La citoyenneté canadienne peut être obtenue soit par la naissance en sol canadien, soit par la filiation avec un citoyen canadien à l'extérieur du Canada par le sang ou par adoption, soit par la naturalisation (processus par lequel un étranger obtient la citoyenneté). Les exigences en matière de citoyenneté sont énoncées dans la Loi sur la citoyenneté, dans le Règlement sur la citoyenneté et dans le Règlement no 2 sur la citoyenneté.
Le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a la responsabilité d'appliquer la Loi sur la citoyenneté, avec l'appui d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) qui l'aide à administrer le processus de présentation des demandes de citoyenneté. La Commission de la citoyenneté – une entité administrative relevant d'IRCC qui est composée de juges de la citoyenneté – joue également un rôle important, notamment examiner les demandes de citoyenneté de façon à assurer le respect de certaines exigences imposées par la Loi sur la citoyenneté et faire prêter le serment ou l'affirmation solennelle de citoyenneté.
Pour acquérir la citoyenneté par voie de naturalisation, il faut d'abord avoir le statut de résident permanent au Canada. Le résident permanent peut ensuite présenter une demande de citoyenneté s'il répond à des exigences précises, notamment en matière de résidence. Les demandeurs âgés de 18 à 54 ans doivent également réussir un examen écrit dont les questions sont fondées sur le guide d'étude officiel pour l'examen de citoyenneté (Découvrir le Canada : Les droits et responsabilités liées à la citoyenneté) et passer une entrevue pour évaluer leur capacité de s'exprimer en anglais ou en français et pour discuter de leur demande de citoyenneté. Les demandeurs acceptés participent ensuite à une cérémonie de prestation de serment ou d'affirmation solennelle de citoyenneté, où ils jurent ou affirment leur allégeance à la Reine du Canada.
La perte de citoyenneté peut se produire par révocation (par exemple, si l'acquisition ou la rétention de la citoyenneté par la personne résulte d'une fraude ou d'une fausse déclaration) ou dans le cadre d'une répudiation volontaire (par exemple, si la personne décide d'acquérir la citoyenneté d'un pays qui n'autorise pas la double citoyenneté).
À l'heure actuelle, plusieurs questions sont mises de l'avant dans le débat sur les politiques en matière de citoyenneté. À titre d'exemple, les données du recensement indiquent que le taux d'acquisition de la citoyenneté chez les immigrants admissibles a baissé entre 2006 et 2016. Les taux varient d'une catégorie d'immigrants à l'autre, et les facteurs en cause comprennent le niveau de revenu, le niveau d'études et le pays d'origine.
Citons également comme enjeu clé le statut des « Canadiens dépossédés de leur citoyenneté », à savoir les personnes nées avant l'entrée en vigueur de la Loi sur la citoyenneté de 1977 qui auraient dû avoir la qualité de citoyen canadien, mais qui en ont été privées en raison des dispositions dépassées ou obsolètes de la Loi sur la citoyenneté canadienne de 1947. Les modifications législatives subséquentes ont permis de régler un bon nombre des cas associés aux « Canadiens dépossédés de leur citoyenneté ». Pour les cas où les modifications législatives ne s'appliquent pas, la citoyenneté peut être acquise au cas par cas, à la discrétion du ministre.
Enfin, il y a la pratique du tourisme obstétrique, c'est‑à‑dire le fait que des ressortissantes étrangères viennent au Canada pour accoucher dans le seul but que leur enfant obtienne la citoyenneté canadienne. D'après les données, il y aurait eu une hausse du nombre de naissances chez les mères non‑résidentes au cours de la dernière décennie, mais il est difficile de déterminer combien de ces naissances peuvent être qualifiées de tourisme obstétrique. Le gouvernement fédéral a reconnu le besoin de mieux comprendre l'étendue de cette pratique et a commandé des recherches additionnelles sur le sujet.
Le concept de citoyenneté canadienne a été inscrit dans la loi pour la première fois avec l'adoption en 1947 de la Loi sur la citoyenneté canadienne 1. Alors que tous les Canadiens étaient auparavant considérés comme des sujets britanniques, la Loi sur la citoyenneté canadienne de 1947 rendait compte d'un sentiment grandissant d'identité nationale et d'indépendance de la nation, découlant en partie des contributions importantes des Canadiens pendant la Deuxième Guerre mondiale. Trente ans plus tard, une nouvelle Loi sur la citoyenneté 2 entrait en vigueur le 15 février 1977, visant à remplacer la Loi sur la citoyenneté canadienne « par une loi plus équitable 3 ». Depuis, des modifications ont été apportées à la Loi sur la citoyenneté pour tenir compte de l'évolution des idées relatives à la citoyenneté canadienne 4.
Aujourd'hui, la citoyenneté canadienne peut être obtenue soit par la naissance en sol canadien, soit par la filiation avec un citoyen canadien à l'extérieur du Canada par le sang ou par adoption, soit par la naturalisation (processus par lequel un étranger obtient la citoyenneté) 5. Tous les citoyens canadiens jouissent des mêmes droits et sont assujettis aux mêmes lois et obligations 6. De plus, la Charte canadienne des droits et libertés donne à chaque citoyen canadien le droit d'entrer au pays, d'y demeurer et d'en sortir 7.
La présente étude générale offre un aperçu des principaux instruments et institutions qui régissent la citoyenneté au Canada et décrit le processus à suivre pour obtenir la citoyenneté. Elle examine également plusieurs questions stratégiques relatives à la citoyenneté canadienne, y compris les taux de citoyenneté, la perte de citoyenneté et la naissance en sol canadien de parents étrangers.
Bien que l'immigration soit un domaine de compétence partagée entre les gouvernements fédéral et provinciaux au titre de l'article 95 de la Loi constitutionnelle de 1867 8, la responsabilité de la citoyenneté incombe au gouvernement fédéral. La mise en œuvre de la Loi sur la citoyenneté relève du ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté 9. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) administre le processus de présentation des demandes de citoyenneté 10. L'instrument de délégation en matière de citoyenneté permet à certains employés d'IRCC d'exercer des fonctions au nom du ministre, comme l'attribution de la citoyenneté aux personnes qui satisfont aux exigences ou la révocation de la citoyenneté des personnes si l'acquisition ou la conservation de leur citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue au moyen d'une fausse déclaration 11.
Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, bien qu'il ne partage pas la responsabilité de la Loi sur la citoyenneté, joue un rôle dans la révocation de la citoyenneté et dans les enquêtes sur les demandeurs susceptibles d'être impliqués dans certaines activités criminelles ou activités constituant une menace pour la sécurité du Canada 12.
La Loi sur la citoyenneté et ses règlements établissent le cadre juridique relatif à la citoyenneté, notamment :
La Loi sur la citoyenneté comprend également le texte du serment ou de l'affirmation de citoyenneté, soit la déclaration solennelle au moyen de laquelle les demandeurs jurent ou affirment leur allégeance à la Reine du Canada (voir la section 3.4 de la présente étude générale).
Du paragraphe 27(1) à l'article 27.2 de la Loi sur la citoyenneté, on énonce le pouvoir du gouverneur en conseil et du ministre de prendre des règlements par rapport à la Loi sur la citoyenneté. Les règlements associés à la Loi sur la citoyenneté comprennent le Règlement sur la citoyenneté publié en 1993 et le Règlement no 2 sur la citoyenneté publié en 2014, pour appuyer les nouvelles mesures mises en œuvre par le projet de loi C‑24, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et d'autres lois en conséquence 13.
À titre d'exemple de règles et de procédures prévues par règlement, l'article 15 du Règlement sur la citoyenneté énonce les critères précis auxquels les demandeurs de citoyenneté doivent satisfaire relativement à leur connaissance du Canada et à leurs responsabilités et privilèges en tant que citoyens 14. Un autre exemple se trouve à l'article 19 du Règlement no 2 de la citoyenneté, qui désigne le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada (CRCIC) comme « [l']organisme dont les membres en règle peuvent représenter ou conseiller une personne, moyennant rétribution, relativement à une demande ou à une instance prévue par la Loi, ou offrir de le faire 15 ».
Les politiques, procédures et lignes directrices relatives à l'immigration et à la citoyenneté sont décrites plus en détail dans les instructions relatives à l'exécution du programme, les guides opérationnels et les bulletins opérationnels. Bien qu'ils ne soient pas juridiquement contraignants, ces documents offrent une orientation importante aux employés d'IRCC responsables d'appliquer la Loi sur la citoyenneté (y compris, certains membres de la haute direction, des agents de la citoyenneté et des agents d'immigration dans les missions à l'étranger) 16.
La Commission de la citoyenneté est une entité administrative relevant d'IRCC qui est composée de juges de la citoyenneté nommés par le gouverneur en conseil. La Commission est chargée d'examiner les demandes de citoyenneté qui lui sont soumises de façon à assurer le respect des exigences relatives à la résidence et à la présence effective imposées par la Loi sur la citoyenneté; de faire prêter le serment de citoyenneté ou d'affirmation de citoyenneté et de souligner les droits et les responsabilités liés à la citoyenneté canadienne; de veiller à l'intégrité du processus d'attribution de la citoyenneté; et de promouvoir la citoyenneté dans les communautés 17.
En plus des personnes qui possèdent la citoyenneté de naissance, la Loi sur la citoyenneté prévoit que toute personne ayant obtenu ou acquis la citoyenneté et prêté le serment de citoyenneté a qualité de citoyen 18. Ce processus, connu sous le nom de naturalisation, est décrit au paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté.
Au titre de la Loi sur la citoyenneté, les résidents permanents peuvent demander la citoyenneté s'ils ont été effectivement présents au Canada pendant au moins 1 095 jours (l'équivalent de trois ans) au cours des cinq dernières années 19. Ils doivent également avoir produit une déclaration de revenus pendant au moins trois ans au cours des cinq dernières années 20. En outre, ils ne doivent pas être sous le coup d'une mesure de renvoi ou faire l'objet de préoccupations en matière de sécurité selon la déclaration du gouverneur en conseil 21. Les demandeurs âgés de 18 à 54 ans doivent présenter avec leur demande une preuve qu'ils ont une connaissance suffisante du français ou de l'anglais (tels que les résultats d'un examen effectué auprès d'un tiers approuvé par IRCC) 22. Les demandeurs doivent également payer les frais liés à la citoyenneté indiqués dans l'annexe du Règlement sur la citoyenneté 23.
En 2019, le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a été chargé de « [p]résenter un plan pour éliminer les frais de citoyenneté pour les personnes ayant rempli les exigences requises pour l'obtenir 24 ». À l'heure actuelle, en vertu du paragraphe 31(1) du Règlement sur la citoyenneté, il existe cinq catégories de demandes de citoyenneté exigeant des frais : l'attribution de la citoyenneté, la répudiation de la citoyenneté, la réintégration dans la citoyenneté, le certificat de citoyenneté et la recherche dans les dossiers. Ces catégories se trouvent à l'annexe du Règlement sur la citoyenneté. Comme le montre le tableau 1, les frais de citoyenneté diffèrent entre un enfant mineur et une personne âgée de 18 ans ou plus.
Article | Demande | Payable au | Droit (en $) |
---|---|---|---|
1 | Demande d'attribution de la citoyenneté présentée au titre de l'art. 2 du Règlement à l'égard d'un enfant mineur | Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration | 100 |
1.1 | Demande d'attribution de la citoyenneté présentée au titre de l'art. 2 du Règlement par une personne âgée de 18 ans ou plus | Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration | 530 |
1.2 | Demande d'attribution de la citoyenneté présentée au titre des art. 6, 7 ou 9 du Règlement | Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration | 530 |
2 | Demande d'attribution de la citoyenneté présentée au titre des art. 4, 5 ou 8 du Règlement | Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration | 100 |
3 | Demande de répudiation de la citoyenneté présentée au titre de l'art. 10 du Règlement | Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration | 100 |
4 | Demande de réintégration dans la citoyenneté présentée au titre de l'art. 12 du Règlement par un enfant mineur | Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration | 100 |
5 | Demande de réintégration dans la citoyenneté présentée au titre de l'art. 12 du Règlement par une personne âgée de 18 ans ou plus | Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration | 530 |
6 | Demande de certificat de citoyenneté présentée au titre de l'art. 14 du Règlement | Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration | 75 |
7 | Demande de recherche dans les dossiers présentée au titre de l'art. 18 du Règlement | Ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration | 75 |
Note : Le Règlement s'entend du Règlement no 2 sur la citoyenneté, DORS/2015-124.
