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Le projet de loi C‑7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), a été déposé à la Chambre des communes le 24 février 2020 par le ministre de la Justice, et a été adopté en première lecture le même jour 1. Ce projet de loi est toutefois mort au Feuilleton lors de la prorogation de la première session de la 43e législature, mais a été de nouveau déposé, avec le même numéro, le 5 octobre 2020 2. Le projet de loi a fait l’objet d’une deuxième lecture le 29 octobre 2020 et a été renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes (le Comité de la justice) le même jour. Le projet de loi a ensuite fait l’objet d’un rapport avec amendements de la part du Comité de la Justice avant d’être retourné à la Chambre des communes le 25 novembre 2020. L’étape de la troisième lecture s’est déroulée le 10 décembre 2020, sans amendement supplémentaire. Dans l’intervalle, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a amorcé son étude préalable du projet de loi. Ce comité a publié un rapport intérimaire 3 le 10 décembre 2020, soit le jour de l’étape de la première lecture du projet de loi C‑7 devant cette Chambre. Le projet de loi a fait l’objet d’une deuxième lecture le 17 décembre 2020 et a été renvoyé le même jour au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a tenu des réunions sur ce projet de loi, en plus de celles qu’il a tenues pendant l’étude préalable. Le 8 février 2021, ce comité a présenté son rapport final sur l’étude préalable 4 et, le même jour, a fait rapport du projet de loi avec des observations, mais sans amendement 5.
Le projet de loi C‑7 a été amendé à l’étape de la troisième lecture et adopté par le Sénat le 17 février 2021, et un message a été envoyé à la Chambre des communes 6. Cette dernière a alors examiné les amendements apportés par le Sénat et lui a envoyé un message le 11 mars 2021 pour lui faire part de son accord avec certains amendements et de son désaccord avec d’autres 7.
Le Sénat a accepté les amendements de la Chambre des communes le 17 mars 2021, et le projet de loi a reçu la sanction royale le même jour.
Le projet de loi C‑7 inclut la réponse du gouvernement fédéral à la décision rendue par la Cour supérieure du Québec en septembre 2019 dans l’affaire Truchon c. Procureur général du Canada 8, qui portait sur les dispositions du Code criminel fédéral (le Code) relatives à l’aide médicale à mourir (AMM) 9 et sur la Loi concernant les soins de fin de vie 10 du Québec. Dans sa décision, la Cour a déclaré contraire à la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) la disposition du Code selon laquelle une personne ne peut être admissible à l’AMM que si « sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible ».
Certaines modifications apportées au Code par le projet de loi C‑7 tiennent aussi compte de questions soulevées depuis l’ajout des premières dispositions sur l’AMM dans le Code, en 2016. Le projet de loi modifie les dispositions du Code sur l’AMM en établissant un ensemble distinct de mesures de sauvegarde pour les personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible et en apportant certaines modifications aux mesures de sauvegarde qui s’appliquent lorsque la mort naturelle est raisonnablement prévisible.
Le projet de loi C‑7 modifie également les critères d’admissibilité pour préciser que la maladie mentale n’est pas considérée comme une maladie, une affection ou un handicap pour la détermination de l’admissibilité à l’AMM.
Après le dépôt du premier projet de loi C‑7 lors de la précédente session de l’actuelle législature, le ministère de la Justice a présenté un rapport sur les résultats des consultations sur l’AMM tenues en janvier et en février 2020 par le gouvernement fédéral. Ces consultations visaient à recueillir l’opinion des Canadiens sur l’AMM, notamment sur le fait de la rendre accessible ou non aux personnes dont la seule condition médicale invoquée est une maladie mentale 11.
Les dispositions du Code relatives à l’AMM ont été présentées pour la première fois en 2016 par l’entremise du projet de loi C‑14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir) 12. Le gouvernement a déposé le projet de loi C‑14 en réponse au jugement rendu par la Cour suprême du Canada en février 2015 dans l’affaire Carter c. Canada (Procureur général) (l’arrêt Carter) 13. Dans l’arrêt Carter, la Cour a établi que l’article 14 et l’alinéa 241b) du Code, qui interdisaient d’aider quelqu’un à se donner la mort, portaient atteinte aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité, prévus par la Charte, de la personne qui voulait accéder à l’aide à mourir. Par conséquent, elle a déclaré ces dispositions invalides. La Cour a suspendu la prise d’effet de la déclaration d’invalidité pour un an, puis l’a prorogée de quatre mois à la demande du procureur général du Canada.
