Depuis quelques dizaines d’années, des mouvements pour la légalisation de l’aide médicale à mourir se dessinent dans plusieurs pays. Jusqu’à tout récemment, l’aide médicale à mourir n’était permise qu’à quelques endroits seulement, y compris en Oregon, dans l’État de Washington, au Vermont, dans les pays du Benelux (la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg) et en Suisse. Depuis 2015, sept autres législatures américaines ont légalisé la pratique, de même que cinq États de l’Australie, le Canada et d’autres pays. Les projets de loi et les décisions des tribunaux sur la question se multiplient. Parallèlement, d’autres voix continuent de s’opposer à la suppression des sanctions pénales qui seraient imposées à ceux qui, à la demande d’une personne, l’aident à mettre fin à ses jours ou provoquent sa mort.
Au Canada, le terme « aide médicale à mourir » désigne à la fois l’aide au suicide (quand le patient s’administre lui-même une substance) et l’euthanasie (quand une personne, habituellement un professionnel de la santé, administre la substance au patient). À certains endroits dans le monde, une seule de ces deux options est autorisée, tandis que les deux le sont ailleurs.
Selon les statistiques disponibles, dans les endroits où l’aide à mourir a été légalisée, le nombre de décès attribuables à l’aide à mourir tend généralement à croître d’année en année. Ces décès, cependant, ne représentent qu’un faible pourcentage du nombre total de décès et certaines baisses ont d’ailleurs été constatées récemment. Peu importe l’endroit, la plupart des patients qui font appel à l’aide médicale à mourir sont atteints de cancer.
En règle générale, les administrations américaines, les cinq États australiens qui autorisent l’aide à mourir ainsi que la Nouvelle Zélande ont adopté des règles plus strictes qu’en Europe en ce qui a trait à l’aide à mourir. Ainsi, au sein des 10 administrations américaines ayant adopté des lois à cet égard, la procédure exige généralement que le patient ait reçu un pronostic de six mois ou moins à vivre. Elles n’autorisent que l’aide au suicide et seuls les adultes peuvent y avoir recours. Les États de l’Australie et la Nouvelle Zélande ont adopté des critères semblables, mais prévoient tout de même quelques différences notables, comme l’autorisation à la fois de l’euthanasie et de l’aide au suicide.
Pour leur part, les pays du Benelux, et maintenant la Colombie et l’Espagne, n’exigent pas que le patient soit atteint d’une maladie en phase terminale. Un patient atteint de troubles mentaux ou du comportement pourrait être admissible à l’aide à mourir si d’autres conditions sont réunies. En outre, ces pays autorisent l’euthanasie, une procédure qui est beaucoup plus répandue que l’aide au suicide.
Les trois pays du Benelux, et maintenant la Colombie et l’Espagne, acceptent les déclarations anticipées, c’est‑à‑dire que le patient n’est pas obligé d’être mentalement capable de prendre une décision au moment de son décès. Cependant, la portée des déclarations anticipées est beaucoup plus vaste aux Pays-Bas, où elles peuvent être utilisées dans les cas de démence, par exemple. En revanche, en Belgique et au Luxembourg, les déclarations anticipées ne peuvent être utilisées que si le patient est inconscient au moment de la procédure.
Bien que leurs règles en la matière ne soient pas exactement identiques, les Pays-Bas, la Belgique et la Colombie autorisent certaines personnes mineures à recevoir l’aide à mourir. Pour leur part, à l’instar des administrations américaines qui ont légalisé l’aide au suicide, le Luxembourg, cinq États australiens, la Nouvelle Zélande et l’Espagne limitent l’aide à mourir aux adultes.
Le Code pénal suisse autorise l’aide au suicide, pourvu que l’aide soit fournie pour des motifs désintéressés. Cependant, contrairement aux autres pays mentionnés précédemment, ce pays n’a pas de régime réglementaire assorti de critères précis. Cela signifie qu’un non-résident peut recevoir l’aide à mourir en Suisse et que les médecins ne sont pas les seuls à pouvoir offrir une telle aide.
Les tribunaux de la Colombie, de l’Italie, de l’Allemagne et du Pérou ont rendu des décisions visant à légaliser l’euthanasie, mais aucun de ces pays n’a encore adopté de loi pour réglementer cette pratique.
Le sujet de l’aide à mourir fait présentement l’objet de discussions au sein de nombreuses législatures, particulièrement en Amérique du Nord et en Europe. Si la tendance actuelle se maintient, d’autres gouvernements pourraient légaliser l’aide à mourir.
Depuis quelques dizaines d’années, des mouvements pour la légalisation de ce qu’on appelle maintenant au Canada « l’aide médicale à mourir » se dessinent dans plusieurs pays. Parallèlement, d’autres voix continuent de s’opposer à la suppression des sanctions pénales qui seraient imposées à ceux qui, à la demande d’une personne, aident cette dernière à mettre fin à ses jours ou provoquent sa mort.
Pendant que le débat se poursuit, des modifications législatives ont été apportées à certains endroits dans le monde afin de légaliser l’aide médicale à mourir. Ce terme désigne à la fois l’aide au suicide, où le patient s’administre une substance pour provoquer sa mort, et l’euthanasie, où une autre personne, habituellement un médecin, administre une ou des substances au patient. Les gouvernements ont pris des décisions différentes quant au choix de la pratique qu’ils souhaitaient légaliser. De plus, ils ont tous mis en place des mesures de protection de la liberté de conscience des professionnels de la santé qui ne veulent pas prodiguer l’aide médicale à mourir, bien que l’étendue de ces mesures varie d’un gouvernement à l’autre.
La présente Étude de la Colline fait le point sur le dossier de l’aide médicale à mourir dans différents pays où les assemblées législatives ou les tribunaux ont légalisé cette pratique 1. On trouvera en annexe un tableau récapitulatif du statut juridique actuel de l’aide médicale à mourir dans ces pays, détaillant les critères d’admissibilité et les mesures de protection en place. Il est à noter que d’autres publications de la Bibliothèque du Parlement traitent de la situation au Canada 2.
La majorité des États américains ont des lois qui interdisent explicitement l’aide au suicide, tandis que d’autres se fient à des infractions créées en common law au moyen de jugements qui interdisent cette pratique. Aux États-Unis, aucun gouvernement n’a légalisé l’euthanasie. Les personnes soupçonnées d’euthanasie sont poursuivies en vertu des lois existantes en matière d’homicide.
À ce jour, l’Oregon, l’État de Washington, le Vermont, la Californie, le Colorado, le District de Columbia, Hawaï, le Maine, le New Jersey et le Nouveau-Mexique sont les 10 administrations américaines qui ont adopté des lois pour autoriser explicitement une forme quelconque d’aide médicale au suicide. Par ailleurs, la Cour suprême du Montana a conclu que les médecins pouvaient invoquer le consentement comme moyen de défense, dans certaines conditions, en cas de poursuite pour avoir aidé une personne à se suicider 3.
Les sections suivantes de cette Étude de la Colline énumèrent certaines des principales contestations constitutionnelles à l’égard des lois qui interdisent l’aide à mourir, et examinent par la suite les règles dans les endroits où cette pratique est autorisée.
Le 1er octobre 1996, la Cour suprême des États-Unis a accepté d’entendre l’appel de deux jugements rendus par les cours d’appel des États de Washington et de New York, qui avaient conclu que les lois qui interdisaient l’aide médicale au suicide dans ces États étaient inconstitutionnelles. Le 26 juin 1997, la Cour suprême a infirmé les deux décisions et a maintenu les lois des États de New York et de Washington qui interdisaient l’aide au suicide 4. Depuis, les cours d’appel d’autres États, comme l’Alaska, le Colorado et le Nouveau-Mexique 5, ont-elles aussi maintenu des lois qui criminalisent l’aide au suicide, concluant que ces dernières ne contrevenaient pas à la constitution respective de chacun des États 6. Bien que les tribunaux aient statué que ces lois étaient constitutionnelles, cela ne signifie pas qu’une loi qui autorise l’aide au suicide serait automatiquement déclarée inconstitutionnelle. Comme il est indiqué plus haut, 10 gouvernements américains (neuf États et le District de Columbia) ont d’ailleurs adopté de telles lois. Les lois de l’Oregon ont été contestées, mais ont été maintenues par les tribunaux. D’autres ont elles aussi été contestées sans succès 7.
En octobre 2007, dans une autre contestation des lois interdisant l’aide au suicide, deux patients en phase terminale, quatre médecins et une organisation de défense des droits des patients du Montana se sont adressés à un tribunal de district pour réclamer le « droit de mourir dans la dignité ». Ils affirmaient que l’application des lois du Montana en matière d’homicide aux médecins qui venaient en aide à des patients mentalement capables en phase terminale contrevenait à l’article 2 de la Constitution de l’État, lequel protège le droit au respect de la vie privée et à la dignité humaine. La cour de district où la poursuite a été instituée a conclu que la protection constitutionnelle de ces droits comprenait le droit des patients mentalement capables en phase terminale de mourir dans la dignité. Par extension, il a été conclu que ce droit comprenait la protection contre les poursuites pour les médecins qui aidaient de tels patients 8.
Le gouvernement du Montana a interjeté appel de la décision auprès de la Cour suprême du Montana, qui a tranché l’affaire sans aborder la question constitutionnelle. La majorité des juges de la Cour a conclu, dans un jugement de décembre 2009, que les médecins pouvaient faire valoir la défense du consentement s’ils étaient accusés d’homicide pour avoir aidé un patient capable en phase terminale à se suicider 9. La défense fondée sur le consentement permet à l’accusé de faire valoir que la victime avait consenti à l’acte et que, par conséquent, l’accusé ne peut pas être reconnu coupable. Ainsi, les médecins qui prescrivent des médicaments à un patient capable d’âge adulte en phase terminale afin que ce patient se suicide peuvent se défendre contre les accusations d’homicide au Montana 10. Les personnes autres que des médecins ne bénéficient pas de la même protection étant donné que le jugement de décembre 2009 ne concernait que les médecins.
Le jugement a fourni un moyen de défense aux médecins dans l’État, mais il n’a pas établi de procédure, de normes ou de mesure de protection. Pour cette raison, au Montana, l’aide au suicide n’est pas encadrée par une loi, contrairement à ce que le législateur a fait ailleurs aux États-Unis, là où des lois en la matière ont été adoptées et comprennent des mesures de protection. Des projets de loi ont été déposés devant la législature du Montana pour infirmer la décision de la Cour suprême et ainsi criminaliser l’aide au suicide dans cet État ou pour encadrer la pratique, mais aucun n’a encore été adopté 11.
En novembre 1994, les électeurs de l’Oregon ont voté pour la Measure 16 12, une proposition législative visant à permettre à tout adulte en phase terminale qui réside dans cet État et dont l’espérance de vie est inférieure à six mois de se faire prescrire un médicament pour mettre fin à ses jours. En raison d’une contestation judiciaire, la Death with Dignity Act n’est entrée en vigueur qu’en novembre 1997 13.
