré et autonome » afin d'améliorer la gestion et accélérer la livraison des projets d'approvisionnement en matière de défense de l'Inde 118.
Il existe plusieurs modèles d'approvisionnement en matière de défense dans le monde industrialisé. En général, la plupart des pays choisissent une approche et adaptent leurs processus d'acquisition militaire aux exigences et aux besoins particuliers de leurs forces armées.
Avec son modèle décentralisé et multiministériel, le Canada est unique en son genre. Les pays industrialisés ont choisi d'autres systèmes dans lesquels l'approvisionnement relève des forces armées, du ministère de la Défense, d'organismes gouvernementaux centralisés, d'organismes gouvernementaux indépendants ou de sociétés civiles indépendantes.
Toutefois, malgré leurs différences et les réformes des dernières années, la plupart des systèmes d'approvisionnement en matière de défense, quel que soit le modèle, sont toujours minés par des problèmes similaires et continuent de faire l'objet des mêmes critiques. De nombreux processus sont caractérisés par des obstacles bureaucratiques, de l'ingérence politique, des dépassements de coûts et des retards de livraison des grands projets. Tous les pays industrialisés, y compris le Canada et ses plus proches alliés, ont éprouvé des difficultés avec leur système d'approvisionnement en matière de défense.
En somme, aucun des modèles en place ne semble offrir de solution adéquate aux problèmes associés à l'approvisionnement en matière de défense au XXIe siècle. Au nombre de ces problèmes, soulignons la complexité croissante et l'augmentation des coûts des grands systèmes d'armes et des chaînes d'approvisionnement mondiales, ainsi que l'évolution de plus en plus rapide de la technologie dans certains secteurs 119.
† Les études générales de la Bibliothèque du Parlement sont des analyses approfondies de questions stratégiques. Elles présentent notamment le contexte historique, des informations à jour et des références, et abordent souvent les questions avant même qu’elles deviennent actuelles. Les études générales sont préparées par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
Modèle d'approvisionnement en matière de défense |
Certains pays utilisant ce modèle |
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Multiministériel |
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Forces armées concernées |
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Ministère de la Défense |
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Organisme de défense centralisé |
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Organisme gouvernemental distinct |
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Société civile indépendante |
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Note : * Indique un pays membre de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN).
Source : Tableau préparé par l'auteur à partir de données tirées de diverses sources énumérées dans les notes de fin de document.
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