Le taux de dons d'organes provenant de donneurs décédés du Canada est inférieur à celui des pays les plus performants à cet égard, mais il s'est amélioré au cours des dernières années. Bien que l'écart entre le nombre de Canadiens en attente d'une greffe et le nombre d'organes disponibles s'amenuise, le nombre de dons d'organes devra augmenter encore davantage pour répondre à la demande.
Les initiatives visant à améliorer le système de dons et de greffes d'organes comprennent les registres de donneurs d'organes et de tissus, les listes d'attente nationales des patients ainsi que la collecte et l'entreposage du sang de cordon, lequel est riche en cellules souches. Une autre initiative qui pourrait contribuer à accroître le taux de donneurs décédés est le consentement présumé, que la Nouvelle‑Écosse a mis en œuvre en 2021, où l'on suppose d'emblée que toutes les personnes consentent à faire don de leurs organes à leur mort à moins qu'elles indiquent expressément le contraire de leur vivant. Au chapitre du consentement, un certain nombre d'administrations ont envisagé la mise en place d'un régime de déclaration obligatoire. Sous un tel régime, toutes les personnes sont tenues de déclarer si elles veulent ou non faire don de leurs organes, ce qui diffère d'une approche passive, où l'on offre aux particuliers un mécanisme leur permettant d'exprimer leur consentement au don, mais où on ne les oblige pas à manifester leur intention.
Le consentement au don ne présente que peu d'intérêt si les donneurs potentiels ne sont pas adéquatement identifiés et signalés à des spécialistes du don ayant reçu une formation spécialisée. Le signalement obligatoire, qui est l'obligation qu'a le personnel des hôpitaux d'identifier les donneurs potentiels et de les signaler aux responsables des programmes de dons, pourrait contribuer aux efforts d'amélioration. Pour qu'une telle mesure porte ses fruits, il faut former les coordonnateurs de dons d'organes à identifier les donneurs potentiels et les médecins spécialement formés en vue d'optimiser les pratiques en matière de dons.
Les campagnes de sensibilisation du public pourraient aussi contribuer à améliorer les taux de dons d'organes et de tissus provenant de donneurs décédés et de donneurs vivants. La Semaine nationale de sensibilisation au don d'organes et de tissus, organisée par la Société canadienne du sang et qui a lieu durant la dernière semaine complète du mois d'avril, est un exemple d'une telle campagne.
Enfin, un certain nombre d'initiatives ont été mises sur pied pour optimiser le jumelage des donneurs et des receveurs d'organes au Canada. Parmi celles-ci, mentionnons le Programme de don croisé de rein, la Liste d'attente nationale pour un organe et le Programme des patients hyperimmunisés.
Le nombre de greffes réalisées au Canada s'est accru de 42 % entre 2010 et 2019. En 2019, 3 014 greffes ont été réalisées et ont permis de transplanter 3 084 organes 1. La pandémie de COVID‑19 s'est toutefois traduite par une diminution des dons et des greffes d'organes. Ainsi, en 2020, les dons d'organes de donneurs décédés et les greffes d'organes réalisées ont diminué respectivement de 12 % et de 14 % par rapport à l'année précédente. Malgré cette diminution, les dons d'organes et les greffes d'organes exécutées ont connu une hausse au cours de la dernière décennie 2. Alors que le nombre de dons d'organes de donneurs vivants est demeuré sensiblement le même depuis 2011 (sauf en 2020), le nombre de dons de donneurs décédés a connu une hausse de 28 %. Malgré l'augmentation du nombre d'organes disponibles pour des greffes, le nombre de Canadiens en attente d'un organe est toujours supérieur au nombre d'organes disponibles. En 2020, 4 247 personnes étaient en attente d'une greffe, et 196 d'entre elles sont décédées avant qu'un organe compatible ne soit disponible pour elles 3.
Le présent document donne un aperçu des questions touchant aux champs de compétence lorsqu'il est question des dons et des greffes d'organes et de tissus, et il énumère les mesures législatives fédérales, provinciales et territoriales qui régissent ces activités. Il décrit aussi plusieurs stratégies susceptibles d'accroître le nombre d'organes et de tissus disponibles pour des greffes et d'améliorer les procédures de jumelage des organes disponibles et des personnes en attente d'une greffe. Il complète une autre publication de la Bibliothèque du Parlement rédigée par la même auteure et intitulée Don et greffe d'organes au Canada : Statistiques, tendances et comparaisons internationales 4.