Avant qu’un médecin puisse prescrire une telle ordonnance, certaines conditions doivent être réunies, dont les suivantes :
de l’avis d’un tribunal ou de l’avis du médecin traitant, du médecin consultant, du psychiatre ou du psychologue du patient, le patient a la capacité de prendre des décisions concernant les soins de santé et de les communiquer aux fournisseurs de soins, y compris par l’intermédiaire de personnes qui comprennent la manière de communiquer du patient, si ces personnes sont disponibles 15.
Si l’un des médecins est d’avis que le jugement du patient est peut-être altéré par un trouble de nature psychiatrique ou psychologique ou par la dépression, il doit aiguiller le patient vers des services de thérapie et s’abstenir de lui prescrire un médicament pour mettre fin à ses jours jusqu’à ce qu’il ait été établi que le jugement du patient n’est pas altéré.
Le médecin doit s’assurer que le patient prend une décision éclairée, c’est-à-dire, selon la définition de la loi, que la décision est fondée sur une évaluation des faits pertinents et a été prise après que le médecin traitant a fourni tous les renseignements suivants :
Il faut consigner dans le dossier médical du patient l’information sur les demandes, le diagnostic, le pronostic, la thérapie suivie et les propositions du médecin d’annuler la demande. Les médecins sont également tenus de notifier le département des Services sociaux de l’Oregon une fois l’ordonnance rédigée 17.
Plusieurs projets de loi ont été déposés dans le but de modifier la loi en Oregon, notamment un projet de loi qui visait à élargir à au-delà de six mois le critère d’admissibilité relatif à l’espérance de vie. Le seul projet de loi qui a été adopté, cependant, est celui mentionné plus haut concernant la période d’attente de 15 jours 18.
En vertu de la Death with Dignity Act, le département des Services sociaux de l’Oregon doit, chaque année, examiner les renseignements recueillis conformément à cette loi et publier un rapport à ce sujet. Le tableau 1 présente des statistiques tirées des rapports publiés depuis l’entrée en vigueur de la loi.
Année | Ordonnances d'une dose mortelle de médicaments, nombre déclaré | Décès par ingestion du médicament prescrit, nombre déclaréa | Décès par aide médicale au suicide, nombre déclaré par tranche de 1000 décès |
---|---|---|---|
1998 | 24 | 16 | 0,55 |
1999 | 33 | 27 | 0,92 |
2000 | 39 | 27 | 0,91 |
2001 | 44 | 21 | 0,71 |
2002 | 58 | 38 | 1,22 |
2003 | 68 | 42 | 1,36 |
2004 | 60 | 37 | 1,23 |
2005 | 65 | 38 | 1,20b |
2006 | 65 | 46 | 1,47 |
2007 | 85 | 49 | 1,56 |
2008 | 88 | 60 | 1,94 |
2009 | 95 | 59 | 1,93 |
2010 | 97 | 65 | 2,09 |
2011 | 114 | 71 | 2,25 |
2012 | 116 | 85 | 2,35 |
2013 | 121 | 73 | 2,19 |
2014 | 155 | 105 | 3,10 |
2015 | 218 | 135 | 3,86 |
2016 | 204 | 138 | 3,72 |
2017 | 219 | 158 | 3,99 |
2018 | 249 | 168 | 4,59 |
2019 | 290 | 188 | 5,19 |
2020 | 370 | 245 | 6,55 |
Notes :
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de États-Unis, Département de la Santé de l’Oregon, Division de la santé publique, Death with Dignity Act Annual Reports.
Même si le nombre d’ordonnances prescrites et de décès consécutifs à l’ingestion des médicaments prescrits a augmenté presque tous les ans depuis l’adoption de la loi, le nombre d’ordonnances prescrites reste relativement faible pour un État qui compte plus de quatre millions d’habitants. En 2020, les cas d’aide médicale au suicide représentaient environ 6,55 décès sur 1 000 dans l’Oregon.
Les rapports annuels fournissent des données agrégées sur les patients qui optent pour l’aide au suicide. En 2020 :
Les trois raisons le plus souvent mentionnées pour expliquer le choix de l’aide au suicide étaient la crainte de la perte d’autonomie (93 %), la réduction de la capacité de participer à des activités qui rendent la vie agréable (94 %) et la perte de dignité (72 %) 19. Le fait d’être un fardeau pour la famille, les amis et les aidants préoccupait 53 % des patients 20. Malgré les préoccupations exprimées dans les médias et dans une décision judiciaire rendue en Californie en 2015, le coût financier du traitement associé à la maladie ne semble pas être à l’origine de la demande d’aide au suicide pour la grande majorité des patients : dans l’Oregon, 6 % de ceux qui ont opté pour l’aide au suicide ont exprimé de telles préoccupations en 2020 21.
Les rapports annuels des dernières années mentionnent le nombre de cas déférés chaque année à la Commission médicale de l’Oregon pour non-respect des exigences. De 2011 à 2017, aucun cas n’a été déféré à la Commission. Les deux premiers cas ont été déférés en 2018, et un autre l’a été en 2019 22.
Le 4 novembre 2008, les électeurs de l’État de Washington ont voté pour l’adoption de la Death with Dignity Act, qui est entrée en vigueur le 5 mars 2009 23. Inspirée de la loi de l’Oregon d’avant la modification de 2019, cette loi rend la déclaration obligatoire, conférant au département de la Santé de l’État un rôle semblable à celui du département des Services sociaux de l’Oregon en matière de collecte de données et de surveillance. Le projet de loi HB 1141, déposé en janvier 2021, proposait de nombreux changements, mais il n’a pas été adopté lors de la plus récente session législative. Il pourrait être pris en considération lors de la prochaine session 24.
Le tableau 2 présente des statistiques tirées des rapports publiés depuis l’entrée en vigueur de la loi de Washington (aucun rapport n’a été publié depuis 2018). En 2018, l’État de Washington comptait plus de 7,4 millions d’habitants, et près de 56 000 décès y ont été enregistrés 25.
Année | Ordonnances d'une dose mortelle de médicaments, nombre déclaré |
Décès par ingestion du médicament prescrit, nombre déclaré |
---|---|---|
2009b | 65 | 64 |
2010 | 87 | 87 |
2011 | 103 | 102 |
2012 | 121 | 121 |
2013 | 173 | 169 |
2014 | 176 | 172 |
2015 | 215 | 211 |
2016 | 249 | 242 |
2017 | 212 | 203 |
2018 | 267 | 251 |
Notes :
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de États Unis, Département de la Santé de l’État de Washington, Disease Control & Health Statistics, Center for Health Statistics, 2018 Death with Dignity Act Report (8,21 Mo, 16 pages), juillet 2019, p. 8.
Les rapports annuels fournissent des données agrégées sur les patients qui optent pour l’aide au suicide. En 2018 :
Les trois raisons le plus souvent mentionnées pour expliquer le choix de l’aide au suicide étaient les mêmes que dans l’Oregon : la perte d’autonomie (85 %), la réduction de la capacité de participer à des activités qui rendent la vie agréable (84 %), et la perte de dignité (69 %). Le fait d’être un fardeau pour la famille, les amis et les aidants préoccupait également 51 % des patients. Le coût du traitement associé à la maladie préoccupait 9 % des patients 27.
Le 20 mai 2013, le gouverneur du Vermont, Peter Shumlin, a signé la loi sur le choix des patients en fin de vie (projet de loi S.77, An act relating to patient choice and control at end of life). Il s’agit de la première loi autorisant l’aide médicale au suicide adoptée par une législature aux États Unis; celles de l’Oregon et de l’État de Washington ayant été adoptées par scrutin populaire. La loi du Vermont s’inspire de celle de l’Oregon d’avant sa modification de 2019 28. Une modification apportée en mai 2015 a abrogé une disposition de temporisation et oblige désormais le département de la Santé du Vermont à recueillir des renseignements sur le respect de la loi et à publier des rapports tous les deux ans à compter de 2018 29. En février 2021, un projet de loi proposant de modifier la loi de façon à autoriser les consultations par télémédecine et à accorder l’immunité pour l’observation en toute bonne foi de la loi a été déposé au Sénat, mais n’avait pas encore été adopté au moment d’écrire ces lignes 30.
Deux organisations médicales ont contesté la loi du Vermont sur l’aide médicale au suicide et demandé une injonction afin d’empêcher la tenue d’audiences disciplinaires ou d’une poursuite pénale ou civile si un médecin refusait d’informer un patient de l’option de l’aide médicale au suicide. Un jugement rendu en 2017 a conclu que les plaignants n’avaient pas qualité pour instituer ce litige étant donné qu’aucune mesure disciplinaire n’avait encore été prise 31.
En septembre 2015, l’Assemblée législative de la Californie a adopté le projet de loi AB-15 (End of Life Option Act), qui autorise l’aide au suicide. La loi est entrée en vigueur le 9 juin 2016 32. La constitutionnalité de la loi a fait l’objet d’une contestation judiciaire, laquelle n’a pas été retenue 33.
Cette loi ressemble beaucoup à celle de l’Oregon, mais elle comporte des différences notables. Elle ne sera en vigueur que pendant 10 ans, sauf si le législateur décide de la renouveler. De plus, contrairement à celle de l’Oregon, la loi californienne exige du médecin qu’il discute en privé avec la personne qui veut mourir pour s’assurer qu’elle ne fait l’objet d’aucune coercition ou influence indue. La loi interdit également à un assureur de communiquer des renseignements sur la disponibilité d’un médicament létal, à moins qu’on le lui demande. En outre, un assureur ne peut faire part de son refus de couvrir d’autres formes de traitement lorsqu’il communique des renseignements sur les médicaments létaux couverts 34.
La disposition relative aux communications avec les compagnies d’assurance pourrait avoir été ajoutée pour apaiser les craintes de certains observateurs, selon lesquels les assureurs pourraient considérer l’aide au suicide comme une option intéressante d’un point de vue économique, comparativement aux soins coûteux nécessaires pour maintenir en vie des malades en phase terminale. Les médias ont rapporté que, par le passé, Medicaid en Oregon a refusé, pour des raisons de coût, de couvrir l’accès de patients atteints d’un cancer à des traitements non curatifs qui les maintiendraient en vie pour le motif que les traitements ne guériraient pas le cancer, même s’ils pouvaient prolonger la vie des patients et en améliorer la qualité 35. Toutefois, Medicaid aurait du même coup informé les malades que le régime couvrirait les soins de confort, y compris le coût de la prescription de médicaments provoquant la mort, s’ils voulaient avoir recours à l’aide médicale à mourir 36.
