Dans ce résumé législatif, tout changement d’importance depuis la dernière publication est indiqué en caractères gras.
Le projet de loi C‑71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu 1, a été déposé à la Chambre des communes le 20 mars 2018 par l’honorable Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.
Le projet de loi C‑71 est divisé en deux parties. La partie 1 modifie la Loi sur les armes à feu (LAF) 2, le Code criminel 3 (le Code) et le Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d’armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés, à autorisation restreinte ou sans restriction 4.
La partie 2 du projet de loi présente à nouveau les modifications législatives contenues dans le projet de loi C‑52, Loi modifiant le chapitre 6 des Lois du Canada, 2012 (titre abrégé : « Loi visant à soutenir les droits acquis en matière d’accès à l’information ») 5, lequel modifie la Loi sur l’abolition du registre des armes d’épaule (LARA) 6, la Loi sur l’accès à l’information (LAI) 7 et la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP) 8.
Le projet de loi C‑71 a franchi l’étape de la deuxième lecture et a été renvoyé au Comité permanent de la sécurité publique et nationale (SECU) de la Chambre des communes le 28 mars 2018. Le SECU a fait rapport du projet de loi avec amendements le 12 juin 2018, et la Chambre des communes a adopté ce rapport le 20 juin 2018. Le projet de loi a été lu pour la troisième fois à la Chambre des communes le 24 septembre 2018, puis il a été déposé au Sénat le 25 septembre 2018. Après y avoir été lu une deuxième fois, le projet de loi a été renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense le 11 décembre 2018.
Le SECU a amendé le projet de loi pour, entre autres choses :
Le projet de loi C‑71 contient 30 articles. La description qui suit examine les dispositions de fond du projet de loi; elle n’en passe pas en revue chacun des articles.
En 1995, le Parlement a adopté la Loi sur les armes à feu dont la majorité des dispositions sont entrées en vigueur en décembre 1998. La LAF et ses règlements régissent la possession, le transport, la cession et l’entreposage des armes à feu. Elle complète également la partie III du Code, « Armes à feu et autres armes », qui énumère et définit les classes d’armes à feu et les infractions relatives aux armes à feu liées à la possession illégale ou à l’usage abusif de celles‑ci.
Le Programme canadien des armes à feu (PCAF) a été créé en 1996 afin de veiller à l’application de la LAF et de ses règlements. Sa responsabilité a été confiée à la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Le PCAF fournit un soutien opérationnel aux organismes d’application de la loi par l’entremise de sa base de données, le Système canadien d’information relatif aux armes à feu, dans laquelle sont inscrits les noms des détenteurs de permis d’armes à feu et de certificats d’enregistrement.
En 2000, la Cour suprême du Canada a examiné la question de la constitutionnalité des dispositions de la LAF relatives à la délivrance de permis et à l’enregistrement. Dans son Renvoi relatif à la Loi sur les armes à feu (Can.) confirmant la constitutionnalité de la LAF, la Cour a conclu que la LAF « vise à améliorer la sécurité publique en régissant l’accès aux armes à feu, au moyen d’interdictions et de sanctions 10 ». Bref, le régime vise à dissuader et à réduire l’usage abusif des armes à feu 11.
Depuis l’adoption de la LARA en 2012, il n’est plus nécessaire d’enregistrer les armes à feu sans restriction au Canada. Il demeure toutefois obligatoire d’enregistrer les armes à feu à autorisation restreinte et les armes à feu prohibées.
Les conditions de délivrance de permis prévues dans la LAF dépendent de la classe de l’arme à feu. Le permis d’armes à feu établit la classe pour laquelle il est valide (c.‑à‑d. arme à feu prohibée, arme à feu à autorisation restreinte ou arme à feu sans restriction) 12. Il faut détenir un permis d’armes à feu valide pour posséder ou acquérir une arme à feu et acheter des munitions en toute légalité. En règle générale, le permis délivré à une personne âgée d’au moins 18 ans 13 expire après cinq ans 14 et doit être renouvelé.
Le paragraphe 5(1) de la LAF prévoit que l’admissibilité à un permis d’armes à feu repose sur des considérations relatives à la sécurité publique. Plus précisément, il s’agit de déterminer s’il est souhaitable, pour sa sécurité ou celle d’autrui, que le demandeur puisse obtenir un permis. Par exemple, les personnes visées par une ordonnance d’interdiction d’armes à feu délivrée en vertu du Code n’ont pas le droit d’obtenir un permis d’armes à feu (par. 6(1) de la LAF).
