Au cours des 70 dernières années, les Autochtones et les autres Canadiens ont été de plus en plus nombreux à se déplacer vers les grandes villes; plus de la moitié des Autochtones habitent maintenant en milieu urbain. Des Autochtones déménagent dans les villes de façon permanente ou temporaire pour obtenir un emploi, poursuivre des études ou accéder à des services qui ne sont pas disponibles dans leur communauté.
Les peuples autochtones ont formé des communautés pleines de vitalité et créé des organisations qui fournissent des services essentiels à ceux qui font la transition vers la vie en ville. Pourtant, d’après plusieurs rapports et intervenants, il existe des lacunes dans les services offerts aux Autochtones vivant en milieu urbain qui peuvent les amener à se tourner vers des programmes provinciaux généraux inadaptés à leur culture. Les Autochtones qui utilisent ces services peuvent aussi être la cible de racisme et de discrimination ayant des répercussions négatives sur leur bien‑être.
Les conflits de compétence entre gouvernements fédéral et provinciaux et un manque de financement sont des facteurs qui contribuent aux lacunes dans les services offerts aux Autochtones vivant en milieu urbain. Il est essentiel de recueillir des données exactes pour définir les besoins et allouer les fonds en conséquence. Des organisations autochtones sont cependant préoccupées par le degré d’exactitude des informations démographiques actuelles sur les Autochtones vivant en milieu urbain.
Au cours des 70 dernières années, les Autochtones 1, tout comme les autres Canadiens, se sont déplacés en grand nombre vers les centres urbains. De nos jours, plus de la moitié des Autochtones vivent dans les villes partout au Canada. Ils y établissent des communautés, ou des « espaces de résilience et d’innovation culturelle 2 ». Les artistes, les galeries d’art, les entreprises, les espaces culturels et les festivals autochtones font maintenant partie intégrante de nombreuses villes canadiennes.
Malgré la proportion élevée d’Autochtones vivant en milieu urbain, les recherches et les données à leur sujet sont limitées 3. Dans la présente étude générale, vous trouverez, entre autres, de l’information de nature démographique relative à la population autochtone vivant en milieu urbain, certaines des raisons pour lesquelles des Autochtones s’installent dans les villes, et les services que leur offrent les organisations autochtones pour les aider à faire la transition vers la vie en ville.
Étant donné la forte population autochtone vivant en milieu urbain, il y a une demande croissante de services adaptés à leur culture. Toutefois, des lacunes dans les programmes et les services causées notamment par des conflits de compétences pourraient empêcher les Autochtones de recevoir le soutien nécessaire.
Les Autochtones et les non-Autochtones au Canada s’installent de plus en plus dans les villes. En 2016, 83 % de la population canadienne, qui s’élevait au total à environ 35 millions d’habitants, vivait en ville 4. On observe aussi cette tendance au sein de la population autochtone, étant donné que plus de la moitié (51,8 %) du nombre total des Autochtones, qui s’élevait à environ 1,7 million d’Autochtones, vivait dans une région métropolitaine en 2016 5. La figure 1, fondée sur les données du recensement de 2016, brosse un portrait de la population autochtone dans certaines subdivisions de recensement au Canada, les cercles foncés représentant les subdivisions ayant une forte population autochtone et les plus grands cercles représentant les subdivisions ayant la concentration la plus élevée d’Autochtones.
Source : Carte produite par la Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2020, à partir de données tirées de Statistique Canada, « Tableaux du Profil du recensement », Recensement de la population, 2016 (base de données), consultée en février 2020 au moyen de Université de Toronto, CHASS (Computing in the Humanities and Social Sciences); Statistique Canada, « Recensement de 2016 – Fichiers des limites »; Ressources naturelles Canada (RNCan), Limites administratives au Canada – Série CanVec, « Limites administratives au Canada – Série CanVec – Entités administratives », plateforme géospatiale fédérale, mars 2019; et RNCan, « Lacs, rivières et glaciers au Canada – Série CanVec – Entités hydrographiques », plateforme géospatiale fédérale, mars 2019. Logiciel utilisé : Esri, ArcGIS Pro, version 2.4.3. Contient de l’information visée par la Licence ouverte de Statistique Canada et la Licence du gouvernement ouvert – Canada; © 2020 Esri et ses concédants de licence.