La Californie a produit cinq rapports annuels à ce jour, pour les années 2016 à 2020 37. Malgré sa population plus diversifiée, la Californie suit une tendance également constatée en Oregon, dans l’État de Washington et au Vermont (des États dont les populations sont majoritairement blanches), à savoir que la vaste majorité des patients qui font appel à l’aide médicale au suicide sont de race blanche. Selon un article, cette situation est attribuable à différents facteurs, notamment les disparités raciales quant à l’accès aux soins pour les patients atteints de maladies terminales (et donc à l’information sur l’aide médicale au suicide), la méfiance à l’égard du milieu médical, le diagnostic de maladies terminales qui se fait à un stade plus avancé de la maladie dans certaines communautés, des différences philosophiques et la façon dont on diffuse l’information sur l’aide médicale au suicide .
En septembre 2021, l’État a adopté un projet de loi visant notamment à éliminer la disposition de temporisation prévue dans la loi, de sorte que cette dernière devienne permanente, ainsi qu’à faire passer de 15 jours à 48 heures la période d’attente relative aux demandes formulées à l’oral 39.
En 2016, adoptée par scrutin populaire, la proposition 106 a légalisé l’aide au suicide au Colorado et la Colorado End of Life Options Act est entrée en vigueur à la fin de la même année 40. À l’instar des autres lois américaines sur l’aide à mourir, la loi du Colorado est inspirée de celle de l’Oregon d’avant sa modification en 2019. Comme la loi californienne, elle exige que le médecin traitant rencontre en privé son patient pour s’assurer que celui ci ne fait pas l’objet de coercition ou d’influence indue. À ce jour, quatre rapports de statistiques ont été publiés. Contrairement à certains États, comme l’Oregon, le Colorado ne peut pas dire, à la lumière de l’information recueillie, combien de personnes sont mortes après avoir ingéré un médicament létal. Le gouvernement sait uniquement combien d’ordonnances de médicaments létaux ont été prescrites, quelle proportion de ces ordonnances a été exécutée et combien de patients sont décédés après avoir reçu une ordonnance de médicaments létaux. Il ne sait toutefois pas si les décès sont attribuables à l’ingestion des médicaments prescrits 41.
Le Conseil du District de Columbia a lui aussi légalisé l’aide au suicide en s’inspirant du modèle de l’Oregon d’avant la modification de 2019. La Death with Dignity Act of 2016 du District de Columbia est en vigueur depuis le 6 juin 2017. À ce jour, deux rapports de statistiques sur l’aide à mourir dans le District de Columbia ont été publiés 42. Certains membres de la Chambre des représentants des États-Unis ont tenté d’abroger la loi, en vain jusqu’à maintenant 43.
La Our Care, Our Choice Act d’Hawaï est aussi inspirée de la loi de l’Oregon d’avant sa modification en 2019. Elle a été sanctionnée le 5 avril 2018 et est entrée en vigueur le 1er janvier 2019 44. Il existe quelques différences entre les lois d’Hawaï et de l’Oregon, comme une période d’attente de 20 jours, au lieu de 15, entre les deux demandes faites de vive voix, et l’exigence que la capacité mentale du patient soit évaluée par un conseiller, pas seulement par les deux médecins qui évaluent les autres critères. Le projet de loi 536 du Sénat d’Hawaï a modifié la loi en juillet 2019 pour préciser que les diverses dispositions de la loi qui visent à lutter contre les opioïdes ne s’appliquent pas aux personnes admissibles à l’aide médicale à mourir 45. D’autres projets de loi ont aussi été proposés depuis afin de régler les problèmes liés à l’accès et de réduire les temps d’attente, entre autres, mais aucun d’entre eux n’a été adopté 46. Deux rapports ont été publiés jusqu’à présent 47.
La Medical Aid in Dying for the Terminally Ill Act du New Jersey a été adoptée le 12 avril 2019 et est entrée en vigueur le 1er août de la même année. Elle s’inspire de la loi de l’Oregon d’avant sa modification, mais elle comporte une exigence supplémentaire : le médecin traitant doit recommander au patient de participer à une consultation sur les possibilités de traitement et les services, comme le soulagement de la douleur et les soins palliatifs, et le référer à un professionnel de la santé qualifié à cette fin 48. La loi a été contestée sans succès 49. Le 6 juin 2019, deux projets de loi ont été déposés devant l’Assemblée législative, l’un pour abroger la nouvelle loi et l’autre pour ériger en infraction le fait de forcer un patient à demander l’aide médicale à mourir ou de produire une demande contrefaite au nom du patient, mais ils n’ont pas été adoptés 50.
La Maine Death with Dignity Act a été sanctionnée le 12 juin 2019 et est entrée en vigueur le 19 septembre 2019 51. Elle s’inspire de la loi de l’Oregon d’avant sa modification, mais elle exige que le médecin traitant rencontre son patient seul, comme le prévoient d’autres lois plus récentes adoptées aux États-Unis en la matière. Deux rapports ont été publiés depuis l’entrée en vigueur de la loi 52.
La Elizabeth Whitefield End-of-life Options Act a été adoptée le 8 avril 2021 et est entrée en vigueur le 18 juin 2021. Elle s’inspire de la loi de l’Oregon, mais elle comporte des différences importantes. Par exemple, une demande écrite doit être faite au moins 48 heures avant que l’ordonnance soit remplie, à moins qu’il y ait un risque que le patient meure avant la fin de ce délai. Il ne semble pas être exigé qu’une demande soit présentée précédemment à l’oral ni y avoir de période d’attente de 15 jours. En outre, les ostéopathes, les auxiliaires médicaux et les infirmières autorisées en pratique avancée peuvent rédiger l’ordonnance, à condition que l’un des deux professionnels de la santé ayant évalué le patient soit un médecin ou un médecin-ostéopathe 53.
Selon le Patients Rights Council, un organisme sans but lucratif qui s’intéresse à l’euthanasie, à l’aide au suicide et à la fin de vie, cinq propositions portant sur la légalisation de l’euthanasie ou de l’aide au suicide ont fait l’objet de scrutins populaires (y compris un scrutin antérieur dans l’État de Washington) depuis 1991; elles ont été rejetées chaque fois. Selon l’organisme, 284 projets de loi ont été déposés sur le sujet entre janvier 1994 et février 2020 dans plus de 43 États, et dans le District de Columbia 54.
Traditionnellement, le Code pénal néerlandais interdisait l’euthanasie. Il y est d’ailleurs prévu que quiconque inflige la mort à une autre personne à la demande expresse de celle ci commet un acte criminel. Cependant, les médecins qui pratiquaient l’euthanasie ne faisaient pas l’objet de poursuites s’ils s’en tenaient à certaines lignes directrices élaborées à la suite d’une série de décisions judiciaires dans lesquelles des médecins accusés d’euthanasie avaient été exonérés de responsabilité criminelle. En février 1993, les Pays-Bas ont adopté une loi sur la procédure de déclaration des cas d’euthanasie. Sans légaliser l’euthanasie, cette loi offrait un moyen de défense aux médecins qui respectaient certaines lignes directrices. En fait, elle les mettait concrètement à l’abri de poursuites.
En août 1999, les ministres néerlandais de la Justice et de la Santé ont déposé à la Chambre des représentants – la Chambre basse du Parlement – un projet de loi visant à exonérer les médecins de toute responsabilité criminelle dans les cas d’euthanasie et d’aide au suicide, sous réserve de certaines conditions. Il a été adopté en 2001 et est entré en vigueur le 1er avril 2002 55.
Les dispositions législatives n’ont apporté aucun changement de fond aux motifs pour lesquels l’euthanasie et l’aide au suicide étaient autorisées, mais elles ont précisé les critères existants entourant la diligence requise. Pour échapper à la responsabilité criminelle, le médecin doit :
Rien n’exige que la demande du patient soit formulée par écrit et aucune mention n’est faite dans la loi quant à la nécessité de demandes répétées, bien que cela semble être la pratique générale. La loi ne prévoit pas de conditions explicites en matière de résidence, mais puisque le patient doit avoir une « relation médicale » avec un médecin, l’application de la loi se limite en pratique aux résidents des Pays-Bas 57. Contrairement à la législation des États américains où l’aide au suicide est légale, elle prévoit que, dans les cas d’aide au suicide, le médecin doit demeurer avec le patient jusqu’à la mort de celui-ci.
Les médecins doivent déclarer les cas à une commission régionale de contrôle de l’euthanasie (obligation introduite en 1998, avant l’adoption de la loi), qui renvoie les cas non conformes devant le Collège des procureurs généraux (service des poursuites) et l’inspecteur régional des soins de santé lorsqu’un des critères n’est pas respecté 58.
Certains mineurs sont admissibles à l’euthanasie et à l’aide au suicide. La loi s’inspire de la loi néerlandaise sur l’accord du patient en matière de traitement médical, et le consentement des parents est obligatoire pour les patients de 12 à 15 ans qui demandent qu’un médecin les aide à mettre fin à leurs jours. En principe, les jeunes de 16 et 17 ans peuvent décider eux-mêmes, mais leurs parents doivent être consultés 59. Entre 2002 et 2019, 14 mineurs ont bénéficié de l’euthanasie 60. En octobre 2020, des médias ont rapporté que le gouvernement songeait à modifier la loi afin de permettre aux enfants ayant entre un et 11 ans de présenter une demande, mais ce changement n’a pas encore été apporté 61.
En ce qui concerne les nourrissons, en 1995, les tribunaux néerlandais ont été saisis de deux cas distincts, mais semblables, où des médecins avaient mis fin à la vie de nourrissons gravement handicapés qui souffraient et dont l’espérance de vie ne dépassait pas un an. Dans les deux cas, les médecins ont agi à la demande expresse des parents. Les tribunaux ont conclu que les médecins avaient respecté la déontologie médicale 62. En 2004, des médecins et le procureur de Groningue ont élaboré un protocole permettant de déterminer quand l’euthanasie de nourrissons devient une mesure appropriée. Le protocole de Groningue a depuis été ratifié par l’Association des pédiatres des Pays-Bas, et les médecins qui en respectent les dispositions ne semblent pas faire l’objet de poursuites dans ce pays, bien que ce protocole n’ait pas force de loi 63.
Toutes les personnes âgées de 12 ans ou plus peuvent donner des directives médicales anticipées, même si les règles susmentionnées pour le consentement et la consultation des parents s’appliquent aux mineurs 64. Aux Pays-Bas, les directives médicales anticipées ne sont pas assorties d’une période de validité, mais elles doivent faire l’objet de discussions régulières entre le patient et le médecin à des fins de mise à jour 65. Les études démontrent que les directives anticipées en matière d’euthanasie dans les cas de démence sont rarement respectées aux Pays-Bas . Ce n’est qu’à compter de 2017 que les rapports annuels de la commission d’examen sur l’euthanasie ont commencé à analyser le recours aux directives anticipées. De 2017 à 2019, il y a eu de deux à trois cas par année de personnes atteintes de démence avancée ayant reçu l’euthanasie conformément à leurs directives médicales anticipées 67.
