Les réfugiés sont des personnes qui fuient leur pays parce qu'elles s'y sentent en danger. La plupart des réfugiés réclament la protection d'un pays voisin. D'autres se rendent dans un pays comme le Canada et demandent sa protection à leur arrivée. Le présent document décrit la marche à suivre pour obtenir cette protection lorsqu'une personne se trouve déjà au Canada.
Le droit international et les lois canadiennes fournissent un cadre pour déterminer si une personne a besoin de protection. Le demandeur d'asile doit d'abord s'adresser aux autorités canadiennes qui détermineront s'il répond à certains critères pour que sa demande puisse être déférée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR).
Un commissaire de la CISR doit ensuite décider si la personne craint avec raison d'être persécutée ou si elle risquerait d'être torturée ou de subir des traitements ou des peines cruels et inusités si elle était renvoyée dans son pays d'origine. L'audience se déroule généralement en personne et la décision est fondée sur plusieurs motifs établis. S'il est déterminé que la personne a besoin de protection, un statut lui est conféré pour lui permettre de demander la résidence permanente au Canada.
Une personne qui n'est pas en mesure de prouver qu'elle a besoin de protection s'expose à des procédures de renvoi. Elle peut toutefois se prévaloir de plusieurs recours juridiques avant son renvoi, comme un appel devant la Section d'appel des réfugiés de la CISR, une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire par la Cour fédérale du Canada, une demande pour motifs d'ordre humanitaire ou un examen des risques avant renvoi.
À son arrivée au Canada, il est possible qu'une personne fuyant des circonstances qui mettent sa vie en danger n'ait pas en sa possession toutes ses pièces d'identité, auquel cas elle sera détenue jusqu'à ce que son identité puisse être établie. Parmi les autres motifs de détention, mentionnons des raisons qui permettent de croire que la personne ne se présentera pas à un contrôle de l'immigration ou le fait qu'elle soit considérée comme un danger pour le public.
La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés du Canada (la LIPR) 1 énonce une série d'objectifs concernant les réfugiés. Le plus important de ces objectifs consiste à « reconnaître que le programme pour les réfugiés vise avant tout à sauver des vies et à protéger les personnes de la persécution 2 ». Parmi les autres objectifs clés, notons le respect des obligations en droit international du Canada, comme celles imposées en vertu de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés des Nations Unies (la Convention) et le protocole connexe de 1967 3, l'apport d'une aide aux réfugiés qui doivent se réinstaller et la nécessité de faire bénéficier ceux qui fuient la persécution d'une procédure équitable au Canada. La présente étude générale se concentre sur ce dernier objectif, autrement dit, sur la procédure applicable aux demandes d'asile faites au Canada. Il ne porte pas sur les efforts que déploie le Canada à l'échelle internationale en matière de protection et de réinstallation des réfugiés, car ce processus relève d'un cadre juridique distinct 4.
Aux termes de la LIPR :
A qualité de réfugié au sens de la Convention – le réfugié – la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :
- soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;
- soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner 5.
Selon le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), 20,4 millions de personnes répondaient à cette définition dans le monde entier en 2019 6.
Par ailleurs, comme le Canada a signé et ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants des Nations Unies 7, le droit canadien prévoit également l'octroi de l'asile aux « personnes à protéger », c'est‑à‑dire aux personnes qui, selon l'évaluation qui est faite de chaque cas, risquent la mort ou la torture ou s'exposent à des peines ou traitements cruels ou inusités. La personne à qui l'asile est conféré au Canada est une « personne protégée 8 ».
La présente étude générale décrit les diverses étapes du processus de détermination du statut de réfugié au Canada. Elle traite également des recours qui sont à la disposition des demandeurs une fois qu'ils ont reçu une réponse initiale favorable ou défavorable concernant leur demande d'asile.
La Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) est l'organisation responsable d'accorder le statut de réfugié au sens de la Convention ou de personne protégée au Canada 9. La CISR a été établie en 1989, et le processus d'octroi de l'asile pour les demandeurs au Canada est demeuré relativement inchangé jusqu'en 2010 et en 2012, époque à laquelle il a subi des réformes majeures 10.
La CISR est dirigée par un président, nommé par le gouverneur en conseil, et par un secrétaire général. Le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté rend compte au Parlement des activités de la CISR.