Dans les années 1950, les Autochtones ont commencé à être nombreux à migrer vers les villes. Aujourd’hui, la population autochtone vivant en milieu urbain continue de croître. Entre 2006 et 2016, le nombre d’Autochtones vivant dans des régions métropolitaines a augmenté de près de 60 % 6.
Bien que le déplacement vers les villes soit un phénomène commun aux Autochtones et aux non-Autochtones, la migration des peuples autochtones est unique en raison des politiques canadiennes passées qui ont contribué à la croissance du nombre de membres des Premières Nations, d’Inuits et de Métis vivant dans les centres urbains. La Loi sur les Indiens, notamment, était discriminatoire à l’endroit des femmes des Premières Nations, qui perdaient leur statut d’Indiennes et ne pouvaient pas le transmettre à leurs enfants si elles épousaient un homme qui n’avait pas le statut d’Indien 7. Lorsqu’elles perdaient leur statut, ces femmes devaient quitter leur communauté et, souvent, s’installer en ville 8.
Les Inuits ont aussi abouti dans des villes du Sud du Canada et dans des hameaux situés dans les territoires en raison des politiques du gouvernement fédéral. En effet, au cours des années s’échelonnant de 1950 à 1960, le gouvernement fédéral envoyait les Inuits atteints de tuberculose dans le Sud du Canada pour qu’ils s’y fassent soigner, les séparant ainsi de leur famille et de leur communauté. De nombreux Inuits sont morts loin de leur foyer 9. D’autres qui se sont rétablis après avoir passé de nombreuses années dans un hôpital ont choisi de demeurer dans le Sud 10. En outre, dans les territoires, le gouvernement fédéral fournissait des programmes et des services sociaux aux Inuits afin de susciter leur intérêt à quitter leur territoire pour s’installer dans une communauté permanente. Vers la fin des années 1960 et le début des années 1970, la plupart des Inuits vivaient dans les hameaux du Nord 11.
En raison de l’affectation de terres par le gouvernement fédéral à des membres des communautés métisses (par le biais de « certificats ») entre 1885 et 1923, beaucoup de Métis ont perdu leur terre 12. Disposant de peu d’options pour acquérir une terre, certains d’entre eux ont loué une terre ou se sont installés sur des terres situées à côté d’emprises routières 13, tandis que d’autres ont déménagé dans les villes pour y travailler 14.
De nos jours, les Autochtones déménagent dans les villes de façon permanente ou temporaire pour poursuivre leurs études ou accéder à des services 15 qui ne sont pas disponibles dans leur communauté d’origine. Happy Valley-Goose Bay (Terre-Neuve-et-Labrador) et Winnipeg (Manitoba) sont, par exemple, des centres de services qui accueillent des Autochtones du Nord en quête de services 16. Par ailleurs, en l’absence d’écoles secondaires, les jeunes qui vivent dans les communautés éloignées des Premières Nations dans le Nord de l’Ontario doivent aller à Thunder Bay pour étudier 17. De plus, les Autochtones vivant dans des communautés éloignées ou du Nord doivent quitter ces communautés pour avoir accès à certaines formes d’éducation postsecondaire.
Des femmes autochtones vivant dans les communautés éloignées et du Nord se rendent dans les centres urbains du Sud pour accoucher lorsqu’il n’y a pas de centre des naissances ou de sage-femme dans leur communauté ou qu’elles ont une grossesse à risque 18. Il peut aussi arriver que des Autochtones déménagent en ville pour se rapprocher de leurs enfants pris en charge par l’État. Par exemple, dans certains cas, les enfants inuits ayant des besoins spéciaux sont parfois placés dans un foyer d’accueil au Manitoba en raison d’un manque de services et d’installations pour eux dans le Nord 19.