Pour déterminer l’admissibilité d’un demandeur, le juge ou le contrôleur des armes à feu doit tenir compte de divers éléments, énoncés au paragraphe 5(2) de la LAF. Ainsi, il doit vérifier si :
Auparavant, ces éléments pouvaient influer sur la décision de délivrer un permis s’ils étaient survenus dans les cinq ans précédant la demande. L’article 2 du projet de loi C‑71 supprime la mention « pour les cinq ans précédant la date de la demande » du paragraphe 5(2). Ainsi, ces facteurs peuvent être pris en compte, peu importe le moment où ils sont survenus.
Aux fins de la LAF, le terme « cession » s’entend de la vente, de l’échange ou du don d’une arme à feu (art. 21). Le projet de loi C‑71 remplace les articles 23 et 23.1 de la LAF par les nouveaux paragraphes 23(1) ;à 23(5) et relève le seuil de responsabilité de la personne souhaitant céder une arme à feu sans restriction, qui doit à présent vérifier la validité du permis du cessionnaire avant la cession.
L’article 5 du projet de loi prévoit qu’une personne (le « cédant ») doit vérifier auprès du directeur de l’enregistrement des armes à feu (le directeur) que le cessionnaire est autorisé à posséder une arme à feu. L’article 35 de la Loi d’interprétation précise que le terme « personne » comprend les personnes physiques ou morales 16. Ainsi, une arme à feu peut être cédée seulement si le directeur est convaincu que le cessionnaire est titulaire d’un permis l’autorisant à acquérir et à posséder une arme à feu sans restriction, auquel cas le directeur attribue un numéro de référence, qui est valide pour la période réglementaire.
Par le passé, le cédant était autorisé à céder une arme à feu sans restriction sans faire de vérification auprès du directeur s’il n’avait aucun motif de croire que le cessionnaire n’était pas autorisé à acquérir et à posséder une arme à feu. Par conséquent, les demandes de vérification à cet égard auprès du directeur étaient faites sur une base volontaire.
L’article 9 du projet de loi modifie l’alinéa 70(1)a) de la LAF afin de prévoir que le contrôleur des armes à feu peut révoquer le permis du cédant qui ne respecte pas les nouvelles exigences en matière de cession prévues aux nouveaux paragraphes 23(1) à 23(5).
Par suite de l’abrogation de l’article 23.1 de la LAF, le directeur peut maintenant conserver dans un registre la demande du cédant concernant la cession d’une arme à feu. En fait, l’article 10 du projet de loi C‑71 modifie l’article 85 de la LAF par l’adjonction des nouveaux alinéas 85(1)c) et 85(1)d), qui obligent le directeur à établir et à tenir à jour un registre contenant les renseignements ci‑dessous (recueillis en vertu du nouveau pouvoir qui lui est conféré en vertu de l’art. 23 de la LAF) :
L’article 7 du projet de loi C‑71 impose aux entreprises certaines obligations (nouvel art. 58.1 de la LAF). L’article 2 de la LAF définit le terme « entreprise » comme étant une personne qui exploite une entreprise se livrant à des activités, notamment :
Sont visés par la présente définition les musées.
- de fabrication, d’assemblage, de possession, d’achat, de vente, d’importation, d’exportation, d’exposition, de réparation, de restauration, d’entretien, d’entreposage, de modification, de prêt sur gages, de transport, d’expédition, de distribution ou de livraison d’armes à feu, d’armes prohibées, d’armes à autorisation restreinte, de dispositifs prohibés ou de munitions prohibées;
- de possession, d’achat ou de vente de munitions;
- d’achat d’arbalètes.
Par conséquent, les permis d’armes à feu pour les entreprises sont maintenant assujettis à un certain nombre d’obligations, que les entreprises sont tenues de respecter. Ces dernières doivent :
Le nouveau paragraphe 58.1(2) de la LAF précise que la personne désignée par règlement peut détruire les registres et les fichiers d’une entreprise qui cesse d’en être une selon les modalités de temps et dans les situations prévues par règlement.
L’article 14 du projet de loi prévoit que les permis délivrés aux entreprises qui sont valides à la date d’entrée en vigueur des nouvelles exigences sont réputés être assortis de toutes les nouvelles conditions énoncées au nouvel article 58.1.
