Le secteur du camionnage constitue un des plus importants piliers du transport dans la chaîne d’approvisionnement. Grâce à l’étendue du réseau routier canadien, le transport par camion est le principal mode de transport pour expédier les marchandises partout au Canada. Le secteur du camionnage représente également le rouage principal du commerce avec les États‑Unis, le principal partenaire commercial du pays. Cependant, le manque d’harmonisation réglementaire, autant entre les provinces qu’entre les pays, entrave le flux des échanges commerciaux. De plus, le secteur fait face à plusieurs défis afin de répondre à la demande croissante, la pénurie de conducteurs étant une des principales sources d’inquiétude à l’heure actuelle. Des initiatives visant à diversifier le secteur du camionnage, en soutenant et en encourageant des groupes sous‑représentés à accéder à la profession par exemple, pourraient aider à pourvoir aux postes vacants. Outre les effets de la pandémie de COVID‑19, à l’heure où les changements climatiques sont au cœur des préoccupations mondiales, le secteur du camionnage est également appelé à diminuer son empreinte environnementale, ce qui exigera vraisemblablement un virage vers des véhicules lourds plus écologiques.
Maillon essentiel de la chaîne d’approvisionnement, le transport de marchandises joue un rôle vital dans l’économie du Canada, créant de l’emploi et de la richesse de manière directe et indirecte. Actuellement, le transport routier est le mode de transport de marchandises le plus utilisé au Canada, tant pour le commerce intérieur que pour le commerce avec les États‑Unis, principal partenaire commercial du Canada. La présente Étude de la Colline aborde les retombées économiques du secteur du camionnage, le cadre réglementaire qui le régit ainsi que les défis et les perspectives du secteur.
D’un point de vue historique, les transports ont toujours constitué un pilier important du développement économique et social du Canada. Aujourd’hui encore, ils jouent un rôle clé dans l’essor des communautés ainsi que dans le renforcement de la vitalité du commerce intérieur et international.
Le secteur du transport et de l’entreposage revêt une grande importance pour l’économie canadienne. Comme il est illustré dans la figure 1, en 2021, il a contribué à hauteur de 3,6 % du produit intérieur brut (PIB) total du pays 1 et a mobilisé plus de 5,2 % de la population active canadienne 2. La figure 2 indique que le transport par camion constitue le mode de transport de marchandises le plus important au pays pour ce qui concerne la catégorie du PIB consacré au secteur du transport et de l’entreposage, avec une part s’élevant à plus de 28,0 %, suivi du transport ferroviaire (11,4 %), du transport aérien (2,6 %) et du transport par eau (2,6 %). En ce qui a trait au transport intérieur, en 2018, le transport par camion était le mode de transport privilégié pour la majorité des marchandises, alors que 77,7 % du volume des marchandises transportées au Canada s’effectuait par camion, 22,2 % par train et des quantités négligeables par avion (0,1 %). Aucune donnée n’est disponible pour le transport intérieur maritime 3.
Note : Voir la figure 2 pour la répartition de la part du 3,6 % du produit intérieur brut du secteur du transport et de l’entreposage dans l’économie canadienne en 2021.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Statistique Canada, « Tableau 36-10-0434-03 : Produit intérieur brut (PIB) aux prix de base, par industries, moyenne annuelle (x 1 000 000) », base de données, consultée le 26 avril 2022.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Statistique Canada, « Tableau 36-10-0434-03 : Produit intérieur brut (PIB) aux prix de base, par industries, moyenne annuelle (x 1 000 000) », base de données, consultée le 26 avril 2022.
D’après Statistique Canada, le secteur du transport par camion a généré des revenus d’exploitation totalisant plus de 67 milliards de dollars en 2019 4, dont les activités étaient principalement concentrées dans quatre provinces : l’Ontario, le Québec, l’Alberta et la Colombie‑Britannique 5.
D’après les études qu’il a réalisées en se fondant sur les données du recensement 2016 de Statistique Canada, RH Camionnage Canada, un organisme qui propose des solutions aux enjeux reliés à la main‑d’œuvre dans le secteur du camionnage et de la logistique, a estimé que 3,6 % de la main‑d’œuvre canadienne œuvrait dans ce secteur en 2019. Les conducteurs de camion représentaient une grande proportion de travailleurs dans le secteur du camionnage et de la logistique, soit 46 %. Largement dominé par les hommes, le métier de camionneurs ne comptait qu’environ 3,5 % de femmes, comparativement à 16 % pour le secteur du camionnage et de la logistique, et 48 % pour l’ensemble des secteurs d’activités économiques du Canada. Plus du quart des conducteurs de camion (27 %) est issu de l’immigration, la moyenne pour l’ensemble des industries canadiennes étant établie à 24 % 6.
