Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique (titre abrégé : « Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers »), a été déposé par le ministre des Transports à la Chambre des communes le 12 mai 2017 1.
Le projet de loi vise à officialiser un moratoire sur la circulation des pétroliers qui transportent du pétrole brut le long de la côte nord de la Colombie-Britannique et établit des sanctions en cas de contravention à ce moratoire.
En 1972, le gouvernement fédéral a pris la décision d’imposer un moratoire sur la circulation de pétroliers de brut dans l’entrée Dixon, le détroit d’Hecate et le bassin de la Reine-Charlotte 2. Cette décision, bien qu’elle n’ait jamais été officialisée dans une loi, a été énoncée dans une résolution de la Chambre des communes affirmant que « le transport de pétrole par navires le long de la côte de la Colombie-Britannique, de Valdez (Alaska) à Cherry Point (Washington), est contraire aux intérêts canadiens et notamment à ceux se rattachant à l’environnement 3 ».
La zone d’exclusion des pétroliers (voir la figure 1) remonte à une entente volontaire conclue en 1988 entre la Garde côtière canadienne, la Garde côtière américaine et l’American Institute of Merchant Shipping (aujourd’hui appelée la Chamber of Shipping of America) 4. Cette zone d’exclusion vise à « confiner les pétroliers chargés à l’ouest de la limite de la zone, afin de protéger le littoral et les eaux côtières contre des risques éventuels de pollution 5 ».
Source: Transports Canada, Moratoire sur la circulation des pétroliers qui transportent du pétrole brut le long du Nord de la côte britanno-colombienne, document d’information, 12 mai 2017.
Les récents débats sur un moratoire relatif aux pétroliers découlent du projet de pipeline Northern Gateway, qui aurait transporté 525 000 barils par jour de produits pétroliers de Bruderheim (en Alberta) à Kitimat (en Colombie-Britannique) 6. En novembre 2016, le gouvernement fédéral a demandé à l’Office national de l’énergie de rejeter le projet, se disant préoccupé par « le passage de transporteurs de brut dans le chenal Douglas, un écosystème fragile qui fait partie de la forêt pluviale du Grand Ours 7 ».
La tâche d’officialiser le moratoire sur le transport de pétrole brut sur la côte nord de la Colombie-Britannique était inscrite dans la lettre de mandat que le premier ministre a adressée au ministre des Transports au début de la 42e législature 8. Le moratoire proposé représente aussi l’une des mesures prises par le gouvernement fédéral dans le cadre de son Plan de protection des océans 9.
Le projet de loi C-48 renferme 31 articles. La section qui suit décrit certains aspects du projet de loi, sans passer en revue chacun des articles.
L’article 2 énonce les définitions qui établissent certains éléments de base du projet de loi. Il convient de relever trois d’entre elles : le « pétrole brut » est défini comme « tout mélange liquide d’hydrocarbures qui se trouve à l’état naturel dans la terre », qu’il soit ou non traité en vue de son transport. Pour sa part, le terme « hydrocarbure persistant » désigne tout hydrocarbure mentionné à l’annexe du projet de loi 10. Cette annexe énumère 14 hydrocarbures persistants, dont le bitume partiellement valorisé (un des produits extraits des sables bitumineux de l’Alberta 11), mais ne mentionne pas, par exemple, le gaz naturel liquéfié 12. Enfin, une « installation maritime » est définie comme étant une installation située sur terre ou reliée à la terre qui est utilisée pour effectuer des opérations de chargement ou de déchargement d’hydrocarbures.
L’article 2 prévoit aussi que, aux fins du projet de loi, le terme « ministre » désigne le ministre des Transports.
Le projet de loi lie les provinces et le gouvernement fédéral (par. 3(1)), mais ne s’applique pas aux bâtiments placés sous la compétence du ministre de la Défense nationale (par. 3(2)).
L’article 4 du projet de loi interdit aux pétroliers transportant dans leur cale plus de 12 500 tonnes métriques de pétrole brut ou d’hydrocarbures persistants d’effectuer certaines activités dans un port ou une installation maritime à l’intérieur de la zone désignée (voir la figure 1). Plus précisément, ces pétroliers ne doivent pas mouiller ou s’amarrer (par. 4(1)), ni décharger ou charger des hydrocarbures (par. 4(2) et 4(3)) dans cette zone. Le chargement d’un pétrolier est aussi interdit dans le cas où il résulterait en la présence d’une quantité supérieure à 12 500 tonnes métriques de pétrole brut ou d’hydrocarbures persistants dans sa cale (par. 4(3)).
Toutefois, l’interdiction de mouiller ou de s’amarrer ne s’applique pas à un pétrolier qui s’arrête pour assurer sa propre sécurité, pour porter secours à un bâtiment en détresse ou pour obtenir des soins médicaux d’urgence; de plus, l’interdiction ne s’applique pas à un pétrolier qui doit accomplir une activité dans le cadre d’un ordre du ministre des Pêches et des Océans ou du ministre des Transports (art. 5).