Les gouvernements des provinces et des territoires ont la responsabilité de fournir des soins de santé à la majorité des Canadiens 5. Cela englobe presque tous les aspects du don et de la greffe d'organes et de tissus, à l'exception de la sécurité des organes et des tissus donnés à des fins de greffe qui relève de la compétence fédérale. À cet égard, un règlement fédéral pris en vertu de la Loi sur les aliments et drogues est entré en vigueur en décembre 2007. Le Règlement sur la sécurité des cellules, tissus et organes humains destinés à la transplantation vise notamment à réduire au minimum les risques potentiels pour les receveurs en normalisant l'évaluation préliminaire et l'examen des donneurs potentiels au Canada 6.
Le gouvernement fédéral peut également collaborer avec les provinces et territoires ainsi qu'avec des parties intéressées en vue d'optimiser les programmes existants. Ainsi, en 2018, Santé Canada a lancé une initiative intitulée Collaboration en matière de dons et de greffes d'organes (la Collaboration), qui réunit l'ensemble des provinces et territoires (à l'exception du Québec), la Société canadienne du sang (SCS), des patients, des familles, des cliniciens et des chercheurs. Figurent parmi les activités de la Collaboration :
Le budget de 2019 prévoyait le versement de 36,5 millions de dollars sur cinq ans et de 5 millions de dollars par année en financement permanent pour permettre à la Collaboration d'élaborer le système pancanadien de données et de mesure du rendement susmentionné 8. L'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), qui a été responsable de la collecte et de la publication de ces données dans son Registre canadien des insuffisances et des transplantations d'organes (RCITO), et Inforoute Santé du Canada ont été chargés d'élaborer le nouveau système. En avril 2021, l'ICIS a produit un rapport décrivant les éléments requis pour recueillir, gérer et diffuser les données sur les dons d'organes et les transplantations 9. La Collaboration prévoit terminer la mise en œuvre du système d'ici 2024 10.
Les provinces et territoires du Canada ont tous adopté des lois sur le don d'organes et de tissus. Ces lois sont indiquées dans le tableau 1.
Province ou territoire | Loi | Année | Observations |
---|---|---|---|
Colombie-Britannique | Human Tissue Gift Act, R.S.B.C. 1996, ch. 211 |
1996 | – |
Alberta | Human Tissue and Organ Donation Act (412 Ko, 16 pages), S.A. 2006, ch. H-14.5 |
2006 | Des modifications apportées à cette loi sont entrées en vigueur en mars 2020. |
Saskatchewan | The Human Tissue Gift Act, 2015 (239 Ko, 12 pages), S.S. 2015, ch. H-15.1 |
2015 | La version originale a été adoptée en 1978. |
Manitoba | Loi sur les dons de tissus humains, C.P.L.M., ch. H180 |
1987 | – |
Ontario | Loi sur le don de la vie, L.R.O. 1990, ch. H.20 |
1990 | – |
Québec | Code civil du Québec, RLRQ, ch. CCQ-1991, art. 22, 25, 43, 44 et 45 |
1991 | – |
Nouveau-Brunswick | Loi sur les dons de tissus humains, L.R.N.-B. 2014, ch. 113 |
2014 | – |
Île-du-Prince-Édouard | Human Tissue Donation Act (523 Ko, 12 pages), R.S.P.E.I. 1988, ch. H-12.1 |
2011 | La version de 1993 avait pour titre Human Tissue Gift Act. |
Nouvelle-Écosse | Human Organ and Tissue Donation Act (834 Ko, 17 pages), S.N.S. 2019, ch. 6 |
2019 | Le système de consentement présumé a été mis en œuvre en janvier 2021. |
Terre‑Neuve‑et‑Labrador | Human Tissue Act, R.S.N.L. 1990, ch. H-15 |
1990 | – |
Yukon | Loi sur les dons de tissus humains (134 Ko, 7 pages), L.R.Y. 2002, ch. 117 |
2002 | – |
Territoires du Nord‑Ouest | Loi sur les dons de tissus humains (127 Ko, 10 pages), L.T.N.-O. 2014, ch. 30 |
2014 | – |
Nunavut | Loi sur les tissus humains, L.R.T.N.-O. (Nu) 1988, ch. H-6 (CanLII) |
2011 | Le Nunavut a adopté les lois des Territoires du Nord‑Ouest. Les modifications ultérieures incluses dans la L.Nun. 2017, ch. 22, art. 8 n'étaient pas accessibles en ligne au moment où le tableau a été compilé. |
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir d'informations tirées des lois provinciales et territoriales en vigueur au moment de la rédaction du document.
