La question de savoir quelle peine il convient d'imposer pour un crime donné fait l'objet de débats passionnés. Si, pour certaines personnes, la dissuasion et la sanction doivent primer, pour d'autres, l'accent doit être mis sur la réhabilitation, par exemple. Même si le pouvoir judiciaire discrétionnaire est un élément essentiel de l'indépendance de l'appareil judiciaire dans toute démocratie, la portée que doit avoir ce pouvoir continue d'occuper une place importante dans ces débats. Contrairement à des pays comme le Royaume-Uni et les États-Unis, il n'y a pas au Canada de lignes directrices ou de commission sur la détermination de la peine, lesquelles imposent généralement des limites additionnelles au pouvoir judiciaire discrétionnaire. Certains critiquent l'absence de telles mesures au Canada, estimant que cela empêche d'avoir accès aux données qui permettraient d'évaluer les disparités dans la détermination des peines au pays.
Au Canada, les juges qui prononcent les peines ont un large éventail d'options à leur disposition, et la présente étude générale examine chacune d'elles. (Les questions touchant plus particulièrement les peines infligées aux délinquants autochtones sont abordées dans une publication connexe de la Bibliothèque du Parlement rédigée par Graeme McConnell et intitulée Les peuples autochtones et la détermination de la peine au Canada.) Parmi les peines imposées les moins sévères, mentionnons les mesures de rechange que sont les travaux communautaires, la prise en charge psychologique, le traitement et la médiation, qui évitent à la personne accusée de se retrouver avec un casier judiciaire. Il y a évidemment plusieurs autres types de peines, qui peuvent aller jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité. La peine appropriée dépend généralement de divers facteurs énoncés dans le Code criminel et d'autres lois, mais le pouvoir discrétionnaire du juge est limité par la peine maximale imposable pour chaque infraction et, pour certaines infractions, par la peine minimale obligatoire.
Les peines minimales obligatoires figurent au nombre des éléments les plus controversés du processus de détermination de la peine. Des amendes et des peines d'emprisonnement minimales obligatoires s'appliquent maintenant pour des dizaines d'infractions au droit pénal canadien. Contrairement à ce qui se fait dans d'autres pays, comme au Royaume-Uni, les juges au Canada n'ont pas le pouvoir d'imposer une peine moindre dans des circonstances exceptionnelles si l'infraction est assortie d'une peine minimale obligatoire. Les seules exceptions à cette règle concernent certaines infractions relatives aux stupéfiants et à l'alcool qui sont précisées dans le Code criminel et dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Les partisans de l'imposition de peines minimales obligatoires affirment que celles-ci ont un effet dissuasif, qu'elles préviennent d'autres crimes en retirant les délinquants de la société pendant plus longtemps, qu'elles responsabilisent les délinquants, qu'elles encouragent la clarté et qu'elles réduisent les disparités dans la détermination des peines. Leurs opposants affirment en revanche qu'en limitant le pouvoir discrétionnaire des juges, les peines minimales obligatoires pourraient empêcher l'imposition d'une peine juste, « proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant », comme il est précisé à l'article 718.1 du Code criminel. En outre, l'effet dissuasif des peines minimales et les coûts supplémentaires que cela représente pour le système de justice pénale sont remis en question. D'aucuns ont aussi fait valoir que les peines minimales obligatoires n'abolissent pas le pouvoir discrétionnaire, mais le transfèrent aux procureurs. L'on s'inquiète également du fait que le pouvoir discrétionnaire des procureurs ne fait l'objet d'aucun examen et est exercé derrière des portes closes plutôt qu'en public, dans une salle d'audience.
Lorsque des peines minimales obligatoires ont été contestées devant les tribunaux, les résultats ont été mitigés. L'issue de chaque contestation fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés dépend des particularités de la peine minimale et de l'infraction, étant donné qu'il n'existe pas de règle générale pour déterminer si les peines minimales obligatoires sont constitutionnelles.
La libération conditionnelle avant la fin d'une peine d'emprisonnement est également un sujet qui suscite de fortes réactions. Lorsqu'un délinquant est condamné à une peine d'emprisonnement, il ne passe généralement pas tout son temps dans une prison ou un pénitencier. La libération conditionnelle des délinquants incarcérés dans un établissement fédéral (pour des peines d'emprisonnement de deux ans ou plus) peut prendre différentes formes, comme la permission de sortir, la semi-liberté, la libération conditionnelle totale et la libération d'office. Contrairement aux peines, qui sont déterminées par les tribunaux, les décisions concernant les libérations conditionnelles sont prises par le Service correctionnel du Canada (SCC) (pour certaines permissions de sortir) ou par la Commission des libérations conditionnelles du Canada (pour tous les autres types de libération). Dans sept cas sur dix environ, la première demande de libération conditionnelle est refusée. En comparaison, la libération d'office est généralement accordée automatiquement, quoique les délinquants y deviennent admissibles après une période plus longue que lorsqu'ils demandent la libération conditionnelle. La libération d'office a pour objectif de permettre une surveillance structurée et soutenue du délinquant au moment de sa libération dans le but d'augmenter ses chances de réinsertion sociale. Le SCC peut demander qu'un délinquant reste incarcéré jusqu'à la fin de sa peine, ce qui signifie alors qu'il sera libéré sans aucune surveillance. Le système de libération est différent pour les délinquants qui purgent leur peine dans une prison provinciale.
Les décisions relatives à la détermination de la peine et aux libérations impliquent la prise en compte de nombreux facteurs et éléments. L'équilibre approprié entre ces facteurs et ces éléments est sujet à débat et pourrait continuer à l'être à l'avenir.
La question de savoir quelle peine est appropriée pour un crime donné fait l'objet de débats passionnés. Si, pour certaines personnes, la dissuasion et la sanction doivent primer, d'autres préfèrent que l'accent soit mis sur la réhabilitation, par exemple. La présente étude générale traite des objectifs de la détermination de la peine dans le droit canadien et décrit les différents types de peines possibles 1. Les questions touchant plus particulièrement les peines infligées aux délinquants autochtones sont abordées dans une publication connexe de la Bibliothèque du Parlement rédigée par Graeme McConnell et intitulée Les peuples autochtones et la détermination de la peine au Canada 2.