L’article 4 prévoit des mesures précises pour prévenir toute tentative de contourner les interdictions énoncées aux paragraphes 4(1) à 4(3). Aux termes des paragraphes 4(4) et 4(5), il est interdit à toute personne et à tout bâtiment de transporter du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants entre un pétrolier et un port ou une installation maritime en vue d’aider le pétrolier à échapper à l’interdiction.
Le ministre des Transports peut exempter un pétrolier des interdictions énoncées aux paragraphes 4(1) à 4(3) si, à son avis, l’exemption est essentielle au réapprovisionnement communautaire ou industriel ou est autrement dans l’intérêt public (par. 6(1)).
Les articles 7 à 16 mettent en place un cadre visant à promouvoir l’observation de la nouvelle loi.
Suivant l’article 7, le capitaine d’un pétrolier apte à transporter plus de 12 500 tonnes métriques d’hydrocarbures dans sa cale doit fournir au ministre certains renseignements, notamment le nom du bâtiment et son pays d’immatriculation, avant son arrivée à un port ou à une installation maritime dans la zone désignée (par. 7(1) et 7(2)).
Les renseignements préalables doivent être transmis au ministre au moins 24 heures avant que le pétrolier arrive au port, ou dès que possible après le départ du pétrolier de son dernier port d’escale, si la période entre le moment où il quitte le port d’escale et l’arrivée prévue est de moins de 24 heures (par. 7(3)).
Si le ministre a des motifs raisonnables de croire que le capitaine d’un pétrolier ne s’est pas conformé aux exigences de l’article 7, il peut ordonner au pétrolier de ne pas s’amarrer dans un port ou une installation maritime se trouvant dans la zone désignée (art. 8).
Le paragraphe 9(1) autorise le ministre à désigner toute personne - à titre individuel ou au titre de son appartenance à une catégorie déterminée - pour assurer l’exécution et le contrôle d’application de la loi. Les articles subséquents confèrent à ces personnes un ensemble de pouvoirs pour faire appliquer la loi. Les pouvoirs énoncés à l’article 10 ont trait à l’obtention de renseignements, tandis que ceux énoncés à l’article 11 visent l’accès à un bâtiment, à une installation maritime ou à tout autre lieu dans un port et englobent, par exemple, le pouvoir d’ordonner au capitaine d’immobiliser le bâtiment ou de ne pas le déplacer (par. 11(5)).
Ayant obtenu accès au bâtiment ou au lieu, la personne désignée peut entreprendre un éventail d’activités, y compris faire des tests et prendre des photos, en vue de vérifier si le bâtiment se conforme aux exigences de la loi (par. 11(3)).
Les personnes désignées sont dégagées de toute responsabilité personnelle en ce qui concerne les faits - actes ou omissions - accomplis de bonne foi en application de la loi (par. 9(3)).
Les articles 12 à 16 énoncent diverses dispositions se rapportant aux activités d’application, dont certaines visent les personnes désignées qui sont chargées de l’application de la loi et d’autres visent les personnes touchées par les mesures d’application. Il convient de signaler que l’article 12 établit le devoir de prêter assistance à la personne désignée et que l’article 15 interdit toute entrave délibérée aux activités de la personne désignée.
La personne désignée peut ordonner la détention d’un bâtiment si elle a des motifs raisonnables de croire qu’il a commis une infraction à la loi (par. 17(1)) 13 . L’ordre de détention doit être donné par écrit et adressé à toutes les personnes habilitées à délivrer un congé au bâtiment, et l’avis de l’ordre de détention doit être signifié au capitaine (par. 17(2) et 17(3)) 14.
Sauf certaines exceptions, il est interdit de déplacer un bâtiment visé par un ordre de détention (par. 17(4)). De même, il est interdit aux personnes à qui l’ordre de détention est adressé de délivrer un congé au bâtiment visé par cet ordre (par. 17(5)).
Cependant, certaines exceptions s’appliquent à ces deux interdictions. Selon le paragraphe 17(6), il est possible de donner congé à un bâtiment retenu dans les cas suivants :
De plus, le ministre peut autoriser le déplacement d’un bâtiment visé par un ordre de détention, à la demande du représentant autorisé du bâtiment ou du propriétaire du quai où se trouve le bâtiment retenu (par. 19(1)).
Aux termes du paragraphe 17(8), le représentant autorisé d’un bâtiment visé par un ordre de détention est tenu de payer les frais entraînés par la détention.
