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Le projet de loi C-40, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement (examen des erreurs judiciaires) (titre abrégé : « Loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire (Loi de David et Joyce Milgaard) ») a été déposé à la Chambre des communes le 16 février 2023 par l’honorable David Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada de l’époque 1.
Le projet de loi a ensuite passé l’étape de la deuxième lecture et a été renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes (le Comité). Le 7 février 2024, le Comité a fait rapport du projet de loi à la Chambre avec des propositions d’amendements 2. Le 19 juin 2024, le projet de loi a été lu pour la troisième fois et adopté, après qu’une série de motions visant la suppression des 20 articles contenus dans le projet de loi ait été rejetée 3.
Le projet de loi C-40 crée une commission indépendante chargée d’examiner les allégations d’erreurs judiciaires, d’enquêter à leur sujet et, s’il y a lieu, de renvoyer les cas devant une cour d’appel ou d’ordonner la tenue d’un nouveau procès. À l’heure actuelle, le ministre de la Justice détient le pouvoir d’examiner les condamnations afin de déterminer s’il y a eu erreur judiciaire. La commission remplace le rôle du ministre de la Justice dans le processus actuel de révision.
Bien que les définitions varient, les termes « erreur judiciaire » ou « condamnation injustifiée » désignent généralement des erreurs du système de justice pénale qui entraînent l’imposition d’une peine injustifiée. Même si elles sont censées être rares, ces erreurs causent de graves préjudices. Selon les recherches, au moins 83 personnes ont été condamnées à tort au Canada, mais le nombre réel est probablement plus élevé en raison de la difficulté, pour les personnes concernées, de prouver qu’elles ont été victimes de cette injustice 4.
Au cours des quatre dernières décennies, plusieurs commissions indépendantes ont été créées en réaction à des erreurs judiciaires très médiatisées. Les rapports publiés sur ces affaires ont mis en lumière les raisons des condamnations injustifiées, notamment les préjugés raciaux, la vision en tunnel, la vulnérabilité des jeunes et des pratiques contraires à l’éthique employées par la police, les procureurs et les témoins experts 5. Ces rapports ont également critiqué le processus d’examen des allégations d’erreurs judiciaires, qui est actuellement laissé à la discrétion du ministre fédéral de la Justice. Il a été recommandé à plusieurs reprises de créer un organisme indépendant chargé d’examiner les condamnations injustifiées, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres États comme l’Angleterre, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, l’Écosse et la Caroline du Nord 6.
Dans la lettre de mandat qu’il lui a remise en décembre 2019, le premier ministre du Canada a chargé le ministre Lametti, ministre de la Justice et procureur général du Canada de l’époque, d’« [é]tablir une commission indépendante d’examen des affaires pénales pour faciliter et accélérer l’examen des demandes des personnes susceptibles d’avoir été condamnées à tort 7 ». En 2021, le ministre Lametti a demandé à deux juges à la retraite d’entreprendre des consultations sur la création d’une commission indépendante pour remplacer le rôle du ministre de la Justice dans le processus de révision des erreurs judiciaires. Dans le rapport qui en a résulté (le rapport), les auteurs ont conclu à la nécessité d’un nouveau processus et fait remarquer que la révision ministérielle « ne parvient pas à favoriser l’accès à la justice, comme le montre le faible nombre de demandes et de renvois soumis à la Cour par rapport au nombre reçu par les commissions étrangères indépendantes 8 ». En particulier, ce rapport a révélé que :
[l]es 20 renvois accordés par le ministre depuis 2002, qui concernaient tous des hommes et dont un seul concernait un Autochtone et un seul concernait une personne noire, ne reflètent pas la portion de la population qui risque davantage des condamnations injustifiées, telle qu’elle peut être évaluée par la surreprésentation des Autochtones et des Noirs dans les prisons canadiennes 9.