Source : Règlement sur la citoyenneté, DORS/93‑246, annexe (par. 31(1)).
De 2006 à 2014, deux droits standards ont été appliqués. Les demandes de changement de statut de citoyenneté coûtaient 100 $, et les demandes de documents et de recherches relatives au statut de citoyenneté, 75 $. Les droits étaient les mêmes pour les mineurs ou les adultes 25. En février 2014, les droits pour l'attribution de la citoyenneté et la réintégration dans la citoyenneté pour les personnes de 18 ans et plus ont augmenté. Cette augmentation a instauré une différence de droits entre les mineurs et les adultes. Elle a été justifiée par le fait que les droits n'avaient pas changé depuis 1995 et n'étaient pas conformes à l'approche de recouvrement des coûts du gouvernement du Canada, ce qui signifie que les coûts n'étaient pas assumés par les bénéficiaires du service et des avantages en découlant. Par conséquent, il existait donc un « écart réel » entre le coût de la prestation desdits services aux demandeurs et les droits de service payés par les demandeurs 26.
Au début de 2015, les droits pour l'attribution de la citoyenneté et la réintégration dans la citoyenneté pour les adultes ont augmenté de nouveau 27. Selon le gouvernement du Canada :
[m]algré une hausse des droits de service relatifs à l'attribution de la citoyenneté et à la réintégration dans la citoyenneté visant un adulte, qui est entrée en vigueur en février 2014, il subsiste un déséquilibre marqué entre le coût de la prestation de ces services aux utilisateurs et les droits de service qu'ils paient […] [L]e gouvernement du Canada […] subventionne actuellement à hauteur de 46 % le coût de la prestation de ce service 28.
En faisant passer de 300 à 530 $ les droits de services liés aux demandes de citoyenneté et de réintégration dans la citoyenneté visant un adulte, le gouvernement du Canada a réduit son « fardeau de subventionnement, le faisant passer approximativement de 46 % à 5 % », ce qui le rend conforme à l'approche de recouvrement des coûts du gouvernement 29.
En 2018, les droits de citoyenneté ont été modifiés 30 pour harmoniser les droits visant les mineurs qui présentent une demande au titre du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté par rapport aux droits exigés des mineurs qui présentent une demande au titre du paragraphe 5(2) en vue de « facilite[r] le processus d'acquisition de la citoyenneté pour les mineurs qui présentent une demande sans avoir un parent canadien ou un parent ayant le statut de résident permanent 31 ». En vertu du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence, qui a reçu la sanction royale en juin 2017 32, les mineurs peuvent maintenant présenter une demande de citoyenneté en leur propre nom en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté. L'harmonisation des frais pour les mineurs en 2018 visait à assurer une équité entre les droits versés par les mineurs qui paient en fonction du paragraphe au titre duquel leur demande est présentée.
Les personnes âgées de 18 à 54 ans qui demandent la citoyenneté doivent prouver qu'elles ont « une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté 33 ». Cette connaissance est évaluée au moyen d'un examen écrit effectué après la présentation de la demande de citoyenneté. Les questions d'examen sont élaborées par IRCC à partir du guide d'étude pour l'examen de citoyenneté et sont approuvées par le ministre 34.
Le guide d'étude actuel pour l'examen de citoyenneté, Découvrir le Canada : Les droits et responsabilités liés à la citoyenneté, est fourni aux demandeurs qui présentent une demande d'attribution de la citoyenneté avec une lettre accusant réception de leur demande. Il permet aux demandeurs d'étudier en vue de l'examen pour la citoyenneté. Il aborde des sujets tels que l'histoire, les symboles et les régions du Canada, ainsi que le fonctionnement du gouvernement du pays 35.
Après l'examen pour la citoyenneté, les demandeurs participent à une entrevue au cours de laquelle des agents de la citoyenneté leur remettent les résultats de leur examen de citoyenneté, évaluent leurs compétences en anglais ou en français, vérifient leur demande et leurs documents, posent des questions sur leur demande et s'assurent qu'ils satisfont à toutes les exigences requises pour obtenir la citoyenneté 36.
Les personnes de moins de 18 ans ne sont pas tenues de passer l'examen ni habituellement de participer à une entrevue, alors que les personnes de 55 ans et plus, également dispensées de l'examen, doivent toutefois participer à une entrevue. Comme les personnes de ce groupe d'âge ne sont pas tenues d'avoir une connaissance suffisante de l'anglais ou du français, l'agent de la citoyenneté ne vérifie pas leurs compétences linguistiques pendant l'entrevue 37.
En 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) publiait 94 appels à l'action fondés sur son mandat de six ans consistant à entendre et à documenter les récits des survivants et des témoins des pensionnats indiens 38. Le gouvernement fédéral s'est engagé à mettre en œuvre les appels à l'action relevant de sa compétence 39. Dans son appel à l'action numéro 93, la CVR recommandait que le gouvernement fédéral modifie la trousse d'information pour les nouveaux arrivants et l'examen de citoyenneté « afin que l'histoire relatée reflète davantage la diversité des peuples autochtones du Canada 40 ». Le gouvernement modifie actuellement le guide d'étude pour l'examen de citoyenneté, en consultation avec l'Assemblée des Premières Nations, l'organisme Inuit Tapiriit Kanatami, le Ralliement national des Métis et les historiens autochtones. Les modifications apportées au guide d'étude pour l'examen de citoyenneté éclaireront les changements à apporter à la trousse d'information et à l'examen 41.
En plus de répondre à l'appel à l'action numéro 93 de la CVR, les modifications apportées au guide d'étude pour l'examen de citoyenneté viseront à mettre en valeur la diversité du Canada et son engagement envers les langues officielles, à décrire l'évolution des droits et libertés des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT), des femmes et des personnes ayant un handicap et à utiliser une langue plus accessible aux personnes dont la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais 42.