En 2018, pour la première fois depuis l’entrée en vigueur de la loi (en 2002), une médecin a été poursuivie en justice après avoir procédé à une euthanasie sur la base d’une directive médicale anticipée. Dans ce cas, la médecin a été accusée de meurtre, mais le procureur n’a pas réclamé de sanction (le procureur cherchait avant tout à obtenir des précisions sur la loi, lorsqu’un médecin s’appuie sur la déclaration anticipée d’un patient inapte).
La médecin avait procédé à l’euthanasie d’une patiente atteinte de démence qui avait préparé une déclaration anticipée; la médecin a cependant été accusée de ne pas en avoir fait assez pour savoir si la patiente voulait toujours mourir. Dans ses directives anticipées, la patiente avait indiqué qu’elle souhaitait être euthanasiée plutôt que d’être placée dans une institution, et elle avait fourni plus de détails sur le moment où elle souhaitait mourir. Après avoir perdu ses facultés mentales, elle a fait des déclarations incohérentes quant à sa volonté de mourir ou non ainsi qu’au moment de son éventuel décès. Elle a vécu dans une institution pendant sept semaines avant sa mort. Lorsque la patiente est arrivée dans cette institution, son mari a demandé à la médecin de pratiquer l’euthanasie conformément aux directives anticipées. La médecin a décidé d’attendre un mois afin d’observer la patiente pendant sa période d’adaptation après son arrivée à l’institution. Elle a conclu que la patiente était admissible à l’euthanasie après avoir consulté divers intervenants, y compris le médecin généraliste de la patiente, deux autres évaluateurs (un psychiatre et un interniste) ainsi que des membres de la famille de la patiente. Les deux autres professionnels ayant participé à l’évaluation ont aussi établi que le critère de diligence requise avait été respecté.
La médecin a donc mis un sédatif dans le verre de la patiente sans aviser cette dernière. Pendant l’intervention, les membres de la famille ont dû retenir la patiente qui essayait de se relever. La médecin a signalé le décès, comme elle est tenue de le faire, et le conseil disciplinaire a déterminé qu’elle n’avait pas respecté le critère de diligence requise.
La Cour suprême des Pays Bas a conclu que les directives médicales anticipées pouvaient remplacer une demande volontaire et réfléchie au moment de l’euthanasie. Toutefois, il est toujours nécessaire que la personne éprouve des souffrances insupportables pour avoir droit à l’euthanasie ou à l’aide au suicide, de sorte que la personne ne peut pas sembler satisfaite de sa situation actuelle. Dans cette affaire, la médecin a été acquittée de tous les chefs d’accusation et il a été jugé qu’elle avait agi conformément aux directives anticipées 68.
Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, les Pays-Bas n’exigent pas que les patients soient atteints d’une maladie en phase terminale ou éprouvent des souffrances physiques pour être admissibles à l’euthanasie ou à l’aide au suicide. Le nombre de cas d’euthanasie ou d’aide au suicide en raison d’une maladie mentale a augmenté au fil du temps, mais il demeure faible par rapport à d’autres conditions, représentant 68 des 6 361 cas d’euthanasie ou d’aide au suicide en 2019 (soit environ 1 %) 69. Il s’agit d’une baisse par rapport au sommet de cas d’euthanasie ou d’aide au suicide pour motif de maladie mentale en 2017, alors que 83 cas ont été dénombrés sur un total de 6 585 cas d’euthanasie ou d’aide au suicide, ce qui représente tout de même une proportion similaire à celle relevée en 2019 70. L’association de psychiatrie des Pays-Bas a publié des directives en 2018 pour aider les médecins dont les patients ont un trouble mental 71.
La question d’autoriser les personnes qui sont tout simplement « fatiguées de vivre » à recourir à l’euthanasie ou à l’aide au suicide a aussi fait l’objet d’un débat aux Pays-Bas 72. En 1998 (avant l’adoption de la loi actuelle), un médecin a aidé un ancien sénateur âgé de 86 ans à mourir. Ce dernier n’avait ni maladie ni troubles physiques ou psychiatriques, mais il ne voulait plus vivre. En appel, le médecin a été reconnu coupable d’avoir aidé quelqu’un à se suicider, puisqu’il n’avait pas respecté les critères établis par la jurisprudence, mais aucune sanction ne lui a cependant été imposée, car « il avait agi par profonde compassion pour son patient », comme il a été rapporté en janvier 2003 dans le British Medical Journal 73.
En 2014, dans le cadre d’un débat parlementaire, le ministre de la Santé s’est vu demander de mettre sur pied une commission qui étudierait la portée de l’euthanasie ou de l’aide du suicide pour les personnes qui estiment avoir terminé leur vie. Le gouvernement a donné son aval et a créé la Commission Schnabel (nommée en l’honneur de son président), laquelle a mené une étude pour déterminer s’il fallait élargir les critères d’admissibilité à l’euthanasie ou à l’aide au suicide pour inclure les personnes qui ont « terminé leur vie » ou permettre que l’on prescrive une pilule aux personnes qui souhaitent se suicider sans aide médicale. La commission aurait rejeté les deux propositions dans son rapport de 2016, mais a conclu que la loi sur l’euthanasie s’applique déjà aux personnes qui ont « terminé leur vie » étant donné que cela est équivalent aux « symptômes de la vieillesse » qui peuvent satisfaire aux critères d’admissibilité 74. Le gouvernement a néanmoins déclaré avoir l’intention d’aider les personnes qui estiment que leur vie est terminée à mourir, même si elles n’ont pas de motif médical de le faire 75. Il semble toutefois qu’aucune loi à cet effet n’a été adoptée.
Comme ailleurs, la plupart des cas signalés de décès par euthanasie ou par aide au suicide concernent des personnes atteintes d’un cancer. Le nombre des décès signalés par euthanasie ou par aide au suicide a considérablement augmenté la plupart des années aux Pays-Bas (l’augmentation de ces décès ayant même atteint 19 % annuellement entre 2009 et 2010, avec des augmentations plus faibles au cours des dernières années et une réduction en 2018). Bien que les commissions régionales de contrôle de l’euthanasie se soient penchées sur ce phénomène, elles ne semblent pas être parvenues à déterminer avec certitude si les statistiques au sujet de l’euthanasie et de l’aide au suicide traduisent une tendance ou si les médecins les signalent tout simplement plus souvent, étant donné que le signalement n’était pas universel auparavant. Depuis quelques années, le système fait l’objet de nombreux contrôles et études, tant officiels qu’indépendants 76. La loi a fait l’objet d’un examen officiel à trois reprises, soit en 2007, en 2012 et en 2017. L’examen de 2017 a permis de conclure que les objectifs de la loi étaient atteints. Les auteurs de l’examen ont par ailleurs formulé plusieurs recommandations concernant la recherche et l’élaboration de politiques 77.
L’année 2018 a été la première où l’on a constaté une diminution du nombre de décès attribuables à l’euthanasie et à l’aide au suicide depuis 2006, ce qui pourrait être attribuable à l’épidémie d’influenza qui a eu lieu cette année-là ou à l’annonce de la poursuite mentionnée précédemment 78. Selon des recherches sur la situation aux Pays Bas, la majorité des demandes ne conduisent pas à l’euthanasie ou à l’aide au suicide. Au nombre des raisons qui expliquent cela, les plus courantes sont associées au décès du patient avant l’acte ou au fait que le patient ne répondait pas aux critères prévus par la loi 79. Le non-respect des critères de diligence requise prévus par la loi est rare : entre 2013 et 2019, de quatre à douze cas parmi les milliers signalés chaque année ne respectaient pas ces critères 80.
En 2018, pour la première fois en plus de 10 ans, l’inspecteur de la santé et des soins pour les jeunes a soumis un cas d’euthanasie au conseil disciplinaire de l’ordre des médecins. La médecin concernée a également été la première à être poursuivie au pénal depuis l’entrée en vigueur de la loi, en 2002 (voir l’affaire mentionnée à la section 3.2.3 de la présente Étude de la Colline) 81. En 2018, le Collège des procureurs généraux a aussi procédé à des enquêtes pénales à l’égard de quatre autres cas datant de 2017 où l’on avait estimé que le médecin n’avait pas fait preuve de la diligence requise, mais dans au moins deux de ces cas, il a décidé de ne pas porter d’accusations 82.
Le contrôle du système de 2012 fait état du fait que, avec le temps, les médecins se sentent plus à l’aise d’examiner les demandes de patients atteints de maladie mentale ou de démence. Cette constatation découle du fait que la teneur et la portée des exigences sont devenues plus claires avec l’expérience 83. La majorité des cas d’aide au suicide ou d’euthanasie d’un patient atteint de démence au cours de la période visée (2007 à 2011) concernaient des personnes aux premiers stades de la maladie qui étaient encore en mesure de comprendre la maladie et ses symptômes 84. Néanmoins, au moment de la rédaction du rapport, plus de la moitié des médecins ne voulaient pas s’occuper de tels cas, bien que la majorité d’entre eux aient été disposés à aiguiller le patient vers un autre médecin 85.
Les rapports annuels publiés avant 2014 comportent des résumés de cas pour aider les médecins à comprendre leur obligation légale de diligence requise. En 2015, un code de pratique a été publié et résume les exigences afin d’en faciliter l’accès, comme il avait été recommandé à l’issue du contrôle de 2012 susmentionné. Ce code a été mis à jour en 2018 86.
En 2019, les statistiques sur les personnes décédées par euthanasie ou par aide au suicide ont révélé ce qui suit :
Les tableaux 3 et 4 présentent d’autres statistiques tirées des rapports annuels des commissions régionales de contrôle de l’euthanasie des dernières années. En 2019, les Pays-Bas comptaient plus de 17 millions d’habitants, et plus de 150 000 décès y ont été enregistrés.
Année | Décès par euthanasie, nombre déclaré | Décès par suicide assisté, nombre déclaré | Décès par une combinaison d'euthanasie et de suicide assisté, nombre déclaré | Total |
---|---|---|---|---|
2003 | 1 626 | 148 | 41 | 1 815 |
2004 | 1 714 | 141 | 31 | 1 886 |
2005 | 1 765 | 143 | 25 | 1 933 |
2006 | 1 765 | 132 | 26 | 1 923 |
2007 | 1 923 | 167 | 30 | 2 120 |
2008 | 2 146 | 152 | 33 | 2 331 |
2009 | 2 443 | 156 | 37 | 2 636 |
2010 | 2 910 | 182 | 44 | 3 136 |
2011 | 3 446 | 196 | 53 | 3 695 |
2012 | 3 965 | 185 | 38 | 4 188 |
2013 | 4 501 | 286 | 42 | 4 829 |
2014 | 5 033 | 242 | 31 | 5 306 |
2015 | 5 277 | 208 | 31 | 5 516 |
2016 | 5 856 | 216 | 19 | 6 091 |
2017 | 6 306 | 250 | 29 | 6 585 |
2018 | 5 898 | 212 | 16 | 6 126 |
2019 | 6 092 | 245 | 24 | 6 361 |
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Pays-Bas, Commissions régionales de contrôle de l’euthanasie (RTE), Annual reports (sélectionner le lien pertinent pour la version française des rapports annuels).