Les Autochtones se réinstallent aussi dans les centres urbains afin d’y profiter des possibilités d’emploi et d’échapper à des situations dans leur communauté, par exemple la violence conjugale ou la pénurie de logements. En outre, certaines personnes autochtones 2ELGBTQQIA 20 ne se sentent pas en sécurité ni bienvenues dans leur communauté et choisissent de déménager dans un centre urbain 21.
Même s’ils n’ont l’intention d’y rester que temporairement, certains Inuits s’établissent en ville en permanence en raison de leurs besoins continus, ou à cause des frais de déplacement élevés, qui les empêchent de retourner dans leur communauté 22.
Les Autochtones subissent des injustices lors de leur transition vers la vie en milieu urbain. En effet, des traumatismes historiques transmis d’une génération à l’autre et des facteurs comme les séquelles laissées par les pensionnats autochtones contribuent à des inégalités en matière d’éducation et de santé entre les Autochtones et les non Autochtones du Canada. Par exemple, en 2017, 38 % des Autochtones de 18 ans ou plus habitant en milieu urbain vivaient dans un ménage qui éprouvait de l’insécurité alimentaire 23, et en 2015, 24 % des Autochtones habitant dans les régions urbaines des provinces vivaient dans la pauvreté 24.
Les Autochtones que les centres urbains accueillent représentent différentes nations, différentes cultures et différents groupes linguistiques. Nombre de ces Autochtones sont installés en ville depuis peu. En 2009, des chercheurs ont interrogé 2 614 Autochtones vivant dans les villes canadiennes et ont constaté que 68 % d’entre eux faisaient partie de la première génération à vivre en ville 25.
Les Autochtones ont des liens plus ou moins étroits avec leur communauté d’origine. Ceux qui font partie de la première ou de la deuxième génération à vivre en ville sont plus susceptibles de maintenir des liens avec leur communauté ou celle de leurs parents et de leurs grands-parents 26. Les Inuits (43 %) sont plus susceptibles que les membres des Premières Nations (32 %) ou les Métis (28 %) d’indiquer avoir maintenu des liens très étroits avec leur communauté d’origine 27. Les Autochtones maintiennent ces liens de différentes façons; ceux ayant un revenu élevé ont pu les maintenir en s’y rendant en personne 28.
Des festivals célébrant la culture, l’art et la musique autochtones ont lieu chaque année aux quatre coins du pays. Les artistes, les galeries, les entreprises et les espaces culturels autochtones font partie intégrante de nombreuses villes canadiennes. Par exemple, la Miqmak Catering Indigenous Kitchen est un traiteur de Montréal appartenant à la chef mi’kmaque Norma Condo. La galerie d’art autochtone contemporain Urban Shaman, à Winnipeg, quant à elle, est un centre autogéré par des artistes autochtones et exposant les œuvres d’art autochtones. Les Autochtones rétablissent également le nom de certaines villes en langues autochtones grâce à des initiatives telles que le projet Ogimaa Mikana 29.
À partir des années 1950 et 1960, à mesure qu’un nombre croissant d’Autochtones ont commencé à migrer vers les centres urbains, on a constaté un manque de services adaptés sur le plan culturel permettant de les soutenir. Ces Autochtones ont alors créé des organisations d’aide pour atténuer ce problème 30.
Aujourd’hui, les organisations autochtones offrent aux Autochtones un soutien indispensable qui facilite leur transition à la vie en ville. Dans certains cas, les programmes sont uniquement offerts aux membres des Premières Nations, aux Inuits ou aux Métis, tandis que d’autres sont offerts aux Autochtones de façon plus générale.
Les centres d’amitié offrent à tous les Autochtones des programmes et des services adaptés sur le plan culturel. Les premiers centres d’amitié ont été créés au cours des années 1950, et se sont multipliés en raison de la demande 31. Aujourd’hui, il existe plus de 100 centres d’amitié partout au Canada. Ces centres offrent un accès à toute une gamme de programmes et de services : refuges, banques alimentaires, garderies, programmes culturels et linguistiques, programmes d’éducation et de formation, programmes de santé publique. Certains centres offrent des services d’entreprises sociales, comme le centre d’amitié autochtone First Light de St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador) qui gère les opérations de dix logements abordables ainsi qu’une garderie et un centre des arts professionnels dirigés par des Autochtones 32.