La cérémonie de citoyenneté est la dernière étape du processus d'obtention de la citoyenneté canadienne. Lors de la cérémonie, les nouveaux citoyens prêtent serment, reçoivent leur certificat de citoyenneté, signent le formulaire Serment ou affirmation solennelle de citoyenneté et chantent l'hymne national 43. Le serment ou l'affirmation de citoyenneté est une déclaration solennelle dans laquelle les demandeurs jurent ou affirment leur allégeance à la Reine du Canada.
Un projet de loi présenté à la Chambre des communes en mai 2019 proposait de modifier le serment et l'affirmation solennelle de citoyenneté comme suit :
Serment de citoyenneté
Je jure fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs et je jure d'observer fidèlement les lois du Canada, y compris la Constitution, qui reconnaît et confirme les droits – ancestraux ou issus de traités – des Premières Nations, des Inuits et des Métis, et de remplir loyalement mes obligations de citoyen canadien.Affirmation solennelle
J'affirme solennellement que je serai fidèle et porterai sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs, que j'observerai fidèlement les lois du Canada, y compris la Constitution, qui reconnaît et confirme les droits — ancestraux ou issus de traités — des Premières Nations, des Inuits et des Métis, et que je remplirai loyalement mes obligations de citoyen canadien 44 [souligné par les auteures].
Cette version du serment ou de l'affirmation solennelle de citoyenneté a été élaborée en réponse à l'appel à l'action numéro 94 de la CVR qui proposait qu'une nouvelle version fasse référence aux droits issus de traités 45. La version a ensuite été modifiée après consultation avec de nouveaux arrivants au Canada, ainsi qu'avec l'Assemblée des Premières Nations, l'organisme Inuit Tapiriit Kanatami et le Ralliement national des Métis 46. Le projet de loi n'a pas progressé au‑delà de l'étape de la première lecture à la Chambre des communes et est mort au Feuilleton lorsque la dissolution du Parlement a mis fin à la 42e législature.
Le 18 février 2020, le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a déposé le projet de loi C‑6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (appel à l'action numéro 94 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada), qui est presque identique à celui déposé en mai 2019 47. Au moment de la rédaction du présent document, le projet de loi C‑6 n'avait pas franchi l'étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes.
La présente section de cette étude générale vise à clarifier plusieurs questions et considérations stratégiques relatives à la citoyenneté canadienne qui ont fait l'objet d'un débat public au cours des dernières années, y compris le taux de citoyenneté, la perte de citoyenneté et la naissance en sol canadien de parents étrangers.
Le dernier recensement, tenu en mai 2016, a dénombré 35 millions de personnes résidant au Canada 48. Parmi elles, environ 32 millions sont des citoyens canadiens, dont 18 % – environ 5,6 millions – sont des citoyens canadiens par naturalisation 49. Alors que le nombre de citoyens canadiens de naissance a augmenté depuis 2006, le nombre de citoyens canadiens par naturalisation a diminué de près d'un million (voir le tableau 2).
Année | Citoyens canadiens de naissance | Citoyens canadiens par naturalisation | Total des citoyens canadiens |
---|---|---|---|
2006 | 24 716 835 | 6 524 190 | 31 241 030 |
2011 | 25 720 175 | 5 175 135 | 30 895 310 |
2016 | 26 412 615 | 5 621 975 | 32 034 585 |
Sources : Tableau préparé par les auteures à partir de données tirées de Statistique Canada, « Citoyenneté (5), lieu de naissance (35), sexe (3) et statut d'immigrant et période d'immigration (12) pour la population, pour le Canada, les provinces, les territoires, les régions métropolitaines de recensement et les agglomérations de recensement, Recensement de 2006 – Données‑échantillon (20 %) », Recensement du Canada de 2006 : Tableaux thématiques (base de données), no 97-557-XCB2006008 au catalogue, consultée le 15 juin 2020; Statistique Canada, « Citoyenneté (9), statut d'immigrant et période d'immigration (12), groupes d'âge (10) et sexe (3) pour la population dans les ménages privés du Canada, provinces et territoires, Enquête nationale auprès des ménages de 2011 », Enquête nationale auprès des ménages de 2011 : Tableaux de données (base de données), no 99-010-X2011027 au catalogue, consultée le 15 juin 2020; et Statistique Canada, « Citoyenneté (9), statut d'immigrant et période d'immigration (11A), âge (12) et sexe (3) pour la population dans les ménages privés du Canada, provinces et territoires, Recensement de 2016 – Données-échantillon (25 %) », Tableaux de données, Recensement de 2016 (base de données), no 98-400-X2016186 au catalogue, consultée le 15 juin 2020.
Le taux d'obtention de la citoyenneté par les immigrants admissibles, également appelé taux de naturalisation ou taux de citoyenneté, a diminué entre 2006 et 2016. Cette diminution peut s'expliquer par les déterminants de la citoyenneté et par les changements de politiques. Néanmoins, le taux de citoyenneté du Canada demeure l'un des plus élevés parmi les pays occidentaux 50.
Au Canada, le taux de citoyenneté est principalement analysé à l'aide des données du recensement, qui mettent l'accent sur les effets des variables individuelles telles que les caractéristiques à l'arrivée, les caractéristiques sociodémographiques ou la catégorie de visas 51.
Le nombre d'années écoulées depuis l'immigration est « l'un des principaux déterminants de la citoyenneté [dans la mesure où] il est corrélé positivement avec la naturalisation 52 ». Selon les données du recensement sur 15 ans, l'augmentation globale du taux de citoyenneté « était principalement attribuable à l'augmentation associée aux immigrants vivant au Canada depuis 10 ans ou plus 53 ».
Les taux de citoyenneté sont également différents entre les groupes de statut des immigrants, qui varient selon les caractéristiques sociodémographiques telles que le revenu familial, le niveau de scolarité, la connaissance d'une langue officielle et le pays ou la région d'origine. Par exemple, on a observé que les immigrants récents de la catégorie du revenu familial le plus faible affichaient un taux de citoyenneté plus faible que ceux de la catégorie du revenu familial le plus élevé. La différence de taux de citoyenneté entre ces deux groupes était de 5,3 % en 1996 et est passée à 15,2 % en 2016 54.
