Les changements climatiques, les changements dans la diversité biologique et l'accumulation de substances toxiques sont trois grands problèmes interdépendants qui affectent l'environnement arctique en évolution constante. Bien que ces problèmes, dont les changements climatiques sont le facteur dominant, résultent en grande partie de l'activité humaine dans les régions éloignées du Sud, ils ont de graves répercussions culturelles, socioéconomiques et sanitaires sur les populations de l'Arctique, en particulier sur de nombreux peuples autochtones, ainsi que des effets néfastes sur les espèces sauvages de la région.
Il sera donc impératif de prendre de nouvelles mesures, tant au Canada qu'à l'échelle internationale, pour assurer la protection et la conservation de l'environnement arctique.
Même si l'Arctique compte peu de projets de développement industriel de grande envergure et que la région est peu peuplée, elle subit différentes formes de perturbations environnementales qui trouvent leur origine, en grande partie, dans les régions éloignées du Sud. Trois grands problèmes corrélés bouleversent l'environnement arctique : les changements climatiques, la modification de la diversité biologique et l'accumulation de substances toxiques. L'Arctique semble à la fois préfigurer les changements environnementaux que connaîtra la planète et en être un déterminant clé, en particulier en ce qui a trait au climat.
La présente étude générale aborde brièvement quelques‑uns des problèmes environnementaux qui frappent l'Arctique, et certaines mesures prises à l'échelle internationale et au Canada pour protéger et conserver l'environnement arctique.
Les changements climatiques anthropiques (attribuables à l'activité humaine) sont causés par l'accumulation de gaz à effet de serre (GES) dans l'atmosphère, qui résulte en grande partie de l'utilisation de combustibles fossiles depuis la Révolution industrielle et de la déforestation provoquée par les changements dans l'utilisation des sols. Ces GES emprisonnent dans l'atmosphère de la chaleur qui, autrement, s'échapperait dans l'espace.
En 2014, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a conclu dans son cinquième rapport d'évaluation que « [l]e réchauffement du système climatique est sans équivoque et, depuis les années 1950, beaucoup de changements observés sont sans précédent depuis des décennies voire des millénaires 1 ». Dans ce rapport, le Groupe indique également que l'augmentation des émissions de GES, conjuguée à d'autres facteurs anthropiques, est très probablement la cause principale du réchauffement observé.
Bien qu'on n'ait pas de certitudes quant aux effets des changements climatiques, on s'attend néanmoins à ce qu'ils soient majeurs, notamment avec l'élévation du niveau des mers et l'intensification et la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes et des feux de forêt. Le réchauffement dans l'Arctique est deux fois plus rapide qu'ailleurs dans le monde et il a déjà des conséquences sur la vie des gens dans la région 2. Le pergélisol se dégrade, ce qui entraîne une fragilisation des infrastructures déjà limitées, comme les routes, les édifices et les pipelines; les territoires des animaux changent, ce qui complique la chasse et la pêche pour la nourriture traditionnelle; et la disparition de la glace de mer avive l'intérêt pour les ressources présentes dans l'océan Arctique, en plus de rendre dangereuses les routes de glace utilisées comme grands axes de transport par les Inuits 3.
Alors que la température mondiale moyennezaugmenté d'environ 1,2 °C depuis 1880, les températures dans l'Arctique, bien que très variables, ont augmenté globalement à un rythme environ deux fois plus rapide. Entre 1948 et 2016, l'augmentation de la température moyenne annuelle est estimée à 1,7 °C pour le Canada dans son ensemble et à 2,3 °C pour l'Arctique canadien 4. Les prévisions concernant les changements climatiques dans l'Arctique tablent sur une augmentation de 4 à 5 °C par rapport aux valeurs de la fin du XXe siècle avant la moitié du siècle actuel.
Les effets des changements climatiques sur l'Arctique ont été évalués pour la première fois dans le cas précis du Canada par l'Inuit Tapiriit Kanatami, l'Université Laval et l'Organisation nationale de la santé autochtone 5, et dans l'ensemble de l'Arctique circumpolaire par le Conseil de l'Arctique, un forum intergouvernemental de haut niveau créé en 1996 pour la coopération et la coordination entre les États de l'Arctique 6. Son importante évaluation de l'impact des changements climatiques dans l'Arctique publiée en 2004 7 a fait l'objet d'un développement plus poussé dans les rapports de 2007 et de 2014 du GIEC en ce qui concerne les conséquences des changements climatiques sur les régions de l'Arctique et de l'Antarctique 8. Voici quelques‑unes des conclusions présentées dans les rapports du GIEC :
S'inspirant de la démarche du GIEC, le gouvernement du Canada a actualisé l'évaluation qu'il avait faite en 2004 des effets des changements climatiques et de l'adaptation à ceux‑ci au Canada, en 2008 et 2019. Un grand nombre de conclusions des évaluations canadiennes s'apparentent à celles tirées par le GIEC en 2007 et en 2014 11.