Des organismes autochtones fournissent aussi des services à certains groupes précis. Par exemple, Tungasuvvingat Inuit propose des activités culturelles, du counseling et des mesures de soutien social aux Inuits en Ontario 33. La Nation métisse de l’Ontario, quant à elle, offre des programmes et des services aux Métis de la province dans des domaines comme la formation axée sur l’emploi et les compétences 34.
Certains fournisseurs de services aux Autochtones ont aussi élaboré des modèles de prestation de services qui intègrent leur culture. Par exemple, l’autorité sanitaire des Premières Nations de Sioux Lookout, créée en 1990, est au service de 33 Premières Nations du Nord de l’Ontario et offre des services de soins de santé ancrés dans la culture anishinabe 35. Les services holistiques offerts par l’organisme Native Child and Family Services of Toronto, créé en 1986, qui sont axés sur la culture, s’adressent aux enfants et aux familles autochtones en fonction d’un modèle de prestation de services élaboré par des Aînés, des gardiens du savoir et des dirigeants communautaires autochtones 36.
Le travail des organisations autochtones recoupe souvent celui réalisé par les services municipaux ou par les gouvernements provinciaux, territoriaux ou fédéral. Le gouvernement fédéral finance les services dans le cadre de programmes tels que les Programmes urbains pour les peuples autochtones 37. Comme ce financement est limité, les gouvernements provinciaux participent de plus en plus à la prestation des services et à la mise en œuvre des programmes destinés aux Autochtones habitant en milieu urbain.
Tous les gouvernements provinciaux sont dotés d’un ministère, d’un secrétariat ou d’un bureau dédié aux affaires autochtones, mais seuls certains d’entre eux offrent du financement pour les Autochtones habitant en milieu urbain. Le gouvernement de la Colombie Britannique finance 25 centres d’amitié et collabore avec la British Columbia Association of Aboriginal Friendship Centres de plusieurs façons, entre autres, par un programme de transport des Aînés et des bourses d’études 38.
Les Autochtones habitant en milieu urbain travaillent parfois avec d’autres ordres de gouvernement par l’entremise des comités municipaux. Les membres du comité consultatif des Autochtones habitant en milieu urbain de la ville de Vancouver font des recommandations aux conseillers municipaux et aux employés sur des questions qui préoccupent les Autochtones vivant dans cette ville 39.
En dépit du travail réalisé par les organisations autochtones et les divers ordres de gouvernement, il existe toujours des lacunes dans les services. Par exemple, un rapport de 2016 a permis de constater des lacunes dans les services de santé mentale et de logements pour les Autochtones de tout le Canada vivant en milieu urbain 40. Des participants à une séance de mobilisation portant sur des réformes fédérales des programmes destinés aux Autochtones vivant en milieu urbain ont déterminé qu’il faudrait que soient offerts des services comme des programmes culturels pour les jeunes Autochtones placés en famille d’accueil, des programmes destinés aux Aînés et aux personnes âgées autochtones, un soutien aux Autochtones qui étudient dans les villes, des services de soutien en santé mentale et de lutte contre la toxicomanie sécuritaires et adaptés sur le plan culturel, ainsi que des programmes de formation et d’apprentissage pour les Autochtones vivant hors réserve 41.
D’autres observateurs ont cerné des lacunes dans les programmes adaptés sur la culture des Métis et des Inuits 42. En effet, il arrive que les Inuits se déplacent pour la première fois à l’extérieur de leur communauté éloignée pour accéder à des soins de santé en se rendant dans des villes du Sud, par exemple Winnipeg. Pour faire la transition vers la vie urbaine, les Inuits pourraient préférer avoir accès à des programmes particuliers élaborés à leur intention plutôt qu’à des services destinés à tous les Autochtones 43.