Un registre national contenant des renseignements sur les donneurs et sur les receveurs peut aider les autorités à trouver des personnes qui acceptent de donner un organe et des patients qui en ont besoin. Bien qu'une base de données ou un registre des donneurs volontaires puisse être utile pour trouver un plus grand nombre de donneurs (comme il est décrit à la section 3.1.1), une base de données sur les personnes en attente d'un organe peut contribuer à repérer plus efficacement des receveurs de greffe compatibles. La section 4 du présent document porte sur la situation au Canada en ce qui a trait à une liste nationale des patients en attente d'un organe.
Certains facteurs peuvent influer sur l'utilité d'un registre des donneurs pour trouver les personnes qui ont manifesté leur intention de faire un don d'organe si elles deviennent candidates. Parmi ces facteurs, mentionnons l'efficacité des coordonnateurs à recruter les donneurs candidats inscrits dans le registre, le fardeau administratif lié à la tenue et à la mise à jour du registre, et le rôle du consentement de la famille.
La distance physique est un autre facteur limitatif tant pour les registres de donneurs que pour les listes d'attente. En effet, la viabilité des organes prélevés se compte en heures, et moins il s'écoule de temps entre le prélèvement et la greffe, meilleures sont les chances de réussite. Ainsi, pour un foie, la greffe doit se faire dans les 12 heures suivant le prélèvement; pour un poumon, cette période est de 8 heures; et pour un cœur, elle est de 6 heures 11. Dans un pays aussi vaste que le Canada, cette contrainte de temps limite les possibilités de receveurs, un problème qui ne se pose pas dans la majorité des autres pays.
Également appelée registre de donneurs, la base de données de donneurs volontaires est ce à quoi la plupart des gens pensent quand ils parlent d'un registre national. Cette base de données contient les noms (ou d'autres éléments d'identification) des personnes qui ont déclaré leur intention de faire don, à leur décès, d'un ou de plusieurs organes ou tissus. Elle peut être programmée pour consigner uniquement les noms des personnes qui consentent au don ou encore pour consigner à la fois les noms des personnes qui consentent au don et ceux de celles qui refusent de donner leurs organes ou tissus.
Il n'existe pas de base de données nationale de donneurs volontaires au Canada; toutefois, les provinces et territoires disposent tous d'un mécanisme – habituellement prévu dans leur loi respective sur le don d'organes et de tissus – qui permet de consigner le consentement au don. Ces mécanismes sont décrits dans le tableau 2 ci‑dessous.
Province ou territoire | Description |
---|---|
Colombie-Britannique | Le registre des donneurs d'organes administré par BC Transplant permet aux résidents de la province de déclarer leur volonté ou leur refus de devenir donneurs, en ligne, par la poste ou en personne. |
Alberta | Le registre des donneurs d'organes et de tissus de l'Alberta permet aux résidents de la province de déclarer, de modifier et de mettre à jour leur consentement au don, en ligne. |
Saskatchewan | Le registre des donneurs d'organes et de tissus de la Saskatchewan permet aux résidents de la province d'enregistrer leur volonté de devenir donneurs, en ligne, par courriel ou par la poste. |
Manitoba | À partir du site du registre S'inscrire à la vie (SignUpforLife.ca) de Soins communs Manitoba, les résidents de la province peuvent s'inscrire en ligne comme donneurs ainsi que vérifier et mettre à jour leur consentement au don. |
Ontario | Le Réseau Trillium pour le don de vie tient le registre de donneurs d'organes et de tissus de l'Ontario. Les résidents de la province peuvent s'y inscrire comme donneurs ainsi que vérifier et mettre à jour leur consentement au don, en ligne ou en personne à un centre ServiceOntario. |
Québec | Au Québec, le consentement au don peut être manifesté de trois façons. Premièrement, les résidents de la province peuvent s'inscrire en ligne au registre de donneurs que tient la Régie de l'assurance maladie du Québec. Deuxièmement, ils peuvent apposer un autocollant signé sur leur carte d'assurance maladie. Troisièmement, ils peuvent faire consigner leur consentement au don ou leur refus de donner leurs organes et tissus dans le registre de la Chambre des notaires du Québec. |