S'il est vrai que les changements climatiques bouleversent clairement l'Arctique, leurs effets sur la région pourraient aussi accélérer le réchauffement planétaire. Trois mécanismes sont souvent invoqués : la diminution du pouvoir réfléchissant (albédo) de la Terre, les changements dans la circulation des océans et la libération de carbone causée par le dégel du pergélisol.
La réflectivité de la Terre peut changer lorsque, sous l'effet du réchauffement climatique, il y a une diminution de l'étendue de la glace de mer qui réfléchit la lumière, augmentant ainsi les surfaces d'eau libre, plus sombres. Alors que la glace réfléchit la lumière, l'eau libre l'absorbe et se réchauffe en même temps. Ce phénomène accélère la fonte du couvert de glace et entraîne ainsi un effet perpétuel de cause à effet, appelé également une réaction positive : le réchauffement de l'Arctique pourrait amplifier les changements climatiques à l'échelle planétaire qui, à leur tour, accentuent les effets dans l'Arctique 12.
Les courants marins et la circulation de l'eau à l'échelle de la planète régulent les conditions météorologiques et climatiques sur la planète. La densité de l'eau, déterminant clé de la circulation océanique, dépend à la fois de la température et de la salinité de l'eau : plus l'eau est froide ou salée, plus elle est dense. La circulation liée à la densité de l'eau se produit parce que les eaux froides et salées du Nord descendent en profondeur, tandis que les eaux tropicales plus chaudes remontent à la surface, créant un mouvement semblable à celui d'un tapis roulant. On a mesuré un apport considérable d'eau douce plus chaude et moins dense produite par la fonte des glaciers et l'augmentation des précipitations, vraisemblablement attribuable aux changements climatiques dans l'Arctique. Si ce phénomène perdurait ou s'amplifiait, il pourrait modifier la circulation océanique. De plus, la possible fonte massive de la nappe glaciaire du Groenland, où se concentre 10 % de l'eau douce du globe, provoquerait une élévation du niveau des mers de l'ordre de 5 à 33 centimètres d'ici 2100 13.
Le sol de l'Arctique renferme de grandes réserves de carbone. Les travaux de recherche sur la dynamique du dégel du pergélisol et de la libération de ce carbone se poursuivent afin de mieux comprendre le phénomène, mais, selon certains chercheurs, la quantité de carbone libéré par ce dégel pourrait dépasser largement les émissions anthropiques actuelles. Par conséquent, le réchauffement de l'Arctique pourrait accélérer les changements climatiques mondiaux en augmentant la quantité de carbone libéré des terres de l'Arctique 14.
Les populations de l'Arctique dépendent beaucoup – tant pour leur alimentation que pour des raisons socioculturelles – de la variété et de l'abondance des organismes vivants, c'est‑à‑dire de la biodiversité de leur région. Selon l'évaluation des écosystèmes pour le millénaire, terminée en 2005, « la biodiversité profite à l'humain plus que par sa seule contribution au bien‑être matériel et aux moyens d'existence. Elle contribue à la sécurité, à la résilience, aux relations sociales, à la santé, et à la liberté de choix et d'action 15 ». La biodiversité change radicalement dans l'Arctique, à cause de la disparition d'habitats dans les lieux d'hivernage et les haltes des espèces migratrices, et, surtout, des changements climatiques 16.
Comme expliqué en détail ci‑après, on s'attend à des changements à grande échelle dans la biodiversité de l'Arctique.
L'aire de distribution des espèces d'insectes, déterminée normalement par les facteurs climatiques, pourrait se déplacer vers le Nord dans des zones auparavant inhospitalières.
