L’Internet à haute vitesse (ou à large bande) fait désormais partie intégrante de la vie de la plupart des Canadiens. Les services Internet à large bande revêtent une importance encore plus grande dans les régions rurales et éloignées, car ils permettent d’offrir aux habitants de ces régions des services essentiels, comme des services éducatifs ou médicaux, auxquels ils n’ont souvent pas accès autrement.
Malgré un certain nombre d’initiatives du gouvernement du Canada, le niveau de connectivité à travers le pays demeure inégal : les Canadiens qui résident dans des régions urbaines ont accès à toute une gamme de services Internet; tandis que ceux qui habitent dans des régions rurales ou éloignées disposent encore d’un accès limité ou inexistant aux services à large bande. L’une des raisons de cette inégalité est le coût d’installation extrêmement élevé des réseaux à large bande, particulièrement dans les régions plus isolées. La présente Étude de la Colline offre un aperçu des enjeux touchant à l’accès à Internet à large bande dans les régions rurales et éloignées du Canada et des initiatives mises en place pour répondre à ces enjeux.
Internet à haute vitesse (ou à large bande) 1 fait désormais partie intégrante de la vie de beaucoup de Canadiens. En outre, tous les ordres de gouvernement offrent de plus en plus de services en ligne. Les services Internet à large bande revêtent une importance encore plus grande dans les régions rurales et éloignées, car ils permettent d’offrir aux personnes qui vivent dans ces régions des services essentiels, comme des services éducatifs ou médicaux, auxquels elles n’ont souvent pas accès autrement.
La population du Canada étant inégalement répartie sur le vaste territoire – la plupart des Canadiens vivent dans des communautés le long de la frontière avec les États‑Unis – le niveau de connectivité à travers le pays demeure inégal. En effet, les Canadiens qui vivent dans des régions urbaines ont accès à tout un éventail de services Internet, tandis que ceux qui vivent dans des régions rurales ou éloignées ont encore un accès limité ou inexistant aux services à large bande, en raison notamment du coût d’installation des réseaux à large bande qui y est extrêmement élevé par habitant. La rentabilité de ces réseaux dépend largement de la densité de population du marché. Cet écart du niveau de connectivité entre les régions urbaines et rurales, souvent qualifié de « fracture numérique », est une préoccupation pour les responsables de l’élaboration des politiques de tous les ordres de gouvernement.
En décembre 2016, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a déclaré que l’accès à un service Internet à large bande est un service de télécommunication de base pour tous les Canadiens et il a établi les cibles suivantes pour les services de base dont les Canadiens ont besoin pour participer à l’économie numérique :
En 2019, le Gouvernement du Canada a présenté La haute vitesse pour tous : la stratégie canadienne pour la connectivité dans laquelle il a précisé que 84 % des ménages canadiens avaient accès à des vitesses de 50/10 Mbps et qu’il s’engageait à faire passer ce pourcentage à 90 % en 2021, à 95 % en 2026 et à 100 % en 2030 3. Selon les données de juin 2023, 91,4 % des ménages canadiens avaient accès à une connexion Internet à large bande, ce qui atteint l’objectif du CRTC, mais seulement 62 % des ménages dans les régions rurales y avaient accès. Quant à l’accès à la technologie mobile LTE, 99,4 % des Canadiens étaient couverts et spécifiquement 97,1 % des personnes vivant dans des régions rurales et 87,2 % des routes principales et autoroutes 4.
Une « fracture numérique » sépare ceux qui ont accès aux services à large bande de ceux qui n’y ont pas accès. Il existe deux principaux types de fractures numériques, à savoir la fracture numérique technique et la fracture numérique socioéconomique. La première concerne l’accessibilité ou la capacité technique d’avoir une connexion Internet haute vitesse. Certains quartiers des villes (ou aux abords des villes) peuvent ne pas avoir accès aux services à large bande, mais on entend généralement par « fracture numérique technique » l’inégalité entre les régions urbaines et les régions rurales ou éloignées.
Pour sa part, la fracture numérique socioéconomique est liée au choix et aux obstacles à l’accès. En effet, il se peut que ceux qui ont accès à des services à large bande ne s’y abonnent pas. Les obstacles à l’accès à l’origine de ce type de fracture peuvent tenir à l’âge, au revenu, au niveau de scolarité, à la langue, au sexe ou à d’autres facteurs identitaires. Ils peuvent aussi tenir à la littératie numérique. Or, il est important de réduire les fractures numériques socioéconomiques si l’on veut créer une société numérique dont personne ne sera exclu. La présente étude porte toutefois principalement sur le problème fondamental de l’accès technique aux services à large bande.
