La production aquacole a connu de fortes augmentations au cours des 40 dernières années, tant au Canada qu’à l’échelle mondiale. La Colombie‑Britannique domine la production canadienne de poissons (principalement de saumon), tandis que l’Île‑du‑Prince‑Édouard domine la production canadienne de mollusques et crustacés (principalement de moules). En 2023, le secteur canadien de l’aquaculture a produit 145 985 tonnes de poissons et fruits de mer, d’une valeur estimée à plus de 1,2 milliard de dollars, et a contribué aux économies locales de nombreuses petites collectivités côtières.
Le cadre réglementaire de l’industrie canadienne de l’aquaculture est partagé entre les gouvernements fédéral et provinciaux. S’ajoute à cette situation le fait que certaines responsabilités réglementaires diffèrent d’une province à l’autre. En plus des récentes réformes réglementaires, une loi fédérale sur l’aquaculture a été proposée en vue de clarifier le partage des pouvoirs et de simplifier le régime de réglementation pour l’industrie et le public. Bien que le gouvernement du Canada ait rendu publiques des dispositions provisoires, aucune nouvelle loi fédérale n’a été déposée au Parlement.
En plus de l’incertitude réglementaire, l’industrie canadienne de l’aquaculture continue d’être confrontée à des défis, notamment les préoccupations au sujet des répercussions environnementales, les perceptions négatives du public et la concurrence mondiale. De nombreuses possibilités, comme les technologies émergentes, la participation accrue des Autochtones et la transparence de l’industrie, constituent toutefois des enjeux majeurs pour les parties prenantes.
L’aquaculture fait partie de l’économie canadienne depuis des décennies, et une aquaculture respectueuse de l’environnement pourrait contribuer au développement de l’économie océanique durable, dite l’économie bleue, du Canada.
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) explique que
l’aquaculture concerne la production d’animaux (y compris les crustacés, les poissons et les mollusques) et de végétaux (y compris les algues et les macrophytes d’eau douce) […] dans les zones intérieures (eau douce) et côtières (eau saumâtre, eau de mer) 1.
La présente Étude de la Colline porte sur la production aquacole au Canada, les perspectives d’emploi qu’elle favorise et le cadre réglementaire unique entourant l’industrie, y compris les récentes réformes réglementaires. Y sont également examinés certains des défis et des possibilités en perspective dans ce secteur au Canada.
Au Canada, 45 espèces de poissons, de mollusques et crustacés et de plantes marines sont cultivées (c.‑à‑d. élevées dans des installations aquacoles) à des fins commerciales 2. La production côtière de poissons dans des parcs en filet est le type d’aquaculture le plus courant au pays. Il existe également de nombreuses autres formes de production aquacole, notamment les parcs en filet en eau douce, les systèmes basés à terre et la culture à plat ou mise en valeur dans les zones intertidales, comme le montre la figure 1 ci-après 3.
Figure 1 – Types d’aquaculture au Canada
Source : Gouvernement du Canada, Profils des espèces d’élevage.
En 2023, la production aquacole du Canada a atteint 145 985 tonnes, pour une valeur dépassant 1,2 milliard de dollars 4. En termes de volume et de valeur, le saumon occupait le haut du pavé chez les poissons, alors que, chez les mollusques et crustacés, les moules arrivaient en tête pour ce qui est de la quantité produite et les huîtres pour la valeur.
L’industrie de l’aquaculture a connu une croissance considérable au fil des ans. En 1986, première année de disponibilité des statistiques de Pêches et Océans Canada (MPO) sur la production aquacole, le Canada a produit 10 488 tonnes de produits aquacoles, d’une valeur de 35,1 millions 5 de dollars (ce qui correspond à environ 82,9 millions de dollars de 2023 6). Les espèces de poissons d’élevage étaient alors le saumon, la truite et la truite arc-en-ciel, tandis que les huîtres et les moules constituaient les principaux mollusques et crustacés d’élevage.
En comparaison, en 2023, le secteur canadien des pêches commerciales en eau douce et en mer (c.‑à‑d. la pêche de capture) a débarqué 679 062 tonnes de poissons et fruits de mer, d’une valeur de près de 3,7 milliards de dollars 7.