La CISR est composée de quatre sections : la Section de la protection des réfugiés (SPR); la Section d'appel des réfugiés (SAR); la Section de l'immigration (SI) et la Section d'appel de l'immigration (SAI). La SI est responsable des enquêtes et des contrôles des motifs de détention, tandis que la SAI doit rendre des décisions au sujet des appels interjetés contre, notamment, des mesures de renvoi prises par l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ou par la SI à l'égard de réfugiés au sens de la Convention et d'autres personnes protégées.
Pour sa part, la SPR statue sur les demandes d'asile présentées au Canada. À l'origine nommés par le gouverneur en conseil, les commissaires de la SPR sont désormais désignés en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Leurs décisions peuvent faire l'objet d'un appel devant la SAR, sous réserve de certaines restrictions (p. ex. il est impossible d'interjeter appel si la SPR conclut à l'absence de minimum de fondement de la demande ou que cette dernière est manifestement infondée) 11. Quant à eux, les commissaires de la SAR sont nommés par le gouverneur en conseil.
Comme il est énoncé dans la présente étude, le processus d'octroi de l'asile au Canada s'amorce avec la vérification de la recevabilité de la demande, y compris de l'admissibilité du demandeur. La demande d'asile qui est jugée recevable est déférée aux fins d'une audience. Certaines décisions peuvent également faire l'objet d'un contrôle judiciaire, comme il est décrit dans l'étude. Si la demande d'asile est accueillie, le demandeur peut présenter une demande de résidence permanente. Si la demande d'asile est rejetée, le demandeur peut faire l'objet d'une mesure de renvoi et interjeter appel de cette mesure de renvoi devant la Section d'appel de l'immigration, demander un examen des risques avant renvoi ou demander la résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.
Quiconque veut présenter une demande d'asile doit le faire soit à son arrivée à un point d'entrée du pays (c.‑à‑d. un aéroport, un port maritime ou un poste frontalier terrestre officiel), soit après son entrée en sol canadien, en s'adressant à un agent de l'ASFC ou d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), conformément au paragraphe 99(3) de la LIPR 12. Les personnes qui traversent la frontière entre deux points d'entrée sont généralement conduites à un bureau de l'ASFC ou d'IRCC pour qu'elles y présentent une demande 13.
Suit une entrevue d'admissibilité qui permet à l'intéressé de fournir des renseignements personnels et une brève explication des raisons de sa demande de protection au Canada. Il incombe à cette personne de prouver que sa demande est recevable en vue d'être déférée à la SPR.
La LIPR et son règlement d'application prévoient sept grandes raisons pour qu'une demande d'asile soit jugée irrecevable 14 :
Les personnes dont la demande d'asile est jugée recevable en vue d'une audience devant la CISR font l'objet d'une mesure de renvoi conditionnelle de manière à faciliter leur départ en cas de retrait ou d'abandon de leur demande, ou en cas de rejet de leur demande lorsque tous les recours qui s'offrent à elles sont épuisés. Les procédures entourant le contrôle de sécurité s'amorcent aussi dès qu'une demande d'asile est jugée recevable. Les étrangers dont la demande d'asile est déférée à la CISR peuvent demander un permis de travail 17.
Les demandeurs d'asile sont également inscrits au Programme fédéral de santé intérimaire pour toute la période pendant laquelle ils ne sont pas admissibles au régime d'assurance‑maladie de leur province ou territoire de résidence. Ce programme offre une couverture de base, une couverture complémentaire et la couverture relative aux médicaments d'ordonnance aux demandeurs d'asile, aux personnes dont la demande d'asile a été rejetée et aux autres personnes qui ont besoin de la protection du Canada 18. Pour autoriser une indemnisation au titre de ce programme, un fournisseur de soin de santé doit confirmer l'admissibilité du patient chaque fois qu'il lui fournit un service ou un produit 19.
Les demandeurs d'asile doivent expliquer leur besoin de protection dans le formulaire intitulé Fondement de la demande d'asile (FDA). Si la demande est présentée à un point d'entrée, le demandeur doit remettre le formulaire FDA dûment rempli à la SPR dans les 15 jours civils suivant son arrivée. Si la demande est présentée à un bureau de IRCC ou de l'ASFC, le demandeur doit fournir le formulaire FDA et les pièces justificatives en même temps que sa demande. L'agent chargé de recevoir la demande d'asile passe ensuite à l'étape de l'entrevue d'admissibilité. La SPR peut reporter l'échéance par souci d'équité et de justice naturelle 20.