Affection ou maladie | Nombre de patients | Pourcentage des décès déclarés |
---|---|---|
Cancer | 4 100 | 64,5 |
Combinaison de pathologies | 846 | 13,3 |
Troubles neurologiques | 408 | 6,4 |
Maladies cardiovasculaires | 251 | 3,9 |
Troubles pulmonaires | 187 | 2,9 |
Polypathologies gériatriques | 172 | 2,7 |
Autres troubles | 167 | 2,6 |
Démencea | 162 | 2,5 |
Troubles psychiatriques | 68 | 1,1 |
Total | 6 361 | 100,0 |
Note :
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Pays-Bas, Commissions régionales de contrôle de l’euthanasie (RTE), Rapport annuel 2019 (1,34 Mo, 97 pages).
La Belgique a procédé à une dépénalisation conditionnelle de l’euthanasie en 2002 88. Contrairement à la loi néerlandaise, la loi belge ne fait pas précisément mention de l’aide au suicide. La loi définit l’euthanasie comme étant le fait, pour une tierce partie, de provoquer volontairement la mort d’une autre personne à la demande de celle-ci. L’organisme belge de contrôle de l’euthanasie affirme que la définition du terme « euthanasie » prévue dans la loi englobe l’aide au suicide 89.
Toute personne ayant atteint la majorité (18 ans) ou étant un mineur émancipé (par mariage ou ordonnance judiciaire) qui est capable et consciente peut déposer une demande s’il est atteint d’un mal incurable qui lui cause des souffrances physiques ou psychiques constantes et insupportables. Comme aux Pays-Bas, il n’est pas nécessaire que le patient soit en phase terminale ou qu’il ressente des souffrances physiques. Bien qu’il ne soit pas nécessaire que le patient soit un résident ou un citoyen de la Belgique au titre de la loi, les exigences sont telles qu’il est rare qu’un non-résident soit admissible 90. Comme il est précisé à la section 4.1 de la présente Étude de la Colline, la portée de la loi a été étendue en 2014 afin de viser un plus grand nombre de mineurs, mais des conditions plus restreintes s’appliquent alors.
La loi énonce les conditions que doivent remplir la personne qui demande l’euthanasie et le médecin qui la pratique. Ce dernier doit rencontrer le patient à plusieurs reprises en espaçant ses visites d’un laps de temps raisonnable. Il doit également solliciter l’avis d’au moins un médecin indépendant, ou de deux autres médecins s’il n’est pas prévu que le patient mourra dans un proche avenir 91. Lorsque le décès n’est pas imminent, une période d’attente d’au moins un mois doit s’écouler entre la demande écrite et l’euthanasie.
En 2014, la loi sur l’euthanasie a été modifiée de façon à ce que les personnes de tous âges dotées de la « capacité de discernement » et conscientes au moment de demander l’euthanasie puissent le faire. Des conditions plus restreintes s’appliquent toutefois aux mineurs non émancipés : ceux-ci doivent éprouver une souffrance physique constante et intolérable, être dans une situation médicale grave et sans issue qui entraîne la mort à brève échéance et avoir l’autorisation de leurs parents ou de leurs tuteurs légaux. De plus, il faut consulter un pédopsychiatre ou un pédopsychologue pour vérifier la capacité de discernement du mineur relativement à la demande d’euthanasie 92.
Cette modification législative a fait l’objet d’une contestation devant la Cour constitutionnelle en octobre 2015. La Cour a maintenu la constitutionnalité de la loi et donné certaines précisions. Comme la loi exige la capacité de discernement, elle ne s’applique pas aux nouveau-nés ni aux jeunes enfants (ce qui veut dire que l’euthanasie ne leur est pas accessible). Par ailleurs, dans le cas de mineurs non émancipés, le point de vue du pédopsychiatre ou du pédopsychologue indépendant sur la capacité de discernement du patient doit être formulé par écrit et lie le médecin traitant 93.
Depuis que la loi a été modifiée afin que les mineurs puissent demander l’euthanasie, le nombre de mineurs euthanasiés en Belgique chaque année varie entre zéro et deux 94.
Les personnes âgées d’au moins 18 ans et les mineurs émancipés peuvent exprimer à l’avance, dans une déclaration anticipée, leur volonté d’être euthanasiés, pourvu que certaines conditions soient remplies le moment venu. Contrairement à ce qui est prévu aux Pays-Bas, cette déclaration est valide uniquement si la personne est inconsciente de façon irréversible au moment de l’euthanasie. Par conséquent, les personnes, dont la condition qui a une incidence sur leur capacité de décision, par exemple la démence, ne peuvent pas utiliser une déclaration anticipée pour demander l’euthanasie à une date ultérieure où elles ne seront plus en mesure de prendre une décision. Les directives anticipées n’étaient valides que pour cinq ans, mais en 2020, des modifications apportées à la loi ont éliminé la limite de temps, rendant ainsi les directives valides indéfiniment 95.
De 2016 à 2020, 1 % des personnes ayant reçu l’euthanasie en Belgique ont obtenu ce traitement conformément à leurs directives anticipées (de 22 à 33 personnes par année) 96.
Tout comme aux Pays-Bas, les adultes et les mineurs émancipés de la Belgique atteints d’une maladie mentale n’ont pas besoin de souffrir d’une maladie en phase terminale ou de vivre des souffrances physiques pour être admissibles à l’euthanasie. Le nombre de cas d’euthanasie pour motif de maladie mentale a augmenté au fil du temps pour atteindre, en 2015, un sommet de 63 cas. En 2020, 21 cas liés à des problèmes de santé mentale ont été recensés sur un total de 2 444 cas d’euthanasie (moins de 1 %) 97. Comme il est mentionné à la section 4.4 de la présente Étude de la Colline, les cas qui ont généré le plus de controverse en Belgique sont principalement liés à des questions de santé mentale.
Chaque fois qu’ils pratiquent l’euthanasie, les médecins doivent remplir un formulaire qui est ensuite examiné par la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie de la Belgique, dont le rôle consiste à déterminer si l’euthanasie a été pratiquée conformément à la procédure et aux conditions énoncées dans la loi. Si les deux tiers des membres de la Commission sont d’avis que les conditions n’ont pas été respectées, le procureur du Roi est saisi de l’affaire.
En règle générale, lorsque des problèmes ont été relevés, il s’agissait de questions procédurales (p. ex. des renseignements manquants sur un formulaire) et aucune poursuite pénale n’a été engagée 98. Il semble que le premier cas a été déféré au bureau du procureur du Roi à l’automne 2015. Il s’agissait d’une femme de 85 ans dépressive à la suite de la mort récente de sa fille. La mère n’avait pas été vue par un psychiatre pendant l’évaluation de sa situation. Le médecin a remis à sa patiente une substance qu’elle a bue, ce qui signifie qu’il s’agissait d’une aide au suicide. Les accusations contre le médecin ont été rejetées en avril 2019, car on estimait que ce dernier n’avait pas procédé à une euthanasie et qu’il ne pouvait donc pas être assujetti à la loi en la matière (la commission ne souscrit pas à cette interprétation) 99.
Dans son rapport de 2016-2017, la commission indique qu’elle a débattu pour savoir si elle devait déférer un autre cas au procureur du Roi, car il n’y avait pas eu de demande claire pour l’euthanasie. La patiente qui était décédée n’avait plus que deux ou trois jours à vivre et ressentait des douleurs extrêmes depuis 24 heures. Son comportement et sa communication non verbale avaient été interprétés comme une demande. Le cas n’avait pas été déféré au procureur du Roi étant donné que seulement neuf des 16 membres de la Commission avaient voté en ce sens (la majorité des deux tiers n’ayant pas été atteinte) 100.
En 2011, c’est une plainte déposée par une famille, et non un renvoi par la commission, qui a donné lieu à une poursuite pénale. Tine Nys est décédée par euthanasie en 2010, à l’âge de 38 ans. Elle était suicidaire, éprouvait des problèmes de dépendance depuis de nombreuses années et avait récemment reçu un diagnostic d’autisme. Les trois médecins visés par la plainte ont été acquittés par un jury en 2020, mais la famille de Mme Nys a intenté une poursuite au civil en mai 2021 101.
Tom Mortier, un homme belge dont la mère est décédée par euthanasie en 2012 pour cause de dépression chronique, a une affaire en cours devant la Cour européenne des droits de l’homme. Le médecin ayant prodigué l’euthanasie dans cette affaire serait l’un des trois médecins impliqués dans la mort de Mme Nys 102.
Les parlementaires continuent de proposer diverses modifications à la loi. Parmi les projets de loi récents, mentionnons ceux qui concernent la pratique de l’euthanasie dans le cas des personnes atteintes d’un trouble qui influe sur leur capacité, comme la démence, si une déclaration anticipée a été rédigée; l’obligation pour le médecin qui refuse de pratiquer l’euthanasie d’aiguiller le patient vers un médecin qui acquiescera à la demande; et la réglementation explicite de l’aide au suicide. Les amendements de 2020, qui ont modifié la période de validité des directives anticipées, comportaient aussi des exigences quant au renvoi, mais aucun autre projet de loi n’a été adopté 103.
Quelques cas d’euthanasie en Belgique ont fait les manchettes internationales ces dernières années, notamment celui de jumeaux sourds qui allaient perdre la vue et demandaient à mourir ensemble 104. La commission belge publie des rapports bisannuels dans lesquels elle regroupe des statistiques sur les personnes qui choisissent l’euthanasie. En 2020, les statistiques concernant les personnes décédées par euthanasie ont révélé ce qui suit :
C’est la première fois que le nombre de décès par euthanasie signalés recule (de 2 656 en 2019 à 2 444 en 2020). Les tableaux 5 et 6 mettent en valeur certains chiffres extraits de rapports bisannuels récents de la Belgique.
Année | Décès par euthanasie, nombre déclaré | Décès par euthanasie par tranche de 1 000 décès |
---|---|---|
du 22 sept. 2002 au 31 déc. 2003 (environ 15 mois) |
259 | 2,0 |
2004 | 349 | 3,6 (moyenne en 2004-2005) |
2005 | 393 | 3,6 (moyenne en 2004-2005) |
2006 | 429 | 4,4 (moyenne en 2006-2007) |
2007 | 495 | 4,4 (moyenne en 2006-2007) |
2008 | 704 | 7,0 (moyenne en 2008-2009) |
2009 | 822 | 7,0 (moyenne en 2008-2009) |
2010 | 953 | 10,0 (moyenne en 2010-2011) |
2011 | 1 133 | 10,0 (moyenne en 2010-2011) |
2012 | 1 432 | 13,0 |
2013 | 1 807 | 17,0 |
2014 | 1 928 | 18,0 |
2015 | 2 022 | 18,0 |
2016 | 2 028 | Aucune statistique |
2017 | 2 309 | Aucune statistique |
2018 | 2 359 | Aucune statistique |
2019 | 2 656 | Aucune statistique |
2020 | 2 444 | Aucune statistique |
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de rapports bisannuels de Belgique, Service public fédéral, Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement, Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie. Cliquer sur « Consultez tous les documents ». Voir aussi Belgique, Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie, Euthanasie – Chiffres de l’année 2020 (216 Ko, 5 pages), communiqué, 2 mars 2021.