La figure 1 montre la fracture entre les régions urbaines et rurales pour ce qui est de la disponibilité des services à large bande au Canada ainsi que la situation dans les provinces et territoires en ce qui concerne l’atteinte de l’objectif du CRTC (50/10/données illimitées).
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, « Tendances actuelles – Large bande à haute vitesse », Rapports sur le marché des communications.
Enfin, bien qu’il existe peu de données désagrégées sur l’accès des collectivités autochtones aux services Internet à large bande, on constate souvent des disparités importantes entre l’accès à Internet à large bande pour les collectivités autochtones (des régions urbaines, rurales et éloignées) et non autochtones. La Bibliothèque du Parlement a préparé une Note de la Colline sur le sujet 5.
Le Canada est un vaste pays, peu peuplé, au relief et au climat extrêmement variés. Sa densité de population moyenne est de 3,9 habitants au kilomètre carré (habitants/km²). Aux fins de comparaison, le tableau 1 fournit des données sur la densité de population et l’urbanisation de différents pays.
Pays | Superficie (km²) | Population (millions) | Densité (habitants/km²) | Urbanisation (%) |
---|---|---|---|---|
Australie | 7 741 220 | 26,5 | 3,4 | 86,6 |
Belgique | 30 528 | 11,9 | 389,8 | 98,2 |
Canada | 9 984 670 | 38,5 | 3,9 | 81,9 |
Corée du Sud | 99 720 | 52,0 | 521,5 | 81,5 |
États-Unis | 9 833 517 | 339,7 | 34,5 | 83,3 |
Finlande | 338 145 | 5,6 | 16,6 | 85,8 |
France | 643 801 | 68,5 | 106,4 | 81,8 |
Hong Kong | 1 108 | 7,3 | 6 588,4 | 100 |
Japon | 377 915 | 123,7 | 327,3 | 92 |
Royaume-Uni | 243 610 | 68,1 | 279,5 | 84,6 |
Singapour | 719 | 6,0 | 8 344,9 | 100 |
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Central Intelligence Agency, « The World Factbook », base de données. Les données pour la population correspondent à une estimation de juillet 2023; les données pour l’urbanisation, c’est-à-dire le pourcentage de la population totale vivant en régions urbaines, selon la définition des pays, sont celles de 2023 et enfin les données utilisées pour le calcul de la densité proviennent du World Factbook.
On mentionne parfois la géographie du Canada et la répartition de sa population pour expliquer le fait que les Canadiens reçoivent des services à large bande de qualité moindre, à un coût plus élevé que les citoyens d’autres pays développés. Par exemple, dans la présentation de son programme Brancher pour innover, le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique du Canada (ISDE) a affirmé que, dans les collectivités rurales et éloignées, « l’étendue géographique et la faible densité de population sont autant d’obstacles aux investissements du secteur privé dans la construction, l’exploitation et l’entretien des infrastructures » 6.
Bien que la densité de population du Canada soit très faible par rapport à celle de la plupart des autres pays, cette moyenne générale est trompeuse, car la densité de population n’est pas égale dans tout le pays, et la moyenne ne représente ni la forte densité des régions urbaines ni la très faible densité des régions rurales et éloignées. Une comparaison entre le Nord (Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut) et les cinq plus grandes régions métropolitaines de recensement (Toronto, Montréal, Vancouver, Calgary, Ottawa‑Gatineau) du Canada montre combien une mesure reposant sur la population et la superficie totale du pays peut induire en erreur. En 2021, le Nord représentait 39 % de la masse terrestre du Canada et 0,3 % de sa population, soit une densité de population de 0,013 habitant/km². Les cinq principales régions métropolitaines de recensement occupaient quant à elles 0,3 % de la masse terrestre du Canada pour 43,5 % de la population du pays, soit une densité de population de 605,6 habitants/km² 7.
Aussi, depuis plusieurs années, ISDE commissionne annuellement une étude comparant les tarifs des services filaires, sans-fil et Internet offerts au Canada et à l’étranger. La dernière étude date de 2022. On y constate que le prix moyen des services Internet à large bande au Canada est supérieur à celui de tous les pays étudiés, sauf le Japon, y compris des pays avec une densité de population similaire, comme l’Australie. Les prix pour ces services au Canada sont toutefois plus élevés que ceux au Japon, ou similaires à ceux-ci, pour les services offrant des vitesses de connexion de plus de 40 Mbps 8. Ainsi, même si la démographie du Canada explique en partie le coût élevé et la difficulté de déploiement des services Internet à large bande dans les régions rurales et éloignées, elle n’explique pas complètement la situation. Plusieurs parties prenantes ont souvent cité le manque de concurrence dans les services de télécommunications au pays, particulièrement dans les régions rurales et éloignées, pour expliquer aussi en partie la situation 9.