Comme l'exigent les mesures provisoires en vigueur depuis août 2018, l'agent d'IRCC ou de l'ASFC qui défère la demande d'asile à la CISR ne fixe plus la date de l'audience de la demande par la SPR, conformément au Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (RIPR) et aux Règles de la CISR 21. L'audience doit avoir lieu dans les 60 jours suivant l'acheminement de la demande. Ce délai peut être modifié exceptionnellement pour des raisons d'équité et de justice naturelle ou lorsqu'il y a une enquête relative à la sécurité nationale, à des crimes de guerre, à la grande criminalité ou à la criminalité organisée, ou encore en raison de restrictions opérationnelles à la SPR 22.
Un examen indépendant de la CISR mené en 2018 a révélé que le respect du délai établi pour la tenue d'une audience n'avait été observé que dans 59 % des cas en 2017, alors qu'il avait atteint un sommet de 65 % entre 2014 et 2016 23. La CISR a indiqué que les retards étaient en grande partie attribuables à des questions liées aux ressources humaines, dont un recrutement insuffisant et une charge de travail plus complexe en raison du nombre important de pays d'origine 24.
L'audience devant la SPR a généralement lieu à huis clos, en présence d'un décideur (c.‑à‑d. un commissaire de la CISR). Le demandeur d'asile y est invité à témoigner et peut compter sur les services d'un interprète s'il n'est à l'aise ni en français ni en anglais. Il peut également être assisté d'un représentant. Il peut arriver qu'un agent d'audience de l'ASFC vienne présenter des éléments de preuve afin que l'asile ne soit pas conféré au demandeur. Toutes les pièces justificatives doivent être communiquées avant l'audience. Cette procédure est énoncée dans les Règles de la SPR. En général, pour appuyer sa demande, le demandeur d'asile offre principalement son propre témoignage, parfois étayé par des documents sur son pays d'origine. Cependant, comme l'a souligné le Conseil canadien pour les réfugiés, il est parfois difficile de rassembler les documents de ce type :
Les demandeurs d'asile qui fuient une situation qui est bien documentée dans les rapports sur les droits de la personne et qui est souvent constatée par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié réussissent souvent à présenter leurs documents assez rapidement. Par contre, les femmes qui se sont enfuies parce qu'elles étaient persécutées en raison de leur sexe dans un pays où les droits des femmes ne sont pas protégés auront probablement besoin de plus de temps.
[…]
Les demandeurs d'asile qui se sont enfuis parce qu'ils ont eu connaissance de nombreuses violations, qui semblent refléter une nouvelle tendance, ou qui sont issus d'une petite minorité ethnique négligée, peuvent connaître les mêmes difficultés à réunir les documents nécessaires 25.
La CISR dispose d'une division de recherche qui lui fournit des renseignements généraux sur différents pays afin d'éclairer les décisions des commissaires 26. Il est possible aussi, dans le cas de personnes vulnérables (p. ex. les victimes de torture ou les personnes traumatisées), d'avoir recours à des preuves d'experts 27. Enfin, dans le cas d'un enfant, l'opinion d'enseignants, de travailleurs sociaux, de professionnels de la santé ou d'autres personnes qui ont côtoyé l'enfant peut être prise en considération 28.
La plupart du temps, le commissaire de la CISR rend sa décision et en expose les motifs verbalement après l'audience.
Des différences importantes sont à signaler entre les groupes de demandeurs d'asile, tout particulièrement en ce qui concerne les recours possibles et les privilèges accordés une fois que la décision a été rendue. Les groupes de demandeurs d'asile pertinents sont décrits ci‑dessous, tandis que les différences entre ces groupes sont exposées plus en détail plus loin dans la présente étude générale 29.
À l'exception des « étrangers désignés », les personnes dont la demande d'asile est acceptée obtiennent le statut de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger et doivent demander la résidence permanente au Canada.
Pour leur part, avant de demander la résidence permanente, les « étrangers désignés » dont la demande d'asile est acceptée doivent attendre cinq ans à compter de la date de la décision définitive concernant leur demande d'asile, de la date de la décision consécutive à un examen des risques avant renvoi (ERAR) ou encore de la date de leur désignation 31.