L'Arctique est une zone de reproduction pour de nombreuses espèces d'oiseaux migrateurs qui hivernent ailleurs dans le monde. Les changements climatiques devraient favoriser la migration des espèces vers des destinations plus nordiques. Cependant, la perte d'habitat et des changements dans la disponibilité de la nourriture pourraient également toucher certaines de ces espèces 17.
On prévoit que la diminution de l'étendue et de l'épaisseur de la glace de mer modifiera la répartition saisonnière des mammifères marins de l'Arctique, ainsi que leur distribution géographique, leurs habitudes migratoires, leur alimentation, leur succès reproductif et leur abondance. Par exemple, beaucoup d'espèces vivant dans les régions recouvertes par de la glace de mer saisonnière, comme les phoques et les morses, dépendent directement de cette glace pour se reposer, se nourrir, mettre bas et muer.
Les populations de poissons pourraient être touchées par la multiplication des algues et des changements dans la répartition des prédateurs.
Le réchauffement à l'échelle régionale pourrait entraîner une extension de l'aire de distribution de certaines espèces de poissons. Avec la transformation de la glace de mer, la pêche commerciale deviendra possible et la diversité des espèces augmentera dans l'Arctique. L'abondance accrue et la présence plus étendue du saumon du Pacifique dans l'Arctique canadien en sont un exemple concret 18.
La limite septentrionale – au‑delà de laquelle les arbres ne poussent plus – recule vers le nord à mesure que la toundra se transforme en forêt en raison de conditions climatiques plus clémentes, mais le rythme de cette transformation est difficile à mesurer et d'autres facteurs que la température entrent en ligne de compte.
Le dégel du pergélisol pourrait transformer de grandes étendues de terres bien drainées en tourbières ou en marais.
Les mousses et les lichens, aliments essentiels pour le caribou et le renne en hiver, pourraient se raréfier, remplacés en partie par des plantes vasculaires (plus hautes et plus évoluées, comme les plantes à fleurs, les conifères et les fougères). Certaines espèces herbivores dont l'alimentation est plus variée pourraient quitter la forêt boréale pour la toundra arctique. Par contre, d'autres herbivores, notamment quelques populations de caribous déjà fragiles, pourraient souffrir des insectes, des phénomènes météorologiques extrêmes et d'une insuffisance de nourriture.
Avec l'installation de nouvelles espèces du Sud dans le Nord, les espèces indigènes doivent affronter la compétition des nouveaux venus en quête d'habitats et de ressources. Par exemple, l'arrivée du renard roux dans l'habitat du renard arctique, plus petit, menace la survie de ce dernier. Des hybridations pourraient arriver plus fréquemment et modifier le matériel génétique de certaines espèces.
Le vent et les courants océaniques transportent vers l'Arctique divers composés chimiques persistants et souvent toxiques. Les activités minières et pétrolières dans la région risquent d'augmenter la charge chimique dans l'Arctique. L'intensification du transport maritime, rendue possible par les changements climatiques, fera augmenter le risque de pollution. Enfin, on retrouve dans l'Arctique des déchets radioactifs, dont une grande partie résulte des activités de l'ancienne Union soviétique pendant la Guerre froide.
L'accumulation de substances toxiques dans l'Arctique menace la santé des populations ainsi que des espèces sauvages de la région. Les polluants qui restent dans l'environnement et s'accumulent dans les tissus (les polluants organiques persistants ou POP) sont particulièrement inquiétants, parce qu'ils sont transportés dans l'atmosphère et les océans puis finissent par se retrouver dans l'alimentation humaine, notamment dans le gras de baleine. Les POP se composent notamment de biphényles polychlorés (BPC), de dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) et de certains pesticides organophosphorés. Parmi les autres contaminants figurent des métaux lourds, comme le mercure, qui persistent également dans l'environnement.
Parce que beaucoup de substances toxiques s'accumulent dans la graisse, la concentration de ces contaminants a tendance à être élevée dans les tissus adipeux des animaux qui vivent longtemps. Comme ces produits deviennent de plus en plus concentrés à mesure que l'on monte dans la chaîne alimentaire, ce sont les grands prédateurs, comme l'ours blanc et le loup, qui présentent les concentrations les plus élevées. Les peuples autochtones de l'Arctique, qui dépendent de la faune locale pour leur subsistance, ingèrent chaque jour des quantités de substances toxiques qui peuvent être 10 fois supérieures au niveau admissible. Ces polluants passent ensuite dans le sang et le lait maternels et contaminent les fœtus et les enfants 19.