Cette tendance à un écart grandissant a également été observée dans les différences de taux de citoyenneté entre les immigrants récents moins scolarisés et plus scolarisés, l'écart étant passé de 11,5 % en 1996 à 20,2 % en 2016 55. Les compétences linguistiques contribuent également à cette disparité croissante dans les taux de citoyenneté. Comme la plupart des immigrants doivent connaître l'anglais ou le français pour demander la citoyenneté, les immigrants dont l'anglais ou le français est la langue maternelle ou qui savent parler anglais ou français sont plus susceptibles d'obtenir la naturalisation que ceux qui ne connaissent aucune des langues officielles.
En 1996, l'écart observé dans les taux de citoyenneté entre les immigrants récents connaissant une langue officielle et ceux n'en ayant aucune connaissance était relativement faible […] Entre 1996 et 2016, le taux de citoyenneté a diminué pour tous les immigrants récents, quelles que soient leurs connaissances de l'anglais ou du français. Cependant, ce recul était bien plus important chez les personnes ayant de piètres connaissances d'une langue officielle (diminution de 29,5 points de pourcentage) que chez les personnes dont la langue maternelle étant l'anglais et le français (diminution de 8,2 points de pourcentage) 56.
Autre statistique intéressante : la différence des taux de citoyenneté chez les immigrants selon leur pays ou leur région d'origine. Bien que les immigrants venant des pays en développement sont plus susceptibles de devenir des citoyens canadiens, la naturalisation des immigrants récents de l'Asie de l'Est, principalement de la Chine 57
[est passée] de 82,9 % en 1996 à 44,8 % en 2016. Ce recul de 38,1 points de pourcentage se répartissait sur les quatre périodes intercensitaires, mais était le plus marqué à partir de 2001. L'essor économique de la Chine au cours des deux dernières décennies et des changements de préférences chez les immigrants chinois peuvent être à l'origine de cette baisse. En 2016, la tendance en matière de naturalisation des immigrants provenant de Chine ressemblait davantage à celle des immigrants de pays industrialisés avancés qu'à celle d'immigrants de pays en voie de développement 58.
Les changements de politiques ont également contribué à la baisse du taux de citoyenneté chez les immigrants plus récents. Avec l'entrée en vigueur du projet de loi C‑24, les conditions d'admissibilité à l'obtention de la naturalisation ont été resserrées. L'une des conditions modifiées était l'augmentation du nombre de jours de présence effective au Canada requis (exigence de résidence) avant de demander la citoyenneté 59.
Jusqu'en 2015, les immigrants devaient résider au Canada pendant au moins trois ans avant de pouvoir obtenir la citoyenneté canadienne; ils pouvaient donc le faire au plus tôt au cours de leur quatrième année de résidence. Après 2015, ce critère de résidence est passé à quatre ans; les immigrants pouvaient donc devenir citoyens au plus tôt au cours de leur cinquième année de résidence au Canada 60.
Ce changement de politiques s'est traduit par une diminution des taux de citoyenneté. Par exemple, les immigrants arrivés entre 2011 et 2016 affichaient un taux de citoyenneté de 30,5 %, tandis que ceux arrivés entre 2006 et 2011 affichaient un taux de 36,7 % 61.
Outre les changements de politiques, plusieurs changements opérationnels ont également eu lieu, dont l'augmentation des frais de demande de citoyenneté. Selon un chercheur, ces changements ont eu une incidence différente sur les immigrants selon leurs caractéristiques sociodémographiques telles que le niveau de scolarité, la connaissance d'une langue officielle et le revenu familial. Par exemple, l'auteur a noté que depuis « la mise en place d'une évaluation linguistique et d'un test de connaissance du Canada plus rigoureux », les taux de réussite à l'examen de citoyenneté ont décliné « de 96 % à 83 % 62 ».
Même si les derniers changements de politiques apportés à la suite de l'adoption en 2017 du projet de loi C-6 ont annulé la plupart des changements de politiques apportés en 2014 63, la hausse des frais liés à la demande de citoyenneté a été maintenue. Certains estiment que les frais élevés continuent de constituer un obstacle majeur à la naturalisation et devraient être examinés par IRCC 64. Cet examen est précisé dans la lettre de mandat de 2019 du ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté.
En application de la version actuelle de la Loi sur la citoyenneté, la citoyenneté canadienne peut uniquement être révoquée dans les cas où le ministre est convaincu que l'acquisition ou la conservation de la citoyenneté par la personne ou la réintégration de la personne dans la citoyenneté est intervenue par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la « dissimulation intentionnelle de faits essentiels 65». Autrement, la perte de citoyenneté ne peut se produire que dans le cadre d'une répudiation volontaire 66. Une personne peut choisir de renoncer à la citoyenneté canadienne pour plusieurs raisons, notamment parce qu'elle souhaite obtenir la citoyenneté d'un autre pays qui n'autorise pas la double citoyenneté 67.
Le projet de loi C-24 a introduit des dispositions qui, dans certains cas de condamnation pour des infractions graves telles que la trahison ou le terrorisme, prévoyaient la révocation de la citoyenneté des Canadiens possédant une double citoyenneté ou plusieurs citoyennetés. Toutefois, ces dispositions ont été abrogées en 2017 par le projet de loi C-6 68.