Nouveau-Brunswick | Il n'y a pas de registre en ligne des donneurs d'organes au Nouveau-Brunswick. Les résidents de la province peuvent toutefois manifester leur volonté de donner leurs organes ou tissus lors du renouvellement ou de la mise à jour de leur carte d'assurance maladie. |
Île-du-Prince-Édouard | Les résidents de la province peuvent manifester leur volonté de donner leurs organes ou tissus, en ligne ou au moyen d'un formulaire à remplir et à soumettre au Bureau de l'assurance maladie de l'Île-du-Prince-Édouard. |
Nouvelle-Écosse | Dans le cadre du système de consentement présumé, qui est entré en vigueur en janvier 2021, les résidents de la province peuvent manifester leur consentement ou leur refus de donner leurs organes ou tissus lorsqu'ils renouvellent leur carte d'assurance maladie ou en remplissant un formulaire qu'ils envoient par la poste. |
Terre‑Neuve‑et‑Labrador | Il n'y a pas de registre en ligne des donneurs d'organes à Terre‑Neuve‑et‑Labrador, mais les résidents peuvent manifester et mettre à jour leur volonté de donner leurs organes et tissus au moment de présenter une demande de couverture de soins de santé. Lorsqu'ils présentent une demande d'adhésionau régime provincial d'assurance maladie, ils peuvent manifester leur volonté, après quoi la mention « organ donor » (donneur d'organes) figurera sur leur nouvelle carte d'assurance maladie. |
Yukon | Les résidents du territoire peuvent remplir un formulaire et le soumettre au bureau territorial de l'assurance maladie pour manifester leur volonté de donner leurs organes ou tissus. En plus de voir leur nom ajouté au registre, les donneurs volontaires reçoivent un autocollant à apposer sur leur carte d'assurance maladie. |
Territoires du Nord-Ouest et Nunavut | Les résidents de ces territoires qui souhaitent manifester leur volonté de donner leurs organes ou tissus peuvent s'inscrire au registre des donneurs d'organes et de tissus de l'Alberta. |
Sources : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Colombie‑Britannique, autorité provinciale des services de santé, BC Transplant, Organ Donor Registry; Alberta, MyHealth.Alberta.ca, Alberta Organ and Tissue Donation Registry; Saskatchewan, autorité sanitaire de la Saskatchewan, Organ and Tissue Donor Registry; Manitoba, Soins communs Manitoba, SignupforLife.ca; Ontario, Santé Ontario, Réseau Trillium pour le don de vie, soyezundonneur.ca; Québec, ministère de la Santé, Don d'organes et de tissus; Nouveau‑Brunswick, ministère de la Santé, Programme de don d'organes et de tissus du Nouveau-Brunswick; Île‑du‑Prince-Édouard, ministère de la Santé et du Mieux-être, S'inscrire comme donneur d'organes ou de tissus; Nouvelle-Écosse, Programmes et Services, Don d'organes et de tissus; Terre-Neuve-et-Labrador, Eastern Health, Organ donation; Yukon, Santé et bien-être, Faites don de vos organes; et Territoires du Nord-Ouest, Santé et Services sociaux, Dons d'organes et de tissus.
Il serait possible de créer un registre national de donneurs grâce à la participation volontaire des provinces et des territoires, en regroupant leurs bases de données respectives en un seul registre.
Une autre approche proposée à cet égard visait à permettre à l'Agence du revenu du Canada de recueillir, au moyen des formulaires d'impôt fédéral, des renseignements sur la volonté des particuliers de donner leurs organes ou tissus, et de transmettre ces renseignements au gouvernement de la province ou du territoire concerné. Ce mécanisme, proposé lors de la 43e législature dans le projet de loi d'initiative parlementaire C‑210, a été adopté et a reçu la sanction royale en juin 2021 12. La nouvelle loi ne précise toutefois pas d'échéance pour que l'Agence du revenu du Canada commence à recueillir l'information.
Le Registre de donneurs de cellules souches de la SCS 13 est un registre de donneurs vivants potentiels de moelle osseuse ou de sang périphérique (tous deux sources de cellules souches), pour toutes les provinces, sauf le Québec, où Héma-Québec administre le Registre des donneurs de cellules souches 14. Ces deux registres font partie du réseau international de l'organisme World Marrow Donor Association, qui donne accès à environ 40 millions de donneurs potentiels à l'échelle de la planète 15.