Selon l’article 84 du Code, les armes à feu se divisent en trois classes : armes à feu prohibées, armes à feu à autorisation restreinte et armes à feu qui ne sont ni prohibées ni à autorisation restreinte, appelées « armes à feu sans restriction ».
La classe des armes à feu prohibées comprend les armes automatiques, les petites armes de poing faciles à dissimuler et les armes à canon tronçonné. Quant à la classe des armes à feu à autorisation restreinte, elle regroupe les armes de poing qui ne sont pas des armes à feu prohibées et les armes à feu semi‑automatiques. Le terme « arme à feu sans restriction » est généralement utilisé pour décrire les carabines et fusils de chasse ordinaires qui ne sont pas modifiés.
Une arme à feu est classée en comparant son type et ses caractéristiques avec les critères énoncés dans le Code et les règlements correspondants. Pour classer une arme à feu donnée, on examine, par exemple, la longueur du canon et la capacité de décharge de l’arme. Le classement est validé par des vérificateurs d’armes à feu autorisés dans le cadre du PCAF. Dans certains cas, une arme à feu sera d’abord classée en fonction des renseignements fournis par le fabricant ou l’importateur, avant l’importation. Cependant, à l’inspection, il pourrait être déterminé que les renseignements fournis initialement sont inexacts ou que la conception de l’arme à feu a changé depuis la livraison initiale, entraînant ainsi un changement de classe.
Le paragraphe 117.15(1) du Code confère au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements relativement à toute mesure d’ordre réglementaire pouvant être prévue par la partie III du Code, par exemple pour ajouter d’autres armes à feu à celles déjà énumérées dans les définitions des termes « arme à feu prohibée » et « arme à feu à autorisation restreinte » à l’article 84 du Code. Cependant, le paragraphe 117.15(2) du Code limite ce pouvoir :
Le gouverneur en conseil ne peut désigner par règlement comme arme à feu prohibée, arme à feu à autorisation restreinte, arme prohibée, arme à autorisation restreinte, dispositif prohibé ou munitions prohibées toute chose qui, à son avis, peut raisonnablement être utilisée au Canada pour la chasse ou le sport.
Lorsque les dispositions déterminatives touchant la classification des armes à feu contenues dans la Loi visant la délivrance simple et sécuritaire des permis d’armes à feu 17 sont entrées en vigueur en 2015, le gouverneur en conseil a été autorisé à passer outre les définitions des classes d’armes à feu à l’article 84 du Code en prenant des règlements qui créent des exceptions. Ainsi, une arme à feu qui correspondrait autrement à la définition d’arme à feu prohibée ou à celle d’arme à feu à autorisation restreinte peut être désignée par règlement comme étant une arme à feu sans restriction et, en conséquence, être réputée ne pas être une arme à feu prohibée ou une arme à feu à autorisation restreinte (par. 117.15(3) du Code). Dans le même ordre d’idées, le gouverneur en conseil peut désigner par règlement une arme à feu qui autrement serait définie comme une arme à feu prohibée comme étant une arme à feu à autorisation restreinte (par. 117.15(4) du Code).
Le projet de loi abroge ce pouvoir de passer outre aux définitions des classes d’armes à feu contenues à l’article 84 du Code. Plus précisément, l’article 18 du projet de loi abroge les paragraphes 117.15(3) et 117.15(4) du Code, et l’article 16 du projet de loi modifie la définition d’arme à feu sans restriction au paragraphe 84(1) du Code afin d’y supprimer la mention « est désignée comme telle par règlement ». L’article premier du projet de loi apporte une modification connexe au paragraphe 2(2) de la LAF afin de préciser que, sauf disposition contraire, les termes employés dans la LAF s’entendent au sens des articles 2 ou 84 du Code.
De plus, les articles 20 et 21 du projet de loi abrogent les articles 3.1 et 3.2 du Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d’armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés, à autorisation restreinte ou sans restriction, ainsi que la partie 2.1 de l’annexe du même règlement. Les articles 3.1 et 3.2 et la partie 2.1 de l’annexe de ce règlement prévoient la désignation de modèles précis d’armes à feu, en l’occurrence les armes à feu SAN Swiss Arms et Ceská Zbrojovka (CZ) décrites ci‑après. Ces dispositions avaient été modifiées en 2015 conformément au pouvoir de déterminer conféré au gouverneur en conseil par la Loi visant la délivrance simple et sécuritaire des permis d’armes à feu lui permettant de classer certaines armes prohibées dans une classe moins restrictive.