Dans toute démocratie, le pouvoir judiciaire discrétionnaire est un élément essentiel de l'indépendance de l'appareil judiciaire 3. La portée que doit avoir ce pouvoir ne fait cependant toujours pas l'unanimité. Plusieurs études ont été publiées sur la détermination de la peine au Canada, à commencer par le Rapport du Comité canadien de la réforme pénale et correctionnelle 4 (le Rapport Ouimet), publié en 1969, jusqu'à l'entrée en vigueur en 1996 de principes relatifs à la détermination de la peine au Canada prévus à la partie XXIII du Code criminel (le Code) 5.
De manière générale, les modifications apportées en 1996 ont été perçues comme étant un moyen de codifier une pratique existante et de maintenir en grande partie le pouvoir judiciaire discrétionnaire en matière de détermination de la peine 6. Contrairement à des pays tels que le Royaume-Uni et les États-Unis, le Canada n'a pas de lignes directrices ou de commission sur la détermination de la peine, lesquelles imposent généralement des limites additionnelles au pouvoir judiciaire discrétionnaire. L'approche du Canada s'est attiré les critiques de certains observateurs. Le professeur Gerry Ferguson, par exemple, a exprimé ses réserves quant au système actuel et a demandé la création d'une commission sur la détermination de la peine dans un rapport présenté en 2016 au ministère de la Justice :
Un énoncé des objectifs et principes peut accomplir très peu à lui seul. Il s'agit d'un important point de départ et d'un premier niveau d'orientation dans l'imposition d'une peine appropriée […] les dispositions relatives à la détermination de la peine adoptées en 1996 ne fournissent qu'une partie de la solution aux problèmes dans le régime de détermination de la peine du Canada […] Toutefois, la proposition la plus importante en vue de résoudre un grand nombre de nos autres problèmes de détermination de la peine était la création d'une commission permanente sur la détermination de la peine qui permettrait de 1) recueillir et […] diffuser des renseignements sur la détermination de la peine à toutes les parties intéressées, 2) élaborer des lignes directrices de nature présomptive ou consultative sur la détermination de la peine pour toutes les infractions majeures et 3) mener des recherches et formuler des recommandations sur les domaines de la détermination de la peine qui posent le plus de problèmes.
En l'absence d'une commission sur la détermination de la peine, certaines de nos questions relatives à la détermination de la peine les plus problématiques demeurent sans réponse […]
Les disparités injustifiées dans la détermination de la peine existent toujours. Quelle est l'étendue et quelle est l'ampleur des disparités? Personne ne le sait avec certitude parce qu'il n'y a pas de commission sur la détermination de la peine ou d'autre organisme pour étudier cette question. Il n'y a aucune raison de croire que les disparités en matière de détermination de la peine ont diminué de façon significative depuis 1996 7.
À l'inverse, comme nous le verrons plus en détail dans la section sur les peines minimales obligatoires (section 5.6.2.4), un grand nombre de juges et d'autres intervenants font valoir qu'il est essentiel de maintenir le pouvoir judiciaire discrétionnaire pour que les juges puissent imposer des peines qui tiennent compte des circonstances propres de l'affaire 8.
Il convient enfin de rappeler qu'en matière de détermination de la peine, le pouvoir discrétionnaire n'appartient pas uniquement au juge. En effet, la plupart des dossiers ne se rendent pas au procès, ce qui signifie que la plupart des peines découlent de propositions conjointes faites au juge par le procureur de la Couronne et l'avocat de la défense. Les juges acceptent habituellement ces propositions. Pour cette raison, les procureurs jouent aussi un rôle clé dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire relativement à la détermination de la peine 9.
Les objectifs et principes de la détermination de la peine sont énoncés aux articles 718 à 718.3 du Code ainsi que dans d'autres lois comme il est précisé ci‑dessous.
L'article 718 du Code établit ce qui suit :
Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de protéger la société et de contribuer, parallèlement à d'autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre par l'infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :
- dénoncer le comportement illégal et le tort causé par celui-ci aux victimes ou à la collectivité;
- dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;
- isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;
- favoriser la réinsertion sociale des délinquants;
- assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;
- susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes ou à la collectivité.
Comme l'a fait remarquer la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Nasogaluak, « [a]ucun objectif de détermination de la peine ne prime les autres 10 »; il existe cependant des infractions à l'égard desquelles certains objectifs ont prépondérance. Les modifications apportées au Code en 2005, en 2009, en 2015 et en 2019 ont entraîné l'ajout des articles 718.01, 718.02, 718.03 et 718.04 respectivement, lesquels précisent que les objectifs de dénonciation et de dissuasion sont des considérations qui priment dans les infractions suivantes :
Les objectifs de la détermination de la peine pour les infractions en matière de drogue sont énoncés à l'article 10 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LRCDAS) 13 et au paragraphe 15(1) de la Loi sur le cannabis 14.
Outre les objectifs généraux dont il est précédemment fait mention, il existe certains principes en matière de détermination de la peine. Parmi ceux-ci, le principe fondamental, énoncé à l'article 718.1 du Code, dispose que la peine doit être « proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant ». Par ailleurs, l'article 718.2 expose un certain nombre de principes à suivre et de circonstances aggravantes et atténuantes à prendre en considération au moment de déterminer la peine 15. Le Code donne des exemples précis de circonstances, mais ces derniers ne constituent pas une liste exhaustive.
Par exemple, une prétendue violation des droits du délinquant garantis par la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) 16 pourrait être un facteur atténuant à prendre en considération lors de la détermination de la peine 17. D'autres articles du Code prévoient aussi des circonstances aggravantes et atténuantes pour certaines infractions.
Lorsqu'il s'agit de mauvais traitements à l'égard d'un partenaire intime, l'article 718.201 exige de tenir compte, lors de la détermination de la peine, de la vulnérabilité accrue des victimes de sexe féminin, en accordant une attention particulière à la situation des victimes autochtones de sexe féminin. Cette nouvelle exigence est entrée en vigueur en 2019 18. D'autres dispositions législatives prévoient la prise en compte de certains facteurs lors de la détermination de la peine, selon la situation; c'est le cas de l'article 718.21 du Code, lorsque l'accusé est une organisation, et de l'article 320.22, pour ce qui est des capacités de conduire affaiblies; du paragraphe 10(2) de la LRCDAS ou du paragraphe 15(2) de la Loi sur le cannabis lorsque l'infraction concerne la drogue; et des paragraphes 52.1(10) et 53(7) de la Loi sur la concurrence 19, lorsqu'il s'agit d'une tactique de télémarketing ou d'une tactique trompeuse visant à faire croire à la personne qu'elle a gagné un prix.