Le sang de cordon ombilical est une source précieuse de cellules souches, lesquelles sont utilisées pour le traitement de troubles sanguins comme l'anémie aplasique et la leucémie. Les greffes de cellules souches provenant du sang de cordon ombilical donnent lieu à un moins grand nombre de rejets que les greffes de cellules souches provenant d'autres sources. En 2015, la SCS a lancé une banque nationale de sang de cordon ombilical financée par les gouvernements, à laquelle participent toutes les provinces sauf le Québec. La Banque de sang de cordon de la SCS recueille et entrepose le sang de cordon à plusieurs endroits au Canada 16. Au Québec, Héma‑Québec a créé sa propre banque publique de sang de cordon 17.
Pour accroître le taux de dons d'organes, il a souvent été proposé d'adopter l'approche du « système de consentement présumé », qu'on appelle aussi « consentement implicite » ou « régime de refus ». Selon cette approche, on présume du consentement de la personne décédée, à moins que celle‑ci ait expressément indiqué le contraire au cours de sa vie. Jusqu'à récemment, l'ensemble des provinces et des territoires du Canada utilisaient un système fondé sur le « consentement explicite » ou système de « consentement requis », où la personne doit exprimer de façon explicite son consentement à donner ses organes ou tissus. Le consentement relatif au don d'organes est régi par les lois provinciales et territoriales sur les dons d'organes et de tissus.
Dans le cadre du système de consentement explicite, le fait de ne pas manifester sa volonté de donner ses organes ou tissus au cours de sa vie ne signifie pas automatiquement qu'une personne a refusé de faire un don; c'est plutôt à la famille que revient la responsabilité de régler la question du consentement. Selon les tenants du principe du consentement présumé, la vaste majorité des Canadiens se disent favorables au don d'organes lorsqu'on leur pose la question, mais seule une fraction d'entre eux manifestent leur intention de faire don de leurs organes en inscrivant leur nom dans une base de données ou en signant leur carte d'assurance maladie 18.
De nombreux pays ont mis en œuvre le consentement présumé, et les tenants de cette approche soulignent que la majorité des pays affichant les taux de donneurs décédés les plus élevés ont adopté des lois relatives au consentement présumé (voir la figure 1) 19. En 2021, la Nouvelle‑Écosse est devenue la première province canadienne à mettre en œuvre le consentement présumé pour le don d'organes et de tissus. En vertu de la nouvelle loi, le consentement d'un proche s'avère toujours nécessaire, et un système de signalement obligatoire, dont il est question à la section 3.5 du présent document, a été mis en œuvre 20. D'autres provinces, dont l'Alberta, l'Ontario et le Québec, ont aussi étudié des projets de loi d'initiative parlementaire qui proposaient d'adopter une approche de consentement présumé pour les dons d'organes, mais aucun n'est devenu une loi. La Colombie‑Britannique soutient quant à elle que d'autres stratégies, dont certaines sont décrites plus loin dans la présente étude, sont plus efficaces que le consentement présumé pour accroître le taux de donneurs décédés 21.
Note : a. Le consentement explicite au don d'organes était auparavant requis au Royaume-Uni, sauf au pays de Galles. L'Angleterre et l'Écosse ont mis en œuvre des régimes de consentement présumé, mais les données illustrées dans ce graphique sont antérieures à leur mise en place. Au Canada, le consentement présumé n'avait pas encore été mis en œuvre en Nouvelle-Écosse pour cette période de données.
Source : Figure préparée par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de International Registry in Organ Donation and Transplantation, « Worldwide Actual Deceased Organ Donors Rate 2020 (pmp) », International Registry in Organ Donation and Transplantation: Final numbers 2020 (1,25 Mo, 15 pages), décembre 2021, p. 2; et de Institut canadien d'information sur la santé, Statistiques annuelles sur les transplantations d'organes au Canada, 2011 à 2020.
La figure 1 révèle toutefois que le régime de consentement n'est pas la seule variable qui détermine le taux de donneurs d'organes décédés. Certains pays ayant adopté un régime de consentement présumé affichent des taux de dons d'organes plus faibles que d'autres pays ayant opté pour un régime de consentement explicite. Par exemple, la Pologne et la Suède, qui ont toutes deux adopté des lois sur le consentement présumé, ont des taux de dons d'organes plus faibles que le Canada, qui a adopté une approche de consentement explicite. En outre, les États‑Unis, qui ont adopté un régime de consentement explicite, affichent les taux de donneurs décédés les plus élevés.