Le particulier admissible au permis ne peut d’ordinaire devenir titulaire d’un permis de possession d’armes à feu prohibées (par. 12(1) de la LAF). Cette règle générale est sujette à des exceptions, qui sont liées à l’enregistrement de certaines armes et à armes à feu en vertu de lois antérieures. On parle ici de « droits acquis » touchant des particuliers ou des armes à feu.
Les droits acquis permettent aux particuliers qui étaient propriétaires d’armes à feu prohibées enregistrées au moment de l’entrée en vigueur de la LAF de conserver ces armes et d’en acquérir d’autres dans certaines conditions, dans la mesure où ils répondent aux exigences en matière d’enregistrement 18. Les fins de sécurité publique de la LAF sont respectées puisque les droits acquis limitent le nombre de personnes autorisées à posséder ces armes à feu et leur imposent des restrictions sévères 19.
Les exceptions prévues à l’article 12 de la LAF concernent les armes automatiques, les armes automatiques modifiées, les armes de poing et les armes prohibées. Dans certaines circonstances, les exceptions s’appliquent aux proches parents de particuliers ayant des droits acquis.
Le paragraphe 3(1) du projet de loi C‑71 permet de conférer par règlement des droits acquis à des particuliers (nouveau par. 12(9) de la LAF).
En outre, le projet de loi comporte des dispositions conférant des droits acquis à l’égard de certains modèles d’armes à feu CZ et SAN Swiss Arms aux particuliers qui les possèdent. Plus précisément, le paragraphe 3(2) du projet de loi ajoute quatre modèles de fusils CZ (nouveaux par. 12(10) et 12(11) de la LAF) et 16 modèles de fusils et de carabines SAN Swiss Arms (nouveaux par. 12(13) et 12(14) de la LAF) à la liste des armes à feu prohibées pouvant faire l’objet de droits acquis. En général, les particuliers qui remplissent les conditions suivantes sont maintenant autorisés à posséder ces armes à feu :
En règle générale, un particulier peut garder des armes à feu prohibées et des armes à feu à autorisation restreinte seulement dans la maison d’habitation notée au Registre canadien des armes à feu (RCAF) ou dans un lieu autorisé par le contrôleur des armes à feu.
Actuellement, aux termes de l’article 19 de la LAF, le contrôleur des armes à feu peut autoriser le transport d’une telle arme entre des lieux précis « pour toute raison valable », notamment :
À l’heure actuelle, le paragraphe 19(1.1) de la LAF prévoit que, dans le cas d’une autorisation de transport d’une arme à feu entre au moins deux lieux précis qui est délivrée aux fins d’utilisation de l’arme à feu pour le tir à la cible ou la participation à une compétition de tir pour la province de résidence du titulaire de l’autorisation, les destinations autorisées englobent « tous les clubs de tir et tous les champs de tir de cette province agréés ». Le paragraphe 4(1) du projet de loi modifie le paragraphe 19(1.1) de la LAF afin de faire en sorte que, dans le cas des propriétaires d’une arme à feu faisant l’objet de droits acquis aux termes du nouveau paragraphe 12(9), la mention « tous les clubs de tir et tous les champs de tir de la province agréés » ne figure plus parmi les destinations autorisées. Dans leur cas, le contrôleur des armes à feu pourra délivrer une autorisation de transport (AT) d’armes à feu faisant l’objet de droits acquis vers des clubs et des champs de tir précis (par opposition à tous ceux qui se trouvent dans la province).
Le paragraphe 4(1) du projet de loi modifie le paragraphe 19(2) de la LAF afin que les particuliers détenant des droits acquis au titre du nouveau paragraphe 12(9) bénéficient d’une exemption et soient autorisés à transporter leur arme entre des lieux précis pour les raisons suivantes :
Les paragraphes 4(1) et 4(2) du projet de loi modifient de la même manière les règles pour le transport des armes à feu prohibées et des armes à feu à autorisation restreinte par les particuliers détenant des droits acquis en modifiant les paragraphes 19(1.1) et 19(2) de la LAF. Cependant, étant donné que le pouvoir général de conférer des droits acquis par voie réglementaire aux termes du nouveau paragraphe 12(9) de la LAF entrera en vigueur au moment de la sanction royale et que les dispositions concernant les droits acquis à l’égard des armes à feu CZ et SAN Swiss Arms, soit les nouveaux paragraphes 12(11) et 12(14) de la LAF, entreront en vigueur par décret, les paragraphes 4(1) et 4(2) du projet de loi sont rédigés de manière à respecter le calendrier d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions relatives aux droits acquis de la LAF prévu aux paragraphes 3(1) et 3(2) du projet de loi.