En 2023, la Colombie‑Britannique était le chef de file de la production canadienne de poissons d’élevage, principalement grâce au saumon. La province a produit 51 374 tonnes de poissons – soit 48 % de la production de poissons d’élevage au pays – pour une valeur de près de 523 millions de dollars (voir le tableau 1) 8. La même année, l’Île‑du‑Prince‑Édouard était la principale province productrice de mollusques et crustacés au Canada grâce à ses moules, avec 20 304 tonnes produites – soit près de 52 % de la production de mollusques et crustacés au pays, pour une valeur de près de 47 millions de dollars (voir le tableau 2).
| Province | Production (tonnes) | Valeur (milliers de dollars) |
|---|---|---|
| Colombie-Britannique | 51 374 | 523 005 |
| Alberta | 498 | 4 774 |
| Saskatchewan | 1 752 | 8 759 |
| Manitoba | 74 | 384 |
| Ontario | 3 194 | 34 426 |
| Québec | 1 036 | 8 746 |
| Nouveau-Brunswick | 22 780 | 258 087 |
| Nouvelle-Écosse | 10 411 | 107 723 |
| Île‑du‑Prince‑Édouard | 380 | 4 300 |
| Terre-Neuve-et-Labrador | 15 645 | 177 250 |
| Canada | 107 144 | 1 217 454 |
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Gouvernement du Canada, Production d’aquaculture en quantité et en valeur, 2023.
| Province | Production (tonnes) | Valeur (milliers de dollars) |
|---|---|---|
| Colombie-Britannique | 9 588 | 34 887 |
| Québec | 339 | 3 380 |
| Nouveau-Brunswick | 2 640 | 26 184 |
| Nouvelle-Écosse | 1 532 | 7 030 |
| Île‑du‑Prince‑Édouard | 20 304 | 46 969 |
| Terre-Neuve-et-Labrador | 4 297 | 8 050 |
| Canada | 38 699 | 126 500 |
Note : Pêches et Océans Canada ne produisant pas de statistiques de production et de valeur pour l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et l’Ontario, elles ne sont pas incluses dans les totaux du Canada.
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Gouvernement du Canada, Production d’aquaculture en quantité et en valeur, 2023.
En 2023, selon le gouvernement du Canada, le secteur de l’aquaculture employait directement plus de 3 675 Canadiens et Canadiennes 9. En 2024, il existait 615 établissements aquacoles au pays, la quasi-totalité (96,7 %) de ceux-ci figurant dans la catégorie des entreprises comptant 99 employés ou moins 10.
Au Canada, les responsabilités à l’égard de la gestion de l’industrie aquacole sont partagées entre les gouvernements provinciaux et fédéral, et certaines responsabilités réglementaires diffèrent d’une province à l’autre. Deux provinces, soit la Colombie-Britannique et l’Île‑du‑Prince‑Édouard, ont conclu avec le gouvernement fédéral des ententes spéciales qui régissent la gestion de l’aquaculture sur leur territoire.
Une décision de 2009 de la Cour suprême de la Colombie-Britannique (Morton v. British Columbia [Agriculture and Lands]) 11 a classé l’aquaculture dans cette province comme « une pêche », et comme les pêches relèvent de la compétence fédérale, le gouvernement fédéral a été confirmé comme principal organisme de réglementation de l’aquaculture dans cette province. En 2010, le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Colombie-Britannique ont signé un protocole d’entente appelé Accord Canada–Colombie-Britannique sur la gestion de l’aquaculture, qui précise les rôles et les responsabilités de chaque ordre de gouvernement en ce qui concerne l’aquaculture 12.