En août 2015, le gouvernement fédéral a créé le Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada. Le Comité avait pour mandat initial de mener des consultations sur les questions relatives à l’aide à mourir et de formuler des recommandations sur les options législatives. Toutefois, son mandat a ensuite été revu et le Comité a été chargé à la place de résumer les principales constatations effectuées à la suite des consultations. Le Comité a publié son rapport final en décembre 2015 14. Parallèlement, un Groupe consultatif provincial‑territorial d’experts sur l’aide médicale à mourir a été mis sur pied en août 2015 et a présenté son rapport final contenant 43 recommandations, le 30 novembre 2015 15.
En décembre 2015, un comité mixte spécial composé de députés et de sénateurs a été créé. Le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir s’est réuni en janvier et février 2016, et a formulé dans son rapport, adopté à la majorité des membres du Comité, des recommandations pour la mise en place d’un cadre législatif sur l’aide médicale à mourir 16. Dans ce rapport, le comité mixte spécial a souligné qu’il était nécessaire que le gouvernement fédéral collabore avec les provinces sur cette question. Alors que bon nombre des recommandations du comité mixte spécial ont été intégrées au projet de loi C‑14, deux qui ne l’ont pas été ont par la suite fait l’objet d’examens distincts, à savoir :
Le Comité mixte spécial a également recommandé que les maladies psychiatriques ne constituent pas un obstacle à l’admissibilité (recommandation 3). Les personnes atteintes d’un trouble psychiatrique ou d’une maladie mentale n’étaient pas explicitement jugées inadmissibles à l’AMM, mais un groupe d’experts dont les membres ont examiné la question de la maladie mentale dans le contexte de l’AMM a indiqué que « [l]a plupart des personnes atteintes d’un trouble mental comme seul problème médical invoqué ne peuvent satisfaire aux critères d’admissibilité actuels de l’AMM 17 ».
Le projet de loi C‑14, présenté à la Chambre des communes le 14 avril 2016, a reçu la sanction royale le 17 juin 2016 19. L’« aide médicale à mourir » y était définie comme étant le fait pour un médecin ou un infirmier praticien :
Le projet de loi C‑14 prévoyait la modification du Code de manière à ce que certaines personnes qui fournissent l’AMM, dont les médecins et les infirmiers praticiens, de même que certaines personnes qui leur offrent leur assistance, dont les pharmaciens, soient exemptées de la responsabilité pénale. Il prévoyait également l’exemption d’une personne qui apporte son aide à un patient qui a été autorisé à recevoir l’AMM et qui choisit de s’administrer lui‑même une substance qui causera sa mort.
D’autres modifications apportées au Code portaient sur les critères d’admissibilité des personnes qui souhaitent obtenir l’AMM et sur les mesures de sauvegarde. Ainsi, pour être admissible à l’AMM, une personne doit :
Pour être considérée comme ayant des « problèmes de santé graves et irrémédiables », la personne doit répondre aux critères suivants :
Les modifications apportées au Code ont aussi créé des infractions criminelles qui s’appliquent en cas de non‑respect des mesures de sauvegarde (art. 241.3), de falsification ou de destruction d’un document (art. 241.4) ou de non‑respect des exigences sur la communication de renseignements ou des règlements applicables (par. 241.31(4) et 241.31(5), respectivement).
Dans sa version définitive, le projet de loi C‑14 exigeait qu’un ou que des examens indépendants soient réalisés au sujet de trois cas de restrictions applicables actuellement à l’AMM :
Trois groupes de travail distincts établis par le Conseil des académies canadiennes ont mené ces examens et publié chacun un rapport en décembre 2018 21.
Le Règlement sur la surveillance de l’aide médicale à mourir, qui définit les exigences en matière de rapports sur les demandes d’AMM, est entré en vigueur en novembre 2018 22.
Les dispositions du Code relatives à l’AMM ont fait l’objet de deux contestations très médiatisées. Julia Lamb, qui est atteinte d’amyotrophie spinale de type 2, est à l’origine de l’une de ces contestations. Mme Lamb maintenait que la loi était trop restrictive, car elle exigeait d’une personne qu’elle soit dans « un déclin avancé et irréversible » et que « sa mort naturelle [soit] devenue raisonnablement prévisible » pour être jugée admissible à l’AMM 23. La contestation a toutefois été suspendue lorsque le procureur général du Canada a soumis un témoignage d’expert indiquant qu’il était probable que le cas de Mme Lamb soit jugé conforme au critère de mort naturelle raisonnablement prévisible 24.