Les lacunes dans les services peuvent amener les Autochtones à accéder aux programmes provinciaux d’application générale, qui ne sont pas nécessairement adaptés à leur culture. Par ailleurs, lorsque les Autochtones ont recours à des services provinciaux, ils peuvent être confrontés à des obstacles comme la discrimination et le racisme, notamment en raison du peu de compréhension qu’ont les employés des réalités autochtones 44. Par conséquent, ces obstacles peuvent dissuader les Autochtones de recourir aux services provinciaux, ce qui pourrait avoir des répercussions négatives sur leur emploi, leur éducation, leur santé et leur bien-être. Ces obstacles peuvent également accentuer la pression sur les autres services provinciaux, car les Autochtones réticents à utiliser les services de santé provinciaux peuvent, par exemple, compter davantage sur les services d’urgence 45.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer pourquoi les services offerts aux Autochtones vivant en milieu urbain présentent des lacunes : des conflits de compétence, une aide financière inadéquate, des données inexactes et une représentation insuffisante.
Les conflits de compétence entre les gouvernements fédéral et provinciaux entraînent des lacunes dans les services offerts aux membres des Premières Nations vivant hors réserve et aux Autochtones vivant en milieu urbain 46. Les services que fournit le gouvernement fédéral sont principalement destinés aux membres inscrits des Premières Nations vivant dans les réserves. Dans certains cas, il en fournit aussi aux Inuits. Par exemple, le gouvernement fédéral soutient que les membres des Premières Nations hors réserve sont admissibles à des services provinciaux d’application générale, tandis que les gouvernements provinciaux peuvent estimer plutôt que les Premières Nations relèvent du gouvernement fédéral 47.
L’inadéquation du financement entraîne des lacunes dans les programmes et dans les services pour les Autochtones vivant en milieu urbain. À titre d’exemple, la demande dans le cadre des Programmes urbains pour les peuples autochtones offerts par Services aux Autochtones Canada (SAC) risque de dépasser le budget annuel alloué de 53 millions de dollars 48. Pour certains volets des Programmes, l’aide est accordée en fonction du nombre de projets proposés par des organisations autochtones et non autochtones. En 2017-2018, SAC a reçu « un nombre très élevé de demandes de financement en vue de répondre aux besoins des Autochtones vivant en milieu urbain », et a donc décidé de ne pas lancer de nouvel appel de propositions, alors qu’il travaille en collaboration avec des partenaires en vue de cibler les priorités des communautés et de « déterminer quelle serait la meilleure façon de répondre aux besoins des Autochtones vivant en milieu urbain 49 ».
Un rapport publié en 2016 a révélé que, dans toutes les provinces, les organisations autochtones en milieu urbain sont sous-financées 50. La demande de services connaît une hausse, mais « il n’y a que peu, voire aucune augmentation du financement versé par le gouvernement aux organisations 51 ». Le financement accordé aux organisations autochtones en milieu urbain est souvent à court terme ou chaque année, ou encore fondé sur le nombre de propositions. Les responsables de ces organisations passent beaucoup de temps à tenter d’obtenir des fonds plutôt que de mettre l’accent sur la prestation des services 52.
Par ailleurs, la demande dépasse les fonds disponibles pour soutenir les Autochtones vivant en milieu urbain pendant la pandémie de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19). SAC a reçu un nombre considérable de propositions sur les façons d’utiliser les 15 millions de dollars du Fonds de soutien aux communautés autochtones 53 initialement offerts en subventions à des organisations autochtones qui fournissent des services aux Autochtones dans les centres urbains ou hors réserve. Plusieurs organisations autochtones ont indiqué que ce financement était insuffisant pour répondre aux besoins des Autochtones vivant en milieu urbain 54. Le 21 mai 2020, le premier ministre du Canada a annoncé qu’il investirait 75 millions de dollars de plus pour soutenir ces organisations, pour un soutien total de 90 millions de dollars 55.
Le 12 août 2020, le ministre des Services aux Autochtones a annoncé un montant supplémentaire de 305 millions de dollars pour aider les Autochtones pendant la pandémie par l’intermédiaire du Fonds de soutien aux communautés autochtones 56. Même si aucune partie de ce montant n’est directement consacrée aux organisations autochtones qui fournissent des services aux Autochtones vivant en milieu urbain ou hors réserve, ces organisations peuvent présenter une demande pour obtenir une part du financement fondé sur les besoins (159,8 millions de dollars) 57.