Comme il en sera question plus loin dans la section 5.6.2.3 de la présente étude générale, l'article 718.3 du Code donne des directives concernant le pouvoir judiciaire discrétionnaire et les cas où des peines multiples doivent être purgées de façon concurrente ou consécutive. Une modification apportée en 2019 par le projet de loi C‑75 20 a mené à l'ajout du paragraphe 718.3(8), qui permet au tribunal d'infliger une peine supérieure à la peine d'emprisonnement maximale prévue pour l'infraction lorsque l'accusé est déclaré coupable d'un acte criminel perpétré avec usage, tentative ou menace de violence contre un partenaire intime alors qu'il a été auparavant déclaré coupable d'une infraction perpétrée avec usage, tentative ou menace de violence contre un partenaire intime. Cette nouvelle disposition prévoit les peines maximales qui peuvent alors être infligées, lesquelles varient selon la peine maximale imposée normalement pour l'infraction en question.
De plus, lorsqu'une infraction décrite aux articles 467.11 à 467.13 du Code est commise, la peine imposée est purgée consécutivement à toute autre peine qui sanctionne une autre infraction fondée sur les mêmes faits et à toute autre peine en cours d'exécution au moment où la personne reçoit sa peine pour l'infraction commise pour le compte de l'organisation criminelle visée 21. Des dispositions semblables existent relativement aux infractions liées au terrorisme 22.
Les tribunaux ont affirmé que, lorsque l'imposition d'une peine a des conséquences indirectes, la peine peut être réduite tant qu'elle demeure proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Dans l'arrêt R. c. Pham, par exemple, la Cour suprême du Canada a fait passer la peine infligée de deux ans à deux ans moins un jour en raison des conséquences d'une peine de deux ans en matière d'immigration 23.
L'article 12 de la Charte est celui qui est invoqué le plus souvent en lien avec la détermination de la peine, car il garantit le « droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités ». D'autres dispositions, comme l'article 7 (le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne) et l'article 15 (le droit à l'égalité), ont aussi été invoquées dans des affaires où une peine était contestée en vertu de la Charte 24.
Pour qu'elle soit en contradiction avec l'article 12, une peine doit être « excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine 25 ». Il est arrivé à l'occasion, dans le passé, que des juges accordent une exemption constitutionnelle dans des cas de violation de l'article 12 de la Charte, même s'ils estimaient que la loi devait être maintenue. La Cour suprême du Canada a cependant été claire à ce sujet : cette pratique n'est pas permise. Il faut plutôt invalider la loi lorsque celle-ci viole la Charte dans l'affaire examinée ou dans des situations hypothétiques raisonnables 26. Dans les dernières années, les contestations fondées sur l'article 12 de la Charte ont porté principalement sur les peines minimales obligatoires, comme nous le verrons à la section 5.6.2.4 de la présente étude générale.
La présente section décrit les types de peines qui peuvent être infligées lorsque l'accusé a été condamné, que ce soit à la suite d'un plaidoyer de culpabilité ou d'une déclaration de culpabilité à l'issue d'un procès. Le tribunal peut demander à un agent de probation de soumettre un rapport afin d'aider à déterminer la peine 27. La détermination de la peine peut en outre être reportée pour permettre au délinquant de participer à un programme de traitement agréé 28. Si le délinquant termine le programme de manière satisfaisante, il peut recevoir une peine réduite 29.
Les mesures de rechange, ajoutées au Code en 1996, sont définies à l'article 716 comme étant des mesures prises « plutôt que le recours aux procédures judiciaires » 30. Selon l'article 717 du Code, des mesures de rechange peuvent être utilisées à l'endroit d'une personne à qui une infraction est imputée, pourvu que certaines conditions soient réunies et que l'intérêt de la société soit protégé. Les mesures de ce genre visent à écarter des personnes du système de justice pénale, tout en les tenant responsables de leurs actes. Il est possible d'avoir recours aux mesures de rechange avant ou après le dépôt des accusations. La personne en question doit accepter de participer et reconnaître sa responsabilité dans l'acte ou l'omission en question. Aucune accusation n'est portée, ou celles qui ont été portées sont abandonnées, si la personne en question respecte les conditions dont sont assorties les mesures de rechange. Même si la personne qui accepte une mesure de rechange évite l'ouverture d'un casier judiciaire, l'information concernant son implication dans l'affaire en question demeure accessible pendant deux ans à certains organismes, dont les services de police 31. Les programmes de mesures de rechange varient beaucoup d'une province ou d'un territoire à l'autre et ils doivent être autorisés par le procureur général ou une autre personne compétente en la matière. Ils peuvent comprendre des travaux communautaires, des séances de médiation, un aiguillage vers un programme spécialisé de consultation psychologique, un traitement, des séances d'éducation, des programmes de réconciliation entre la victime et le contrevenant, des mesures de justice réparatrice, des lettres d'excuses et d'autres mesures semblables 32. Enfin, certains programmes s'adressent à des populations précises, comme les peuples autochtones 33.
La partie XXII.1 du Code, qui est entrée en vigueur en 2018, énonce les règles entourant l'accord de réparation, qui est défini à l'article 715.3 comme étant un accord entre une organisation accusée d'avoir perpétré une infraction et le poursuivant, dans le cadre duquel les poursuites relatives à cette infraction sont suspendues pourvu que l'organisation se conforme aux conditions de l'accord.
L'accord de réparation a différents objectifs, comme il est précisé à l'article 715.31 du Code, notamment : dénoncer tout acte répréhensible et le tort causé par celui-ci, et réduire les conséquences négatives de l'acte sur les personnes – employés, clients, retraités ou autres – qui ne s'y sont pas livrées.