Les résidents permanents jouissent de certains privilèges, dont la liberté d'entrer au Canada, d'en sortir et d'y travailler sans permis, et la possibilité de parrainer des membres de leur famille aux fins d'un regroupement familial au Canada. Pour conserver leur statut de résident permanent, ils ne doivent pas être frappés d'une interdiction de territoire (p. ex. en commettant certains crimes) ni manquer à leur obligation de résidence, qui exige généralement une présence physique au Canada pendant au moins deux ans sur une période de cinq ans 32. S'ils conservent leur statut de résident permanent et remplissent certaines autres conditions relativement à leur résidence au Canada, à leur connaissance du pays et à leurs compétences linguistiques, ils pourront demander la citoyenneté canadienne 33.
Le droit canadien prévoit le rejet de la demande d'asile et l'annulation de la décision de la SPR d'accorder l'asile. Les décisions en ce sens sont prises par la SPR et ne peuvent pas être portées en appel à la SAR.
La LIPR permet, à la demande du ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, de faire en sorte qu'une personne perde l'asile d'une personne lorsque les actions de cette dernière permettent de penser qu'elle n'a plus besoin de protection, par exemple si elle retourne dans son pays d'origine pendant une longue période de temps ou si elle acquière la citoyenneté d'un autre pays 34. Lorsque la décision définitive quant à la perte de l'asile est rendue, l'étranger qui était jusque‑là un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger est frappé d'une interdiction de territoire au Canada, c'est‑à‑dire qu'il ne peut plus y rester ou y entrer 35. Les personnes dont la demande d'asile a été acceptée et qui ont obtenu le statut de résident permanent ne risquent pas de perdre l'asile si les raisons pour lesquelles elles l'ont demandé n'existent plus (LIPR, al. 108(1)e)), mais elles peuvent perdre l'asile pour les autres raisons mentionnées ci‑dessus.
L'annulation de l'asile survient lorsque la décision initiale de la SPR ou le résultat favorable de l'ERAR découle de présentations erronées ou d'une omission. Les présentations erronées rendent l'étranger interdit de territoire au Canada pendant cinq ans.
Si la CISR conclut qu'un demandeur d'asile n'est ni un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger, la mesure de renvoi conditionnelle prise auparavant devient exécutoire et l'intéressé doit quitter le Canada dans les 30 jours suivant la date de la décision.
Les réformes du système canadien d'octroi de l'asile qu'a menées le gouvernement en 2010 et en 2012 visaient, entre autres, le renvoi des demandeurs d'asile déboutés « dès que possible ». Une évaluation de ces réformes trois ans après leur mise en œuvre a révélé que l'ASFC avait effectué le renvoi dans les 12 mois suivant la décision dans une proportion de 52 %, alors que la cible avait été fixée à une proportion de 80 % 36. Certaines des raisons invoquées pour expliquer cet écart, comme l'absence de documents attestant la nationalité et la citoyenneté, ne dépendent pas de la volonté de l'ASFC, mais les auteurs du rapport d'évaluation ont souligné que ces raisons n'expliquent pas l'incapacité de procéder au renvoi lorsqu'aucun obstacle n'existe. Par ailleurs, l'examen indépendant de 2018 a révélé que, en raison d'un manque de ressources et de l'établissement de certaines priorités, le nombre de demandeurs d'asile déboutés renvoyés a chuté à 3 892 en 2016, et ce, malgré un arriéré de 17 000 cas 37.
Les demandeurs d'asile déboutés peuvent aussi tenter de rester au Canada ou d'obtenir la résidence permanente grâce à l'un des cinq recours suivants : demander un permis de séjour temporaire, faire appel de la décision auprès de la SAR, présenter une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire (et un sursis à la mesure de renvoi), demander un ERAR ou présenter une demande de résidence permanente pour motifs d'ordre humanitaire. Chacun de ces recours a ses limites et ses exceptions, et est décrit ci‑dessous.
Le permis de séjour temporaire permet à un étranger qui serait par ailleurs interdit de territoire au Canada d'entrer au pays et d'y demeurer temporairement. La personne dont la demande d'asile n'est pas recevable (et ne peut donc pas être transmise à la SPR) peut demander un permis de séjour temporaire seulement si elle n'a pas déjà demandé un ERAR 38. Pour la plupart des demandeurs d'asile déboutés, il est impossible de demander un permis de séjour temporaire, à moins de se trouver toujours au Canada plus d'un an après la dernière décision de la SPR, de la SAR ou de la Cour fédérale 39.
