La présente publication a été préparée dans le cadre du programme des publications de recherche de la Bibliothèque du Parlement, qui comprend notamment une série de publications lancées en mars 2020 sur la pandémie de la COVID-19. Veuillez noter qu’en raison de la pandémie, toutes les publications de la Bibliothèque seront diffusées en fonction du temps et des ressources disponibles.
La Loi sur les langues officielles (LLO) a pour objectif d’assurer le respect du français et de l’anglais à titre de langues officielles du Canada. Cette loi, promulguée pour la première fois en 1969, puis révisée en 1988 dans la version telle qu’on la connaît aujourd’hui, a récemment fait l’objet de débats au Parlement dans le but d’assurer sa modernisation.
Cette étude générale donne un aperçu des principes qui guident la mise en œuvre de la LLO ainsi que des caractéristiques de son régime d’application. Elle se penche sur les institutions fédérales qui sont responsables de sa mise en œuvre, sur celles qui y sont assujetties et sur les éléments qui ont marqué les récents débats à son sujet. Elle permet aux parlementaires et au public ayant une connaissance limitée de ce texte législatif de se familiariser, de manière succincte, avec le régime linguistique en vigueur à l’échelle fédérale, sans toutefois se pencher sur le cadre constitutionnel, réglementaire et politique qui l’accompagne.
Au Canada, il n’existe dans la Constitution aucune disposition relative à la compétence en matière de langue. Dans un arrêt rendu en 1988, la Cour suprême du Canada a affirmé que le pouvoir de légiférer dans le domaine linguistique appartient aux deux ordres de gouvernement, selon les compétences législatives qui leur sont attribuées 1.
La première Loi sur les langues officielles a été adoptée par le gouvernement fédéral en juillet 1969, à la suite des travaux de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. En 1982, l’enchâssement des droits linguistiques dans la Constitution a marqué un nouveau jalon de l’évolution dans ce domaine. La Loi sur les langues officielles a ensuite été révisée en septembre 1988, afin de tenir compte du nouvel ordre constitutionnel. Cette révision a eu pour effet d’élargir le fondement législatif des politiques et des programmes linguistiques du gouvernement fédéral. La Loi sur les langues officielles a été de nouveau modifiée en novembre 2005 afin de clarifier l’obligation qu’ont les institutions fédérales d’agir en faveur du développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire et de la promotion de la dualité linguistique. La modernisation de la Loi sur les langues officielles fait l’objet de nombreux débats au Parlement depuis 2017. Le gouvernement actuel s’est d’ailleurs engagé à moderniser ce texte législatif durant la 43e législature.
Dans sa version actuelle, la Loi sur les langues officielles (LLO) 2 a pour objet :
a) d’assurer le respect du français et de l’anglais à titre de langues officielles du Canada, leur égalité de statut et l’égalité de droits et privilèges quant à leur usage dans les institutions fédérales […];
b) d’appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et, d’une façon générale, de favoriser, au sein de la société canadienne, la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais;
c) de préciser les pouvoirs et les obligations des institutions fédérales en matière de langues officielles 3.
Les dispositions des parties I à V de la LLO 4 ont primauté sur toutes les autres dispositions législatives ou réglementaires fédérales, à l’exception de celles de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Sauf en ce qui concerne la partie V, qui porte sur la langue de travail, les principes contenus dans ces dispositions découlent directement des articles 16 à 20 de la Charte canadienne des droits et libertés 5. En outre, la LLO s’est vu accorder le statut de loi quasi constitutionnelle par les tribunaux 6.
La LLO oriente le gouvernement fédéral dans la réalisation de son engagement à l’égard de la protection des droits linguistiques des Canadiens et des Canadiennes francophones et anglophones dans leurs relations avec les institutions fédérales et à l’intérieur de celles-ci. La responsabilité à l’égard de l’offre de services dans les deux langues officielles incombe aux institutions fédérales, et non aux personnes qui demandent des services.
Malgré l’existence de certains programmes de langues officielles qui ont pour but d’appuyer l’apprentissage du français ou de l’anglais comme langue première ou comme langue seconde, il est faux d’affirmer que la législation fédérale vise à faire de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes des personnes bilingues. Le bilinguisme officiel vise plutôt à s’adapter aux besoins linguistiques de la population. C’est pour cette raison que certains postes au sein de l’administration fédérale sont occupés par des personnes capables d’offrir un service dans l’une ou l’autre des deux langues officielles 7.
Les institutions fédérales visées par la LLO sont responsables de la mise en œuvre de cette loi.
Le poste de commissaire aux langues officielles a été créé en 1970. Son titulaire actuel, Raymond Théberge, a été nommé pour un mandat de sept ans qui a débuté le 29 janvier 2018 et qui se terminera le 28 janvier 2025. Il est le huitième titulaire de ce poste depuis sa création.