À l’Île‑du‑Prince‑Édouard, le gouvernement provincial a conclu une entente avec le MPO et l’industrie aquacole en 1928 pour mettre sur pied le Conseil de gestion des baux aquacoles de l’Île‑du‑Prince‑Édouard (désormais appelé le Comité consultatif sur la gestion de l’aquaculture – mollusques et crustacés de l’Île‑du‑Prince‑Édouard) 13. En vertu de cette entente, le comité consultatif réglemente l’accès à la ressource, gère les dossiers de biens immobiliers et veille au respect des baux, entre autres tâches. Composé de représentants des gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que de l’industrie, il fournit des conseils et une orientation au MPO au sujet de divers aspects de l’industrie gérés par le gouvernement fédéral. Le MPO conserve sa compétence à l’égard de la délivrance des baux aquacoles, qui sont émis par sa Division des baux d’aquaculture de l’Île‑du‑Prince‑Édouard 14.
À ce jour, il n’y a pas eu de décisions judiciaires ou d’ententes semblables touchant d’autres provinces, ce qui signifie que la gestion générale de l’industrie de l’aquaculture y demeure une responsabilité partagée entre les gouvernements fédéral et provinciaux. La responsabilité de certains aspects spécifiques de la gestion de l’aquaculture est assurée exclusivement soit par le gouvernement provincial soit par le gouvernement fédéral, tandis que d’autres font l’objet d’une responsabilité partagée. Le tableau 3 présente les principales responsabilités liées à la gestion de l’aquaculture au Canada et l’ordre de gouvernement responsable de chacune.
| Domaine de gestion | Colombie-Britannique | Île‑du‑Prince‑Édouard | Reste du Canada |
|---|---|---|---|
| Approbation du site | Responsabilité partagée | Responsabilité partagée | Responsabilité provinciale |
| Gestion du site (fond marin) | Responsabilité provinciale | Responsabilité fédérale | Responsabilité provinciale |
| Exploitation et surveillance quotidiennes | Responsabilité fédérale | Responsabilité fédérale | Responsabilité provinciale |
| Introductions et transferts des œufs vivants et des poissons | Responsabilité partagée | Responsabilité partagée | Responsabilité partagée |
| Approbation des médicaments et des pesticides | Responsabilité partagée | Responsabilité partagée | Responsabilité partagée |
| Salubrité et qualité du poisson récolté et vendu | Responsabilité fédérale | Responsabilité fédérale | Responsabilité fédérale |
Sources : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Gouvernement du Canada, Infographie : Réglementation de la pisciculture au Canada; et Gouvernement du Canada, Rôle des provinces et des territoires.
La Loi sur les pêches 15 confère au ministre des Pêches et Océans le pouvoir de « réglementer l’industrie de l’aquaculture dans le but de protéger le poisson et son habitat. Cette [l]oi définit les pouvoirs en ce qui concerne l’attribution de permis de pêche, la gestion et la protection des pêches et la prévention de la pollution 16 ».
Plusieurs règlements relevant de la Loi sur les pêches concernent la gestion des activités aquacoles au Canada. Les plus importants sont le Règlement du Pacifique sur l’aquaculture et le Règlement sur les activités d’aquaculture 17.
Mis en œuvre en 2010, le Règlement du Pacifique sur l’aquaculture fournit le cadre dans lequel les activités aquacoles (c.‑à‑d. les activités menées dans des installations en milieu marin, en eau douce et terrestres) ont lieu en Colombie-Britannique et décrit les exigences relatives à l’octroi des permis d’aquaculture 18.
Mis en œuvre en 2015, le Règlement sur les activités d’aquaculture « précise les conditions dans lesquelles les exploitants aquacoles pourront traiter leurs poissons contre les maladies et les parasites, déposer des matières organiques, ainsi que gérer leurs installations en vertu des articles 35 et 36 de la Loi sur les pêches 19 » dans toutes les provinces, sauf la Colombie-Britannique. Le Règlement impose également des exigences en matière de production de rapports, ainsi qu’en matière d’échantillonnage et de surveillance environnementale.
Les producteurs aquacoles sont tenus de déclarer certains types de renseignements concernant leurs installations chaque année, et le MPO communique maintenant ces renseignements au public par le biais du portail du gouvernement ouvert 20. Il y a des données pour les installations terrestres, en eau douce et en milieu marin. L’information publiée est propre à l’installation et comprend les cas où :
Le MPO offre des renseignements supplémentaires propres aux installations aquacoles de la Colombie-Britannique sur les échappées (c.‑à‑d. les poissons qui s’échappent de leurs enclos), la surveillance benthique (c.‑à‑d. la surveillance du fond océanique sous les enclos à poissons) et d’autres sujets 22.