Les étrangers désignés doivent attendre cinq ans à compter de la date de décision définitive sur l'asile, de la date de la décision consécutive à un ERAR ou de la date de leur désignation avant de demander un permis de séjour temporaire.
Les dispositions créant la SAR sont entrées en vigueur le 15 décembre 2012. La SAR permet aux demandeurs d'asile de contester une décision de la SPR, notamment en présentant des éléments de preuve qui n'étaient pas connus ou disponibles au moment de l'audience concernant leur demande devant la SPR. Ce recours a une plus vaste portée que le contrôle judiciaire par la Cour fédérale (voir plus bas). L'appel prend le plus souvent la forme d'un examen du dossier, bien qu'une audience puisse avoir lieu dans certains cas 40. La SAR peut renvoyer le dossier à la SPR si elle croit que celle‑ci a rendu une décision erronée en droit ou en fait, ou en droit et en fait. Elle peut également confirmer la décision de la SPR ou l'annuler et rendre sa propre décision.
L'article 159.91 du RIPR prévoit un délai de 15 jours suivant la réception des motifs écrits de la décision négative de la SPR pour interjeter appel de cette décision auprès de la SAR. Selon la règle no 3 de la SAR, le dossier complet de l'appelant doit être déposé dans les 30 jours suivant la décision. Si ces échéances ne peuvent être respectées, la SAR peut les reporter, notamment pour des raisons d'équité et de justice naturelle 41. Les décisions d'appel doivent être rendues dans un délai de 90 jours s'il n'y a pas d'audience.
L'évaluation des réformes trois ans après leur entrée en vigueur a révélé que la SAR avait respecté le délai de 90 jours dans 96 % des cas en 2013, mais que ce taux était tombé à 68 % en 2014 42. Parmi les facteurs qui ont contribué à cette baisse, on mentionne, dans le rapport d'évaluation, un alourdissement de la charge de travail des décideurs à la suite du jugement rendu par la Cour fédérale dans l'affaire Huruglica c. Canada (Citoyenneté et Immigration) 43, selon lequel la SAR doit examiner la conformité des décisions prises par la SPR (afin de repérer d'éventuelles erreurs de fait ou de droit), plutôt que d'appliquer le principe moins strict du caractère raisonnable des décisions. Il en a résulté une multiplication du nombre d'appels, sans que les ressources soient augmentées en conséquence.
Les décisions de la SPR concernant les cinq catégories de demandeurs d'asile suivantes ne peuvent pas faire l'objet d'un appel auprès de la SAR : les étrangers désignés, les personnes dont la demande d'asile est réputée retirée ou abandonnée, les personnes dont il a été jugé que la demande d'asile ne contenait aucun élément de preuve crédible, les personnes dont la demande d'asile a été jugée manifestement infondée, et les personnes dont la demande a été entendue en vertu d'une exception à l'Entente sur les tiers pays sûrs 44.
Les demandeurs d'asile déboutés peuvent demander à la Cour fédérale de procéder à un contrôle judiciaire s'ils estiment que la décision du commissaire de la SPR ou de la SAR pourrait être annulée au motif que le tribunal a commis une erreur de droit ou n'a pas respecté un principe de la justice naturelle 45.
Après le dépôt d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire concernant une décision de la SAR, la plupart des demandeurs d'asile déboutés obtiennent automatiquement un sursis, ce qui reporte leur renvoi 46. Ce n'est toutefois pas le cas pour certains demandeurs d'asile déboutés, notamment ceux dont la demande a été jugée manifestement infondée, ceux dont il a été jugé que la demande ne comportait aucun élément de preuve crédible et ceux dont la demande représentait une exception à l'Entente sur les tiers pays sûrs, de même que les étrangers désignés et les personnes interdites de territoire pour grande criminalité 47. Ces personnes peuvent toutefois demander le sursis de leur renvoi au moment de présenter une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire par la Cour fédérale.