Trouble ou maladie | Nombre de patients | Pourcentage du nombre de décès déclarés |
---|---|---|
Cancers | 1 569 | 64,2 |
Pathologies multiples | 421 | 17,2 |
Maladies du système nerveux | 187 | 7,7 |
Troubles cardiovasculaires | 84 | 3,4 |
Maladies de l’appareil respiratoire | 65 | 2,7 |
Troubles cognitifs (syndromes démentiels) | 22 | 0,9 |
Troubles mentaux et du comportement | 21 | 0,9 |
Maladies du système ostéo-articulaire, des muscles et du tissu conjonctif | 17 | 0,7 |
Maladies de l’appareil digestif | 15 | 0,6 |
Lésions traumatiques, empoisonnements et certaines autres conséquences de causes externes | 11 | 0,5 |
Maladies de l’appareil génito-urinaire | 8 | 0,3 |
Certaines maladies infectieuses et parasitaires | 6 | 0,2 |
Symptômes, signes et résultats anormaux d’examens cliniques et de laboratoire, non classés ailleurs | 5 | 0,2 |
Maladies de l’œil et de ses annexes | 4 | 0,2 |
Maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques | 3 | 0,1 |
Maladies du sang et des organes hématopoïétiques et certains troubles du système immunitaire | 2 | 0,1 |
Maladies de la peau et du tissu cellulaire sous-cutané | 2 | 0,1 |
Maladies de l’oreille et de l’apophyse mastoïde | 1 | 0 |
Malformations congénitales et anomalies chromosomiques | 1 | 0 |
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Belgique, Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie, Euthanasie – Chiffres de l’année 2020 (216 Ko, 5 pages), communiqué, 2 mars 2021.
En 2008, le Luxembourg a adopté une loi dépénalisant la participation d’un médecin à l’euthanasie et au suicide lorsque certaines conditions sont réunies. Comme aux Pays Bas et en Belgique, les patients ne sont pas tenus de résider au pays, mais puisqu’il faut qu’ils aient une relation étroite avec un médecin, ils doivent, en pratique, être résidents 107. Des conditions semblables à celles qui existent en Belgique sont exposées dans la Loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide 108. Cependant, il existe des différences entre les lois des deux pays, notamment en ce qui concerne l’âge auquel une personne peut demander l’euthanasie ou l’aide au suicide. Au Luxembourg, il faut avoir au moins 18 ans, l’âge de la majorité, pour demander l’euthanasie ou l’assistance au suicide. Les déclarations anticipées n’ont pas de date d’expiration au Luxembourg, mais elles sont enregistrées auprès d’un organisme gouvernemental qui vérifie tous les cinq ans si elles sont toujours conformes aux volontés des intéressés.
En 2021, la loi a été modifiée pour préciser qu’un décès par euthanasie ou aide au suicide est une mort naturelle aux fins du règlement d’une assurance 109.
Au Luxembourg, la Commission Nationale de Contrôle et d’Évaluation de l’application de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide publie des rapports tous les deux ans. Selon ces rapports, aucun cas d’euthanasie ou d’aide au suicide n’a été déféré au procureur d’État pour évaluer la possibilité de déposer des accusations. Les rapports annuels regroupent des statistiques sur les personnes qui choisissent l’euthanasie ou l’aide au suicide. En 2018, les statistiques sur les personnes décédées par euthanasie ou aide au suicide ont révélé ce qui suit :
Le tableau 7 fournit de l’information sur le nombre annuel déclaré de décès par euthanasie ou aide au suicide. En 2018, le pays comptait plus de 600 000 habitants et 4 318 décès y ont été enregistrés.
Année | Décès par euthanasie, nombre déclaré |
Décès avec déclaration anticipée, nombre déclaré | Décès par suicide assisté, nombre déclaré |
---|---|---|---|
2009-2010 | 5 | – | – |
2011-2012 | 13 | 1 | – |
2013 | 8 | – | – |
2014 | 7 | – | – |
2015 | 8 | – | – |
2016 | 9 | – | 1 |
2017 | 11 | – | – |
2018 | 7 | – | 1 |
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Luxembourg, Cinquième rapport de la loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide (années 2017 et 2018), 2019.
L’article 114 du Code pénal suisse interdit l’euthanasie, mais ce crime est passible d’une peine moins sévère que d’autres actes considérés comme des homicides. Le meurtre entraîne une peine d’emprisonnement obligatoire minimale de cinq ans, alors que l’article 114 prévoit que quiconque tue une personne par compassion et à sa demande expresse est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement maximale de trois ans. L’article 115, qui traite de l’aide au suicide, prévoit que quiconque, mû par un mobile égoïste, incite ou aide une personne à se suicider est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans. L’aide au suicide est donc implicitement autorisée si la personne qui aide une autre à mourir n’est pas mue par un mobile égoïste. Il n’y a pas non plus de limite quant à l’âge, bien que les organisations qui offrent l’aide au suicide exigent de façon générale que le patient qui demande ce traitement ait atteint l’âge adulte 111.
Comme l’article 115 ne régit pas explicitement l’aide au suicide pour des motifs désintéressés, le Code pénal suisse n’exige pas que ce soit un médecin qui aide la personne à mettre fin à ses jours, ni même qu’un médecin intervienne en quoi que ce soit. Cela constitue une différence de taille avec les lois d’autres pays où l’aide au suicide est autorisée 112. Cependant, au moins un canton (région) a approuvé, par voie référendaire, une loi visant à exiger des hôpitaux et autres « établissements médico sociaux » publics qu’ils autorisent l’aide au suicide, en plus de préciser les conditions à respecter, et au moins un autre a adopté une loi en la matière 113.
L’aide au suicide n’est par ailleurs pas limitée aux malades en phase terminale ni aux résidents suisses. Comme il n’y a pas de conditions de résidence, la Suisse est devenue une destination de choix pour les étrangers, surtout des Européens, qui souhaitent qu’on les aide à se suicider 114. La Canadienne Kathleen (Kay) Carter s’est rendue en Suisse en 2010 avec sa fille, Lee Carter, et son gendre, Hollis Johnson, pour mettre fin à ses jours. Elle était atteinte d’une sténose du canal rachidien lombaire, une compression de la moelle épinière ou des racines des nerfs rachidiens qui était douloureuse, mais non mortelle. Lee Carter et Hollis Johnson étaient requérants dans un litige dans lequel ils ont contesté avec succès la législation canadienne sur l’aide au suicide 115.
En juillet 2008, le gouvernement suisse a demandé au Département fédéral de justice et police un rapport sur la nécessité de mettre à jour les règles qui régissent l’aide au suicide. Ce rapport ainsi que les consultations menées en 2009 et en 2010 ont mis l’accent sur deux options : fournir un cadre législatif plus détaillé pour réglementer l’aide au suicide ou interdire les organisations qui proposent une aide au suicide 116. En fin de compte, faute de consensus, le Conseil fédéral (Cabinet de la Suisse) a décidé de ne pas modifier la loi 117. Lors de référendums dans le canton de Zurich, les électeurs se sont également prononcés contre l’interdiction de l’aide au suicide et l’obligation d’être résident 118.
En janvier 2011, dans le cas d’un ressortissant suisse qui n’avait pas pu obtenir une substance létale accessible uniquement sur ordonnance, la Cour européenne des droits de l’homme a statué qu’il n’y avait pas eu atteinte au respect de sa vie privée garanti par la Convention européenne des droits de l’homme. Ernst G. Haas, qui souffrait de troubles bipolaires, avait par deux fois tenté de se suicider, et il n’avait pas réussi à convaincre un psychiatre de lui prescrire une dose létale d’un médicament. Il a aussi essayé, en vain, d’obtenir des autorités fédérales et cantonales la permission de se procurer la dose en question sans ordonnance et, après le rejet de ses appels devant les tribunaux suisses, il s’est adressé à la Cour européenne des droits de l’homme. Tout en reconnaissant le droit d’une personne de décider de mettre fin à ses jours, lequel est garanti par le droit au respect de la vie privée prévu à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour a statué que l’État n’est pas tenu d’aider quiconque à obtenir ce type de médicament sans ordonnance. La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a refusé d’entendre l’appel de cette décision 119.
En mai 2013, la Cour européenne des droits de l’homme a entendu une autre affaire concernant la Suisse, cette fois portée à son attention par Alda Gross, qui était septuagénaire au début de la procédure. Elle n’était pas malade, mais ne voulait pas vivre le déclin mental et physique progressif qui peut accompagner le vieillissement. Elle avait exprimé à plusieurs reprises au fil des ans sa volonté de mourir. Les médecins n’étaient toutefois pas disposés à lui prescrire une substance létale, par crainte d’enfreindre leur code de déontologie ou de s’exposer à des poursuites. Dans une décision adoptée par quatre voix contre trois, les juges ont statué que la question à trancher différait de celle de l’affaire Haas 120. La Cour a conclu qu’en l’absence de lignes directrices claires et juridiquement contraignantes en Suisse, il était difficile de savoir dans quelle mesure Mme Gross avait le droit d’obtenir sur ordonnance un médicament létal pour se suicider. Il y avait donc violation du droit de la requérante au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La Cour a laissé aux autorités suisses le soin d’élaborer les lignes directrices nécessaires pour remédier à la violation de l’article 8. Le gouvernement suisse a toutefois demandé que l’affaire soit renvoyée à la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme parce qu’elle soulevait une question grave. Il a par la suite été découvert que Mme Gross était décédée en 2011 et que son décès avait été caché aux tribunaux pour que l’affaire puisse suivre son cours 121. En 2014, dans une décision partagée (neuf juges contre huit), la Grande Chambre a jugé irrecevable la demande de Mme Gross. La Suisse n’est donc pas liée par la décision antérieure selon laquelle des éclaircissements devaient être apportés à la politique relative aux poursuites 122.
En octobre 2019, un tribunal suisse a conclu qu’un médecin n’avait pas le droit de prescrire une dose mortelle d’une substance à une femme de 86 ans en santé qui souhaitait mourir au même moment que son mari. Le médecin en question a été condamné à une peine suspendue et à une amende, et son appel a été rejeté 123.