Les absolutions inconditionnelles et sous conditions ont été intégrées au droit pénal canadien en 1972 en réponse au Rapport Ouimet de 1969, dont il est fait mention à la section 2 du présent document. Ce rapport préconisait que des modifications soient apportées au droit pénal pour éviter aux personnes qui ont commis une seule infraction mineure les lourdes conséquences associées à un casier judiciaire 34. L'article 730 du Code prévoit ainsi que, une fois l'accusé reconnu coupable, le tribunal peut ordonner une absolution inconditionnelle ou sous conditions si aucune peine minimale obligatoire ne s'applique pour l'infraction en question et si la peine maximale est inférieure à 14 ans d'emprisonnement. Cette option doit être dans l'intérêt véritable de l'accusé sans nuire à l'intérêt public. Contrairement à l'absolution inconditionnelle, l'absolution sous conditions exige que l'accusé se conforme, pendant une certaine période (la « période de probation »), à des conditions liées expressément à l'infraction. Une amende ne peut pas être imposée en cas d'absolution, car aucune condamnation n'est inscrite (une amende est considérée comme étant associée à une peine) 35.
Lorsqu'un accusé ayant obtenu une absolution sous conditions est reconnu coupable d'une autre infraction pendant sa période de probation, y compris le fait de ne pas avoir respecté une ordonnance de probation, l'absolution sous conditions peut être annulée, l'accusé peut être condamné, et une peine peut lui être infligée 36. Le tribunal peut aussi modifier les conditions de l'ordonnance ou en ajouter, au lieu d'annuler l'absolution 37. Par ailleurs, si une absolution inconditionnelle a déjà été accordée, celle-ci ne peut pas être annulée lorsque l'accusé commet une autre infraction 38.
Lorsqu'un accusé est déclaré coupable, le tribunal peut surseoir au prononcé de la peine et libérer le délinquant pour une période de probation allant de un à trois ans. À l'instar de l'absolution sous conditions, l'accusé est soumis à une probation et aucune amende ne peut être imposée. Toutefois, le sursis au prononcé de la peine donne lieu à une condamnation et, par conséquent, à l'établissement d'un casier judiciaire 39. Avant 1969, le sursis au prononcé de la peine n'était permis que dans un nombre limité de situations. Par suite des modifications apportées au Code en 1969, cette option est devenue possible pour toute infraction pour laquelle il n'y a pas de peine minimale obligatoire. Lorsqu'il doit décider si un sursis au prononcé de la peine est approprié, le juge doit tenir compte de l'âge et de la réputation de l'accusé, de la nature de l'infraction et des circonstances dans lesquelles elle a été commise 40.
Le délinquant qui a obtenu un sursis au prononcé de la peine et qui enfreint les conditions imposées durant sa période de probation peut être tenu de purger en totalité la peine jugée proportionnelle à l'infraction. La peine appropriée est déterminée lors du non-respect des conditions plutôt que lors de l'octroi du sursis au prononcé de la peine 41.
Une période de probation peut être imposée pour une durée maximale de trois ans 42. Comme il a été noté précédemment, elle peut s'inscrire dans le cadre d'une absolution sous conditions ou d'un sursis au prononcé de la peine, mais elle peut aussi s'ajouter à la fin d'une peine d'emprisonnement de moins de deux ans. La probation est possible lorsque le juge impose une amende ou une peine d'emprisonnement, mais pas les deux 43. Le délinquant qui se voit imposer une période de probation est supervisé par un agent de probation provincial ou territorial, et la gestion de la probation relève des provinces 44.
Les périodes de probation sont assorties de conditions obligatoires, mais aussi de conditions facultatives 45. Le non-respect des conditions constitue une infraction criminelle passible d'une peine d'emprisonnement maximale de quatre ans 46. Comme il s'agit d'une infraction criminelle, le non-respect d'une ordonnance de probation doit être prouvé hors de tout doute raisonnable 47.
L'imposition d'une amende à une personne reconnue coupable d'une infraction criminelle entraîne l'établissement d'un casier judiciaire. Avant 1996, une amende ne pouvait être imposée que dans le cas d'une infraction punissable d'une peine d'emprisonnement de cinq ans ou moins. Dorénavant, un juge peut imposer une amende s'il n'y a pas de peine d'emprisonnement minimale obligatoire. Il ne peut cependant l'imposer que s'il estime que le délinquant est capable de la payer ou de s'en acquitter dans le cadre d'un mode facultatif de paiement d'une amende, qui permet au délinquant de faire des travaux compensatoires au lieu de payer l'amende 48. Des programmes de ce genre, assortis de divers critères d'admissibilité, existent partout au Canada, sauf en Colombie-Britannique, en Ontario et à Terre‑Neuve‑et‑Labrador 49.
L'imposition d'une amende minimale est obligatoire pour certaines infractions, dont celles associées à la capacité de conduire affaiblie. En pareils cas, l'amende peut être imposée seule ou accompagner une autre peine, comme une peine d'emprisonnement 50. Elle ne peut pas être imposée si l'accusé a reçu une absolution inconditionnelle, une absolution sous conditions ou un sursis au prononcé de la peine, étant donné qu'il n'y a pas eu de prononcé de la peine dans ces situations 51.
Aucune limite précise ne s'applique au montant de l'amende qui peut être imposée pour une infraction punissable par mise en accusation, mais le montant doit être raisonnable et tenir compte de l'infraction ainsi que de la capacité du délinquant de payer l'amende ou de s'en acquitter grâce à un mode facultatif de paiement d'une amende. Dans le cas d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, l'amende maximale s'élève, à moins d'indication contraire, à 5 000 $ pour un particulier et à 100 000 $ pour une organisation 52.
Le défaut de payer l'amende peut avoir diverses conséquences. Le gouvernement fédéral ou provincial concerné peut refuser de délivrer ou de renouveler une licence ou un permis, ou en imposer la suspension. L'emprisonnement pour défaut de paiement est aussi possible, comme le prévoit l'article 734 du Code 53.
Un délinquant doit payer une suramende compensatoire de 100 $ pour une infraction punissable par procédure sommaire ou de 200 $ pour une infraction punissable par mise en accusation. Si la peine comprend une amende, la suramende équivaut à 30 % du montant de l'amende. Le montant peut être augmenté s'il y a lieu 54. Les fonds perçus sont consacrés aux services d'aide aux victimes 55.