Les demandeurs d'asile déboutés qui sont « prêts à être renvoyés 48 » peuvent être admissibles à un ERAR, un examen qui est actuellement effectué par des fonctionnaires d'IRCC. Dans le cadre de ce processus, des observations sont présentées au sujet de faits qui n'ont pu être soumis à la CISR auparavant parce qu'ils n'étaient pas connus à ce moment. L'ERAR consiste généralement en un examen du dossier visant à évaluer les risques auxquels l'intéressé serait exposé s'il était renvoyé dans son pays d'origine, y compris les risques de persécution, de torture, de peine ou traitement cruel ou inusité et de mort. Le fait de permettre la présentation d'une demande d'ERAR permet au Canada de ne pas contrevenir au principe du non‑refoulement 49, conformément à ses obligations internationales et à la Charte canadienne des droits et libertés. L'ERAR n'est proposé que si le demandeur d'asile débouté est en possession de documents de voyage en règle, et l'évaluation doit être achevée avant l'exécution de la mesure de renvoi.
Des restrictions s'appliquent cependant quant au moment où il est possible de demander un ERAR. Ainsi, les demandeurs d'asile déboutés ne peuvent pas demander un ERAR au cours des 12 mois suivant la date de la dernière décision de la SPR, de la SAR ou de la Cour fédérale. De même, ceux qui ont déjà reçu une décision défavorable à la suite d'un ERAR doivent attendre un an après cette décision avant de présenter une nouvelle demande d'ERAR. Contrairement à la première, cette deuxième demande d'ERAR n'entraîne pas automatiquement un sursis à la mesure de renvoi dans l'attente de la décision 50.
Le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté peut accorder des exemptions au délai d'attente de 12 mois aux ressortissants d'un pays en particulier ou aux membres d'une certaine catégorie d'étrangers si des événements survenus dans un pays placent l'ensemble ou certains de ses ressortissants ou anciens résidents habituels dans une situation semblable à celle des réfugiés 51. Pour leur part, les personnes dont la demande d'asile a été annulée ou qui sont exclues du processus de détermination du statut de réfugié n'ont pas à attendre 12 mois avant de demander un ERAR.
En général, lorsqu'un ERAR donne lieu à une décision favorable, le statut de « personne protégée » est conféré à l'intéressé et ce dernier peut demander de rester au Canada à titre de résident permanent, sauf s'il est interdit de territoire pour des raisons de sécurité, d'atteinte aux droits de la personne ou au droit international, ou encore pour grande criminalité ou criminalité organisée. Pour une telle personne, la décision favorable à l'issue d'un ERAR ne donne lieu qu'à un sursis à la mesure de renvoi, et non à l'octroi du statut de personne protégée 52.
Dans le cadre des réformes du système canadien d'octroi de l'asile effectuées en 2010 et en 2012, le gouvernement souhaitait consolider la responsabilité entourant l'évaluation des risques en transférant à la SPR la responsabilité à l'égard de la plupart des décisions concernant l'ERAR. Il était alors prévu que le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté reste responsable des décisions concernant les personnes interdites de territoire pour raison de sécurité, atteinte aux droits de la personne ou au droit international, ou grande criminalité ou criminalité organisée. Ce transfert de responsabilité devait à l'origine avoir lieu en décembre 2014 53, mais a été remis à plus tard. À la suite d'une évaluation menée en 2016, certaines préoccupations ont été soulevées à l'égard de l'augmentation du nombre de demandes d'ERAR. Il a par ailleurs été précisé qu'une décision sur le transfert de cette responsabilité serait rendue en 2016‑2017, après un examen complet des réformes du système d'octroi de l'asile et une analyse approfondie 54. Au moment de rédiger la présente étude générale, aucune décision n'avait encore été prise à ce sujet.
En vertu du RIPR, une personne dispose actuellement de 15 jours pour répondre à un avis l'autorisant à demander un ERAR. Aucune décision ne peut être prise, et aucune mesure de renvoi ne peut être exécutée avant qu'au moins 30 jours se soient écoulés depuis la date de l'avis 55.
En ce qui concerne les personnes qui ont été exclues du processus de détermination du statut de réfugié parce qu'elles ont présenté une demande d'asile dans un pays avec lequel le Canada a conclu une entente sur l'échange de renseignements 56, une audience doit se tenir dans le cadre de l'ERAR 57. Selon les directives d'IRCC, l'audience ou l'entrevue informelle permet de discuter des faits énoncés dans l'avis d'audience 58.
Pour le demandeur d'asile débouté, le dernier recours consiste à demander au ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté d'exercer son pouvoir discrétionnaire et de lui octroyer la résidence permanente pour motifs d'ordre humanitaire 59.