RH Camionnage Canada a également constaté que l’âge des camionneurs était considérablement plus élevé que celui de la moyenne nationale. Le secteur comptait 32 % des camionneurs âgés de 55 ans et plus en 2016, comparativement à 21 % pour l’ensemble de la main‑d’œuvre canadienne. Par ailleurs, les travailleurs de moins de 25 ans ne formaient qu’une faible proportion des camionneurs (3,4 %), et ce, même si cette catégorie d’âge représente 12,7 % de l’ensemble de la population active du Canada 7.
Le secteur du transport par camion fait face à un manque criant de main‑d’œuvre. La pénurie de travailleurs risque non seulement de se répercuter sur le secteur lui‑même, mais aussi sur l’ensemble des secteurs économiques canadiens qui dépendent du transport pour accéder aux marchés nationaux et internationaux.
Dans le cadre des échanges internationaux de marchandises effectués en 2020, le Canada a enregistré une valeur commerciale d’environ 1,07 billion de dollars, soit une diminution de 10,9 % par rapport à 2019. Cette baisse s’est surtout concrétisée au deuxième trimestre de 2020 à la suite de la mise en place des mesures restrictives visant à lutter contre la pandémie de COVID‑19 8.
Les États‑Unis représentent le plus important partenaire commercial du Canada. En 2020, les exportations canadiennes vers les États‑Unis s’élevaient à 384 milliards de dollars, dont 54,2 % des marchandises ont été expédiées par camion (voir la figure 3). Quant aux importations du Canada en provenance des États‑Unis, elles se chiffraient à 264 milliards de dollars, dont 71,5 % des marchandises ont été transportées par camion (voir la figure 4). Après les États‑Unis, le partenaire commercial responsable de 60,9 % des échanges commerciaux du Canada, figurent la Chine, le Mexique, le Royaume‑Uni et le Japon. Environ 18 % des échanges commerciaux internationaux du Canada ont été effectués avec ces quatre pays 9.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Transports Canada, « Tableau EC6 : Part des différents modes dans le commerce entre le Canada et les États‑Unis, 2011 – 2020 – Exportations du Canada à destination des États‑Unis », Les Transports au Canada : Addenda statistique 2020 (1,27 Mo, 109 pages), 2020, p. 6.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Transports Canada, « Tableau EC6 : Part des différents modes dans le commerce entre le Canada et les États‑Unis, 2011 – 2020 – Importations du Canada en provenance des États‑Unis », Les Transports au Canada : Addenda statistique 2020 (1,27 Mo, 109 pages), 2020, p. 6.
En 2020, les cinq principaux produits transportés par camion étaient la machinerie, les produits manufacturés, les produits automobiles, les produits agroalimentaires et les produits chimiques (voir les figures 5 et 6). En matière d’exportations, 97,3 % des marchandises transportées par camion sont expédiées vers les États‑Unis, 1,4 % vers le Mexique, et 1,4 % vers les autres pays. Quant aux marchandises importées par camion, 65,5 % proviennent des États‑Unis, 7,4 % du Mexique, et 27,2 % des autres pays.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Transports Canada, « Tableau RO4 : Commerce international du Canada par camion selon les groupe de produits, 2019 – 2020 – Total des exportations par camion », Les Transports au Canada : Addenda statistique 2020 (1,27 Mo, 109 pages), 2020, p. 100.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Transports Canada, « Tableau RO4 : Commerce international du Canada par camion selon les groupe de produits, 2019 – 2020 – Total des importations par camion », Les Transports au Canada : Addenda statistique 2020 (1,27 Mo, 109 pages), 2020, p. 100.
Les données présentées précédemment sur les échanges commerciaux démontrent que le Canada est largement tributaire du commerce avec les États‑Unis, dont les marchandises sont principalement acheminées par camion. Or, les transporteurs routiers qui traversent les frontières, que ce soit au niveau provincial ou transfrontalier, rencontrent de nombreux obstacles d’ordre réglementaire sur leurs chemins.