La seconde contestation très médiatisée a été engagée par Jean Truchon et Nicole Gladu. Jean Truchon était atteint de paralysie cérébrale et avait reçu, en 2012, un diagnostic de sténose spinale grave avec myélomalacie. Nicole Gladu, quant à elle, a appris, à 47 ans, qu’elle souffrait du syndrome de post‑poliomyélite. En tant que résidents du Québec, ils ont contesté deux dispositions : celle du Code qui exige que leur mort naturelle soit « raisonnablement prévisible », et celle de la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec, qui veut que la personne soit « en fin de vie ». Tous deux avaient fait une demande d’AMM, qui avait été jugée conforme à tous les critères d’admissibilité, à l’exception de ces deux exigences 25.
Le 11 septembre 2019, la Cour supérieure du Québec a déclaré que la disposition du Code qui exige que, pour qu’une personne puisse obtenir l’AMM, il faut que sa mort soit « raisonnablement prévisible » était contraire aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne garantis par l’article 7 de la Charte 26. La juge a également établi que les dispositions du Code et de la loi québécoise concernant les soins de fin de vie qui exigent d’une personne qu’elle soit « en fin de vie » pour obtenir l’AMM portaient atteinte aux droits à l’égalité prévus par l’article 15 de la Charte. Par conséquent, les dispositions en question ont été déclarées invalides et la déclaration d’invalidité a été suspendue pendant six mois. Les demandeurs ont obtenu une exemption constitutionnelle les autorisant à se prévaloir de l’AMM durant la période de suspension 27. Le procureur général du Canada a demandé quatre prolongations de la période de suspension, et toutes ont été accordées 28. Ni le gouvernement fédéral ni le gouvernement du Québec n’a fait appel du jugement.
Le projet de loi C‑7 contient six articles, dont les principales dispositions sont analysées dans la section suivante.
À l’instar du projet de loi C‑14 qui a apporté la première série de modifications concernant l’AMM au Code, le projet de loi C‑7 comporte un préambule qui traite de diverses questions. Certaines dispositions du préambule sont semblables à celles du projet de loi C‑14, tandis que d’autres sont inédites. Par exemple, contrairement au projet de loi C‑14, le projet de loi C‑7 mentionne les obligations que la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies impose au Canada. De plus, le préambule du projet de loi C‑7 souligne le rôle joué par l’affaire Truchon dans l’évolution de la loi et indique que le Parlement estime approprié de ne plus limiter l’admissibilité à l’AMM aux personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible. Toutefois, il est aussi indiqué qu’il est nécessaire de prévoir des mesures de sauvegarde additionnelles pour les personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible.
L’alinéa 241.2(2)d) du Code énonce le critère suivant :
[la] mort naturelle [de la personne] est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l’ensemble de sa situation médicale, sans pour autant qu’un pronostic ait été établi quant à son espérance de vie.
Comme nous l’avons mentionné précédemment, cette disposition a été jugée inconstitutionnelle dans la décision de l’affaire Truchon.
Le paragraphe 1(1) du projet de loi, qui donne suite à cette décision, abroge l’alinéa 241.2(2)d) du Code de sorte que la mort naturelle d’une personne ne doit plus être raisonnablement prévisible pour que celle‑ci puisse avoir droit à l’AMM. Toutefois, comme il est expliqué dans les prochains paragraphes, le projet de loi comporte deux différentes séries de mesures de sauvegarde lorsque la mort naturelle est raisonnablement prévisible et lorsqu’elle ne l’est pas.
L’alinéa 241.2(1)c) du Code dispose que la personne doit être affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables pour avoir droit à l’AMM. Le paragraphe 241.2(2) définit les critères qu’une personne doit remplir pour que l’on considère qu’elle est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables. Cette personne doit notamment être « atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables ». Le ministère de la Justice précise dans le document Contexte législatif : aide médicale à mourir (projet de loi C‑14) ce qui suit :
[L]es personnes atteintes d’une maladie mentale ou d’un handicap physique ne seraient pas exclues du régime, mais elles ne pourraient avoir accès à l’aide médicale à mourir que si elles remplissent tous les critères d’admissibilité 29.