Les exigences en matière de production de rapports et de la fréquence de ceux-ci sont énoncées dans les règlements ou dans les conditions énumérées dans les permis d’aquaculture 23. Les rapports publics concernant les données sur l’aquaculture visent à « accroître la transparence et la responsabilisation [de l’industrie] 24 ».
En vertu des règlements d’application de la Loi sur les pêches, les installations aquacoles doivent être surveillées et inspectées. Entre 2011 et 2021, les agents des pêches du MPO ont mené 3 245 inspections, lesquelles ont donné lieu à 1 010 avertissements et au dépôt de 62 accusations (voir la figure 2) 25.
Figure 2 – Inspections d’installations aquacoles menées en vertu des règlements d’application de la Loi sur les pêches, avertissements émis et accusations portées, de 2011 à 2021
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Gouvernement du Canada, « Aperçu des résultats », Gestion de l’aquaculture canadienne.
Les accusations portaient notamment sur des infractions de déclaration, le transport illégal, le dépassement de la quantité de biomasse permise, les activités se déroulant à l’extérieur de la période ou de la zone désignée et les tentatives d’entrave à l’action des agents des pêches. Les cas de non-conformité ne mènent pas automatiquement au dépôt d’accusations; la décision de déposer des accusations dépend de la gravité de l’infraction. En plus de porter des accusations, les agents des pêches peuvent recommander de l’éducation, exiger des changements ou émettre des avertissements. « Une méthode de gestion des risques est utilisée pour déterminer la fréquence d’inspection et les exploitations devant être inspectées 26. »
Alors que les efforts fédéraux d’application de la loi en matière d’aquaculture étaient jusque-là essentiellement axés sur le secteur des poissons marins, en 2018, ils se sont tournés vers le secteur des mollusques et crustacés du Pacifique, « ce qui a entraîné une baisse du taux de conformité déclaré en raison d’une augmentation des avertissements émis et des accusations portées 27 ». De plus, « les conditions de permis pour la conchyliculture ont été mises à jour en 2021 pour régler le problème des débris de plastique marins et des engins fantômes dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique 28 ».
L’idée d’une loi fédérale sur l’aquaculture fait l’objet de discussions depuis des années. La compétence partagée dans ce domaine entre les gouvernements fédéral et provinciaux rend complexe la rédaction d’une future loi. Pour compliquer davantage les choses, les pouvoirs divisés sont partagés différemment entre les deux ordres de gouvernement dans certaines provinces, ce qui rend plus difficile l’application du cadre réglementaire.
À l’issue de la réunion du Conseil canadien des ministres des Pêches et de l’aquaculture en décembre 2018, les ministres « [ont convenu] d’élaborer une loi fédérale sur l’aquaculture, qui visera à améliorer la transparence du secteur, faciliter l’adhésion à de meilleures pratiques, et offrir à l’industrie une plus grande cohérence et une certitude plus importante 29 ».
Comme l’indique la section 5 de la présente Étude de la Colline, l’industrie canadienne de l’aquaculture relève de la compétence fédérale en vertu de la Loi sur les pêches. Celle-ci n’a toutefois pas été conçue à l’origine pour réglementer cette industrie, mais bien pour réglementer et gérer les pêches sauvages 30. Une nouvelle loi fédérale sur l’aquaculture pourrait :
Le MPO a pris certaines mesures pour préparer le dépôt d’un nouveau projet de loi sur l’aquaculture. En 2019, il a tenu plus de 20 séances de consultation partout au pays ainsi que des activités de consultation en ligne 32. La lettre de mandat de 2019 du premier ministre à la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne comprenait la tâche d’amorcer « les travaux en vue d’introduire la toute première Loi sur l’aquaculture du Canada 33 ». En 2020, le MPO a publié un document de travail intitulé Une loi canadienne sur l’aquaculture, qui décrivait les principaux éléments et pouvoirs qui seraient inclus dans le projet de loi fédéral sur l’aquaculture 34.