Au Canada, les activités du secteur du camionnage relèvent des compétences des trois ordres de gouvernement (municipal, provincial et fédéral). Par exemple, les municipalités peuvent établir leurs propres règles en restreignant les itinéraires pour la circulation des véhicules lourds sur leur territoire en fonction des heures de la journée 10. Les provinces et les territoires sont en grande partie responsables des activités de l’industrie de camionnage et peuvent réglementer le transport dans les limites de leur territoire. Enfin, le transport interprovincial et transfrontalier relève du gouvernement fédéral 11.
En vue de promouvoir la sécurité routière, d’uniformiser les normes de sécurité partout au pays et d’assurer l’efficacité de l’industrie du transport routier, les ministres responsables des transports et de la sécurité routière ont élaboré un protocole d’entente visant à mettre en œuvre le Code canadien de sécurité (CCS) et l’ont signé en 1987 12.
Le cadre réglementaire canadien qui régit les activités du secteur du transport routier de marchandises se fonde sur les 16 normes du CCS 13. Ces normes ont été élaborées par des membres du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, composé de représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, de concert avec des représentants de l’industrie du transport. Le CCS établit des normes minimales de sécurité visant à aider le secteur du camionnage à se conformer aux réglementations locales, nationales et internationales 14.
Afin d’expédier des marchandises de manière efficace et sécuritaire partout au pays, le secteur du camionnage doit donc se conformer à un ensemble de règles et d’exigences, y compris les heures maximales de conduite et les heures minimales de repos des camionneurs, ainsi que la dimension et le poids maximaux des véhicules lourds.
Contrairement aux secteurs aérien, maritime et ferroviaire, le gouvernement fédéral réglemente peu les activités du secteur du transport routier, car, en vertu de la Loi sur les transports routiers, il délègue, entre autres, aux provinces le pouvoir de construire des routes et la responsabilité d’élaborer des règlements dans leurs juridictions 15.
Le transport interprovincial et le transport transfrontalier sont assujettis à plusieurs régimes de réglementation, qui varient souvent d’une administration à l’autre 16. Selon le rapport de 2015 sur l’examen de la Loi sur les transports au Canada, le manque d’harmonisation de la réglementation entre différentes juridictions complique le mouvement des marchandises et nuit à la croissance économique du pays. Le rapport a recommandé une harmonisation des politiques et des règlements concernant le transport des marchandises entre les provinces de même qu’entre le Canada et les États‑Unis, particulièrement dans le secteur du camionnage 17.
D’après une étude du Fonds monétaire international (FMI) sur le commerce intérieur au Canada, le chevauchement dans la réglementation des différentes provinces et des différents territoires engendre des barrières commerciales qui limitent la libre circulation des marchandises à l’intérieur du pays 18.
À titre d’exemple, les barrières techniques telles que les réglementations sur les dimensions et les limites de poids des camions empêchent les entreprises canadiennes de transporter efficacement les marchandises à l’échelle du pays. Les transporteurs qui traversent les frontières provinciales doivent obtenir plusieurs permis de différentes provinces. Bien que les provinces n’imposent pas de tarifs douaniers, une étude de Statistique Canada menée en 2019 estimait que les entraves commerciales interprovinciales représentaient l’équivalent d’un tarif de 10 % 19. Le FMI estime qu’une libéralisation totale du commerce intérieur au pays pourrait augmenter de 4 % le PIB du Canada 20.
Afin d’améliorer la fluidité du commerce intérieur, plusieurs initiatives d’harmonisation de réglementation ont été mises en place au cours des dernières décennies, notamment le protocole d’entente sur la réglementation des poids et dimensions des véhicules adopté en février 1988 21. Puis, l’Accord sur le commerce intérieur (ACI), visant à réduire les entraves au commerce interprovincial, est entré en vigueur en 1995, suivi d’une version améliorée de l’ACI, l’Accord de libre‑échange canadien en 2017 22.
Certaines provinces ont également conclu des partenariats régionaux d’échanges commerciaux pour faciliter le commerce entre elles, tels que le New West Partnership Trade Agreement dans l’Ouest canadien et l’Accord de commerce et de coopération entre le Québec et l’Ontario. Malgré ces efforts, les intervenants des transporteurs routiers soulignent que les barrières au commerce perdurent, sans compter que ces accords régionaux excluent plusieurs provinces et territoires.