Les agents d'IRCC chargés d'évaluer les demandes de ce genre doivent tenir compte de tous les faits pertinents, dans une perspective globale, afin de déterminer si le demandeur a fait la preuve que son renvoi du Canada entraînerait pour lui des « difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées ». Il importe toutefois de préciser que ces lignes directrices ont pour objectif de faciliter l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la part des décideurs, qui sont responsables d'appliquer les lignes directrices avec souplesse, conformément au principe d'équité établi par la LIPR 60. Parmi les considérations pertinentes, notons la situation du pays où serait renvoyé le demandeur et le degré d'établissement de ce dernier au Canada. Les décideurs doivent également tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant touché directement par la décision en s'appuyant sur l'âge de l'enfant, son niveau de développement et de maturité, ses capacités et ses besoins.
La demande pour motifs d'ordre humanitaire ne permet pas de surseoir au renvoi conditionnel applicable, à moins qu'elle soit approuvée en principe avant l'entrée en vigueur de la mesure de renvoi. Le demandeur d'asile débouté peut demander à la Cour fédérale de suspendre l'exécution de la mesure de renvoi en attendant l'issue de la demande, mais ce genre de procédure donne des résultats mitigés.
La demande pour motifs d'ordre humanitaire ne vise pas à reproduire ou à réexaminer les questions qui ont déjà été traitées lors du processus de détermination du statut de réfugié. Pour cette raison, les décideurs qui examinent les demandes pour motifs d'ordre humanitaire faites au Canada ne doivent pas tenir compte des risques évalués dans le cadre de la procédure relative à l'asile (c.‑à‑d. le risque de persécution fondé sur les motifs énoncés à l'article 96 de la LIPR ou le risque de torture ou autres peines ou traitements cruels et inusités). Ce sont plutôt les difficultés que risque de subir l'étranger qui entrent en ligne de compte 61.
Par ailleurs, pour être étudiée, la demande de résidence permanente pour motifs d'ordre humanitaire doit être accompagnée des frais de traitement applicables 62.
Enfin, des restrictions s'appliquent quant au moment où une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires peut être soumise et aux catégories de personnes concernées. Le ministre ne peut pas examiner la demande dans l'une ou l'autre des circonstances suivantes : l'étranger a déjà fait une demande pour motifs d'ordre humanitaire qui est en cours de traitement; l'étranger a adressé à la SPR ou à la SAR une demande qui est en instance; l'étranger a fait une demande d'ERAR qui est en instance; moins de 12 mois se sont écoulés depuis que la demande de l'étranger a fait l'objet d'une décision de la CISR ou de la Cour fédérale 63. Ces restrictions ne s'appliquent pas dans les cas où la vie de l'étranger serait menacée dans son pays d'origine en raison de soins médicaux ou de santé inadéquats ni dans les cas où le renvoi de l'étranger risquerait de porter atteinte à l'intérêt supérieur d'un enfant directement touché 64.
Avant de demander la résidence permanente pour motifs d'ordre humanitaire, les étrangers désignés doivent attendre cinq ans après la décision définitive relative à leur demande d'asile ou d'ERAR, ou de leur désignation. Ceux qui sont interdits de territoire pour raison de sécurité ou atteinte aux droits de la personne ou au droit international, ou encore pour grande criminalité ou criminalité organisée ne sont en aucun cas autorisés à présenter une demande de ce genre.
Au cours de l'exercice 2018‑2019, l'ASFC a détenu 8 781 personnes 65. L'ASFC compte trois centres de détention de l'immigration : dans la région du Grand Toronto, près de Montréal et à l'aéroport de Vancouver. Là où il n'existe pas de centres de ce genre, les personnes sont détenues dans des établissements correctionnels provinciaux (généralement des centres de détention provisoire ou des prisons). Les raisons pour lesquelles des personnes sont placées en détention et les solutions de rechange à la détention sont décrites ci‑dessous.
Un régime de détention particulier s'applique aux étrangers désignés : détention automatique à l'arrivée, premier contrôle effectué 14 jours plus tard, et contrôles successifs tous les six mois. Ce type de détention vise deux objectifs : permettre aux autorités de faire enquête sur tous les membres du groupe et avoir un effet dissuasif 66.