Le commissaire aux langues officielles 8 a pour rôle de faire respecter l’esprit de la LLO au sein de ces institutions, de veiller à ce que les droits linguistiques des Canadiens et des Canadiennes soient respectés et de faire la promotion de la dualité linguistique et de l’égalité du français et de l’anglais dans la société canadienne. Le commissaire peut recevoir des plaintes, mener des enquêtes et intervenir devant les tribunaux 9. Il soumet un rapport annuel au Parlement sur le bilan de ses activités en matière de langues officielles.
Le ministre du Patrimoine canadien 10 et le président du Conseil du Trésor 11 ont aussi un rôle particulier à jouer en matière de langues officielles. Le premier coordonne la mise en œuvre de l’engagement dont il est question à la partie VII de la LLO et qui consiste « à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne 12 ». Le second administre l’application, dans la fonction publique, des programmes relatifs aux communications avec le public et à la prestation des services (partie IV), à la langue de travail (partie V) et à la participation équitable de la population canadienne d’expression française et d’expression anglaise (partie VI). Les deux institutions que dirigent respectivement ces ministres doivent rendre compte annuellement au Parlement de leurs responsabilités en matière de langues officielles.
Le ministère de la Justice a quant à lui pour rôle de conseiller le gouvernement sur les questions juridiques ayant trait au statut et à l’usage des langues officielles, de formuler la position du gouvernement dans les litiges impliquant des droits linguistiques et d’assurer, à l’échelle fédérale, l’administration de la justice dans les deux langues officielles.
L’actuel Plan d’action pour les langues officielles s’étend sur la période du 1er avril 2018 au 31 mars 2023. Il se compose de trois piliers : renforcer les communautés de langue officielle en situation minoritaire, renforcer l’accès aux services dans les deux langues officielles (p. ex. éducation, santé et justice) et promouvoir un Canada bilingue.
Depuis 2003, le gouvernement du Canada a renouvelé à quatre reprises son engagement à l’égard de la gestion des langues officielles, soit au moyen du Plan d’action pour les langues officielles (2003‑2008), de la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne (2008‑2013), de la Feuille de route pour les langues officielles du Canada (2013‑2018) et du Plan d’action pour les langues officielles (2018‑2023). Les actions entreprises dans le cadre de ces stratégies horizontales s’ajoutent aux nombreux éléments du Programme des langues officielles du gouvernement du Canada. Le ministère du Patrimoine canadien fait état, chaque année, des dépenses réelles associées à chacune des initiatives entreprises par les institutions fédérales ciblées dans ces stratégies horizontales 13.
Les comités permanents des langues officielles du Sénat 14 et de la Chambre des communes 15 suivent pour leur part l’application de la LLO, des règlements et instructions qui en découlent, ainsi que la mise en œuvre des rapports annuels des titulaires des postes de commissaire aux langues officielles, de président du Conseil du Trésor et de ministre du Patrimoine canadien.
Toutes les institutions fédérales sont assujetties à la LLO 16. Les obligations relatives aux communications avec le public et à la prestation des services dans les deux langues officielles s’appliquent à certaines d’entre elles, selon les critères établis dans le Règlement sur les langues officielles – communications avec le public et prestation des services 17 (p. ex. demande importante et vocation du bureau). Ce règlement a été révisé et bonifié en juin 2019 en vue d’offrir un plus large éventail de services bilingues à la population canadienne 18. Ses dispositions entreront en vigueur en quatre étapes d’ici 2023 19.
Certaines sociétés privatisées – dont Air Canada, le Canadien National et NAV CANADA – et des tiers qui agissent pour le compte des institutions fédérales ont aussi des obligations en vertu de la LLO. Les obligations linguistiques des sociétés privatisées sont prévues dans leurs lois habilitantes respectives, tandis que celles des tiers découlent directement de la partie IV de la LLO.
Les tribunaux fédéraux doivent quant à eux appliquer les dispositions spécifiques à l’administration de la justice dans les deux langues officielles, en vertu de la partie III de la LLO 20.
À l’exception du Sénat, de la Chambre des communes, de la Bibliothèque du Parlement, du Bureau du conseiller sénatorial en éthique, du Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique, du Service de protection parlementaire et du Bureau du directeur parlementaire du budget, toutes les institutions fédérales doivent se conformer aux politiques adoptées par le gouvernement fédéral relativement aux parties IV, V, VI et VII de la LLO. L’ensemble de politiques en matière de langues officielles a été revu et est entré en vigueur le 19 novembre 2012 21. Cela comprend la Politique sur les langues officielles, laquelle est assortie de trois directives pour outiller les institutions en vue de sa mise en œuvre.