Le paragraphe 4(3) du projet de loi C‑71 remplace les paragraphes 19(2.1) à 19(2.3) de la LAF par de nouvelles dispositions de manière à éliminer certaines autorisations automatiques de transport relatives à des armes à feu prohibées ou à des armes à autorisation restreinte. Voici les dispositions modifiées :
Dès que le projet de loi C‑19 créant la LARA a été déposé au Parlement en 2011, le Québec a fait savoir qu’il souhaitait créer son propre registre des armes à feu et a demandé au gouvernement fédéral de lui fournir les données du RCAF qui concernent le Québec 20. Cette demande a été refusée par le gouvernement fédéral. Le Québec a alors contesté la constitutionnalité de la LARA et a « sollicité une ordonnance enjoignant au gouvernement fédéral de […] lui transmettre [les données en question] 21 ». En mars 2015, dans Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général), la Cour suprême du Canada a statué, dans un jugement rendu à cinq contre quatre, que l’article 29 de la LARA, qui exige la destruction de tous les fichiers relatifs à l’enregistrement des armes sans restriction qui se trouvent dans les registres, « est un exercice licite de la compétence législative en matière de droit criminel conférée au Parlement par la Constitution » et que « le Québec n’a pas droit aux données 22 ».
En avril 2015, la GRC a procédé à la destruction des registres et fichiers d’enregistrement d’armes à feu sans restriction pour les résidents du Québec. Néanmoins, une copie de ces registres et fichiers a été conservée dans le cadre d’un autre litige 23, expliqué subséquemment dans le présent résumé législatif.
En juin 2015, le projet de loi C‑59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d’autres mesures (titre abrégé : « Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 ») 24, a obtenu la sanction royale.
L’article 230 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 a modifié l’article 29 de la LARA qui concerne la destruction des registres relatifs à l’enregistrement des armes à feu sans restriction (et de toute copie de ces registres) de manière à :
L’article 231 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 a remplacé l’ancien article 30 de la LARA par de nouvelles dispositions afin de préciser que la Couronne bénéficie de l’immunité en matière administrative, civile ou pénale relativement à la destruction des registres et copies. Le nouveau paragraphe 30(2) précise en effet que la Couronne bénéficie de l’immunité en matière administrative, civile ou pénale pour tout acte ou omission commis en vue de l’observation présumée de la LAI ou de la LPRP entre la date à laquelle le projet de loi C‑19 a été déposé, soit le 25 octobre 2011, et le jour de l’entrée en vigueur de ce nouveau paragraphe 27.
Entrée en vigueur en 1983, la LAI est une loi de nature quasi constitutionnelle 28. Elle a pour objet « d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale 29 ». Le paragraphe 4(1) de la LAI accorde un droit d’accès aux documents relevant d’une institution fédérale 30 aux citoyens canadiens et aux résidents permanents au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés 31. La LAI prévoit des exceptions ainsi que des exclusions au droit d’accès 32. De plus, la LAI établit le poste de commissaire à l’information du Canada, un haut fonctionnaire du Parlement qui mène des enquêtes sur les plaintes liées à l’exercice du droit d’accès à l’information 33. Les articles 67 et 67.1 de la LAI prévoient des infractions relatives à l’entrave au travail du commissaire à l’information et au droit d’accès.
En mai 2015, la commissaire à l’information a présenté un rapport spécial au Parlement intitulé Enquête sur une demande d’accès à l’information concernant le registre des armes d’épaule 34. Dans son rapport, la commissaire informe le Parlement de l’enquête qu’elle a menée à la suite de la réception d’une plainte relative à une demande d’accès à l’information concernant les données du registre des armes d’épaule. Voici les principaux faits relatifs à cette enquête qui sont relatés dans le rapport spécial :
Dans son rapport spécial, la commissaire a précisé que
les modifications proposées dans le projet de loi C‑59 [Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015] auront pour effet de répudier le droit d’accès du plaignant, de répudier ses recours devant les tribunaux et de dégager la responsabilité potentielle de la Couronne.
Finalement, la commissaire a fait savoir qu’elle déposerait, en vertu de l’article 42 de la LAI, une demande à la Cour fédérale, ce qu’elle a fait.