Le rapport contenait 51 recommandations, dont bon nombre se retrouvent dans le projet de loi C-40 10. Par exemple, la commission proposée est indépendante du gouvernement, ne se limite pas aux questions d’innocence factuelle et dispose d’un grand nombre des pouvoirs recommandés en matière d’enquête et de mesures de redressement.
Parmi les recommandations que le projet de loi C-40 ne reprend pas entièrement, plusieurs concernent la structure de la commission, notamment le nombre de commissaires, leur formation et la possibilité de renouveler leur mandat. De plus, le projet de loi, dans sa version initiale, ne semblait pas donner à la commission « la compétence pour effectuer des réformes systémiques liées à la prévention des erreurs judiciaires 11 ». Cependant, dans sa forme modifiée, le projet de loi ajoute dans le mandat d’une future commission indépendante la possibilité de faire des recommandations aux autorités et organismes publics concernés en vue de régler les problèmes systémiques qui engendrent les erreurs judiciaires. Enfin, le rapport préconisait également l’adoption d’une loi distincte pour indemniser les victimes d’erreurs judiciaires. Il est difficile de dire si une telle loi sera présentée.
Le projet de loi C-40 compte 20 articles. Il prévoit un nouveau processus d’examen des erreurs judiciaires – actuellement énoncé dans le Code criminel 12 (le Code) et le Règlement sur les demandes de révision auprès du ministre (erreurs judiciaires) 13 (le Règlement) – et établit une commission à cette fin. Les principales dispositions du projet de loi sont examinées ci-dessous.
L’article 3 du projet de loi C-40 remplace le régime actuel de révision ministérielle des erreurs judiciaires prévu dans le Code par un nouveau processus administré par la Commission d’examen des erreurs judiciaires (la commission).
Le régime actuel et le nouveau processus prévoient des critères très similaires en ce qui concerne la demande de révision d’une condamnation pour cause d’erreur judiciaire. Une demande d’examen peut être présentée par ou pour une personne (art. 696.1 existant et nouveau par. 696.2(1) du Code) :
Le projet de loi C-40 apporte également des précisions sur d’autres groupes de personnes qui peuvent demander un examen, notamment les personnes reconnues coupables en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ou de la Loi sur les jeunes contrevenants, les personnes qui ont plaidé coupables, les personnes qui ont été absoutes en vertu de l’article 730 du Code 15, et les personnes déclarées non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux en vertu de l’article 672.34 du Code (nouveau par. 696.2(1)).
Le nouveau paragraphe 696.2(1) met en œuvre les recommandations 20 et 21 du rapport 16.
À l’image du régime actuel, le nouveau processus exige que le demandeur épuise d’abord ses droits d’appel en ce qui concerne la décision à réviser (art. 696.1 existant et nouveaux par. 696.2(2), 696.4(2) et 696.4(3)), ce qui inclut un appel devant une cour d’appel et devant la Cour suprême du Canada (CSC).
Toutefois, le nouveau processus prévoit une exception à cette exigence concernant un appel devant une cour d’appel ou devant la CSC.
En vertu du nouveau paragraphe 696.4(4), la commission peut décider qu’une demande d’examen au motif d’erreur judiciaire est recevable même si aucun appel de la décision en question n’a été interjeté à la cour d’appel ou à la CSC. Il convient de noter que si la version initiale du projet de loi C-40 ne prévoyait qu’une exception pour les appels interjetés devant la Cour suprême du Canada, la version modifiée a ajouté la mention de la « cour d’appel 17 » au nouveau paragraphe 696.4(4) du Code afin d’étendre cette exception. Ainsi, la commission pourrait traiter de la recevabilité des demandes présentées par les personnes les plus vulnérables qui n’avaient pas les compétences ou les ressources nécessaires pour appeler du jugement de première instance.
Pour décider qu’une demande est recevable même si aucun appel de la décision n’a été porté devant la cour d’appel ou la CSC, la commission doit tenir compte des facteurs suivants (nouveau par. 696.4(4)) :
Les critères et les délais d’appel à la CSC sont énoncés aux articles 56 à 64 de la Loi sur la Cour suprême 18. Les délais pour appeler d’un jugement devant une cour d’appel sont généralement prévus dans les règles de procédure applicables à la cour d’appel de la province où l’audition de l’affaire faisant l’objet de la demande a été tenue, telle que définie au nouvel article 696.1 du Code.