On reconnaît dans ce document que les demandes d’AMM relatives à la maladie mentale sont complexes et doivent faire l’objet d’études complémentaires.
Comme il est indiqué plus haut, après que le projet de loi C‑14 a reçu la sanction royale, le Conseil des académies canadiennes a été chargé de se pencher sur trois questions, dont les demandes d’AMM dans lesquelles la maladie mentale est le seul problème médical invoqué. Dans son rapport, le Conseil reconnaît que certaines personnes atteintes d’une maladie mentale pourraient remplir les critères actuels, mais que d’autres ne le pourraient pas. Il précise toutefois que les personnes pour lesquelles la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée qui satisferont aux critères d’admissibilité à l’AMM seront rares 30.
Même si l’affaire Truchon ne concernait pas de personne pour laquelle la maladie mentale était la seule condition médicale invoquée, la suppression du critère voulant que la mort naturelle soit raisonnablement prévisible aurait pu donner droit à l’AMM à un plus grand nombre de personnes dont la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée. Le paragraphe 1(2) du projet de loi C‑7 ajoute toutefois au Code le nouveau paragraphe 241.2(2.1), qui précise que, pour l’application de l’alinéa 241.2(2)a), la maladie mentale n’est pas considérée comme une maladie, une affection ou un handicap. Selon cette disposition du projet de loi C‑7, la maladie mentale ne suffit donc pas pour avoir droit à l’AMM, et ce, même si la personne satisfait aux autres critères. Le Sénat avait ajouté une disposition au projet de loi C‑7 qui aurait abrogé le nouveau paragraphe 241.2(2.1) du Code 18 mois après la date de la sanction royale du projet de loi 31. La Chambre des communes a fait passer à deux ans après la date de la sanction royale la période après laquelle la disposition sera abrogée (art. 6).
Le projet de loi C‑7 apporte plusieurs changements aux mesures de sauvegarde qui s’appliquent à une demande d’AMM. Actuellement, une seule série de mesures de sauvegarde s’appliquent à tous les cas d’AMM. Le projet de loi crée deux séries de mesures de sauvegarde : une première série pour les demandes pour lesquelles la mort naturelle est prévisible, et une seconde pour les demandes pour lesquelles elle ne l’est pas. Certaines mesures de sauvegarde restent les mêmes dans les deux cas, tandis que d’autres diffèrent. Seules les mesures de sauvegarde ajoutées ou modifiées par le projet de loi C‑7 sont présentées ci‑après.
Dans les deux cas, le projet de loi C‑7 prévoit qu’une seule personne doit être témoin de la signature de la demande, plutôt que les deux témoins actuellement requis (al. 241.2(3)c) modifié et nouvel al. 241.2(3.1)c) du Code).
Le délai d’attente de dix jours actuellement nécessaires entre le jour où la demande est signée et celui où l’AMM est administrée est supprimé des conditions qui doivent être réunies lorsque la mort naturelle est prévisible (al. 241.2(3)g) modifié). Dans son allocution à l’étape de la deuxième lecture, le ministre de la Justice a indiqué que, selon ce que le gouvernement avait appris lors des consultations publiques, les personnes ont déjà beaucoup réfléchi à l’AMM lorsqu’elles présentent une demande écrite, et que le délai d’attente prolonge alors indûment leurs souffrances 32.
Dans le cas des demandes pour lesquelles la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, le projet de loi instaure un délai d’attente de 90 jours entre le jour où est faite la première évaluation et celui où l’AMM est fournie, à moins que deux médecins ou infirmiers praticiens jugent que la perte de la capacité de la personne à consentir à l’AMM est imminente. Si la perte de la capacité est imminente, le médecin ou l’infirmier praticien qui doit fournir l’AMM détermine un délai d’attente indiqué dans les circonstances (nouvel al. 241.2(3.1)i) du Code).
À l’heure actuelle, il faut s’assurer dans tous les cas que la personne consent à l’AMM immédiatement avant de la lui fournir. Lorsque la mort naturelle est raisonnablement prévisible, le projet de loi permet de renoncer à ce consentement final (nouveaux par. 241.2(3.2) à 241.2(3.5) du Code). Les conditions précises qui s’appliquent dans ces cas sont présentées à la prochaine section du présent résumé législatif.