Le Centre d’excellence en langues officielles du Secrétariat du Conseil du Trésor et la Direction générale des langues officielles de Patrimoine canadien surveillent l’exécution du Programme des langues officielles par le truchement de bilans annuels que les institutions fédérales produisent sur l’atteinte des objectifs relatifs à l’application des parties IV, V, VI et VII de la LLO. Depuis 2011‑2012, le processus de reddition de compte s’effectue selon un cycle triennal. Environ 170 institutions fédérales sont tenues de soumettre un rapport succinct tous les trois ans. Les institutions les plus à même de contribuer à la mise en œuvre de la partie VII de la LLO doivent quant à elle fournir un rapport détaillé tous les trois ans et soumettre un rapport succinct les deux autres années.
Pour les aider dans la mise en œuvre de la LLO, les institutions fédérales peuvent compter sur l’appui du Conseil du Réseau des champions des langues officielles et des conseils fédéraux en région, de même que du Réseau des coordonnateurs nationaux responsables de la mise en œuvre de l’article 41.
La LLO ne s’applique pas aux autres ordres de gouvernement (p. ex. provinces, territoires, municipalités) ni aux entreprises privées, à l’exception de celles mentionnées précédemment 22.
Mise à part sa refonte en 1988, la LLO n’a subi que très peu de changements au cours de son histoire. Le seul changement important survenu depuis cette refonte date d’il y a 15 ans.
Comme suite aux modifications apportées à la LLO en novembre 2005, les institutions fédérales ont l’obligation de prendre des mesures positives pour concrétiser l’engagement énoncé à l’article 41 de la LLO. Ces mesures positives peuvent varier en fonction du mandat de chacune des institutions. Leur mise en œuvre doit se faire dans le respect des champs de compétence et des pouvoirs des provinces. Par ailleurs, un manquement à ce chapitre peut faire l’objet d’un recours devant la Cour fédérale du Canada.
L’expérience des 15 dernières années montre que les progrès dans la mise en œuvre de la partie VII se font attendre, comme l’ont souligné des rapports issus du secteur public, du milieu parlementaire et des intervenants communautaires 23. La Cour fédérale a soutenu que le choix des « mesures positives » reste à la discrétion des institutions fédérales 24. Alors que certaines d’entre elles comprennent bien leurs nouvelles obligations, d’autres institutions auraient encore beaucoup de mal à en appliquer les principes. Ce constat figure d’ailleurs au nombre des revendications de nombreux intervenants qui, depuis 2017, réclament une modernisation de la LLO afin qu’elle réponde aux réalités d’aujourd’hui.
Entre 2017 et 2019, les intervenants communautaires, les comités permanents des langues officielles du Sénat et de la Chambre des communes, le Commissariat aux langues officielles et le gouvernement fédéral ont mené des consultations en vue d’actualiser la LLO. Chacun y est allé de ses propres constats et recommandations dans le but d’élargir les composantes de la LLO, de renforcer son application, de définir ses mécanismes de mise en œuvre et de prévoir une approche mieux coordonnée 25.
Au cours de ces consultations, il est apparu évident qu’en plus des modifications demandées à la partie VII de la LLO, le gouvernement fédéral doit revoir son approche à l’égard de l’offre de services à la population dans les deux langues officielles – une composante de la LLO qui continue, année après année, de faire l’objet du plus grand nombre de plaintes auprès du Commissariat aux langues officielles. Les modifications apportées en 2019 au cadre réglementaire sont un pas dans la bonne direction, mais n’apparaissent pas suffisantes pour régler des problèmes de nature systémique 26.
Dans sa lettre de mandat rendue publique le 13 décembre 2019, la ministre du Développement économique et des Langues officielles, l’honorable Mélanie Joly, s’est vu confier le mandat de moderniser la LLO 27. Cette modernisation devrait normalement avoir lieu d’ici la fin de la 43e législature. Soulignons que le renforcement des pouvoirs accordés au commissaire aux langues officielles fait partie des mesures à examiner.
La LLO est le principal instrument législatif qui encadre la mise en œuvre des droits linguistiques des Canadiens et des Canadiennes et qui définit les obligations des institutions fédérales en la matière. À ce cadre législatif s’ajoute un cadre constitutionnel, réglementaire et politique dont il n’a été fait que brièvement mention dans la présente publication. Depuis l’adoption de la première Loi sur les langues officielles, en 1969, et sa refonte, en 1988, aucune modification législative d’envergure n’a été apportée, sauf en ce qui concerne les modifications à la partie VII. Ces dernières années, les appels pour une révision en profondeur ont été nombreux, forçant le gouvernement fédéral à prendre l’engagement de moderniser la LLO.
† Les études générales de la Bibliothèque du Parlement sont des analyses approfondies de questions stratégiques. Elles présentent notamment le contexte historique, des informations à jour et des références, et abordent souvent les questions avant même qu’elles deviennent actuelles. Les études générales sont préparées par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
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