En 2020, Le gouvernement fédéral a publié sur son site Web les principaux articles qu’il propose d’ajouter à un projet de loi sur l’aquaculture 35, dont des dispositions qui seraient reprises de la Loi sur les pêches ainsi que de nouvelles dispositions. La lettre de mandat de 2021 adressée à la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne rappelait l’objectif d’adopter une loi sur l’aquaculture. Au moment de rédiger la présente Étude de la Colline, aucun projet de loi n’avait toutefois été déposé au Parlement concernant la création d’une telle loi.
Les répercussions négatives potentielles de la production aquacole sur l’environnement représentent un défi constant pour l’industrie depuis des décennies. Contrairement à l’agriculture traditionnelle, l’aquaculture (à l’exception des installations terrestres) a lieu dans les eaux publiques, et sa mauvaise gestion peut entraîner des répercussions néfastes importantes sur l’environnement. Les préoccupations suivantes sont souvent citées :
En tant que ministère chargé de réglementer l’aquaculture au niveau fédéral, le MPO est également responsable de la communication de l’information sur l’industrie. Compte tenu des préoccupations relatives aux répercussions environnementales, des intervenants ont noté qu’il faut améliorer la communication des résultats scientifiques qui sous-tendent les décisions du gouvernement. Dans un rapport publié en décembre 2018, le Comité d’experts indépendant sur les sciences de l’aquaculture a indiqué qu’il « a parfois trouvé difficile d’accéder à l’information sur les rapports scientifiques, les programmes de recherche et les résultats des recherches » liés à l’aquaculture sur le site Web du MPO. Le Comité a recommandé que le MPO crée un portail d’information sur l’aquaculture et adapte l’information en fonction de certains auditoires cibles, comme le grand public, les scientifiques et l’industrie. Ce portail permettrait de « communiquer au niveau approprié l’information sur les conclusions scientifiques, les incertitudes dans le domaine des sciences, ainsi que les décisions ayant un fondement scientifique 37 ».
Le MPO a depuis publié sur le site Web du gouvernement du Canada une page consacrée à l’aquaculture, qui réunit des renseignements sur les statistiques, la réglementation, la gestion environnementale, les rapports, la science et plus encore 38. L’information n’est toutefois pas adaptée à certains publics cibles, comme l’a laissé entendre le Groupe d’experts indépendant sur la science de l’aquaculture 39.
En 2009, le gouvernement du Canada a créé la Commission d’enquête Cohen sur le déclin des populations de saumon rouge du fleuve Fraser 40. Publié en 2012, le rapport final de la Commission comprenait 75 recommandations, dont 13 sur l’aquaculture. L’une de ces 13 recommandations visait à interdire les installations aquacoles situées dans les îles Discovery jusqu’à ce que des recherches plus poussées soient menées sur leurs répercussions sur les stocks de saumon rouge sauvage.
En 2010, le MPO a produit un rapport sur la faisabilité de déplacer l’aquaculture de la Colombie-Britannique vers des installations en parc clos (c.‑à‑d. des installations aquacoles qui limitent les interactions avec l’environnement aquatique, qui peuvent être terrestres ou flottantes) 41. La salmoniculture en parc clos a également été étudiée en 2013 par le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, et l’aquaculture en général a été étudiée par le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans en 2016 42.
Plus récemment, le MPO a évalué les risques posés par neuf agents pathogènes connus pour causer des maladies dans les exploitations aquacoles de la région des îles Discovery. S’appuyant sur ses rapports scientifiques publiés entre 2017 et 2020, le MPO a estimé que le risque posé par les neuf pathogènes pour les populations de saumon rouge sauvage du fleuve Fraser était « minime » 43. Cette conclusion a toutefois été critiquée par des parties prenantes parce qu’elle ne semblait pas tenir compte du transfert du pou du poisson des saumons d’élevage aux stocks de saumon sauvage ni de l’état fragile actuel de ces stocks en Colombie-Britannique 44.