Dans le cas des demandes pour lesquelles la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, le projet de loi prévoyait, dans sa forme à l’étape de la première lecture, que l’un des deux médecins ou infirmiers praticiens évaluant le respect des critères devait posséder l’expertise nécessaire en ce qui concerne la condition à l’origine des souffrances de la personne (nouvel al. 241.2(3.1)e)). Un amendement proposé par le Comité de la Justice et adopté à la Chambre des communes fait en sorte que, dans les cas où aucun des médecins ou infirmiers praticiens ne possède une telle expertise, les médecins ou infirmiers praticiens peuvent consulter un autre médecin ou infirmier praticien qui possède cette expertise afin de satisfaire à l’exigence en lien avec l’expertise nécessaire en ce qui concerne la condition en question (nouveau sous‑al. 241.2(3.1)(e.1)).
Lorsque la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible, le projet de loi C‑7 prévoit aussi que la personne doit être informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances, notamment, lorsque cela est indiqué, les services de consultation psychologique, les services de soutien en santé mentale, les services de soutien aux personnes handicapées, les services communautaires et les soins palliatifs, et qu’il lui a été offert de consulter les professionnels compétents qui fournissent de tels services ou soins (nouvel al. 241.2(3.1)g)). Enfin, les deux médecins ou infirmiers praticiens doivent discuter avec la personne des moyens raisonnables et disponibles de soulager ses souffrances et s’accorder avec elle sur le fait qu’elle les a sérieusement envisagés (nouvel al. 241.2(3.1)h)). Le ministère de la Justice a déclaré que ces conditions supplémentaires avaient été ajoutées pour « clarifier […] la notion de consentement éclairé dans ce genre de cas 33 ».
Les mesures de sauvegarde actuelles et les deux séries de mesures de sauvegarde que prévoit le projet de loi C‑7, dans sa forme amendée par la Chambre des communes, sont présentées dans le tableau 1.
Mesures de sauvegarde actuelle : par. 241.2(3) du Code criminel |
Mesures de sauvegarde prévues dans le projet de loi C‑7 lorsque la mort naturelle est prévisible : par. 241.2(3) modifié et nouveaux par. 241.2(3.2) à 241.2(3.5) du Code criminel |
Mesures de sauvegarde du projet de loi C‑7 lorsque la mort naturelle n’est pas prévisible : nouveau par. 241.2(3.1) du Code criminel |
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Le médecin ou l’infirmier praticien est d’avis que la personne satisfait à tous les critères prévus au paragraphe 241.2(1). | Aucun changement | Aucun changement |
La demande d’aide médicale à mourir (AMM) a été faite par écrit et elle a été datée et signée après que la personne a été avisée qu’elle est affectée d’un problème de santé grave et irrémédiable. | Aucun changement | Aucun changement |
La demande a été datée et signée devant deux témoins indépendants. | La demande a été datée et signée devant un témoin indépendant a. | La demande a été datée et signée devant un témoin indépendant a. |
La personne a été informée qu’elle pouvait, en tout temps et par tout moyen, retirer sa demande. | Aucun changement | Aucun changement |
Un deuxième médecin ou infirmier praticien a fourni un avis écrit confirmant le respect de tous les critères. | Aucun changement | Un deuxième médecin ou infirmier praticien a fourni un avis écrit confirmant le respect de tous les critères. Si le premier médecin ou infirmier praticien ne possède pas l’expertise en ce qui concerne la condition à l’origine des souffrances de la personne, l’avis écrit doit être fait par un médecin ou un infirmier praticien possédant cette expertise, ou après avoir consulté un autre médecin ou infirmier praticien qui possède une telle expertise. |
Le médecin ou l’infirmier praticien et le deuxième médecin ou infirmier praticien sont indépendants l’un de l’autre. | Aucun changement | Aucun changement |
Au moins 10 jours francs se sont écoulés entre le jour où la demande a été signée et celui où l’AMM est fournie (à moins que la mort de la personne ou la perte de sa capacité à fournir un consentement éclairé ne soit imminente). | Disposition abrogée | Au moins 90 jours francs se sont écoulés entre le jour auquel commence la première évaluation et celui où l’AMM est fournie ou, si toutes les évaluations sont terminées et que les deux médecins ou infirmiers praticiens jugent que la perte de la capacité de la personne à consentir à recevoir l’AMM est imminente, un délai plus court selon ce que le premier médecin ou infirmier praticien juge indiqué dans les circonstances. |