Lorsque la Loi sur la citoyenneté est entrée en vigueur le 15 février 1977 et a remplacé la Loi sur la citoyenneté canadienne de 1947, elle n'avait aucun effet rétroactif, ce qui signifie qu'elle ne s'appliquait qu'aux candidats à la citoyenneté. Le statut de citoyenneté de toutes les personnes nées avant le 15 février 1977, au Canada ou à l'étranger, était régi en vertu de la Loi sur la citoyenneté canadienne de 1947 69. Les modifications législatives subséquentes ont permis de régler un bon nombre de problèmes associés aux « Canadiens dépossédés de leur citoyenneté », à savoir les personnes nées avant l'entrée en vigueur de la Loi sur la citoyenneté qui auraient dû avoir la qualité de citoyen canadien, mais qui ont été privées de la citoyenneté canadienne en raison des dispositions dépassées ou obsolètes de la Loi sur la citoyenneté canadienne 70. L'expression « Canadiens dépossédés de leur citoyenneté » désigne donc les Canadiens qui ont cessé d'être des citoyens canadiens contre leur volonté ou à leur insu, ou les Canadiens qui croyaient être des citoyens canadiens, mais ne l'ont jamais été légalement 71.
Dans son rapport de 2007 intitulé Recouvrer sa citoyenneté : un rapport sur la perte de la citoyenneté canadienne 72, le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes a établi quatre catégories de « Canadiens dépossédés de leur citoyenneté » :
Les lois de 1947 et de 1977 ont touché chacune de ces catégories différemment. Dans le cas des personnes nées à l'étranger d'un parent canadien avant l'entrée en vigueur de l'actuelle Loi sur la citoyenneté, elles ont toujours tenu pour acquis qu'elles avaient le statut de citoyen canadien du fait qu'un de leurs parents possédait la citoyenneté canadienne. Cependant, trois dispositions distinctes de la Loi sur la citoyenneté canadienne de 1947 peuvent expliquer qu'elles aient perdu leur statut de citoyen canadien ou ne l'aient simplement jamais détenu.
Une autre catégorie de Canadiens avaient perdu leur citoyenneté canadienne entre 1947 et 1977, car la double citoyenneté n'était pas reconnue en vertu de la Loi sur la citoyenneté canadienne. Si un citoyen canadien décidait volontairement d'acquérir la citoyenneté d'un autre pays, cette personne et ses enfants perdaient d'emblée leur citoyenneté canadienne. La Loi sur la citoyenneté canadienne de 1947 prévoyait un mécanisme pour permettre aux enfants mineurs ayant perdu leur citoyenneté du fait de la décision de leurs parents de redevenir citoyens canadiens; il leur suffisait de faire une déclaration demandant de reprendre leur citoyenneté canadienne entre leur 21e et leur 22e anniversaire de naissance 77. Toutefois, beaucoup n'ont pas fait cette déclaration et ont, par conséquent, perdu leur citoyenneté. En 2005, la Loi sur la citoyenneté a été modifiée afin de soustraire les personnes ayant perdu leur citoyenneté alors qu'elles étaient mineures à l'obligation de passer par l'étape de la résidence permanente pour être admissibles à la citoyenneté. La réintégration dans la citoyenneté n'est toutefois pas automatique sur présentation d'une demande pour cette catégorie de « Canadiens dépossédés de leur citoyenneté » 78. De plus, pour les personnes dont la demande de réintégration dans la citoyenneté est approuvée, le statut de citoyen canadien n'est pas rétroactif : « Si une personne a eu un enfant entre le moment où elle a perdu sa citoyenneté canadienne et celui où elle l'a récupérée, elle n'a pu transmettre la citoyenneté canadienne à son enfant par filiation 79. »
Enfin, jusqu'en 2009, une disposition de la Loi sur la citoyenneté stipulait qu'une personne née à l'extérieur du Canada après le 14 février 1977 et ayant obtenu la citoyenneté canadienne par filiation d'un parent né également à l'extérieur du Canada perdait son statut de citoyen canadien à son 28e anniversaire. Pour conserver sa citoyenneté, la personne devait présenter une demande avant son 28e anniversaire et avoir résidé au Canada pendant un an avant de présenter sa demande ou démontrer qu'elle a conservé avec le Canada des liens manifestes 80. Cette disposition a été abrogée en 2009 avec l'entrée en vigueur du projet de loi C‑37, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté 81. Cette mesure législative attribuait également une citoyenneté rétroactive à la plupart des catégories de « Canadiens dépossédés de leur citoyenneté » en élargissant la définition de citoyen 82. Toutefois, en adoptant les modifications législatives de 2009, le gouvernement du Canada a déclaré qu'il ne voulait pas permettre que la citoyenneté soit transmise indéfiniment d'une génération à l'autre au sein des membres d'une famille vivant à l'étranger 83. C'est pour cette raison que le projet de loi C‑37 a introduit la règle limitant la transmission de la citoyenneté à la première génération 84, qui confère la citoyenneté à la première génération de Canadiens nés à l'étranger sans exigence de déclaration de rétention 85. Les générations suivantes nées à l'étranger n'obtiennent pas automatiquement la citoyenneté canadienne, mais peuvent demander la résidence permanente et la citoyenneté par le biais du système d'immigration.
Une deuxième série de modifications législatives adoptées dans le projet de loi C‑24 a étendu la citoyenneté aux personnes nées avant que la Loi sur la citoyenneté canadienne n'entre en vigueur en 1947. Par conséquent, de nouvelles dispositions ont été ajoutées à la Loi sur la citoyenneté pour prendre en compte les catégories qui suivent :
Les modifications étendaient également la citoyenneté aux personnes nées avant que Terre‑Neuve‑et‑Labrador se joigne au Canada le 1er avril 1949 et qui appartenaient à l'une des catégories susmentionnées 90. Toutefois, la citoyenneté par filiation demeure accessible à la première génération née à l'étranger seulement, car les modifications promulguées par le projet de loi C‑24 ne s'appliquaient pas à la deuxième génération – et aux générations suivantes – de Canadiens nés à l'étranger depuis 1977. Certains chercheurs ont fait valoir que « les limites à l'obtention de la citoyenneté par filiation sont contraires au principe de la primauté du droit dans la mesure où le cadre actuel de citoyenneté crée un système de citoyenneté canadienne à deux vitesses 91 ». De plus, ils avancent que ces limites pourraient conduire à des situations d'apatridie 92.