Dernièrement, on a décelé d'autres POP, notamment les ignifugeants polybromés, tels que l'éther diphénylique polybromé (EDP), les composés perfluorés, comme le perfluorooctane sulfonate (PFOS) et l'acide perfluorooctanoïque (APFO), utilisés respectivement dans les produits antitaches et les revêtements antiadhésifs 20.
Les concentrations de certains POP ont diminué dans la région, grâce aux règlements imposés avant et après l'entrée en vigueur de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, en 2004. Toutefois, les changements climatiques et la fonte de la glace de mer pourraient avoir des effets sur la propagation et la libération de POP existants, avec le risque que ces contaminants se retrouvent dans les réseaux trophiques aquatiques de l'Arctique 21.
Les problèmes environnementaux que connaît l'Arctique viennent essentiellement d'ailleurs. Si les effets des changements climatiques se font le plus sentir dans l'Arctique, les émissions de GES qui contribuent au réchauffement climatique sont générées dans le monde entier. Les POP ne sont pas produits dans l'Arctique, mais ils y sont portés par la circulation atmosphérique et océanique et s'accumulent ensuite dans la chaîne alimentaire.
La prise de mesures à l'échelle internationale est donc essentielle pour s'attaquer aux problèmes environnementaux de l'Arctique. Actuellement, il n'existe pas de régime juridique exhaustif unique pour régir l'Arctique qui soit comparable au Système du Traité sur l'Antarctique. Selon certains, il est non seulement difficile d'élaborer un nouveau traité pour l'Arctique, en raison de la présence de pays souverains (à la différence de l'Antarctique), mais aussi inutile de le faire compte tenu du nombre considérable d'accords internationaux déjà en vigueur qui le concernent – comme la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer –, même si peu d'entre eux visent explicitement les problèmes de l'Arctique 22. Parmi les autres accords multilatéraux pertinents pour la région, il y a la Convention‑cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la Convention sur la diversité biologique et la Convention de Stockholm susmentionnée. Les cinq pays côtiers de l'Arctique (le Canada, le Danemark, les États‑Unis, la Norvège et la Russie) ont affirmé dans la Déclaration d'Ilulissat de 2008 qu'il n'était « pas nécessaire d'élaborer un nouveau régime juridique d'ensemble qui s'appliquerait à l'océan Arctique 23 ».
Ces pays ont insisté sur l'importance de la collaboration par le truchement du Conseil de l'Arctique. Cette organisation a pour objectif principal d'évaluer les menaces pour l'environnement; toutefois, sous ses auspices, les États membres ont conclu en 2013 un accord juridiquement contraignant sur la préparation et l'intervention en matière de pollution marine par les hydrocarbures dans l'Arctique 24. Des parlementaires de l'Arctique ont appelé le Conseil de l'Arctique à renforcer la coopération environnementale à la lumière de l'Accord de Paris de la CCNUCC. Lors de sa réunion biennale de 2016 en Russie, la Conférence des parlementaires de la région de l'Arctique a recommandé que les États membres du Conseil de l'Arctique prennent de nouvelles initiatives pour réduire les émissions de GES et de polluants de courte durée de vie ayant un effet sur le climat, comme le carbone noir 25.
La gouvernance environnementale de l'Arctique dépasse le cadre du Conseil de l'Arctique. En 2018, les cinq États côtiers de l'Arctique et cinq autres parties ayant d'importantes industries de pêche commerciale (la Chine, la Corée du Sud, l'Islande, le Japon et l'Union européenne) ont signé l'Accord international pour la prévention d'activités non réglementées de pêche en haute mer dans le centre de l'océan Arctique 26. Cet accord repose sur un principe de précaution à l'égard des activités de pêche commerciale futures en prenant acte des changements climatiques rapides qui se produisent dans l'Arctique. Il s'agit également du premier traité international à prendre en compte les connaissances autochtones dans le processus décisionnel 27.
Le 20 novembre 2020, l'Organisation maritime internationale a approuvé un projet d'interdiction de l'utilisation et du transport de mazout lourd comme combustible par les bateaux naviguant dans les eaux arctiques à partir du 1er juillet 2024 28. L'adoption définitive de cette interdiction devrait se faire en 2021. Le mazout lourd désigne une classe de carburants qui ont tendance à avoir une viscosité et un niveau d'impuretés plus élevés que les carburants plus légers et plus raffinés, comme le gaz naturel liquide ou l'essence. Des études ont révélé que les déversements de mazout lourd représentent environ 60 % des déversements de pétrole par des navires dans le monde, et qu'il est jusqu'à 50 fois plus toxique pour les poissons que les pétroles bruts légers et moyens. Outre sa toxicité, le mazout lourd se décompose lentement dans l'environnement marin, en particulier dans les régions à climat froid, ce qui complique grandement le nettoyage des déversements.