Immédiatement avant de fournir l’AMM, la personne a la possibilité de retirer sa demande et le médecin ou l’infirmier praticien s’assure qu’elle y consent expressément. | Immédiatement avant de fournir l’AMM, la personne a la possibilité de retirer sa demande et le médecin ou l’infirmier praticien s’assure qu’elle y consent expressément. Toutefois, il est possible de renoncer à la vérification du consentement final si certaines conditions sont réunies (voir la section 2.4 du présent résumé législatif). | Immédiatement avant de fournir l’AMM, la personne a la possibilité de retirer sa demande et le médecin ou l’infirmier praticien s’assure qu’elle y consent expressément. Toutefois, il est possible de renoncer à la vérification du consentement final si certaines conditions sont réunies. Les cas où la renonciation est possible sont plus limités que lorsque la mort naturelle est raisonnablement prévisible (voir la section 2.4 du présent résumé législatif). |
Si la personne éprouve de la difficulté à communiquer, les mesures nécessaires doivent être prises pour lui fournir un moyen de communication fiable afin qu’elle puisse comprendre les renseignements qui lui sont fournis et faire connaître sa décision. | Aucun changement | Aucun changement |
Aucun équivalent | Aucun équivalent | La personne a été informée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances, notamment, lorsque cela est indiqué, les services de consultation psychologique, les services de soutien en santé mentale, les services de soutien aux personnes handicapées, les services communautaires et les soins palliatifs, et il lui a été offert de consulter les professionnels compétents qui fournissent de tels services ou soins. |
Aucun équivalent | Aucun équivalent | Les deux médecins ou infirmiers praticiens ont discuté avec la personne des moyens raisonnables et disponibles de soulager ses souffrances et ils s’accordent avec elle sur le fait qu’elle les a sérieusement envisagés. |
Note :
Sources : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir d’une comparaison entre la loi actuelle et le projet de loi C‑7. Voir Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, par. 241.2(3); et Projet de loi C‑7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), 2e session, 43e législature.
À l’heure actuelle, la personne doit pouvoir donner son consentement immédiatement avant que l’AMM lui soit fournie. Le cas très médiatisé d’Audrey Parker, dont le cancer s’était propagé au cerveau, illustre les répercussions de cette exigence. Mme Parker, qui avait droit à l’AMM, craignait toutefois de ne plus pouvoir donner son consentement avant de recevoir le traitement et, par conséquent, de ne plus y avoir droit. Comme elle l’affirme dans une vidéo très médiatisée faite avant sa mort, elle a donc choisi de recevoir l’AMM en novembre 2018 alors qu’elle aurait préféré attendre après Noël 34. Le ministre de la Justice, David Lametti, aurait affirmé que les modifications prévues par le projet de loi C‑7 en ce qui concerne le consentement final avant la prestation de l’AMM s’inspirent notamment du cas de Mme Parker 35.
Le nouveau paragraphe 241.2(3.2) du Code énumère les conditions qui doivent être réunies pour que l’AMM puisse être fournie sans que la personne ait à donner son consentement immédiatement avant le traitement. Cette possibilité n’est envisageable que si la mort naturelle est raisonnablement prévisible et si tous les critères suivants sont remplis :
Le nouveau paragraphe 241.2(3.5) du Code renferme une disposition concernant le consentement préalable dans le cas particulier de l’autoadministration, à laquelle il est possible d’avoir recours lorsque la mort naturelle est raisonnablement prévisible et lorsqu’elle ne l’est pas. Il est arrivé que l’autoadministration n’entraîne pas la mort de la personne, mais son incapacité à consentir à ce qu’un médecin ou un infirmier praticien lui administre une substance qui entraînera sa mort. Le consentement à la prestation de l’AMM par un praticien après une autoadministration n’ayant pas entraîné la mort pourrait être interprété comme un consentement préalable, ce qui n’est pas légal au Canada à l’heure actuelle. Les opinions divergent pour ce qui est de déterminer si, en pareil cas, en vertu des lois actuelles, un médecin ou un infirmier praticien est autorisé à administrer une substance qui causera la mort de la personne 36.