Jusqu'en 2013, les tribunaux avaient le pouvoir discrétionnaire d'exempter un délinquant du paiement de la suramende compensatoire lorsqu'il était déterminé que celle-ci risquait de causer un préjudice injustifié au délinquant ou à ses personnes à charge. Des exemptions de ce genre étaient souvent accordées. En 2013, toutefois, la possibilité d'accorder une exemption a été retirée de l'article 737 du Code, et les montants de l'amende ont été augmentés pour atteindre les niveaux actuels 56. En 2018, la Cour suprême du Canada a conclu, dans l'arrêt R. c. Boudreault, que les dispositions modifiées en 2013 concernant la suramende compensatoire imposée portaient atteinte à l'article 12 de la Charte et les a déclarées inopérantes 57. En 2019, en réponse à cette décision de la Cour suprême, le projet de loi C-75 a modifié l'article 737 du Code. Ainsi, le paragraphe 737(2.1) permet actuellement l'exercice du pouvoir judiciaire discrétionnaire concernant l'imposition d'une suramende compensatoire lorsqu'il est déterminé que celle-ci risque de causer un préjudice injustifié ou qu'elle n'est pas proportionnelle à la gravité de l'infraction ou au degré de responsabilité du contrevenant. Par ailleurs, le tribunal doit motiver sa décision lorsqu'il accorde une exemption 58.
Le Code renferme des dispositions relatives à la confiscation de biens sous certaines conditions. Par exemple, le procureur général peut demander à la Cour fédérale une ordonnance de confiscation à l'égard de biens qui appartiennent à un groupe terroriste, ou qui sont à sa disposition, directement ou non, ou de biens qui ont été ou seront utilisés par quiconque pour se livrer à une activité terroriste ou pour en faciliter une. Le juge détermine, selon la prépondérance des probabilités, si les biens répondent à l'un ou l'autre des critères établis 59. Certaines dispositions du Code permettent également la saisie de la monnaie contrefaite, des symboles de valeur contrefaits et du matériel connexe, de même que la confiscation des produits de la criminalité et des biens infractionnels 60.
Un dédommagement est une somme versée à la victime pour compenser l'argent que celle-ci a perdu en raison d'un crime. La Charte canadienne des droits des victimes exige que, pour chaque cas, le tribunal envisage de prendre une ordonnance de dédommagement, mais il n'est pas tenu d'en prendre une 61. Contrairement à une amende, à une suramende compensatoire ou à une confiscation (où l'argent perçu est remis à l'État), le dédommagement est versé directement à la victime du crime (la suramende compensatoire sert aussi à dédommager les victimes, mais de façon indirecte, car elle sert à financer des services offerts aux victimes). Un dédommagement peut être accordé en cas de pertes faciles à évaluer, comme le salaire perdu, les dommages causés à la propriété ou des blessures corporelles, mais pas pour la douleur, la souffrance ou la détresse émotionnelle, qui nécessiterait une évaluation par un tribunal civil. La victime doit documenter ses pertes afin de les signaler au tribunal à l'étape de la détermination de la peine (p. ex. en conservant ses talons de paye et ses reçus) 62.
Le délinquant peut être tenu de payer le dédommagement immédiatement ou se voir accorder plus de temps pour payer. Si le dédommagement n'est pas payé dans le délai prescrit, la victime peut déposer l'ordonnance de dédommagement auprès d'un tribunal civil et faire appel à des méthodes d'exécution de jugements civils en vue de recouvrer le montant qui lui est dû. Certains organismes de service aux victimes peuvent les y aider 63.
Le tribunal peut ordonner qu'une peine de moins de deux ans d'emprisonnement soit purgée dans la collectivité 64. Ce type de peine a été créé dans le cadre des réformes de 1996 et s'appelle « peine avec sursis ». On qualifie cette peine d'« assignation à domicile » ou de « détention à domicile », car le délinquant doit généralement purger sa peine, en tout ou en partie, à son domicile 65. La Cour suprême du Canada a déclaré que la probation est avant tout un outil de réadaptation, tandis qu'une peine avec sursis sert des objectifs punitifs et de réinsertion 66. Le juge doit être convaincu que la mesure ne met pas en danger la collectivité et qu'elle est conforme à l'objectif essentiel et aux principes liés à la détermination de la peine 67.
Un délinquant n'est pas admissible à une peine avec sursis dans l'un ou l'autre des cas de figure suivants :
Le délinquant qui purge une peine avec sursis est soumis à des conditions, comme le prévoit l'article 742.3 du Code, et il peut être visé par une ordonnance de probation une fois qu'il a purgé sa peine. Si le délinquant enfreint les conditions, un juge peut l'envoyer purger le reste de sa peine dans une prison ou un pénitencier. On détermine si le délinquant a enfreint les conditions de sa peine avec sursis au moyen de la prépondérance des probabilités 69.
De nos jours, l'emprisonnement est la peine la plus grave de notre système juridique. Toutes les infractions sont assorties d'une peine maximale et certaines, comme on l'explique à la section 5.6.2.4 de la présente étude générale, sont également assorties d'une peine d'emprisonnement minimale obligatoire. La peine maximale pour les crimes les plus graves, comme un homicide, est l'emprisonnement à perpétuité. Des changements apportés au Code en 2019 font en sorte que la peine d'emprisonnement maximale habituellement infligée en cas d'infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité est maintenant de deux ans moins un jour si l'infraction n'est pas assortie d'une autre peine maximale 70. Les délinquants condamnés à une peine d'emprisonnement de moins de deux ans purgent leur peine dans une prison provinciale, tandis que ceux qui sont condamnés à une peine d'emprisonnement de plus de deux ans la purgent dans un pénitencier fédéral 71.
Le paragraphe 719(3) du Code autorise le tribunal à tenir compte du temps passé en détention présentencielle au moment de calculer la durée de la peine à infliger à un délinquant. Auparavant, les juges accordaient des crédits doubles ou même triples pour chaque jour qu'un délinquant avait passé en détention présentencielle, car les critères d'admissibilité à la liberté conditionnelle ne tenaient souvent pas compte de cette période passée sous garde. Ainsi, un délinquant qui avait été mis en détention présentencielle passait plus de temps en détention qu'un autre délinquant libéré sous caution pour la même infraction. Par ailleurs, généralement, les centres de détention locaux offrent un moins grand nombre de programmes et les conditions de vie y sont plus dures et c'est pourquoi on estime que le temps passé en détention présentencielle est plus difficile 72. Des modifications apportées au Code en 2009 avaient limité les crédits accordés pour la détention présentencielle à un jour pour chaque jour passé sous garde ou, dans certaines circonstances, à un jour et demi 73. En 2014, dans l'arrêt R. c. Summers, la Cour suprême du Canada a conclu que les circonstances justifiant les crédits de un jour et demi sont en vérité assez fréquentes :
À elle seule, la perte subie aux fins de l'admissibilité à la libération anticipée suffit habituellement à justifier l'octroi d'un crédit à raison d'un jour et demi contre un, même lorsque les conditions de détention n'ont pas été spécialement dures et que la libération conditionnelle est peu probable. Certes, un ratio inférieur peut être indiqué lorsque la détention résulte de l'inconduite du délinquant, ou qu'il est peu probable que ce dernier soit libéré avant terme ou conditionnellement. Lorsque les exceptions prévues au par. 719(3.1) écartent son application, le ratio ne peut être que d'un jour contre un. De plus, l'art. 719 n'entre en jeu que dans le cas où la détention présentencielle résulte de l'infraction pour laquelle le délinquant est condamné à une peine 74.