En décembre 2020, à la suite de consultations avec les Premières Nations locales, la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne a annoncé que les installations de salmoniculture dans la région des îles Discovery seraient progressivement éliminées dans les 18 mois, qu’aucun nouveau poisson ne pouvait être introduit dans les installations existantes de la zone, et que toutes les installations d’aquaculture de la zone seraient exemptes de poisson avant le 30 juin 2022, à l’exception des poissons existants qui n’avaient pas encore terminé leur cycle de croissance 45. La décision a touché 19 installations aquacoles dans la région, dont neuf étaient déjà mises en jachère (c.‑à‑d. qu’aucun poisson n’était cultivé) au moment de l’annonce.
Dans sa lettre de mandat de 2019 à la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière, le premier ministre lui a notamment confié la responsabilité précise de « [t]ravailler avec les autorités provinciales de la Colombie-Britannique et les communautés autochtones pour élaborer un plan responsable pour cesser la salmoniculture en enclos à filet dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique d’ici 2025 46 ». En novembre 2020, le MPO a annoncé que le secrétaire parlementaire de la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne « s’engagera[it] aux côtés des Premières Nations de la Colombie-Britannique, de l’industrie de l’aquaculture, et des intervenants environnementaux » pour assurer la transition de l’aquaculture en parcs en filet en Colombie-Britannique. Il n’y avait toutefois aucune explication à ce moment-là sur ce que serait la solution de remplacement à la salmoniculture en parcs en filet 47.
En 2022, le gouvernement du Canada a consulté la population canadienne sur un plan de transition vers l’adoption d’enclos à filet pour l’aquaculture en Colombie‑Britannique. En juin 2024, il a publié une déclaration de principe annonçant l’interdiction de la salmoniculture en enclos à filet dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique et prévoyant la suppression progressive de toutes les activités en cours avant la fin juin 2029. En septembre 2024, a été publiée l’Ébauche de Plan de transition de la salmoniculture en Colombie-Britannique 48. Le gouvernement fédéral y propose des installations de salmoniculture en parcs clos pour remplacer l’élevage du saumon en parcs en filet. Le plan met de l’avant quatre axes à retenir pour développer une nouvelle industrie de la salmoniculture en parcs clos en Colombie‑Britannique :
Bien que l’ébauche de plan de transition mette l’accent sur la collaboration entre le gouvernement fédéral, le gouvernement de la Colombie-Britannique et les Premières Nations, la collaboration avec l’industrie n’occupe pas une place centrale. L’industrie de la salmoniculture et d’autres intervenants ont critiqué le plan parce qu’il ne contient pas de mesures concrètes qui pourraient mener à la création d’une industrie en parcs clos. Certains intervenants de l’industrie ont souligné que l’échéance de 2029 est irréaliste et qu’elle entraînerait des pertes économiques de plus de 1 milliard de dollars 50. Plusieurs producteurs aquacoles de la province ont également intenté des poursuites judiciaires pour contester la décision du gouvernement fédéral.
En juin 2024, le ministre de l’Intendance des terres, de l’eau et des ressources de la Colombie‑Britannique a publié une déclaration concernant l’ébauche de plan de transition, insistant sur le fait qu’il est essentiel que le gouvernement fédéral octroie des fonds de manière à éviter que les personnes qui travaillent dans l’industrie et les collectivités subissent les contrecoups de l’élimination de l’aquaculture en parcs en filet 51.
L’aquaculture est une industrie mondiale. La FAO fait état d’une augmentation de la production aquacole à l’échelle mondiale de 527 % entre 1990 et 2018 52. L’organisation soutient qu’une telle augmentation de la production ne peut être maintenue qu’en adoptant une méthode de développement durable de l’aquaculture. En 2022, on estimait à 22 millions le nombre d’emplois attribuables à l’aquaculture dans le monde 53.
En 2022, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a déclaré que le Canada se classait au 22e rang mondial en matière de production aquacole selon le poids 54. Cela signifie que le Canada doit concurrencer de beaucoup plus grands pays producteurs pour acquérir et conserver des marchés d’exportation. Toujours en 2022, l’OCDE a indiqué que les trois principaux producteurs aquacoles étaient la Chine, l’Indonésie et l’Inde.