En 2009, un examen de diverses études visant à comparer les taux de dons d'organes avant et après l'adoption de lois relatives au consentement présumé dans trois pays a permis de déterminer que le consentement présumé « est associé à des taux de dons d'organes plus élevés, même lorsqu'on tient compte d'autres facteurs 22 ». Les auteurs ont toutefois souligné que ces études ont peu porté sur d'autres changements survenus lorsque les lois pertinentes sont entrées en vigueur et que d'autres facteurs ont peut-être influé sur les taux de dons d'organes, comme la disponibilité des donneurs, l'infrastructure du service de greffe, les investissements dans les soins de santé et l'attitude de la population à l'égard du don d'organes. Plus récemment, une étude a été menée en 2019 pour comparer six pays ayant remplacé leur régime de consentement explicite par un régime de consentement présumé. Les auteurs de cette étude ont tiré des conclusions similaires :
Même s'il est peu probable qu'à lui seul, le consentement présumé explique l'augmentation des taux de dons d'organes, il pourrait être utile, pour les pays dont le taux de dons d'organes demeure systématiquement bas, d'adopter une politique en la matière 23.
Des analyses de taux de dons d'organe en Espagne et au Brésil indiquent que ce n'est pas, à proprement parler, l'entrée en vigueur d'une loi sur le consentement présumé qui a donné lieu à une augmentation des taux de dons d'organes, mais plutôt un accroissement des investissements dans l'infrastructure associée aux dons et aux greffes. Malgré un régime de consentement présumé, l'Espagne, qui connaît le plus haut taux de dons d'organes au monde depuis plusieurs années, n'a amélioré ce taux que lorsqu'elle a investi dans la structure organisationnelle requise pour le don d'organes 24. Le Brésil a quant à lui aboli sa loi sur le consentement présumé peu de temps après sa mise en œuvre, à la fin des années 1990, ayant constaté que sans infrastructure supplémentaire, le consentement présumé ne permettrait pas d'accroître le nombre de donneurs 25.
D'autres pays ont adopté des approches différentes pour accroître l'efficacité du consentement présumé. Singapour, Israël et le Chili, par exemple, ont mis en œuvre des politiques selon lesquelles une priorité moindre est accordée aux personnes qui se retirent de la liste des donneurs d'organes potentiels selon le régime de consentement présumé et qui ont par la suite besoin d'une greffe d'organe 26.
On a observé que, des pays qui ont adopté une loi sur le consentement présumé, seul un petit nombre appliquent bel et bien cette loi 27, les autres ayant plutôt choisi d'augmenter leurs taux de dons d'organes en réglant la question du consentement familial et grâce à l'identification et au recrutement de donneurs 28. Au nombre des initiatives mises en œuvre par les pays performants au chapitre du don d'organes, notons des campagnes de sensibilisation du public insistant sur la nécessité de communiquer ses intentions à sa famille, ainsi que des programmes de sensibilisation et de formation des professionnels pour garantir que l'identification et le recrutement des donneurs s'effectuent dans le respect de lignes directrices et de politiques précises.
Selon un article publié en 2012 sur le processus visant les donneurs décédés dans 29 pays où le consentement explicite doit être donné et dans 25 pays qui ont adopté un régime de consentement présumé :
les programmes de donneurs décédés sont complexes puisque tant les lois, l'administration et l'infrastructure que l'idéologie et les valeurs ont une incidence sur ceux‑ci. Il est peu probable qu'une stratégie ou une approche permette à elle seule d'accroître de façon marquée les taux de donneurs décédés 29.
Les auteurs de cet article ont soutenu que l'autorisation des proches doit être prise en compte dans la décision de mettre en œuvre le consentement présumé.
Même si elle n'est pas mise en œuvre au Canada, la déclaration obligatoire (parfois appelée « choix obligatoire ») établit un lien entre le consentement au don d'organes et un programme réglementé généralement le régime provincial d'assurance maladie auquel s'inscrivent tous les résidents. Ainsi, lorsqu'elles s'inscrivent au régime, les personnes déclarent si elles consentent ou non à faire don de leurs organes à leur décès.