Les cinq motifs possibles de détention peuvent s'appliquer aux demandeurs d'asile à différentes étapes du processus de détermination du statut de réfugié. Le premier est que l'intéressé représente un danger pour la population, et le deuxième, qu'il représente un risque de fuite dans l'attente de son renvoi. Le troisième motif est la croyance que l'intéressé ne se présentera pas à un contrôle, à une enquête ou à d'autres formalités du processus d'immigration. Le quatrième motif, qui est le plus fréquent à l'arrivée du demandeur au Canada, est que son identité n'a pas encore été établie 67. Enfin, une personne est placée en détention si l'on a des motifs raisonnables de soupçonner qu'elle est interdite de territoire pour raison de sécurité ou atteinte aux droits de la personne, ou en raison de liens avec le crime organisé. Un commissaire de la Section de l'immigration de la CISR se penche sur les motifs de détention après 48 heures, après sept jours, puis tous les 30 jours par la suite 68.
La loi interdit de garder une personne en détention pour une période indéfinie, et chaque contrôle des motifs de détention donne l'occasion d'envisager des solutions de rechange à la détention. Une personne peut être libérée sous certaines conditions; elle peut être tenue, par exemple, de se présenter régulièrement aux autorités. On peut aussi exiger une caution en espèces ou un garant pour s'assurer que l'intéressé respectera les conditions qui lui ont été imposées. C'est ainsi que l'ASFC se sert du Cadre national en matière de détention liée à l'immigration pour recourir davantage aux solutions de rechange à la détention, dont les commissaires de la Section de l'immigration doivent tenir compte lors des contrôles et qui peuvent servir à réduire les facteurs de risque en cas de libération 69. L'une de ces solutions de rechange est la surveillance électronique, qui fait l'objet d'un projet pilote mené dans la région du Grand Toronto seulement. Il est aussi possible de se rapporter à l'ASFC au moyen de la biométrie vocale et en personne. Enfin, le Programme des solutions de rechange à la détention prévoit la conclusion d'ententes avec des organisations de soutien communautaires qui supervisent les personnes libérées et les aident à obtenir des services tels que du counseling. Lorsqu'un commissaire de la CISR examine la possibilité de faire libérer une personne visée par un avis de danger pour des raisons de sécurité, 11 conditions obligatoires à la libération énoncées à l'article 250.1 du RIPR doivent être respectées, par exemple l'obligation d'informer l'ASFC d'un changement d'adresse avant de déménager.
Le nombre de personnes qui fuient leur pays en quête d'une plus grande sécurité n'a jamais été aussi élevé. Ce phénomène présente des défis de taille pour le Canada et les autres pays du monde. Au Canada, en effet, le traitement des demandes d'asile demeure axé sur les principes d'équité et d'efficacité, entre autres objectifs d'importance 70. Mais bien que les objectifs de la protection des réfugiés restent généralement les mêmes au Canada, on note des changements importants dans les institutions chargées de traiter les demandes d'asile et dans les procédures applicables. Les réformes effectuées en 2010 et en 2012 à l'égard du système canadien d'octroi de l'asile ont notamment eu un effet sur à peu près tous les aspects du système de traitement des demandes d'asile au Canada, comme le processus d'embauche des commissaires de la SPR, la mise en œuvre de la SAR et la restriction des possibilités de recours accordées aux demandeurs d'asile déboutés. Des examens de ces changements ont révélé que, même si les nouveaux processus visent un traitement plus rapide des demandes, les objectifs des réformes n'ont pas tous été atteints. Ces constats donnent à penser que le système canadien de protection des réfugiés poursuivra son évolution dans les prochaines années.
* Le présent document est une mise à jour d'une publication préparée par Julie Béchard et Sandra Elgersma, La protection des réfugiés au Canada, publication no 2011‑90‑F, Ottawa, Service d'information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, 15 juillet 2013. [ Retour au texte ]
† Les études générales de la Bibliothèque du Parlement sont des analyses approfondies de questions stratégiques. Elles présentent notamment le contexte historique, des informations à jour et des références, et abordent souvent les questions avant même qu'elles deviennent actuelles. Les études générales sont préparées par le Service d'information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires ainsi qu'aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
Les rapports médicaux, psychiatriques et psychologiques ou d'autres rapports d'experts portant sur la personne vulnérable constituent des éléments de preuve importants qui doivent être examinés. Les éléments de preuve d'experts peuvent être d'une grande utilité à la CISR pour l'application des présentes directives s'ils portent sur la difficulté particulière qu'éprouve la personne à composer avec le processus d'audience, notamment sa capacité de témoigner avec cohérence.
[ Retour au texte ]
© Bibliothèque du Parlement