La rentabilité des divers systèmes de distribution d’Internet à large bande dépend beaucoup de la densité de population des régions ciblées. La figure 2 montre comment une baisse de la densité de population entraîne une augmentation des frais d’investissement pour les ménages canadiens qui ont accès à des services à large bande sans fil ou filaires (câble ou fibre optique). En revanche, les coûts n’augmentent pas de la même façon en ce qui concerne les services par satellite, en raison de leur vaste couverture. Cependant, leurs caractéristiques techniques en font un choix réservé à des régions peu peuplées.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Brightstar Canada, Nova Scotia Department of Business Last Mile Strategy (1,34 Mo, 46 pages), mai 2018.
Au Canada, en 2021, près d’un million de foyers dépendaient de technologies sans fil fixes et satellitaires pour leur connexion Internet :
Certains considèrent que ces technologies offrent une solution de connectivité à court terme pendant que le gouvernement et l’industrie travaillent à des solutions à long terme (p. ex. l’élargissement du réseau de fibre optique aux régions rurales et éloignées) 12. D’autres considèrent que les services sans fil seront toujours nécessaires pour certaines communautés éloignées 13.
Comme les technologies sans fil sont particulièrement importantes pour déployer l’Internet à large bande dans les régions rurales et éloignées, il est crucial de considérer leur accès aux licences de spectre des radiofréquences. Pour en apprendre davantage sur le processus de gestion de spectre au Canada, la Bibliothèque du Parlement a déjà préparé une Note de la Colline et un document de travail sur le sujet 14.
ISDE et le CRTC sont responsables de différents aspects des services de télécommunications au Canada. Bien que chacun ait son propre rôle, ils travaillent également ensemble à différents niveaux, comme dans le cas des programmes de financement de l’Internet à large bande.
Ces dernières années, le gouvernement du Canada a lancé plusieurs programmes et initiatives pour tenter d’améliorer la couverture de l’Internet à large bande au Canada et d’atteindre les objectifs fixés par le CRTC. Le gouvernement du Canada a affirmé avoir investi plus de 7,6 milliards de dollars en matière de connectivité depuis 2015 15. Par exemple :
De plus, dans le cadre du Fonds universel pour la large bande, la Banque de l’infrastructure du Canada collabore avec ISDE pour soutenir la mise en œuvre de grands et de petits projets d’Internet à large bande proposés par les fournisseurs d’accès Internet dans l’ensemble du Canada. Pour y arriver, la Banque s’est engagée à fournir jusqu’à trois milliards de dollars, jumelés aux contributions d’ISDE, sous forme d’emprunts ou de capitaux propres 25.
Enfin, en 2018, le Bureau du vérificateur général du Canada a publié un premier rapport d’audit sur la connectivité des régions rurales et éloignées, dans lequel il a constaté le besoin pour le Canada de se doter d’une stratégie nationale pour améliorer la connectivité dans les régions rurales et éloignées 26. Au printemps 2023, il a publié un deuxième rapport sur le sujet qui a notamment constaté que la connectivité s’était améliorée au pays grâce aux initiatives gouvernementales, mais que la fracture numérique persiste toujours, particulièrement pour les Canadiens qui vivent dans les réserves des Premières Nations ainsi que dans les régions rurales et éloignées. De plus, le Bureau du vérificateur général du Canada a noté que ni ISDE ni le CRTC ne disposent des données nécessaires pour brosser un tableau complet de la qualité et de l’abordabilité des services Internet offerts au pays 27.
Pour avoir une société numérique vraiment à la portée de tous, il faut que tous les Canadiens aient accès à des services Internet à large bande. À cet effet, le gouvernement du Canada a mis en place une stratégie visant à atteindre les objectifs en matière de services à large bande fixés par le CRTC pour tous les Canadiens d’ici 2030. Le gouvernement pourra ensuite prendre des mesures pour réduire la fracture numérique socioéconomique afin que tous les Canadiens, et pas uniquement ceux qui vivent en milieu urbain, puissent profiter pleinement de la société numérique du XXIe siècle.
* La présente Étude de la Colline est largement inspirée de Sarah Lemelin-Bellerose, Dillan Theckedath et Terrence J. Thomas, Déploiement des services à large bande dans les régions rurales, publication no 2011-57-F, Bibliothèque du Parlement, 17 juillet 2019.
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