En mai 2015, la commissaire à l’information a présenté, avec le consentement du plaignant, une « demande de révision judiciaire devant la Cour fédérale concernant le refus du ministre de traiter ces fichiers supplémentaires du registre des armes d’épaule 35 ». La commissaire avait obtenu au préalable « une ordonnance judiciaire de la cour enjoignant au ministre de la Sécurité publique et au commissaire de la GRC de remettre le disque dur contenant les fichiers restants du registre des armes d’épaule au greffe de la Cour fédérale 36 ».
En juin 2015, la commissaire et le demandeur ont déposé une demande devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario visant à contester la constitutionnalité des modifications apportées à la LARA par l’adoption de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 37 au motif que ces modifications portent atteinte de manière injustifiée au paragraphe 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés qui protège la liberté d’expression et qu’elles vont à l’encontre de la primauté du droit en raison de leurs effets rétroactifs 38.
Par conséquent, en juillet 2015, dans l’attente d’une décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, la demande de la commissaire devant la Cour fédérale a été reportée 39.
En mars 2016, le ministre de la Sécurité publique nommé à la suite du changement de gouvernement « a demandé à la commissaire l’autorisation de suspendre la poursuite déposée devant la Cour supérieure de l’Ontario, ainsi que la demande de révision judiciaire connexe déposée devant la Cour fédérale, afin d’engager des pourparlers en vue de régler le litige 40 ». La commissaire à l’information et le plaignant ont accepté cette demande. Les négociations visent donc « à résoudre tous les litiges en cours liés à la demande d’accès sous‑jacente du plaignant à des fichiers du registre des armes d’épaule 41 ».
Selon le rapport annuel 2016‑2017 de la commissaire présenté en juin 2017, ces négociations sont toujours en cours 42.
Le paragraphe 23(1) du projet de loi C‑71 a pour effet d’annuler rétroactivement les modifications qui avaient été apportées au paragraphe 29(3) de la LARA par la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015. Ainsi, le libellé du paragraphe 29(3) de la LARA revient à sa forme originale qui prévoyait que les exigences relatives à la conservation des renseignements prévues aux articles 12 et 13 de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada et aux paragraphes 6(1) et 6(3) de la LPRP ne s’appliquent pas à la destruction des registres.
Le paragraphe 23(2) du projet de loi a pour effet d’annuler rétroactivement les paragraphes 29(4) à 29(7) qui avaient été ajoutés à la LARA par la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015.
Dans un premier temps, le paragraphe 23(2) du projet de loi rétablit de manière rétroactive l’application de la LAI et de la LPRP aux données contenues dans les registres et leurs copies. Ainsi, les nouveaux paragraphes 29(4) et 29(5) ajoutés à la LARA par la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 qui faisaient en sorte que la LAI et la LPRP ne s’appliquaient pas aux registres de manière rétroactive au 25 octobre 2011 sont réputés n’être jamais entrés en vigueur.
Le paragraphe 26(1) du projet de loi précise que la LAI et la LPRP cesseront de s’appliquer aux registres et copies à partir de la date d’entrée en vigueur du projet de loi. Aux termes de la définition énoncée à l’article 25 du projet de loi, la date d’entrée en vigueur est la date de sanction du projet de loi.
Dans un deuxième temps, le paragraphe 23(2) du projet de loi rétablit de manière rétroactive l’application de la LAI et de la LPRP aux procédures qui ont été engagées en vertu de ces lois avant la date de sanction du projet de loi, tant que ces procédures n’ont pas été conclues ou n’ont pas fait l’objet d’une décision. Pris ensemble, les nouveaux paragraphes 29(4) à 29(6) de la LARA ajoutés par la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 avaient eu pour effet de rendre sans fondement les procédures engagées aux termes de la LAI et de la LPRP étant donné que ces lois ne s’appliquaient plus aux registres de manière rétroactive au 25 octobre 2011.
L’article 27 du projet de loi précise que la LPRP, à l’exception de ses paragraphes 6(1) et 6(3), et la LAI « continuent de s’appliquer relativement à toute procédure désignée et aux plaintes, enquêtes, recours en révision, révisions judiciaires ou appels qui découlent d’une procédure désignée » concernant les registres, copies et renseignements personnels. L’article 25 du projet de loi définit une procédure désignée de la manière suivante :
Toute procédure – notamment les demandes, plaintes, enquêtes, recours en révision, révisions judiciaires ou appels – qui est engagée sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui est relative aux registres, copies ou renseignements personnels et qui, selon le cas :
- a été introduite ou a débuté au plus tard le 22 juin 2015 et n’a pas été conclue ou à l’égard de laquelle aucune décision n’a encore été prise à cette date;
- a été introduite ou a débuté après le 22 juin 2015, mais avant la date d’entrée en vigueur.