La nouvelle disposition vise à préciser les gestes qui sont autorisés et permet au médecin ou à l’infirmier praticien d’administrer une substance lorsque la personne, après s’être administré elle‑même une substance, a perdu la capacité de consentir, mais ne meurt pas, si les conditions suivantes sont réunies :
Le Sénat avait amendé à la fois les dispositions existantes du Code et les dispositions du projet de loi C‑7 relatives aux mesures de sauvegarde qui s’appliquent aux cas pour lesquels la mort naturelle est raisonnablement prévisible et aux cas pour lesquels elle ne l’est pas (par. 241.2(3) et nouveau par. 241.2(3.1), respectivement). Selon ces amendements du Sénat, il n’aurait pas été nécessaire qu’un médecin ou un infirmier praticien s’assure que la demande a été signée seulement après que la personne a été avisée qu’elle est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables; la demande aurait pu être signée avant que la personne soit avisée de ces problèmes 37. Ainsi, les demandes anticipées d’aide à mourir auraient été permises. La Chambre des communes était en désaccord avec ces amendements 38, et le Sénat n’a pas insisté à leur sujet.
Le Sénat avait aussi révisé les amendements proposés au projet de loi C‑7 en ce qui a trait à la renonciation au consentement final (nouveau par. 241.2(3.2) du Code). Les amendements révisés auraient permis de renoncer au consentement immédiatement avant l’administration de l’AMM lorsque la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible 39. La Chambre des communes était également en désaccord avec ces amendements révisés 40, et le Sénat n’a pas insisté à leur sujet.
Le paragraphe 241.2(5) du Code précise qui peut agir en qualité de témoin de la signature d’une demande d’AMM. À l’heure actuelle, parmi les restrictions prévues, quiconque fournit directement des soins de santé ou des soins personnels à la personne qui fait la demande ne peut agir en tant que témoin.
Le nouveau paragraphe 241.2(5.1) du Code autorise de telles personnes à servir de témoin si la prestation de soins est leur occupation principale et qu’elles sont rémunérées pour fournir ces soins. En revanche, la modification proposée n’autorise ni le médecin ni l’infirmier praticien qui fournit l’AMM ou qui effectue la deuxième évaluation à agir comme témoin.
À la suite de l’adoption du projet de loi C‑14, Santé Canada a établi, par règlement, un régime de surveillance de l’AMM. Selon ce règlement, il faut consigner la prestation de l’AMM, l’aiguillage d’une personne ayant demandé l’AMM vers un autre médecin ou infirmier praticien, le fait qu’une personne soit jugée inadmissible, le retrait de la demande, et le décès par une autre cause. En vertu de l’actuel régime de surveillance, Santé Canada ne recueille ces renseignements que lorsqu’une demande écrite d’AMM a été présentée. Or, le renvoi, la déclaration d’inadmissibilité, le retrait de la demande ou le décès par une autre cause qui se produisent après la tenue d’une évaluation, mais avant l’établissement de la demande par écrit ne sont pas consignés. Le paragraphe 241.31(1) modifié du Code vise à étendre l’obligation de fournir ces renseignements aux cas pour lesquels une évaluation a été faite, en plus de ceux pour lesquels une demande écrite a été présentée au médecin ou à l’infirmier praticien.
L’article 3 du projet de loi C‑7 ajoute le nouveau paragraphe 241.31(1.1) au Code. Selon cette disposition, toute personne chargée de procéder aux évaluations préliminaires de l’admissibilité à l’AMM doit fournir les renseignements exigés, comme doivent actuellement le faire le médecin et l’infirmier‑praticien, sous réserve d’une exemption accordée par règlement. De même, selon le paragraphe 241.31(2) modifié du Code, le pharmacien, et maintenant également le technicien en pharmacie, qui délivre une substance dans le cadre de la prestation de l’AMM doit fournir les renseignements prescrits.
Le projet de loi C‑7 modifie aussi le pouvoir de réglementation du ministre de la Santé en ce qui concerne les renseignements exigés, de manière à inclure les renseignements fournis au sujet des évaluations préliminaires (sous‑al. révisé 241.31(3)a)(i) du Code). Le Sénat a amendé cette disposition afin d’inclure au consentement d’une personne des renseignements concernant sa race (nouvelle div. 241.31(3)a)(i)(B)). La Chambre des communes a révisé l’amendement relatif à la race afin d’y ajouter l’identité autochtone, et a ajouté une nouvelle disposition sur les renseignements concernant le handicap d’une personne, au sens de l’article 2 de la Loi canadienne sur l’accessibilité (nouvelle div. 241.31(3)a)(i)(C)). Le Sénat a accepté ces révisions.