Entre 2007 et 2019, en partenariat avec l’Association aquacole du Canada, le MPO a publié un examen bisannuel des projets de recherche et de développement en aquaculture menés par des chercheurs de tout le Canada au cours des deux années précédentes. Ces projets couvraient divers sujets, notamment la santé des poissons, la production, les techniques d’élevage, la nutrition et les interactions environnementales 55.
Dans le rapport intitulé Innovation and Technology Report, publié en 2021 par la BC Salmon Farmers Association, sont décrites certaines des nouvelles mesures de gestion et technologies mises à l’essai par l’industrie, notamment des systèmes d’aquaculture en parcs semi-clos en milieu océanique, des méthodes de prévention et de traitement du pou du poisson et l’intégration de sources d’énergie propre 56.
Le Canada cultive commercialement 45 espèces de poissons, de mollusques et crustacés et de plantes marines. Ainsi, une variété de produits de la pêche canadiens peut être et est commercialisée à l’échelle nationale et internationale 57. L’industrie aquacole offre aussi des produits spécialisés de grande valeur. Par exemple, certaines installations terrestres au Canada proposent des produits comme le caviar.
De nombreuses exploitations aquacoles Canadiennes ont été accréditées par des tiers pour diverses certifications, y compris pour les pratiques exemplaires en matière d’aquaculture et pour la production durable de fruits de mer, tandis que certaines installations ont été certifiées biologiques. Ces certifications peuvent accroître la valeur marchande et les recettes pour l’industrie et fournir une assurance supplémentaire de pratiques responsables de cultures des fruits de mer pour les consommateurs 58.
De 2013 à 2018, l’Initiative d’aquaculture autochtone au Canada a permis d’accroître la participation des communautés autochtones à l’industrie aquacole du Canada 59. L’Initiative a permis d’organiser des ateliers et d’aider les communautés en leur offrant une expertise technique et en contribuant à l’élaboration d’études de faisabilité et de projets pilotes, entre autres mesures de soutien.
Au terme de l’Initiative, du financement et du soutien ont été offerts dans le cadre de l’Initiative des pêches commerciales intégrées du Nord, qui « appuie l’expansion d’entreprises communautaires de pêche commerciale et d’exploitations aquacoles appartenant à des Autochtones 60 ». L’augmentation de la participation des Autochtones à l’industrie de l’aquaculture pourrait contribuer à son expansion, à la création d’emplois pour les communautés autochtones et à la réconciliation tout en soutenant le développement de l’économie bleue au Canada 61.
Selon certains intervenants, l’adoption d’une loi fédérale sur l’aquaculture pourrait contribuer à réduire l’incertitude réglementaire qui pèse sur l’industrie de l’aquaculture. Cette loi pourrait aussi aider les Canadiens et les Canadiennes à mieux comprendre comment l’industrie est réglementée et clarifier les responsabilités des divers ordres de gouvernement.
Le fait de fournir des renseignements scientifiques sous une forme conviviale et de cibler les différents auditoires (p. ex. le grand public, les scientifiques ou les producteurs aquacoles) pourrait également accroître la transparence et, en fin de compte, aider à mieux informer la population canadienne au sujet de l’industrie et de ses pratiques.
L’industrie de l’aquaculture joue un rôle de plus en plus grand dans l’économie des pêches du Canada; son incidence se fait surtout sentir dans les collectivités côtières où se trouvent la plupart des installations de production. Toutefois, l’incertitude réglementaire et le coût de l’atténuation des répercussions sur l’environnement pourraient freiner l’expansion de l’industrie.
Des intervenants ont suggéré que de nouvelles exigences en matière de rapports et de surveillance et une transparence accrue, combinées à l’adoption d’une loi fédérale sur l’aquaculture, pourraient contribuer à atténuer les préoccupations du public et de l’industrie. La mise en œuvre de technologies émergentes et de solutions novatrices à des problèmes communs (comme la gestion du pou du poisson) par les producteurs aquacoles pourrait également contribuer à accroître l’appui public tout en augmentant la production et en réduisant les répercussions environnementales des installations. Malgré les défis à relever, une industrie de l’aquaculture respectueuse de l’environnement peut contribuer au développement de l’économie bleue du Canada.
© Bibliothèque du Parlement