Compte tenu de l’importance de la population autochtone vivant en milieu urbain, les Autochtones et les organisations autochtones comme l’Association nationale des centres d’amitié réclament un plus grand financement afin de pouvoir fournir des services tout en s’assurant de répondre aux besoins du grand nombre d’Autochtones vivant en milieu urbain 58. Les Autochtones indiquent aussi clairement que des services de grande qualité sont ceux qui sont adaptés sur le plan culturel et qui répondent aux besoins distincts de différents groupes d’Autochtones 59.
Si l’on veut pouvoir déterminer les besoins et les lacunes en matière de services offerts afin de veiller à ce que le financement soit attribué en conséquence, il est essentiel de disposer de données exactes. Or, les responsables des organisations autochtones ont soulevé des préoccupations quant à l’exactitude des données démographiques sur les Autochtones qui vivent en milieu urbain, car ceux qui sont sans abri ou qui résident dans des habitations non permanentes risquent de ne pas être dénombrés lors des recensements 60. Certains observateurs soutiennent que le nombre d’Inuits vivant hors de l’Inuit Nunangat 61 est de loin supérieur à ce qui est indiqué dans les recensements 62. Par exemple, lors du recensement de 2016, on a dénombré 1 280 Inuits vivant dans la région d’Ottawa-Gatineau, tandis que les organisations fournissant des services aux Inuits de cette région estiment qu’au moins 3 700 Inuits y habitent, et peut être même jusqu’à 6 000 63. Étant donné que le financement est souvent accordé en fonction du nombre d’habitants, les Inuits d’Ottawa-Gatineau reçoivent seulement une petite part de ce financement, ce qui peut entraîner des lacunes dans des programmes et des services qui leur sont des plus nécessaires 64.
Comme les organismes politiques qui représentent les Autochtones vivant en milieu urbain sont rares, ces derniers peuvent avoir du mal à faire valoir leurs préoccupations en matière de financement ou à éviter d’être laissés pour compte dans l’élaboration des programmes et des politiques provinciaux ou fédéraux 65.
Dans les années 1950 et 1960, les Autochtones ont commencé à créer leurs propres organismes pour remédier au manque de services adaptés à leur culture dans les centres urbains. De nos jours, les organismes autochtones offrent un éventail de programmes, souvent avec un budget limité, pour faciliter la transition des Autochtones vers la vie en ville. En offrant aux Autochtones des services adaptés à leur culture, ces organismes comblent des lacunes importantes dans les programmes, permettant à un grand nombre d’Autochtones qui habitent en milieu urbain d’accéder aux services essentiels dont ils ont besoin.
Bien que des lacunes dans les services subsistent, les Autochtones vivant en milieu urbain travaillent ensemble pour y trouver des solutions. Les Inuits vivant dans plusieurs villes canadiennes sont en train de mettre en place un réseau national d’Inuits en milieu urbain afin de déterminer quelles ressources leur permettraient de se rassembler et de s’entraider 66. Des responsables de communautés autochtones en milieu urbain, des décideurs et des chercheurs universitaires travaillent à combler les lacunes existantes en matière d’information et à améliorer la qualité de vie des Autochtones qui vivent en milieu urbain. Des organismes comme le Réseau de connaissances des Autochtones en milieu urbain, un réseau de recherche communautaire, produisent des publications et des documents de recherche sur le sujet. La poursuite de ces recherches contribuera à garantir la disponibilité des fonds requis pour les programmes et les services et leur affectation aux besoins de la communauté autochtone en milieu urbain de plus en plus animée et en plein essor.
† Les études générales de la Bibliothèque du Parlement sont des analyses approfondies de questions stratégiques. Elles présentent notamment le contexte historique, des informations à jour et des références, et abordent souvent les questions avant même qu’elles deviennent actuelles. Les études générales sont préparées par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
© Bibliothèque du Parlement