Pour tout « Canadien dépossédé de sa citoyenneté » qui n'est pas visé par l'article 3 de la Loi sur la citoyenneté, le gouvernement fédéral peut envisager de recourir au pouvoir discrétionnaire du ministre pour accorder la citoyenneté au cas par cas, conformément au paragraphe 5(4) de la Loi 93. Toutefois, même s'il existe des dispositions relatives au pouvoir discrétionnaire du ministre pour l'attribution de la citoyenneté, celle‑ci « relève du seul pouvoir discrétionnaire du ministre et ne garantit pas que la personne obtiendra la citoyenneté 94 ».
Depuis 1947, la législation canadienne sur la citoyenneté confère la citoyenneté canadienne de naissance à toute personne née en sol canadien, indépendamment du statut de citoyenneté ou d'immigration des parents. La seule exception concerne les enfants nés au Canada de parents diplomates, d'agents consulaires ou d'autres représentants d'un gouvernement étranger ou d'une organisation internationale et d'employés de ces organisations qui travaillent au Canada 95.
Bien que la citoyenneté obtenue par naissance en sol canadien soit une politique de longue date au Canada, des demandes ont été formulées au fil des ans pour prévenir la venue au Canada de ressortissantes étrangères pour accoucher dans le seul but que leur enfant obtienne la citoyenneté canadienne. Cette pratique est communément appelée « tourisme obstétrique ». Au cours des dernières années, plusieurs médias ont fait état de la pratique du tourisme obstétrique et mis au jour une augmentation du nombre de naissances chez les ressortissants étrangers au Canada 96.
Statistique Canada recueille des données sur le nombre de naissances au Canada dans lequel est inclus le nombre de naissances d'enfants de non‑résidents. Toutefois, la catégorie « Lieu de résidence de la mère à l'extérieur du Canada », également appelée catégorie des mères non‑résidentes, comprend les naissances chez les mères dont le pays de résidence est inconnu 97. Il peut également s'agir de « Canadiens vivant à l'étranger qui reviennent au Canada et y donnent naissance, des étudiants étrangers, des travailleurs étrangers temporaires ainsi que des enfants qui pourraient obtenir la citoyenneté canadienne par filiation avec un parent qui ne leur a pas donné naissance 98 ». En moyenne, selon les données de Statistique Canada de 2000 à 2018, on a compté 363 553 naissances par année au Canada, dont 343 chez les femmes ne résidant pas au Canada 99. Comme le montre le tableau 3, la proportion globale de naissances chez les mères non-résidentes est très faible.
Année | Total des naissances au Canada | Canada, lieu de résidence de la mère | Lieu de résidence de la mère à l'extérieur du Canada | Mères non‑résidentes (% du total des naissances au Canada) |
---|---|---|---|---|
2000 | 328 260 | 327 863 | 397 | 0,12 |
2001 | 334 056 | 333 720 | 336 | 0,10 |
2002 | 329 106 | 328 771 | 335 | 0,10 |
2003 | 335 513 | 335 167 | 346 | 0,10 |
2004 | 337 386 | 337 036 | 350 | 0,10 |
2005 | 342 491 | 342 119 | 372 | 0,11 |
2006 | 354 861 | 354 572 | 289 | 0,08 |
2007 | 368 125 | 367 806 | 319 | 0,09 |
2008 | 378 111 | 377 864 | 247 | 0,07 |
2009 | 381 180 | 380 850 | 330 | 0,09 |
2010 | 377 504 | 377 199 | 305 | 0,08 |
2011 | 377 900 | 377 623 | 277 | 0,07 |
2012 | 382 568 | 381 869 | 699 | 0,18 |
2013 | 380 675 | 380 323 | 352 | 0,09 |
2014 | 384 378 | 384 100 | 278 | 0,07 |
2015 | 382 625 | 382 392 | 233 | 0,06 |
2016 | 383 415 | 383 102 | 313 | 0,08 |
2017 | 376 676 | 376 291 | 385 | 0,10 |
2018 | 372 685 | 372 329 | 356 | 0,10 |
Source : Tableau préparé par les auteures à partir de données tirées de Statistique Canada, « Tableau 13-10-0414-01 : Naissances vivantes, selon le lieu de résidence de la mère » (base de données), consultée le 15 juin 2020.
Toutefois, un chercheur a utilisé des données de l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS) et a constaté que le nombre de naissances au Canada chez les mères résidant à l'extérieur du Canada est passé de 1 354 en 2010 à 2 165 en 2013 à 3 628 en 2017 100. Au cours de cette période de huit ans, le nombre de naissances chez les mères non-résidentes a presque quintuplé en Colombie‑Britannique, presque triplé en Alberta et a plus que doublé en Ontario. En 2017, c'est à l'Hôpital de Richmond, en Colombie‑Britannique, qu'on a enregistré le plus grand nombre de naissances chez des mères non‑résidentes parmi tous les hôpitaux du pays, celles‑ci représentant environ 22 % du total des naissances dans l'hôpital 101. Comme dans le cas des données de Statistique Canada, il est difficile d'évaluer le nombre exact de naissances chez les mères non-résidentes qui concernent des mères venues au Canada pour accoucher dans un but d'obtention de citoyenneté. Des chercheurs ont demandé que de plus amples recherches soient effectuées pour contextualiser les naissances chez les mères non‑résidentes, car le nombre de résidents temporaires qui arrivent au Canada pour travailler ou étudier a augmenté au fil des ans 102.
L'écart entre les données de Statistique Canada et celles de l'ICIS s'explique probablement par les sources de données différentes et par le fait que tous les renseignements sur le lieu de résidence reposent sur les adresses déclarées. Pour les données administratives des hôpitaux, les femmes qui accouchent peuvent utiliser leur adresse réelle, alors que pour les renseignements d'état civil – recueillis au moyen des formulaires d'enregistrement des naissances – elles peuvent utiliser leur adresse canadienne temporaire 103.
En réponse à deux pétitions présentées à la Chambre des communes 104 sur la citoyenneté obtenue par naissance en sol canadien, le gouvernement du Canada a reconnu l'existence de cas de ressortissantes étrangères qui viennent au Canada pour accoucher et la nécessité de mieux évaluer l'étendue de cette pratique 105. En 2018, le gouvernement fédéral s'est engagé à mieux évaluer l'ampleur du tourisme obstétrique et a demandé à l'ICIS de mener de nouvelles recherches. Au moment de la rédaction du présent document, les résultats des recherches attendus pour le printemps 2020 n'étaient pas encore publiés 106.