Lorsque le tribunal impose une peine d'emprisonnement de 90 jours ou moins, il peut ordonner que cette peine soit purgée de façon intermittente (p. ex. les fins de semaine) 75. Une peine discontinue doit être accompagnée d'une ordonnance de probation qui régit la conduite du délinquant pendant qu'il n'est pas en détention; le délinquant peut aussi faire l'objet d'une ordonnance de probation à la fin de sa peine discontinue. Au moment de décider s'il imposera une peine discontinue, le tribunal doit tenir compte « de l'âge et de la réputation du délinquant, de la nature de l'infraction, des circonstances dans lesquelles elle a été commise et de la disponibilité d'un établissement adéquat pour purger la peine 76 ».
Lorsqu'un délinquant est condamné pour plus d'une infraction, les peines qui lui sont imposées peuvent être concurrentes (c.-à-d. purgées en même temps) ou consécutives (purgées l'une après l'autre). Les peines concurrentes sont beaucoup plus fréquentes 77. L'alinéa 718.2c) du Code dispose que, lorsque des peines consécutives sont infligées, la peine totale ne doit pas être d'une nature ou d'une durée excessive. Les paragraphes 718.3(4) et 718.3(7), ajoutés en 2015, énoncent les règles spécifiques pour déterminer si une peine devrait ou doit être purgée de façon consécutive.
Des amendes et des peines d'emprisonnement minimales obligatoires existent pour diverses infractions prévues dans le droit pénal canadien. Lorsque le Code a été adopté pour la première fois en 1892, six infractions se soldaient par une peine d'emprisonnement minimale obligatoire 78. On recense aujourd'hui des dizaines d'infractions assorties d'une peine minimale. Contrairement à ce qui se fait dans d'autres pays, comme au Royaume-Uni, les juges au Canada n'ont pas le pouvoir d'imposer une peine moindre dans des circonstances exceptionnelles si l'infraction est assortie d'une peine minimale obligatoire 79. Les seules exceptions à cette règle concernent certaines infractions relatives aux stupéfiants et à l'alcool précisées dans le Code et dans la LRCDAS. En effet, si le délinquant se soumet à un traitement approuvé, le tribunal n'est pas tenu d'imposer la peine minimale dans un tel cas 80.
Les peines minimales obligatoires figurent parmi les éléments les plus contestés du processus de détermination de la peine. Leurs partisans affirment qu'elles ont un effet dissuasif, qu'elles préviennent d'autres crimes en retirant le délinquant de la société pendant plus longtemps, qu'elles responsabilisent les délinquants, qu'elles favorisent la clarté et qu'elles réduisent les disparités dans la détermination de la peine. Leurs opposants affirment pour leur part qu'en limitant le pouvoir discrétionnaire des juges, les peines minimales obligatoires pourraient empêcher l'infliction d'une peine juste, « proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant », comme l'exige l'article 718.1 du Code. En outre, l'effet dissuasif des peines minimales est mis en doute et les coûts supplémentaires pour le système de justice pénale ont fait l'objet de critiques. D'aucuns ont aussi fait valoir que les peines minimales obligatoires n'abolissent pas le pouvoir discrétionnaire, mais le transfèrent aux procureurs, qui décident des accusations à porter et de la procédure à privilégier (procédure sommaire ou mise en accusation), ce qui, dans les deux cas, a une incidence sur la possibilité que le délinquant soit assujetti à une peine minimale. Les critiques s'inquiètent du fait que le pouvoir discrétionnaire des procureurs ne fait l'objet d'aucun examen et est exercé derrière des portes closes plutôt qu'en public, dans une salle d'audience 81.
Lorsque les peines minimales obligatoires ont été contestées devant les tribunaux, les résultats ont été mitigés. Le premier cas soumis à la Cour suprême du Canada concernant les peines minimales obligatoires, R. c. Smith (Edward Dewey) 82, remonte à 1987. La Cour a alors invalidé la peine minimale en question, jugeant qu'il s'agissait d'une peine cruelle et inusitée. Dans d'autres affaires, comme R. c. Morrisey et R. c. Latimer, la Cour s'est montrée plus déférente envers les peines minimales obligatoires 83. Plus récemment, cependant, dans des affaires comme R. c. Nur et R. c. Lloyd, la Cour a invalidé les peines minimales obligatoires, estimant qu'elles contrevenaient à l'article 12 de la Charte 84.
Le résultat de chaque contestation fondée sur la Charte dépend des particularités de la peine minimale et de l'infraction, étant donné qu'il n'existe pas de règle générale qui permet de déterminer si les peines minimales obligatoires sont constitutionnelles. Les résultats pour une infraction donnée peuvent porter à confusion si la Cour suprême du Canada n'a pas encore eu l'occasion d'examiner la question. Les peines minimales obligatoires sont appliquées pour certaines infractions dans certaines régions du pays, tandis que dans d'autres régions, elles ne le sont pas parce que les tribunaux les ont jugées anticonstitutionnelles. Le résultat : « une jurisprudence disparate et de l'incertitude quant aux peines minimales obligatoires qui sont valides et à celles qui sont vulnérables à des contestations 85 ».
Il y a bien eu des désignations semblables dans le passé, mais le régime applicable aux délinquants dangereux tel que nous le connaissons aujourd'hui a été institué en 1977. Il a été modifié depuis, notamment de façon significative en 2008 86. La dernière fois que la Cour suprême du Canada a jugé que le régime était constitutionnel remonte à 2018 87.