Même si les mesures internationales sont importantes pour la gestion de l'environnement arctique, les pays de l'Arctique peuvent aussi jouer un rôle actif en prenant des mesures nationales. Le Canada s'est doté de politiques et de lois concernant l'Arctique, comme le Cadre stratégique pour l'Arctique et le Nord du Canada de 2019 29.
Avant la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui s'est tenue à Paris en 2015, le Canada avait indiqué que, d'ici 2030, il réduirait ses émissions de GES de 30 % par rapport aux niveaux de 2005. Depuis lors, le gouvernement canadien a dit qu'il allait « instaurer de nouvelles [mesures de réduction des GES] afin de dépasser l'objectif de réduction des émissions du Canada d'ici 2030 ainsi qu'entreprendre le travail nécessaire pour que le Canada puisse atteindre la cible de zéro émission nette d'ici 2050 30 ». Le plan du Canada pour atteindre son objectif est défini dans le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Selon le Programme des Nations Unies pour l'environnement, les émissions du Canada en 2030 devraient encore être supérieures de 15 % ou plus à l'objectif fixé, si le pays poursuit ses politiques actuelles 31. Le 19 novembre 2020, le gouvernement fédéral a présenté le projet de loi C‑12, Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Cette mesure législative exige la fixation de cibles nationales de réduction des émissions de GES, avec pour objectif d'atteindre la carboneutralité au Canada en 2050 32.
La principale loi canadienne relative à la protection de la biodiversité est la Loi sur les espèces en péril (LEP) de 2002, qui vise plusieurs espèces animales vivant dans l'Arctique. Par exemple, l'ours blanc fait partie des espèces préoccupantes, certaines populations de caribous de Peary et de la toundra figurent sur la liste des espèces menacées, et la plupart des populations de bélugas sont classées comme menacées ou en voie d'extinction. Le gouvernement a eu du mal à mettre en œuvre la LEP, notamment pour ce qui est de préciser l'habitat essentiel des espèces aquatiques et d'autres espèces dont l'aire de répartition est très étendue, comme la population boréale du caribou des bois. De plus, bien que la LEP reconnaisse la valeur intrinsèque des connaissances autochtones, des études ont montré qu'il n'y a eu aucune preuve de la participation des populations autochtones à la planification du rétablissement de la plupart des espèces 33.
Le Canada protège les habitats avec ses parcs nationaux et son réseau d'aires protégées, dont les refuges pour oiseaux migrateurs, les réserves nationales de faune et les zones marines protégées assujettis à la Loi sur les espèces sauvages du Canada et les aires marines protégées au sens de la Loi sur les océans. Le financement de programmes d'intendance communautaire vise également à protéger la biodiversité tout en favorisant la souveraineté alimentaire et une économie de conservation dans l'Arctique. Dans le cadre de son Plan de protection des océans 34 de 1,5 milliard de dollars et en partenariat avec les collectivités inuites, le gouvernement fédéral est en train d'élaborer un cadre sur les couloirs de navigation à faible impact. Ce cadre vise à déterminer les routes de navigation dans tout l'Arctique où des infrastructures essentielles, du soutien à la navigation maritime et des services d'intervention en cas d'urgence devraient être fournis pour assurer la sécurité de la navigation et protéger les zones marines ayant une importance sur le plan culturel 35.
Le Plan de gestion des produits chimiques du Canada 36, publié en décembre 2006, a fait l'objet d'un financement en trois phases, la dernière devant prendre fin en mars 2021. Dans le cadre de ce plan, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) est utilisée pour examiner des milliers de produits chimiques, inscrits sur la liste intérieure des substances, dont la toxicité éventuelle a été étudiée au départ pour répondre aux exigences de cette loi. Ces examens ont pour but d'établir si les substances visées comportent des risques. Grâce au plan, par exemple, le Canada a été le premier pays à évaluer les risques d'un produit d'usage courant utilisé dans la fabrication de plastiques (le bisphénol A), et à conclure qu'il est dangereux pour les jeunes enfants et l'environnement, et qu'il doit donc être réglementé. De nouveaux POP, comme la plupart des EDP et des APFO, font également l'objet de tels examens.