Le ministre peut demander à un tribunal compétent de l’autoriser à vendre un bâtiment visé par un ordre de détention si le bâtiment a été accusé d’une infraction à la présente loi dans les 30 jours suivant la date à laquelle l’ordre a été donné et que :
Le projet de loi contient également des dispositions qui permettent aux créanciers garantis de demander au tribunal d’enregistrer leurs droits acquis sur le bâtiment. Le paragraphe 21(1) exige que le ministre fasse parvenir un avis de la demande de vente d’un bâtiment à diverses personnes, notamment à certains créanciers. Ces créanciers peuvent, dans les 30 jours suivant l’envoi de l’avis, demander au tribunal de rendre une ordonnance précisant la nature et l’étendue de leurs droits dans le bâtiment (par. 22(1)). Le tribunal doit rendre une ordonnance s’il est convaincu que le demandeur a acquis son droit de bonne foi et qu’il est innocent de toute implication dans la perpétration de l’infraction ayant donné lieu à l’ordre de détention (par. 22(2)).
Une fois déduits le montant de l’amende, ainsi que les frais et les sommes dues aux créanciers garantis, le reste du solde créditeur du produit de la vente d’un bâtiment dont la vente a été autorisée par le tribunal est remis au propriétaire du bâtiment (par. 23(2)).
L’article 24 dispose que le gouverneur en conseil peut, par règlement, modifier l’annexe de la nouvelle loi.
Les articles 25 à 30 interdisent de contrevenir à certaines dispositions de la nouvelle loi et établissent les peines qui s’appliquent.
Toute personne ou tout bâtiment qui contrevient à l’interdiction de transporter du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants dans la région désignée encourt :
En cas de perpétration d’une infraction prévue à l’article 25 par un bâtiment, une série d’individus, dont le propriétaire et l’exploitant du bâtiment, peuvent être considérés comme coauteurs de l’infraction et encourir la peine prévue pour cette infraction (art. 28).
Aux termes de l’article 26, toute personne qui contrevient aux dispositions suivantes encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 1 million de dollars ou un emprisonnement maximal de 18 mois :
Toutefois, à part deux exceptions, une personne ou un bâtiment ne peut être reconnu coupable d’une infraction s’il peut être prouvé que la personne, ou la personne qui a commis l’acte ou l’omission qui constitue une infraction dont le bâtiment est accusé, a pris toutes les précautions voulues pour prévenir sa perpétration (art. 30). La diligence raisonnable ne peut être invoquée comme motif de défense pour fournir de faux renseignements ou entraver l’action d’une personne ou, encore, pour faire obstacle à la signification d’un avis (par. 30(1)).
Les poursuites par procédure sommaire ne peuvent être intentées plus de deux ans après la date à laquelle le ministre a eu connaissance des éléments constitutifs de la contravention.
Certains intervenants se sont montrés favorables au projet de loi C-48. Par exemple, les Coastal First Nations, une alliance des Premières Nations du nord et du centre de la côte de la Colombie-Britannique et de l’archipel Haida Gwaii 15 , ont publié un communiqué indiquant que les Premières Nations « sont ravies de constater que le projet de loi interdit aux grands navires-citernes transportant du bitume ou du pétrole brut synthétique d’arriver à un port de la région 16 ».
Dans un communiqué, West Coast Environmental Law (WCEL) a fait observer que le projet de loi C-48 « constitue une avancée très importante dans nos efforts visant à protéger la côte nord du Pacifique des risques de déversement de pétrole 17 ». Cependant, WCEL a recommandé que Transports Canada explique la logique qui sous-tend le seuil de 12 500 tonnes prévu aux fins du moratoire et suggéré que le ministère publie plus de renseignements sur les expéditions de pétrole passées et actuelles dans la région 18.
WCEL a également exprimé des réserves à l’égard des paragraphes 6(1) et 6(2) du projet de loi C-48, soutenant que ceux-ci pourraient permettre des « dérogations à grande échelle et à long terme à l’interdiction des navires pétroliers », qui seraient ordonnées « derrière des portes closes sans que le public ait la possibilité de s’informer et de donner son point de vue 19 ».
Certains intervenants s’opposent au moratoire lui-même. Par exemple, selon la Chamber of Shipping de la Colombie-Britannique, le moratoire proposé « contredit […] l’approche adoptée par le gouvernement fédéral en matière de protection de l’environnement, à savoir une prise de décision fondée sur les faits » et « envoie un très mauvais signal au milieu international de l’investissement 20 ».
L’Association canadienne des producteurs pétroliers a soutenu que le moratoire proposé « pourrait empêcher sensiblement les ressources en pétrole et en gaz naturel du Canada d’avoir accès à de nouveaux marchés » et a fait valoir qu’un tel moratoire empêche aussi le Canada de « recevoir la juste valeur marchande pour ses ressources 21 ».
Le Chief’s Council for the Eagle Spirit Energy Project, un projet de corridor énergétique dirigé par les Premières nations qui reçoit l’appui des collectivités touchées en Colombie-Britannique et en Alberta, a déclaré qu’« il n’y avait pas eu suffisamment de consultations » sur le moratoire proposé « auquel nous n’avons pas donné notre consentement 22 ».
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
© Bibliothèque du Parlement