Le Conseil des ministres responsables des transports et de la sécurité routière (COMT) a mis sur pied, en 2016, le Groupe de travail sur l’harmonisation du camionnage chargé de déterminer les obstacles freinant la fluidité commerciale à l’échelle du pays. En 2019, le Groupe de travail sur l’harmonisation du camionnage a publié un rapport intitulé Soutenir le transport efficace par camion au Canada : Approches suggérées par le Groupe de travail sur l’harmonisation du camionnage. Le rapport soulève des enjeux irritant le flux commercial et suggère des approches dans l’objectif d’améliorer l’efficacité du transport routier des marchandises au pays. Parmi ces irritants, le rapport énumère notamment le manque d’harmonisation entre les administrations quant aux dimensions et aux poids légaux des véhicules, le manque d’uniformité dans l’adoption de normes du Code national de sécurité, le manque d’harmonisation des processus de délivrance des permis, les écarts entre les tolérances de poids en fonction de la taille des pneus ainsi que l’absence de stratégie nationale au niveau des aires de repos sécuritaires 23.
Le COMT a également lancé l’Initiative pancanadienne pour des corridors commerciaux concurrentiels (IPCCC). Les travaux du Groupe de travail sur l’IPCCC s’échelonneront sur deux ans (2020‑2022). Cette initiative vise à rendre les corridors de transport canadien plus efficaces et plus fiables vers les marchés canadiens et étrangers 24.
Les États‑Unis ne sont pas seulement le plus important partenaire commercial du Canada, mais ils partagent aussi la plus longue frontière terrestre commune du monde avec lui, soit 8 890 kilomètres 25.
À la frontière canado‑américaine, les barrières commerciales qui découlent « des règlements divergents, des lourdeurs administratives, des retards de livraison liés à la frontière et [de] l’incertitude politique 26 » constituent d’importantes sources de frictions commerciales. Statistique Canada estime que ces frictions représentent l’équivalent d’une ligne tarifaire de 30 % 27.
En moyenne, environ 30 000 camions traversent quotidiennement la frontière canado‑américaine 28. Lorsqu’ils traversent les frontières internationales, les transporteurs routiers sont soumis à un ensemble de règlements établis par les pays où ils font des affaires 29. À la frontière canado‑américaine, les entreprises de camionnage doivent se conformer aux règles et aux exigences établies par le United States Customs and Border Protection (USCBP), le département de la Sécurité intérieure des États‑Unis et l’Agence des services frontaliers du Canada.
Le Canada et les États‑Unis collaborent depuis longtemps pour faciliter la circulation des personnes et des marchandises sans compromettre la sécurité à la frontière. Au cours des dernières années, des efforts considérables ont été déployés pour harmoniser les réglementations relatives au transport des marchandises et des matières dangereuses des deux côtés de la frontière. Le Canada met régulièrement à jour son Règlement sur le transport des matières dangereuses afin de l’harmoniser avec le Règlement type des Nations Unies de même qu’avec celui des États‑Unis 30.
Un autre exemple d’harmonisation de réglementation canadienne avec les règles américaines concerne l’adoption de la réglementation fédérale relative aux dispositifs de consignation électronique (DCE) pour assurer la conformité à la réglementation sur les heures de service des conducteurs. La réglementation relative aux DCE vise essentiellement à réduire la fatigue et les accidents. Elle est entrée en vigueur le 12 juin 2021 au Canada, tandis qu’un règlement similaire est déjà en place aux États‑Unis depuis le 18 décembre 2017 31. Pour le moment, l’utilisation de DCE n’est obligatoire que pour les transporteurs assujettis à la réglementation fédérale, et ces derniers bénéficient d’une période transitoire sans aucune pénalité jusqu’au 12 juin 2022 32. Cependant, le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé a annoncé, le 7 mars 2022, que cette période transitoire était reportée jusqu’en janvier 2023 33.
Les chiffres présentés ci‑dessus montrent toute l’importance que revêt le secteur du camionnage dans l’économie canadienne. Le secteur est toutefois également confronté à de nombreux défis, que ce soit sur le plan sanitaire, humain ou environnemental.
La pandémie de COVID‑19 a frappé durement un grand nombre de secteurs économiques aux quatre coins du globe. Le secteur du transport routier de marchandises n’a pas été épargné par la crise sanitaire mondiale.
Bien que le secteur du transport demeure un service essentiel, les activités de certaines entreprises de transport routier ont ralenti en raison de la baisse de la demande de certaines marchandises, tandis que les activités d’autres ont augmenté (pensons, par exemple, au transport de matériel médical, d’aliments et d’autres produits de première nécessité) 34.