En Colombie, l’euthanasie est un crime punissable d’une peine maximale moins lourde que pour l’homicide. En 1997, un particulier a contesté la validité de cette distinction en invoquant les droits à la vie et à l’égalité. Il soutenait notamment que les personnes jugées coupables d’euthanasie ne devraient pas bénéficier d’une peine maximale inférieure. La Cour constitutionnelle de Colombie a rejeté la contestation et statué qu’un médecin ne pouvait pas être poursuivi pour euthanasie après avoir aidé une personne à mettre fin à ses jours si cette dernière était atteinte d’une maladie en phase terminale, éprouvait de vives douleurs et souffrances, et avait donné son consentement. Néanmoins, le « meurtre par compassion » continue d’être un crime en Colombie si ces conditions ne sont pas réunies 124. La Cour a également recommandé que des mesures législatives soient prises en la matière, mais les efforts en ce sens ne semblent pas avoir porté leurs fruits, car la question est très litigieuse dans ce pays majoritairement catholique 125. Compte tenu de l’incertitude créée par l’absence de mesures législatives pour donner suite à la décision de la Cour constitutionnelle, il semble que peu de médecins pratiquent ouvertement l’euthanasie 126.
En décembre 2014, la Cour constitutionnelle s’est de nouveau penchée sur la question de l’euthanasie et a conclu que les droits fondamentaux de la demanderesse, qui était atteinte d’un cancer en phase terminale, avaient été violés puisqu’on lui avait refusé l’euthanasie. La demanderesse est décédée de causes naturelles avant la fin des procédures, mais la Cour a tout de même ordonné au ministère de la Santé de réglementer la question de « mourir dans la dignité », ce qu’il a fait en avril 2015 127. La première personne à recevoir légalement de l’aide pour mourir après l’entrée en vigueur du règlement (un homme atteint d’un cancer) est décédée en juillet 2015 128. Cependant, des reportages font état de nombreux obstacles bureaucratiques et sociétaux qui font en sorte que peu de Colombiens ont accès à l’euthanasie (selon les rapports, 124 personnes y avaient eu accès en date du 12 juillet 2021, sur une population de plus de 51 millions d’habitants) et que d’autres y ont accès à l’extérieur du système de santé publique (ce qui ne semble pas être légal) 129.
Dans sa décision de 2014, la Cour constitutionnelle recommandait vivement au Congrès de légiférer sur cette question. De nombreux projets de loi visant à réglementer l’euthanasie et l’aide au suicide ont été déposés, mais ils n’ont pas été adoptés 130. La dernière tentative en lice pour légiférer sur la question a eu lieu au printemps 2021, mais celle-ci a aussi échoué 131. Dans un autre jugement rendu en 2017, la Cour constitutionnelle aurait également demandé au gouvernement de réglementer la pratique pour les personnes mineures, ce que ce dernier a fait en 2018. Comme dans le cas des adultes, un comité formé d’un médecin, d’un psychiatre ou d’un psychologue et d’un avocat doit évaluer chaque dossier. Parmi les critères, le patient doit être âgé d’au moins six ou sept ans et avoir une espérance de vie de moins de six mois (les règles varient quelque peu en fonction de l’âge 132).
Le 1er juillet 2021, le gouvernement a publié la Résolution 971 afin de préciser davantage les lignes directrices relatives aux procédures d’euthanasie. Les lignes directrices permettent une demande anticipée 133. Le 22 juillet 2021, la Cour constitutionnelle s’est prononcée dans un dossier visant à contester l’exigence de maladie en phase terminale. Dans sa décision, la cour a autorisé l’euthanasie des personnes qui, sans être en phase terminale, vivent des souffrances intenses en raison d’une blessure ou d’une maladie grave ou incurable 134. Le jugement ne semble pas exclure la maladie mentale en tant que seul problème de santé sous jacent motivant l’euthanasie 135.
Le Territoire du Nord de l’Australie a été le premier État au monde à légaliser l’euthanasie et l’aide au suicide, en 1996, mais la loi a rapidement été invalidée par une loi fédérale. Ce n’est qu’en 2017 que l’aide au suicide a de nouveau été légale dans un État australien. Cette année là, l’État de Victoria a légalisé l’aide à mourir, mais la loi n’est entrée en vigueur que le 19 juin 2019 136. Depuis, les États de l’Australie-Occidentale, de la Tasmanie, de l’Australie-Méridionale et de Queensland ont aussi légalisé l’aide médicale à mourir pour les adultes qui ont les capacités cognitives de prendre une telle décision et qui sont atteints d’une maladie en phase terminale. Aucune de ces administrations ne permet les directives anticipées.
Le régime juridique de l’État de Victoria se rapproche de celui des États américains où l’aide au suicide est légale et où l’on exige que le patient ait une espérance de vie de six mois ou moins, mais des différences existent. Tant l’euthanasie (où la substance est administrée par un médecin) que l’aide au suicide (où le patient s’administre la substance lui même) sont permises, bien que l’euthanasie ne soit possible que dans des circonstances très étroites, lorsqu’il n’est pas possible pour le patient de s’administrer la substance lui-même. Les patients qui ont 12 mois ou moins à vivre et qui souffrent d’une maladie neurodégénérative sont également admissibles. Les patients doivent avoir 18 ans ou plus, avoir vécu dans l’État de Victoria pendant au moins 12 mois et être jugés capables, entre autres critères. Comme dans d’autres administrations, deux médecins doivent évaluer le patient, lequel doit faire deux demandes de vive voix et une demande par écrit. Le patient doit faire sa demande finale au moins neuf jours après la première et au moins un jour après la deuxième évaluation, à moins que le patient risque de mourir avant que ces délais soient écoulés 137.
En outre, il incombe au patient de prendre l’initiative de discuter de l’aide à mourir volontaire, comme on l’appelle dans l’État de Victoria. Les médecins doivent suivre une formation spécifique en ligne avant de pouvoir évaluer des patients qui demandent l’aide à mourir. Toutes les formations doivent être approuvées par la direction du ministère de la Santé et des Services sociaux et peuvent comporter un volet sur les exigences prévues par la loi, l’évaluation des critères d’admissibilité ainsi que le repérage et l’évaluation des facteurs de risque qui pourraient révéler des abus ou des pressions indues. Les médecins ont aussi l’obligation d’aiguiller le patient à un spécialiste s’ils n’ont pas la certitude que le patient répond à un ou plusieurs des critères d’admissibilité 138.
Les médecins doivent demander un permis en vue de l’aide à mourir volontaire pour chaque cas. Ce permis doit préciser si la substance sera administrée par le médecin ou si le patient se l’administrera lui-même (un médecin peut demander un permis pour administrer lui-même la substance à son patient seulement si le patient n’a plus la capacité de s’administrer seul la substance ou de la digérer). Le patient doit par ailleurs désigner une personne-ressource qui sera chargée de rapporter les médicaments inutilisés 139.
Des statistiques sont disponibles pour la période du 19 juin 2019 à décembre 2020. En 2019, 37 personnes ont eu recours à l’aide au suicide, et neuf à l’euthanasie 140. En 2020, ces chiffres s’élevaient respectivement à 184 et à 40 141. L’État comptait près de 6,7 millions d’habitants en 2020, et 41 000 décès (trois décès par euthanasie ou aide au suicide sur 1 000 décès).
Parmi les personnes ayant reçu l’aide à mourir, 77 % avaient un cancer, et 52,4 % étaient des hommes (0,2 % des patients ont décrit leur genre eux-mêmes, et les autres étaient des femmes). La moyenne d’âge était de 71 ans. Bien que quatre rapports aient été publiés, seul le plus récent comporte des renseignements démographiques. On n’y trouve que peu de détails sur l’âge, le lieu du décès et le type de maladie ou de trouble comparativement aux rapports publiés par d’autres administrations. Toutefois, on y trouve des renseignements qui ne sont pas compilés ailleurs, comme la langue parlée à la maison, le pays de naissance et le fait que le patient vivait dans une zone métropolitaine ou dans une zone régionale/rurale 142.
Un cas a été signalé à l’agence australienne de réglementation des professionnels de la santé pour non-respect des exigences liées à la procédure 143. Six autres cas de non-respect de la Voluntary Assisted Dying Act 2017 ont été identifiés par la commission d’examen de l’aide à mourir volontaire; toutefois, la commission a conclu que les problèmes relevés n’étaient pas liés à l’admissibilité, mais découlaient plutôt de malentendus. Les cas n’ont donc pas été transférés à l’autorité réglementaire ou à la police 144.
En 2019, l’Australie-Occidentale a adopté une loi qui est entrée en vigueur le 1er juillet 2021 et qui présente de nombreuses similarités avec la loi de l’État de Victoria. Elle comporte cependant certaines différences, y compris les suivantes :
Un rapport annuel doit être rédigé dans les six mois suivant la fin de l’année.
En mars 2021, la Tasmanie a adopté une loi légalisant l’aide médicale à mourir, qui entrera en vigueur le 22 octobre 2022 146. Tout comme dans les autres États australiens ayant adopté des lois sur l’aide médicale à mourir, seuls les adultes compétents qui répondent aux exigences en matière de résidence seront admissibles. De plus, les patients doivent obtenir l’approbation de l’État, comme c’est le cas dans l’État de Victoria. Cependant, en Tasmanie, l’autorisation doit venir de la commission de l’aide à mourir de Tasmanie, et non du ministère de la Santé. À l’instar de ce que l’Australie-Occidentale autorise, la loi de l’État de Tasmanie prévoit des circonstances plus larges dans le cadre desquelles les médecins peuvent pratiquer l’euthanasie. Les médecins de la Tasmanie pourront également évoquer la question de l’aide à mourir. Il existe également des éléments nouveaux qui distinguent la loi de l’État de Tasmanie de celles qui sont en vigueur dans les États de Victoria et d’Australie-Occidentale, y compris ceux-ci :
Un rapport annuel doit être rédigé dans les quatre mois suivant la fin de chaque exercice.
L’Australie-Méridionale a adopté sa propre loi sur l’aide médicale à mourir le 24 juin 2021. La phase de mise en œuvre de celle ci s’échelonnera sur une période de 18 à 24 mois 148. La loi adoptée est inspirée des mesures législatives en vigueur dans l’État de Victoria, mais on y trouve quelques différences, notamment en ce qui concerne la liberté de conscience des établissements 149.
Le Parlement du Queensland a adopté le 16 septembre 2021 une loi autorisant l’aide médicale à mourir qui entrera en vigueur en janvier 2023. La législation reprend différents aspects de diverses autres lois en vigueur dans les États australiens, notamment l’exigence que la mort soit prévue dans un délai de 12 mois et qu’il y ait un délai de neuf jours entre la première demande et la demande finale 150.
En 2015, l’Allemagne a explicitement interdit l’aide au suicide. La loi a été contestée devant la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne, laquelle a déterminé, en février 2020, que la mesure législative était inconstitutionnelle 151. Des projets de loi visant à réglementer la pratique ont été déposés à la suite du jugement, mais il semble qu’ils n’ont pas été adoptés 152.