Quiconque commet des « sévices graves à la personne », tel que ce terme est défini à l'article 752 du Code, peut être désigné délinquant dangereux et se voir infliger une peine d'emprisonnement d'une durée indéterminée si le tribunal est convaincu que les conditions énoncées à l'article 753 du Code sont remplies. En bref, le tribunal doit estimer que la peine est nécessaire pour assurer la sécurité du public; le délinquant est alors emprisonné ou est assujetti à une libération conditionnelle pour toute la durée de sa vie 88. Pour être désigné ainsi, le délinquant doit constituer un danger pour la vie, la sécurité ou le bien-être physique ou mental d'autrui, en vertu des preuves établissant, selon le cas :
Un délinquant qui commet une agression sexuelle aux termes des articles 271 à 273 du Code et dont la conduite démontre son incapacité à maîtriser ses impulsions sexuelles et laisse prévoir que, vraisemblablement, il causera à l'avenir de ce fait des sévices ou autres maux à d'autres personnes est également désigné délinquant dangereux 90. Environ deux tiers des délinquants désignés dangereux ont été reconnus coupables au moins une fois d'une infraction de nature sexuelle 91.
La demande de désignation de délinquant dangereux doit être présentée avant que la peine ne soit imposée au délinquant, sauf si certaines conditions exceptionnelles sont réunies 92. Le tribunal impose une peine de détention dans un pénitencier pour une période indéterminée sauf s'il est convaincu que l'on peut vraisemblablement s'attendre à ce que le fait d'infliger une peine d'emprisonnement d'au moins deux ans, en plus d'imposer une ordonnance de surveillance pour une période maximale de 10 ans, ou une peine régulière, protège de façon suffisante le public contre la perpétration par le délinquant d'un meurtre ou d'une infraction qui constitue des sévices graves à la personne 93. Si le tribunal ne déclare pas que le délinquant est un délinquant dangereux, il peut déclarer qu'il est un délinquant à contrôler ou lui imposer une peine normale pour l'infraction dont il a été déclaré coupable 94.
La Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) examine la situation du délinquant incarcéré pour une période indéterminée à l'expiration d'un délai de sept ans à compter du jour où il est mis sous garde et tous les deux ans par la suite, sauf si la peine a été infligée avant le 15 octobre 1977, auquel cas sa détention fait l'objet d'un examen annuel 95.
La désignation de délinquant à contrôler a été créée en 1997 et vise principalement les délinquants sexuels, mais elle peut aussi être appliquée aux délinquants violents qui doivent recevoir une attention particulière, même s'ils ne répondent pas à la définition de délinquant dangereux 96. La Cour suprême du Canada a noté que la période de surveillance n'est pas un facteur à prendre en considération pour déterminer la durée de l'incarcération du délinquant, étant donné que l'incarcération et la surveillance ont des objectifs différents 97. Il est nécessaire d'aviser le procureur général lors de la présentation d'une demande de désignation de délinquant à contrôler (mais il n'est pas nécessaire de l'aviser lors de la présentation d'une demande de désignation de délinquant dangereux) 98.
Le délinquant doit avoir été reconnu coupable de sévices graves à la personne ou d'une infraction visée à l'alinéa 753.1(2)a), où sont énumérés plusieurs infractions à caractère sexuel 99. Pour établir qu'un délinquant est un délinquant à contrôler, le tribunal doit être convaincu qu'une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus serait appropriée pour l'infraction commise, que le délinquant présente un risque élevé de récidive et qu'il existe une possibilité réelle que ce risque puisse être maîtrisé au sein de la collectivité 100. Lorsqu'un délinquant est déclaré délinquant à contrôler, le tribunal doit lui imposer généralement une peine d'emprisonnement d'au moins deux ans, suivie d'une période de surveillance dans la collectivité d'au plus 10 ans 101. Il est possible de demander plus tard une réduction de la période de surveillance si le délinquant ne présente plus un risque de récidive important 102. Le délinquant qui ne respecte pas une ordonnance de surveillance de longue durée commet une infraction mixte et est passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 10 ans 103.
Les permissions de sortir, avec ou sans escorte, peuvent être accordées pour divers motifs, par exemple pour des raisons médicales ou pour permettre au délinquant de participer à des projets de services communautaires, d'entretenir des rapports familiaux ou de se perfectionner sur le plan personnel. L'admissibilité à une permission de sortir varie selon la durée de la peine, le temps qui s'est écoulé depuis le début de la peine ainsi que le niveau de sécurité 104. Les permissions de sortir sont accordées soit à la discrétion du Service correctionnel du Canada, soit après avoir obtenu l'approbation de la CLCC, selon le cas 105.
Il appartient à la CLCC, et non à un tribunal, de déterminer si un délinquant peut bénéficier d'une libération conditionnelle. Le Québec et l'Ontario ont leurs propres commissions des libérations conditionnelles pour les délinquants qui purgent une peine de moins de deux ans dans ces provinces. La CLCC affirme que la libération conditionnelle « contribue à la sécurité publique puisqu'elle permet à certains délinquants de purger une partie de leur peine dans la collectivité […] en étant soumis à des conditions 106 ».
L'alinéa 119(1)c) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) 107 dispose que le temps d'épreuve pour l'admissibilité à la semi-liberté est, dans le cas d'un délinquant qui purge une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à deux ans (à l'exclusion d'une peine d'emprisonnement d'une durée indéterminée), six mois ou, si elle est plus longue, la période qui se termine six mois avant la date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale. L'admissibilité à la semi-liberté des délinquants qui purgent une peine d'emprisonnement d'une durée indéterminée est décrite aux alinéas 119(1)b) et 119(1)b.1) de la même loi et est généralement possible à compter de trois ans avant l'admissibilité à la libération conditionnelle totale. Selon l'alinéa 119(1)d), dans le cas d'un délinquant qui purge une peine d'emprisonnement inférieure à deux ans, le temps d'épreuve pour l'admissibilité à la semi-liberté est la moitié de la peine à purger. La CLCC n'est pas tenue d'examiner les demandes de semi-liberté qui concernent les délinquants condamnés à une peine d'emprisonnement inférieure à six mois 108. Les délinquants en semi-liberté doivent rentrer chaque soir au pénitencier, à la prison provinciale ou au foyer de transition, et ils sont tenus de respecter un certain nombre de conditions 109.