Le gouvernement fédéral a également indiqué qu'il ne recueille pas d'information permettant de savoir si une femme est enceinte ou non lorsqu'elle entre au Canada 107. En vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, une personne ne peut pas être interdite de territoire ni se voir refuser un visa au seul motif qu'elle est enceinte ou qu'elle pourrait accoucher au Canada 108. Toutefois, une personne est tenue d'indiquer le but de son séjour lorsqu'elle demande un visa pour venir au Canada. Dans certains cas, « la dissimulation volontaire de l'intention de donner naissance au Canada peut conduire à un examen de l'admissibilité 109 » pour fausses déclarations, ce qui entraîne des conséquences importantes susceptibles également d'avoir une incidence sur la citoyenneté de l'enfant 110.
Les changements apportés aux politiques et aux pratiques en matière de citoyenneté pourraient entraîner de nombreuses répercussions, notamment des difficultés opérationnelles et financières 111. Le gouvernement fédéral a étudié certaines options en matière de politiques par le passé. Par exemple, quand l'honorable Jason Kenney était ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme, une proposition de réforme de la citoyenneté a été préparée « qui stipulait que malgré le fait que le problème du tourisme obstétrique était prioritaire, le gouvernement fédéral ne pouvait pas faire grand‑chose compte tenu de la responsabilité provinciale de l'enregistrement des naissances 112 ». D'autres ont également souligné que :
les chiffres disponibles ne montrent pas une tendance qui justifierait une action gouvernementale – en particulier une action sous forme de refus de citoyenneté aux enfants nés en sol canadien. Les ministres des deux partis sont arrivés à la conclusion qu'aucune action n'était nécessaire : le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration conservateur, Jason Kenney, en 2012, et le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté libéral, Ahmed Hussen, en 2018 113.
Certains observateurs ont affirmé que « l'élimination de la citoyenneté par la naissance au Canada imposerait des dépenses publiques supplémentaires, compliquerait le processus de vérification de la citoyenneté et contribuerait aux risques d'une citoyenneté à deux vitesses 114 ». D'autres ont fait valoir que compte tenu de la faible ampleur du tourisme obstétrique au Canada, « les approches réglementaires seraient plus adaptées et plus rentables » pour prévenir le tourisme obstétrique 115.
Dans l'ensemble, la citoyenneté obtenue par la naissance en sol canadien est codifiée dans la Loi sur la citoyenneté, qui peut être modifiée par une loi du Parlement. La question est de savoir si des mesures législatives, réglementaires ou politiques sont nécessaires pour traiter le problème du tourisme obstétrique au Canada 116.
Le concept de citoyenneté canadienne a près de 75 ans et est actuellement régi par la Loi sur la citoyenneté, qui est entrée en vigueur le 15 février 1977. Au fil des ans, plusieurs modifications législatives ont été apportées à la Loi sur la citoyenneté pour s'attaquer à des enjeux comme le processus de demande de citoyenneté pour les ressortissants étrangers qui désirent devenir citoyens canadiens et à des questions stratégiques précises, comme la question des « Canadiens dépossédés de leur citoyenneté ». La citoyenneté canadienne peut être obtenue par la naissance, par filiation ou par la naturalisation, mais des questions stratégiques comme les taux de citoyenneté et le tourisme obstétrique mettent en perspective la façon dont le Canada gère la citoyenneté canadienne.
† Les études générales de la Bibliothèque du Parlement sont des analyses approfondies de questions stratégiques. Elles présentent notamment le contexte historique, des informations à jour et des références, et abordent souvent les questions avant même qu’elles deviennent actuelles. Les études générales sont préparées par le Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque, qui effectue des recherches et fournit des informations et des analyses aux parlementaires ainsi qu’aux comités du Sénat et de la Chambre des communes et aux associations parlementaires, et ce, de façon objective et impartiale. [ Retour au texte ]
guide la prestation de services consulaires. Elle énonce les services que les représentants peuvent ou non offrir aux Canadiens à l'étranger, ainsi que les mesures que le gouvernement peut prendre en cas d'urgences de grande envergure. Toutefois, les Canadiens sont responsables de leur sécurité personnelle à l'étranger et n'ont pas le droit à de l'aide consulaire, y compris à des services de rapatriement.Brian Hermon et Scott McTaggart, Les services consulaires du Canada et leur intervention face à la COVID‑19, Notes de la Colline, Bibliothèque du Parlement, 24 avril 2020. Pour en savoir plus, voir Nakache et Le Bouthillier (2016), p. 351. [ Retour au texte ]
utilise les données financières des hôpitaux pour coder les services fournis aux personnes non-résidentes (« services à charge des résidents d'autres pays »), qui couvrent le tourisme obstétrique. Les personnes qui présentent une demande de statut de réfugié et les résidentes permanentes qui sont dans la période d'attente de trois mois pour bénéficier de la couverture sont codées séparément. Toutefois, les naissances chez d'autres résidentes temporaires (comme les personnes transférées par des entreprises et les étudiantes étrangères) et chez les expatriées canadiennes qui reviennent au Canada pour accoucher sont également incluses dans les données sur les personnes non‑résidentes [traduction].Andrew Griffith, « Hospital stats show birth tourism rising in major cities », Options politiques, 22 novembre 2018. Voir « Figure 3 – Births in Canada, by province (excluding Quebec), to mothers who reside outside Canada, 2010–17 (as reported by Canadian Institute for Health Information) ». [ Retour au texte ]
la grossesse n'est habituellement pas considérée comme un « trouble médical » […] Avec l'entrée en vigueur, le 1er juin 2018, de la Politique d'intérêt public temporaire concernant le fardeau excessif pour les services sociaux et de santé, les coûts des soins de santé liés à une grossesse à haut risque (soins prénataux et accouchement) ne dépassent pas le seuil du fardeau excessif [en caractère gras dans l'original].Gouvernement du Canada, Résidents temporaires : Les personnes qui désirent entrer au Canada dans le but de donner naissance. [ Retour au texte ]
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