Selon un sondage de RH Camionnage Canada, la plupart des entreprises du secteur du camionnage et de la logistique ont licencié des employés en raison de la pandémie. Les conducteurs ont été plus touchés par la mise à pied que les employés qui effectuent d’autres tâches. On constate également que le nombre de licenciements était plus élevé pour les conducteurs de courte distance (10,8 %) que pour les conducteurs de longue distance (8,0 %) 35. Les femmes et les jeunes travailleurs étaient particulièrement touchés par ces licenciements, surtout au début de la pandémie 36.
La pandémie de COVID‑19 a bouleversé les opérations de nombreuses entreprises de transport et a, par conséquent, forcé les entreprises de transport à réévaluer leurs façons de faire. Le nouveau contexte obligera les entreprises de camionnage à s’ajuster à la nouvelle réalité post‑pandémie afin d’assurer le bon fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement et la sécurité de leurs employés 37. Le secteur du transport et de la logistique est en train de subir de profonds changements technologiques. De nombreuses entreprises du secteur ont affirmé qu’elles allaient augmenter leurs investissements dans les solutions technologiques 38, notamment la numérisation du transport routier pour une meilleure gestion des opérations 39.
Étant donné le rôle clé que jouent les transporteurs routiers dans la chaîne d’approvisionnement, la pénurie de camionneurs a des répercussions importantes sur l’ensemble des activités économiques du pays. Bien que la pénurie de personnel ne soit pas un phénomène nouveau, la pandémie a exacerbé ce problème de main‑d’œuvre, ce qui pourrait freiner la relance économique au pays.
D’après une étude réalisée par RH Camionnage Canada, il pourrait manquer, à l’échelle du pays, jusqu’à 25 000 conducteurs en 2025 40 à cause des difficultés à recruter des camionneurs, notamment des femmes, pour remplacer les camionneurs qui partent à la retraite. L’autre problème qui mène à cette pénurie croissante est le taux de roulement élevé, particulièrement chez les camionneurs qui parcourent de longues distances. Ces derniers doivent souvent s’absenter de leur domicile pendant de longues périodes, ce qui rend la conciliation travail‑famille difficile. De plus, les coûts de formation élevés peuvent être une barrière à la profession de camionneur 41.
Parmi les solutions proposées, les intervenants du secteur du camionnage ont indiqué qu’une stratégie de valorisation du métier de camionneur auprès des femmes, de la relève, des communautés autochtones et issues de l’immigration pourrait aider à pourvoir les postes vacants. À titre d’exemples, des initiatives ont été mises en place en vue d’accroître la diversité dans le secteur du camionnage, notamment l’initiative Women with Drive (« Femmes en mouvement ») et la fondation de la Fédération canadienne des femmes du camionnage, une organisation qui cherche à encourager les femmes à choisir une carrière de camionneur. On trouve également des réseaux d’entreprises qui cherchent à attirer des travailleurs autochtones dans ce secteur, tel que le transporteur Northern Resource Trucking 42.
Le transport de marchandises par camion est un élément clé de l’économie, mais c’est aussi une source importante de pollution. En 2020, il a représenté 36,7 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) produites par le secteur du transport du Canada – et environ 8,7 % des émissions canadiennes totales de GES 43. Entre 1990 et 2020, les émissions de GES des camions lourds de transport de marchandises ont plus que triplé, passant de 19,4 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone (Mt éq. CO2) à 58,5 Mt éq. CO2 (voir la figure 7). Cette hausse, jumelée aux augmentations observées dans la catégorie des camions légers de passagers, a mené de manière significative à l’augmentation générale des émissions du secteur du transport. Malgré la baisse marquée des émissions de GES du secteur en 2020, au cours de la période étudiée, le transport de marchandises par camion a produit à lui seul plus d’émissions que le transport de marchandises par train, par avion et par bateau réunis, qui n’a que légèrement augmenté.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Environnement et Changement climatique Canada, Indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement : Émissions de gaz à effet de serre (1,25 Mo, 29 pages), avril 2022.
Pour atteindre les objectifs climatiques internationaux fixés dans la Convention‑cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et l’Accord de Paris, il sera essentiel de réduire considérablement l’empreinte carbone du transport routier d’ici 2050 et de faire la transition vers des véhicules électriques à émissions nulles.