De plus, le Sénat a amendé l’alinéa 241.31(3)b) du Code concernant l’utilisation, l’analyse et l’interprétation des renseignements recueillis en vertu du pouvoir de réglementation « pour cerner les iniquités fondées sur la race et la façon dont la race est liée à d’autres formes d’inégalités systémiques dans l’aide médicale à mourir ». La Chambre des communes a révisé le libellé de manière à autoriser l’utilisation, l’analyse et l’interprétation des renseignements « pour cerner toute inégalité – systémique ou autre – ou tout désavantage fondés soit sur la race, l’identité autochtone, le handicap ou d’autres caractéristiques, soit sur l’intersection de telles caractéristiques, dans le régime d’aide médicale à mourir ». Le Sénat a accepté ces révisions.
Un amendement proposé par le Comité de la Justice et adopté à la Chambre des communes fait en sorte que le ministre de la Santé doit, lorsqu’il élabore des dispositions réglementaires et lorsque cela est indiqué, consulter le ministre responsable de la condition des personnes handicapées (nouveau par. 241.31(6) du Code).
Comme il est mentionné à la section 2.2 du présent résumé législatif, le Sénat a amendé le projet de loi C‑7 pour abroger, 18 mois après que le projet de loi aura reçu la sanction royale, la disposition qui exclut la maladie mentale comme condition médicale grave et irrémédiable aux fins de l’AMM. Lorsque la Chambre des communes a examiné cet amendement au projet de loi (et porté à deux ans la période précédant l’abrogation), elle a également ajouté l’article 3.1 au projet de loi, lequel exige du ministre de la Justice et du ministre de la Santé qu’ils demandent la tenue d’un examen indépendant mené par des experts « portant sur les protocoles, les lignes directrices et les mesures de sauvegarde recommandés pour les demandes d’aide médicale à mourir de personnes atteintes de maladie mentale » (par. 3.1(1)). Selon le paragraphe 3.1(2), le rapport à cet égard doit être soumis aux ministres dans l’année qui suit la date de la sanction royale du projet de loi C‑7 (par. 3.1(2)). Le rapport doit être déposé devant chacune des Chambres du Parlement dans les 15 jours de séance de cette Chambre suivant la réception du rapport (par. 3.1(3)).
Les exigences prévues dans la version actuelle du Code continueront de s’appliquer à toutes les demandes d’AMM signées et datées avant la date d’obtention de la sanction royale du projet de loi C‑7, à l’exception des modifications suivantes, qui s’appliqueront dans tous les cas dès l’obtention de la sanction royale :
Le projet de loi C‑14 exigeait que les dispositions qu’il comprenait soient soumises à l’examen d’un comité du Sénat, à un comité de la Chambre des communes ou à un comité mixte au début de la cinquième année suivant la date de la sanction royale du projet de loi, c’est‑à‑dire en juin 2020. L’examen législatif devait notamment se pencher sur la situation des soins palliatifs, et le comité devait présenter un rapport avec des recommandations. Cet examen n’avait pas été entrepris au moment du dépôt du projet de loi C‑7 ni au cours de l’étude de ce dernier par la Chambre des communes ou le Sénat.
Le Sénat a amendé le projet de loi C‑7 afin d’y ajouter l’article 5, qui exige la constitution d’un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes afin de mener un examen approfondi des dispositions du Code criminel concernant l’AMM et de leur application. Le comité mixte devait présenter son rapport sur cet examen au plus tard le 15 septembre 2021, à condition que le Parlement ne soit pas prorogé ni dissous avant cette date. Dans tout autre cas, le comité mixte devait remettre son rapport au plus tard 180 jours après sa constitution 41.
La Chambre des communes a révisé ces amendements de manière à préciser que l’examen doit comprendre « des questions portant sur les mineurs matures, les demandes anticipées, la maladie mentale, la situation des soins palliatifs au Canada et la protection des Canadiens handicapés ». La Chambre des communes a également établi des dispositions concernant notamment la date de début de l’examen par le comité mixte, et reporté la date de remise du rapport à un an après le début de l’examen par le comité mixte 42.
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