Le Canada a aussi adopté une loi qui s'applique précisément à l'Arctique, la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques : elle interdit le rejet de déchets dans les eaux arctiques ou dans tout lieu par lequel ces déchets pourraient finir dans les eaux de l'Arctique. En 2009, le gouvernement fédéral a fait passer de 100 à 200 milles marins (de 185 à 370 kilomètres environ) sa zone d'application dans les eaux arctiques. En 2018, le Canada a adopté un nouveau Règlement sur la sécurité de la navigation et la prévention de la pollution dans les eaux arctiques 37. Ce règlement intègre le Recueil international de règles applicables aux navires exploités dans les eaux polaires (le Recueil sur la navigation polaire) à la législation nationale. Ce recueil traite des dangers uniques que peuvent rencontrer les navires exploités en Arctique et en Antarctique, et impose une série de mesures de sécurité et de prévention de la pollution, notamment en matière de conception et d'équipement des navires 38.
Le gouvernement fédéral est responsable des mines abandonnées et d'autres sites contaminés au nord du 60e parallèle. Le commissaire à l'environnement et au développement durable faisait remarquer, dans son rapport de mars 2008, que le gouvernement fédéral avait progressé vers son objectif final consistant à régler, à l'horizon 2020, son obligation de 3,1 milliards de dollars reconnue jusque‑là relativement à ces sites contaminés. Toutefois, l'éloignement de certains de ces sites dans le Nord complique les interventions 39. En 2019, le budget fédéral prévoyait 2,2 milliards de dollars sur 15 ans pour la création du Programme de remise en état des mines abandonnées du Nord 40. Ce programme permet de gérer la remise en état de huit mines abandonnées au Yukon et dans les Territoires du Nord‑Ouest. Les sites restants dans l'Arctique sont gérés dans le cadre du Programme des sites contaminés du Nord et sont financés par le Plan d'action pour les sites contaminés fédéraux d'Environnement et Changement climatique Canada 41.
Trois grands problèmes environnementaux frappent l'Arctique : les changements climatiques, les changements dans la biodiversité et l'accumulation de substances chimiques toxiques. Les changements climatiques sont un facteur déterminant qui bouleverse tous les aspects de la vie dans l'Arctique; pourtant les GES à l'origine du réchauffement récent de la région résultent de l'activité industrielle et des changements dans l'utilisation des sols qui se produisent dans des régions très éloignées de l'Arctique. Les changements dans la biodiversité sont en grande partie dus aux changements climatiques, mais sont également causés par les changements d'habitat ailleurs dans les zones d'hivernage et le long des routes migratoires. Les substances toxiques, qui parcourent des milliers de kilomètres depuis leur point d'origine dans le Sud, s'accumulent dans la chaîne alimentaire.
Des mesures internationales sont donc nécessaires pour relever les défis environnementaux qui ont des répercussions culturelles, socioéconomiques et sanitaires de grande envergure sur l'Arctique. La collaboration multilatérale s'est axée sur le Conseil de l'Arctique, mais les initiatives nationales jouent également un rôle important dans la gestion de l'environnement arctique. Que ce soit sur la scène internationale ou au niveau national, les peuples autochtones de l'Arctique apportent une contribution de plus en plus importante aux décisions de gestion environnementale. Dans les faits, de grands secteurs de l'Arctique canadien sont cogérés par les Inuits et les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux dans le cadre de régimes de transfert de responsabilités et de gestion des terres et des ressources établis en vertu de cinq ententes sur les revendications territoriales globales entre les Inuits et la Couronne 42.
* La présente étude générale s'inspire d'une ancienne publication du même nom : Tim Williams, L'Arctique : questions environnementales, publication no 2008‑04‑F, Service d'information et de recherche parlementaires, Bibliothèque du Parlement, Ottawa, 2012. [ Retour au texte ]
† Les études générales de la Bibliothèque du Parlement sont des analyses approfondies de questions stratégiques. Elles présentent notamment le contexte historique, des informations à jour et des références, et abordent souvent les questions avant même qu'elles deviennent actuelles. Les études générales sont préparées par le Service d'information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires ainsi qu'aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
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