En signant l’Accord de Paris, le Canada s’est engagé à réduire ses émissions de 40 à 45 % sous le niveau de 2005 d’ici 2030 44. Sur le plan fédéral, la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité exige que le gouvernement du Canada fixe des cibles nationales de réduction des émissions de GES et qu’il établisse le processus de planification, de production de rapports et d’évaluation en vue d’atteindre la carboneutralité d’ici 2050. La Loi a reçu la sanction royale le 29 juin 2021.
À l’occasion de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de 2021 (la COP26), la présidence de la COP26 a accueilli, en novembre 2020, le premier Conseil pour la transition vers des véhicules à émissions nulles (ZEVTC), en vue de discuter des façons d’accélérer la cadence de la transition mondiale vers des véhicules à émissions nulles, de réduire les émissions et d’aider l’économie mondiale à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris 45. Le ZEVTC était composé de ministres et de représentants de la Californie, du Canada, de la Commission européenne, de la Corée du Sud, du Danemark, de l’Espagne, de la France, de l’Inde, de l’Italie, du Japon, du Mexique, de la Norvège, des Pays‑Bas, du Royaume‑Uni et de la Suède.
Le Canada est actuellement le coprésident de la Coalition pour le climat et l’air pur (CCAP), un groupe volontaire de pays et d’organisations qui unissent leurs efforts pour réduire les émissions de polluants de courte durée de vie (PCDV). Depuis son lancement en février 2012, la CCAP s’affaire à mettre en place des mesures de réduction des PCDV dans plusieurs secteurs, dont les véhicules et les moteurs diesel lourds 46. Le Canada est également l’un des nombreux pays à élaborer un plan d’action pour un transport écologique mondial sous l’égide de la CCAP et du Programme des Nations Unies pour l’environnement. Ce plan incite à la collaboration en vue d’améliorer l’efficacité du transport mondial des marchandises, de manière à réduire son incidence sur le climat 47.
Selon un grand nombre d’observateurs, il sera nécessaire d’accélérer la transition vers les véhicules électriques (VE) en vue de l’atteinte de la carboneutralité d’ici 2050. Si les technologies de VE sont typiquement associées aux voitures et aux camions légers, des études récentes ont porté sur différents scénarios possibles où les véhicules lourds et mi‑lourds qui parcourent de longues distances feraient partie de la transition vers la carboneutralité 48. Il existe quatre grands types de VE 49 :
À l’heure actuelle, les biocarburants sont la principale solution de rechange commercialement viable au diesel 50, mais seuls les véhicules électriques à batterie et les véhicules électriques à pile à combustible alimentée à l’hydrogène ont le potentiel de réduire significativement les émissions de GES 51. À ce jour, cependant, les technologies de ces véhicules ne sont pas commercialement viables pour les camions lourds de longue distance, vu la densité des batteries, les contraintes de chargement des batteries et leur autonomie limitée. Ces obstacles pourraient toutefois disparaître avec l’évolution des batteries et le développement d’une infrastructure de chargement à haute puissance.
Certaines initiatives déjà en cours pourraient permettre aux entreprises canadiennes de parvenir à la carboneutralité d’ici 2050. Par exemple, la société Hydro One recevra 4,95 millions de dollars du Programme d’innovation énergétique – Démonstrations d’infrastructures pour véhicules électriques de Ressources naturelles Canada afin d’élaborer un projet pilote de bornes de recharge pour camions électriques lourds en Ontario. Le projet servira de modèle pour d’autres services publics etentreprises 52.
Dans les rangs des fournisseurs, on s’attend à ce que la disponibilité des véhicules de transport de marchandises à émissions nulles augmente au Canada et aux États‑Unis, pour passer à au moins 85 modèles proposés par plus de 30 marques 53, dont la Compagnie électrique Lion, Arrival, Rivian, Camions Volvo, Kenworth, Peterbilt et Workhorse.
Du côté des acheteurs, des entreprises canadiennes comme IKEA Canada, Metro Supply Chain Group, le Groupe Morneau, Mosaic Forest Management et Walmart Canada ont annoncé qu’elles avaient fait l’acquisition de camions lourds à émissions nulles dans le cadre de leurs efforts visant à donner priorité à la durabilité 54.
Jusqu’à présent, la Colombie‑Britannique et le Québec sont les seules provinces à avoir des programmes de remises à l’achat de camions électriques lourds. Le programme CleanBC Go Electric Specialty Use Vehicle Incentive de la Colombie‑Britannique offre une remise allant jusqu’à 100 000 $, tandis que le programme Écocamionnage du Québec offre 175 000 $ par véhicule 55.
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