La Cour constitutionnelle de l’Italie a conclu, en novembre 2019, que l’aide à mourir devrait être permise dans certaines circonstances très limitées. La Cour a donc établi de façon générale les circonstances dans lesquelles l’aide médicale à mourir serait autorisée. Le patient doit souffrir d’une maladie irréversible en plus de vivre des souffrances physiques ou psychologiques intolérables alors qu’il est maintenu en vie artificiellement. Le patient doit également être en mesure de prendre ses propres décisions de façon libre et éclairée. Le Parlement disposait d’une année pour légiférer sur la question, mais il ne l’a pas fait. La Cour a par la suite établi des règles d’après les procédures prévues dans la loi italienne sur les directives anticipées 153.
En 2019, les législateurs de la Nouvelle Zélande ont adopté une loi légalisant l’euthanasie et l’aide au suicide, laquelle devait être entérinée par voie de référendum 154. La loi a été approuvée dans une proportion de 65 % lors du vote qui a eu lieu en 2020 155. L’aide médicale à mourir sera donc légalisée à compter du 7 novembre 2021 156.
L’euthanasie et l’aide au suicide sont toutes les deux autorisées. Entre autres exigences, la personne doit avoir 18 ans ou plus, être citoyenne ou résidente permanente de la Nouvelle Zélande et souffrir d’une maladie en phase terminale, c’est-à-dire qu’il ne doit lui rester que six mois ou moins à vivre. L’aide à mourir n’est pas offerte en raison uniquement d’un problème de santé mentale, et les directives anticipées ne sont pas permises.
Les professionnels de la santé ne peuvent parler de l’aide à mourir si le patient n’a pas soulevé la question lui-même. Deux médecins doivent procéder à l’évaluation de la personne. Si l’un des deux n’est pas certain de pouvoir évaluer la compétence du patient à prendre cette décision, un psychiatre doit également évaluer l’admissibilité. Un médecin ou une infirmière praticienne peut administrer la substance ou superviser l’aide au suicide. Des rapports annuels doivent être produits 157.
En février 2021, un juge a autorisé l’euthanasie d’une femme. Le système juridique péruvien exige que la décision soit examinée par la Cour suprême du pays, laquelle n’a pas encore rendu de jugement pour confirmer ou infirmer la décision. Un projet de loi a été présenté au Parlement, mais n’avait pas été adopté avant la dissolution de ce dernier à l’été 2021 158.
En mars 2021, le Parlement espagnol a adopté une loi autorisant l’euthanasie et l’aide au suicide pour les adultes qui satisfont aux conditions de résidence et qui sont atteints d’une maladie grave et incurable ou d’une affection grave, chronique et invalidante, entre autres critères. Cette définition semble inclure la maladie mentale, bien que cela ne soit pas explicitement indiqué dans la loi. Les directives anticipées sont autorisées, et la loi est entrée en vigueur en juin 2021 159.
Deux demandes écrites doivent être présentées à 15 jours d’intervalle, sauf s’il existe un risque de perte imminente de capacité. Après les 15 jours, le médecin doit attendre 24 heures et confirmer la volonté du patient. Ensuite, un deuxième médecin procède à une évaluation et, si la personne est admissible, le dossier est envoyé à la commission de garantie et d’évaluation où un professionnel de la santé et un avocat l’examinent. Chaque étape doit être accomplie dans les délais impartis, l’ensemble du processus pouvant prendre plus d’un mois. Des rapports annuels seront publiés 160.
* Plusieurs sections de la présente Étude de la Colline renvoient à des sources primaires ou secondaires dans une langue autre que l’anglais ou le français. Par conséquent, il n’a pas toujours été possible de confirmer les déclarations contenues dans les sources non traduites.
États‑Unis, Oregon, The Oregon Death with Dignity Act (195 Ko, 10 pages), O.R.S. 127.800 à 127.995. Cette loi n’a pas été invalidée à la suite de la contestation judiciaire, mais l’Assemblée législative de l’Oregon a décidé de tenir un référendum sur la loi. Les électeurs de l’Oregon ont réaffirmé leur soutien avec une majorité de 60 %, et la loi est entrée en vigueur en novembre 1997. Les opposants de la Death with Dignity Act ont rapidement commencé à exercer des pressions sur le gouvernement fédéral pour qu’il intervienne contre l’initiative de l’État. Leurs efforts semblaient en vain au départ, mais, à la suite d’un changement de gouvernement à l’échelon fédéral en 2001, une règle d’interprétation a été rédigée pour préciser la situation légale en droit fédéral des médecins qui aideraient un patient à se suicider.
La règle d’interprétation précisait que les médecins qui prescriraient, distribueraient ou administreraient une substance sous contrôle fédéral afin de faciliter un suicide contreviendraient à la Controlled Substances Act du gouvernement fédéral. Cependant, en janvier 2006, la Cour suprême des États‑Unis a décrété, dans l’affaire Gonzales v. Oregon, que la règle d’interprétation était invalide, car elle dépassait les pouvoirs attribués au procureur général fédéral en vertu de la Controlled Substances Act. États‑Unis, Gonzales v. Oregon, 546 U.S. 243 (Cour suprême des États‑Unis, 2006) (Court Listener).
[ Retour au texte ]CEDH, Deuxième section, Affaire Gross c. Suisse, requête no 67810/10, 14 mai 2013. Le par. 63 du jugement indique ce qui suit :
Dans l’affaire Haas, la Cour a estimé que la demande du requérant d’accéder à une dose de pentobarbital sodique sans ordonnance médicale devait être examinée sous l’angle d’une obligation positive pour l’État de prendre les mesures nécessaires permettant un suicide dans la dignité. En revanche, la Cour estime que la présente affaire soulève principalement la question de savoir si l’État a émis des lignes directrices suffisantes pour définir si et – dans l’affirmative – dans quelles circonstances les médecins étaient autorisés à établir une ordonnance médicale à une personne dans la situation de la requérante.
[ Retour au texte ]État | Euthanasie (E)/aide au suicide (AS) autorisées? | Maladie en phase terminale comme exigence? | Résidence comme exigence? | Directives anticipées acceptées? | Acte autorisé pour les mineurs? | Acte autorisé pour les personnes atteintes de démence/ troubles psychiatriques incapables de prendre des décisions? | Souffrances psychologiques considérées comme un critère suffisant? |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Canada | E et AS autorisées | Non | Oui | Non | Non | Non | Non |
États Unis (certains États seulement) | AS autorisés | Oui | Oui | Non | Non | Non | Non |
Pays-Bas | E et AS autorisées | Non | Oui, mais non prévu expressément dans la loi | Oui | Oui (12 ans et plus et nouveau nés) | Oui, si une directive anticipée a été signée | Oui |
Belgique | E et AS autorisées | Non | Oui, mais non prévu expressément dans la loi | Oui (seulement pour les personnes inconscientes) | Oui (à l’exception des nouveau-nés et des jeunes enfants) | Oui, mais la personne doit être capable au moment de la demande | Oui |
Luxembourg | E et AS autorisées | Non | Oui, mais non prévu expressément dans la loi | Oui (seulement pour les personnes inconscientes) | Non | Oui, mais la personne doit être capable au moment de la demande | Oui |
Colombie | E autorisée | Non | Oui | Oui | Oui | Oui | Oui |
Australie (certains États seulement) | E et AS autorisées (mais E dans certaines circonstances précises seulement) | Oui | Oui | Non | Non | Non | Non |
Nouvelle-Zélande | E et AS autorisées | Oui | Oui | Non | Non | Non | Non |
Espagne | E et AS autorisées | Non | Oui | Oui | Non | Oui | Oui |
Note : Ce tableau comporte un certain nombre d’éléments qui mettent en lumière les différences entre les pays, mais il ne comprend pas tous les critères à remplir pour respecter les conditions dans chacun des pays. La Suisse, l’Allemagne, l’Italie et le Pérou ne figurent pas dans le tableau parce que ces pays ne disposent pas d’un régime réglementaire détaillé.
Source : Tableau préparé par la Bibliothèque du Parlement à partir de données tirées de Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46; États-Unis, Oregon, The Oregon Death with Dignity Act (195 Ko, 10 pages), O.R.S. 127.800 à 127.99; États-Unis, législature de l’État de Washington, The Washington Death With Dignity Act, ch. 70.245, R.C.W; États-Unis, Assemblée générale du Vermont, S.77 (Act 39) : An act relating to patient choice and control at end of life, 20 mai 2013; États-Unis, California Legislative Information, Assembly Bill No. 15 : An act to add and repeal Part 1.85 (commencing with Section 443) of Division 1 of the Health and Safety Code, relating to end of life, (AB‑15 End of Life Option Act), ch. 1, 5 octobre 2015; États-Unis, Colorado, Colorado End-of-Life Options Act (632 Ko, 11 pages), C.R.S., titre 25, art. 48; États‑Unis, District de Columbia, Death with Dignity Act of 2016, loi du District de Columbia 21-182; États‑Unis, Hawaï, Chambre des représentants, A Bill for an Act Relating to Health (1,78 Mo, 41 pages) (Our Care Our Choice Act), H.B. No 2739, H.D. 1, 29e législature, 5 avril 2018; États‑Unis, New Jersey, An Act concerning medical aid in dying for the terminally ill, supplementing Titles 45 and 26 of the Revised Statutes, and amending P.L.1991, c.270 and N.J.S.2C : 11-6, P.L. 2019, ch. 59, 12 avril 2019; États‑Unis, Maine, An Act To Enact the Maine Death with Dignity Act, H.P. 948 – L.D. 1313, droit public, ch. 271, 129e législature, 12 juin 2019; États‑Unis, Assemblée législative du Nouveau‑Mexique, Elizabeth Whitefield End-of-Life Options Act, HB 47, session régulière de 2021, 8 avril 2021; Pays‑Bas, Termination of Life on Request and Assisted Suicide (Review Procedures) Act [traduction]; Belgique, Parlement fédéral de Belgique, « 28 mai 2002. – Loi relative à l’euthanasie », Moniteur belge, 22 juin 2002; Luxembourg, « Loi du 16 mars 2009 sur l’euthanasie et l’assistance au suicide », Journal officiel du Grand-Duché de Luxembourg, 16 mars 2009; Colombie, ministère de la Santé et de la Protection sociale, Resolution No. 971 of 2021, 1er juillet 2021; Australie, Parlement de Victoria, Voluntary Assisted Dying Act 2017, no 61 de 2017; Australie, Australie‑Occidentale, Voluntary Assisted Dying Act 2019, no 27 de 2019; Australie, Australie‑Méridionale, Voluntary Assisted Dying Act 2021; Australie, Queensland, Voluntary Assisted Dying Bill 2021; Nouvelle‑Zélande, End of Life Choice Act 2019, 16 novembre 2019; et Espagne, « Ley Orgánica 3/2021, de 24 de marzo, de regulación de la eutanasia », Boletín Oficial del Estado, no 72, 25 mars 2021, p. 34037 à 34049.
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