La liberté conditionnelle totale permet aux délinquants qui en bénéficient de vivre dans la collectivité tout en devant respecter certaines conditions. En général, les délinquants sont admissibles à une libération conditionnelle totale après avoir purgé un tiers de leur peine ou après sept ans, selon la période la plus courte 110. Si le délinquant a été condamné à l'emprisonnement à perpétuité, sa date d'admissibilité est fixée par le tribunal au moment de l'imposition de sa peine (au moins 25 ans dans le cas d'un meurtre au premier degré, et entre 10 et 25 ans dans le cas d'un meurtre au deuxième degré) 111.
La libération conditionnelle n'est pas automatiquement accordée du simple fait que le délinquant y devient admissible. En fait, la CLCC refuse la libération conditionnelle totale à environ 7 délinquants sur 10 lors d'un premier examen de leur dossier en vue d'une telle libération 112.
Selon la CLCC, « [l]a libération d'office a pour but de donner aux délinquants un encadrement et un soutien avant l'expiration de leur peine afin d'augmenter leurs chances de réinsertion sociale 113 ». Pour la plupart des délinquants condamnés à une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus, la libération d'office est automatique après qu'ils ont purgé les deux tiers de leur peine (mais cela ne s'applique pas aux délinquants condamnés à une peine d'emprisonnement à perpétuité ou d'une durée indéterminée). Le délinquant doit respecter certaines conditions lors de sa libération d'office 114. La CLCC n'est appelée à intervenir que si des conditions de libération spéciales sont requises ou si le Service correctionnel du Canada lui renvoie le dossier pour demander que le délinquant condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus demeure incarcéré jusqu'à ce qu'il ait purgé toute sa peine. Si le délinquant demeure incarcéré, son incarcération doit faire l'objet d'un examen annuel 115.
La Loi sur les prisons et les maisons de correction prévoit la « réduction de peine », concept qui a précédé celui de la libération d'office et que les provinces utilisent encore 116. Les personnes détenues dans une prison provinciale se voient généralement créditer 15 jours de réduction de peine pour chaque mois passé en détention, pourvu qu'elles respectent les règles de l'établissement et qu'elles participent aux programmes pertinents. Cela peut mener à une réduction pouvant atteindre le tiers de la peine pour les détenus qui ne bénéficient pas déjà d'une libération conditionnelle 117. Au moment de sa mise en liberté grâce à une réduction de peine, le délinquant n'a pas de conditions à respecter, à moins que le juge n'ait rendu une ordonnance de probation, ce qui est fréquent.
Sous réserve de certains critères, l'article 745.6 du Code autorise une personne déclarée coupable de haute trahison ou de meurtre et condamnée à l'emprisonnement à perpétuité, avec un délai préalable à sa libération conditionnelle de plus de 15 ans, à demander la réduction du délai préalable à sa libération conditionnelle dès qu'elle a purgé 15 années de sa peine. Il s'agit de la disposition de la dernière chance. Le projet de loi S-6, qui a reçu la sanction royale en 2011, a mené à l'abrogation de la disposition de la dernière chance 118. Cependant, dans R. v. Dell, la Cour d'appel de l'Ontario a conclu que le changement ne pouvait pas s'appliquer de façon rétroactive; la Cour suprême du Canada a refusé d'entendre l'appel 119. Par conséquent, quiconque a commis un meurtre ou un acte de haute trahison avant le 2 décembre 2011 – date d'entrée en vigueur des modifications législatives pertinentes – peut demander une libération conditionnelle après avoir purgé 15 années de sa peine, sous réserve de certaines règles. Les personnes qui ont commis les mêmes infractions après cette date ne peuvent pas présenter une telle demande 120. Par ailleurs, un délinquant déclaré coupable de plus d'un meurtre ne peut pas présenter une demande en vertu de la disposition de la dernière chance 121. Enfin, avant qu'un juge et un jury puissent entendre la demande, un juge doit d'abord évaluer, selon la prépondérance des probabilités, s'il existe une « probabilité marquée » que la demande soit accueillie 122.
Lorsqu'un accusé est reconnu coupable de certaines infractions, le tribunal doit rendre une ordonnance pour l'obliger à se conformer à la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels 123. En exigeant l'enregistrement de certains renseignements sur les délinquants sexuels, cette loi vise à aider les services de police à prévenir les crimes de nature sexuelle et à enquêter sur ceux-ci. Le délinquant visé doit fournir certains renseignements, notamment son adresse domiciliaire et l'adresse de son lieu de travail, son numéro de permis de conduire, le numéro de la plaque d'immatriculation de son véhicule et une description physique de sa personne (taille, poids et signes distinctifs). La Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels prévoit des règles précises sur la gestion de ces renseignements.
La GRC maintient une base de données de profils génétiques 124. Le délinquant peut être visé par une ordonnance de prélèvement d'ADN s'il a commis certaines infractions désignées, dont bon nombre sont de nature sexuelle. Selon le type d'infraction, la prise d'une ordonnance de prélèvement est obligatoire ou facultative 125.
Le tribunal peut, ou doit dans certains cas, prendre une ordonnance d'interdiction, selon le type d'infraction. L'ordonnance peut comprendre une interdiction de posséder certaines armes, d'utiliser Internet ou de conduire un véhicule, entre autres exemples 126.
Tout emploi public, notamment une fonction relevant de la Couronne, devient vacant dès que son titulaire est déclaré coupable et condamné à un emprisonnement de deux ans ou plus. Tant qu'il n'a pas purgé la peine qui lui est infligée et qu'il n'a pas reçu un pardon absolu, le délinquant ne peut être candidat en vue d'être élu au Parlement ou au sein d'une législature ni exercer son droit de vote. Le délinquant déclaré coupable d'une de plusieurs infractions, y compris de fraude contre le gouvernement, ne peut pas passer un contrat avec le gouvernement, recevoir un avantage en vertu d'un contrat avec le gouvernement ou occuper une fonction relevant du gouvernement (il existe toutefois un processus pour rétablir sa capacité) 127.
† Les études générales de la Bibliothèque du Parlement sont des analyses approfondies de questions stratégiques. Elles présentent notamment le contexte historique, des informations à jour et des références, et abordent souvent les questions avant même qu’elles deviennent actuelles. Les études générales sont préparées par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
Le par. 718.2 du Code est ainsi libellé :
Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants :
© Bibliothèque du Parlement