Le signalement obligatoire exige des professionnels de la santé qu'ils signalent à l'organisme local d'approvisionnement en organes tous les cas de mort cérébrale (et peut‑être aussi de mort cardiaque) ou les décès imminents. À l'exception de la Saskatchewan et de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, en date de 2018, toutes les provinces ayant un programme de dons et de greffes d'organes ont mis en œuvre ou s'affairent à mettre en œuvre un système de signalement obligatoire pour accroître les taux de dons d'organes et de tissus 30.
Dans le passé, aucune formation particulière n'était donnée aux professionnels de la santé sur le recrutement de donneurs d'organes. Par conséquent, les professionnels de la santé étaient peut-être peu enclins à s'adresser aux familles des donneurs potentiels, en plus d'être mal renseignés sur la procédure de signalement des organes. Au fil des ans, à mesure que les programmes de dons et de greffes d'organes évoluaient, des coordonnateurs et des médecins spécialement formés en dons d'organes ont commencé à participer à ces programmes. Les coordonnateurs reçoivent la formation nécessaire pour identifier les donneurs potentiels et discuter avec les familles de ces derniers en vue d'obtenir le consentement nécessaire. Les médecins spécialisés du don d'organes sont quant à eux formés pour améliorer les pratiques de don, appuyer les soins prodigués aux donneurs et favoriser l'éducation et la sensibilisation, en collaboration avec les coordonnateurs et les établissements de soins de santé. Toutes les provinces ayant un programme de dons et de greffes d'organes ont mis en œuvre ou s'affairent à mettre en œuvre un programme pour les médecins spécialisés du don d'organes 31. La SCS a d'ailleurs déclaré que l'inclusion des médecins spécialistes du don d'organes est la « clé du succès » du programme de dons et de greffes d'organes en Espagne 32.
Les campagnes visant à sensibiliser la population au sujet du don et de la greffe d'organes aident les gens à prendre des décisions éclairées, qu'ils décident de donner ou non leurs organes. De plus, ces campagnes renforcent le soutien de la population à l'égard du processus de dons et de greffes d'organes et incitent cette dernière à y participer davantage.
En 1997, le Parlement a adopté la Loi sur la semaine nationale des dons d'organes, qui désigne la dernière semaine complète du mois d'avril de chaque année comme Semaine nationale des dons d'organe 33. Depuis qu'elle est responsable des dons d'organes et de tissus, soit depuis 2008, la SCS coordonne les activités qui se déroulent pendant ce qu'on appelle maintenant la Semaine nationale de sensibilisation au don d'organes et de tissus. La SCS travaille de concert avec des organismes provinciaux, des organismes de bienfaisance dans le domaine de la santé et des groupes de défense des intérêts pour sensibiliser les Canadiens au don d'organes et les inciter à signaler leur intention de faire un don à leur décès ou de leur vivant 34.
Les tenants des listes d'attente mises à jour en temps réel mentionnent parfois que le registre tenu par les États‑Unis constitue un exemple à suivre. En effet, ce pays a mis en œuvre un système pour gérer les problèmes logistiques associés à l'adoption d'une approche nationale pour les dons et les greffes d'organes. L'Organ Procurement and Transplantation Network (OPTN) des États‑Unis établit des liens entre tous les professionnels du système de dons et de greffes d'organes en tenant à jour une liste d'attente nationale (gérée par un organisme privé, l'United Network for Organ Sharing, ou UNOS) et en garantissant « l'équité d'accès à la greffe d'organes 35 ». Tous les centres de greffe et de prélèvement d'organes des États‑Unis sont membres de l'OPTN.
Aux États‑Unis, lorsqu'un donneur d'organes est identifié et que le consentement requis est obtenu, l'organisme d'approvisionnement en organes consulte la base de données nationale sur les greffes, gérée par l'OPTN, que ce soit en ligne ou en communiquant directement avec le centre d'organes de l'UNOS. Une fois les renseignements d'un donneur saisis, une recherche est effectuée afin d'établir un jumelage donneur‑receveur pour chaque organe. Les receveurs figurant sur la liste ainsi produite sont ensuite classés en fonction de critères médicaux objectifs (comme le groupe sanguin, le type de tissu, la taille de l'organe, l'urgence de la greffe pour le patient selon son état de santé, le temps passé sur la liste d'attente ainsi que la distance entre le donneur et le receveur). Les critères varient pour chaque organe.