Il est à noter que le paragraphe 27(4) du projet de loi spécifie que tous les registres et fichiers relatifs à l’enregistrement des armes à feu autres que les armes à feu prohibées ou les armes à feu à autorisation restreinte qui se trouvent dans le RCAF ou toute copie de ces fichiers ou registres ne peuvent être détruits « avant le prononcé d’une décision définitive [par l’autorité compétente] à l’égard de l’ensemble des procédures qui y sont visées [au paragraphe (1)] ou le règlement ou l’abandon de celles‑ci ».
L’article 24 du projet de loi abroge de manière rétroactive l’article 30 de la LARA, en précisant que cet article est réputé n’être jamais entré en vigueur. L’article 30 de la LARA avait été modifié par la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015 afin de préciser que la Couronne bénéficie de l’immunité en matière administrative, civile ou pénale relativement à la destruction des registres, fichiers et copies. Ainsi, en vertu de l’article 24 du projet de loi, la Couronne ne bénéficie plus de cette immunité et pourrait être reconnue coupable d’infractions pénales, telles que celle prévue à l’article 67.1 de la LAI.
L’article 28 du projet de loi permet au commissaire à l’information de consulter tout document qui se trouvait dans le RCAF le 3 avril 2015, en vue du règlement du litige Commissaire à l’information du Canada c. Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile 43 présentement devant la Cour fédérale. En avril 2015, la GRC avait procédé à la destruction des registres relatifs aux armes à feu sans restriction enregistrées au nom de résidents du Québec 44 à la suite de la décision de la Cour suprême du Canada statuant que le Québec n’avait pas droit aux données du RCAF 45.
Le paragraphe 29(1) du projet de loi prévoit que le commissaire aux armes à feu doit fournir au ministre du gouvernement du Québec responsable de la sécurité publique (ministre du Québec), sur demande écrite de ce dernier, une copie des registres et fichiers qui se trouvaient dans le RCAF le 3 avril 2015 et qui concernent les armes à feu qui, à cette date, étaient enregistrées en tant qu’armes à feu sans restriction.
Il est précisé que cette communication des registres et fichiers se fait aux fins de l’exécution de la Loi sur l’immatriculation des armes à feu 46, adoptée par l’Assemblée nationale du Québec en juin 2016, qui crée des obligations d’immatriculation des armes à feu sans restriction (telles qu’elles sont définies dans le Code) au Québec.
Le paragraphe 29(2) du projet de loi prévoit que, si le ministre du Québec ne demande pas les registres et fichiers conformément au paragraphe 29(1), le commissaire aux armes à feu doit, par écrit, aviser le ministre du Québec dès qu’il est prêt à les détruire. Conformément au paragraphe 29(1) du projet de loi, le ministre du Québec a ensuite au plus 120 jours après l’envoi de l’avis écrit prévu au paragraphe 29(2) pour demander une copie des registres et fichiers. L’article 30 du projet de loi prévoit que cette période peut être prolongée de 120 jours par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, par arrêté.
Le paragraphe 29(3) du projet de loi précise que, malgré le paragraphe 29(1) de la LARA autorisant la destruction des fichiers et registres, le commissaire aux armes à feu ne peut procéder à la destruction des registres et fichiers qu’après en avoir fourni une copie au ministre du Québec, si celui‑ci en a fait la demande, ou après le 120e jour après que le commissaire lui ait donné avis qu’il était en mesure de détruire ces registres et fichiers en vertu du paragraphe 29(2).
* Avertissement : Par souci de clarté, les propositions législatives du projet de loi décrit dans le présent résumé législatif sont énoncées comme si elles avaient déjà été adoptées ou étaient déjà en vigueur. Il ne faut pas oublier, cependant, qu’un projet de loi peut faire l’objet d’amendements au cours de son examen par la Chambre des communes et le Sénat, et qu’il est sans effet avant d’avoir été adopté par les deux chambres du Parlement, d’avoir reçu la sanction royale et d’être entré en vigueur. [ Retour au texte ]
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