À l'aide de la liste des receveurs potentiels, le coordonnateur local de l'approvisionnement ou le spécialiste de l'attribution des organes communique avec le centre de greffe du premier patient sur la liste pour lui offrir l'organe. Si l'organe est refusé, le coordonnateur ou le spécialiste communique avec le centre de greffe du deuxième patient figurant sur la liste, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il trouve un receveur. Une fois l'organe accepté, l'UNOS aide à assurer son transport, et on décide du moment de la chirurgie 36.
Le Canada ne dispose pas d'une liste unique centralisée de patients en attente d'un organe. Cependant, depuis qu'elle a accepté de gérer le système de dons et de greffes d'organes et de tissus au Canada en 2008, la SCS a créé le Registre canadien de transplantation avec la participation de l'ensemble des provinces et des territoires, y compris le Québec. Le Registre est composé des trois registres nationaux de patients décrits ci‑dessous.
En 2009, la SCS a annoncé la réalisation de la première greffe rénale effectuée en faisant appel au Registre de donneurs vivants jumelés par échange de bénéficiaires, le premier du genre au Canada, devenu le Programme de don croisé de rein (Programme DCR) en 2014. Le Programme DCR, qui est un registre tant de donneurs que de receveurs, vise à optimiser l'utilisation des reins provenant de donneurs vivants. Si une personne est prête à donner un rein à un receveur désigné, comme un membre de sa famille ou un ami, mais que cette personne ne peut pas le recevoir, le donneur peut s'inscrire au registre et être jumelé à une autre personne en attente d'une greffe. Le Programme DCR inscrit les personnes en paires, soit un donneur prêt à donner un rein et un receveur qui en a besoin, qui ne sont pas compatibles. Par contre, le jumelage avec une autre paire donneur/receveur est possible lorsque le type de tissu et le groupe sanguin le permettent. Il arrive parfois que plusieurs paires participent à un jumelage. En date du 1er janvier 2022, 872 greffes de rein avaient été effectuées grâce au Programme DCR 37.
La Liste d'attente nationale pour un organe (LANO), mise en place en juin 2012 par le SCS, est une liste des patients en attente d'un organe autre qu'un rein – comme un cœur, un poumon, un foie, un pancréas, un intestin ou une transplantation multiorganes – qui peut être consultée en ligne et est mise à jour en temps réel. Le personnel des programmes de transplantation d'organes des provinces et des territoires peut consulter cette base de données sécurisée pour savoir quels patients ont le plus besoin d'un organe, peu importe où ils se trouvent au Canada. Des alertes relatives à la LANO sont également envoyées régulièrement aux professionnels de la santé inscrits afin de les informer à propos des temps d'attente et de la disponibilité des organes 38.
Lancé par la SCS en 2013, le Programme des patients hyperimmunisés (PPHI) vise à offrir, en collaboration avec les programmes provinciaux de greffe d'organes, des reins aux patients hyperimmunisés. Le PPHI offre un registre dressant la liste des receveurs potentiels d'un rein étant difficiles à jumeler en raison de leur profil immunologique et prévoit des mesures pour tenter de leur trouver des donneurs grâce au partage national. En date du 1er février 2022, 759 greffes de rein avaient été réalisées grâce au PPHI 39.
Au Canada, la liste des personnes en attente d'une greffe est longue. Diverses stratégies pourraient être mises en œuvre pour accroître le nombre d'organes disponibles et optimiser le résultat des greffes. La majorité des pays ayant des taux élevés de donneurs décédés ont également adopté des régimes de consentement présumé, tandis que certains pays ayant mis en œuvre ce type de régime ont des taux de dons d'organes plus bas. L'adoption de tels régimes est controversée et l'on se demande encore si les régimes de consentement présumé peuvent à eux seuls accroître les taux de dons d'organes. Améliorer la formation du personnel en matière d'identification et de suivi des donneurs potentiels dans les hôpitaux, exiger que les personnes signalent leur intention de faire don ou non de leurs organes et mettre en œuvre des campagnes continues de sensibilisation du public sont au nombre des solutions qui ont été proposées pour accroître les taux de dons d'organes et le nombre de greffes réussies.
* La présente Étude de la Colline fait fond sur une publication antérieure de la même auteure : Sonya Norris, Dons et transplantations d’organes au Canada (422 Ko, 24 pages), publication no 2018-13-F, Bibliothèque du Parlement, 14 février 2018. [ Retour au texte ]
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