Le nouveau paragraphe 696.4(4) du Code codifie et réglemente l’exception à la recevabilité déjà établie dans la jurisprudence 19. Il met également en œuvre la 31e recommandation du rapport, à savoir qu’il ne devrait pas y avoir une « exigence stricte en ce qui concerne l’épuisement des recours en appel », et précise que, ce qu’il faut éviter, « c’est une mentalité de “case à cocher” excessivement bureaucratique, sévère et intolérante qui rejette systématiquement les demandes parce qu’il n’y a pas eu d’appel et qui n’offre ensuite aucune aide aux demandeurs dont la demande a été rejetée 20 ».
En vertu du nouvel article 696.3, la commission traite la demande « le plus rapidement possible » et fournit « régulièrement » au demandeur des mises à jour concernant sa demande. Ces exigences procédurales ne figurent pas dans le régime actuel. Les termes « le plus rapidement possible » et « régulièrement » ne sont pas définis dans le projet de loi C-40.
La commission décide si les demandes reçues sont recevables, tel qu’il est indiqué ci dessus (nouveau par. 696.4(1)). Elle avise le demandeur et le procureur général compétent de sa décision (nouveau par. 696.4(5)).
En vertu du nouveau paragraphe 696.5(1), la commission peut mener une enquête relativement à une demande si elle a « des motifs raisonnables de croire qu’une erreur judiciaire a pu être commise ou si elle estime que cela servirait l’intérêt de la justice ». L’inclusion de ce seuil dans le projet de loi va à l’encontre de la 34e recommandation du rapport, selon laquelle ce seuil devrait plutôt être fixé par une politique de la commission.
Ce nouveau test est beaucoup moins rigoureux que celui du régime actuel, selon lequel le ministre mène une enquête uniquement lorsqu’il est « convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite [ITALIQUE DES AUTEURS] » (al. 4(1)a) existant du Règlement).
Que la commission mène ou non une enquête, elle doit en aviser le demandeur et le procureur général compétent. L’avis doit indiquer si une enquête sera ou non menée. S’il n’y en a pas, l’avis précise le délai raisonnable dans lequel le demandeur et le procureur général compétent peuvent fournir des renseignements supplémentaires (nouveau par. 696.5(2)). Ce nouveau paragraphe est en grande partie semblable aux paragraphes 4(2) et 4(3) existants du Règlement, mais il ajoute le procureur général comme partie à aviser. Toutefois, le paragraphe 4(3) existant précise que le demandeur peut transmettre au ministre des renseignements additionnels à l’appui de la demande dans un délai d’un an à compter de la date d’envoi de l’avis. On ignore si le « délai raisonnable » prévu au nouveau paragraphe 696.5(2) accordera autant de temps.
Comme dans le régime actuel, la commission peut prendre une décision concernant une demande, sans avoir mené d’enquête, une fois que le délai pour fournir des renseignements supplémentaires est expiré (nouveau par. 696.5(3) et par. 5(2) existant du Règlement).
Au terme de l’enquête, la commission doit préparer un rapport et en transmettre une copie au demandeur et au procureur général (nouveau par. 696.5(6)). Une obligation semblable existe en vertu du régime actuel, sauf que le ministre n’est pas tenu de transmettre une copie du rapport au procureur général (par. 5(1) existant du Règlement).
Comme dans le cas du régime actuel, le demandeur peut fournir à la commission une réponse écrite au rapport d’enquête. En vertu du nouveau processus, le procureur général peut faire de même (par. 5(1) existant du Règlement et nouveau par. 696.5(7)).
La commission peut prendre une décision sur la demande une fois que l’enquête est terminée et qu’elle a reçu les réponses écrites ou la confirmation qu’aucune réponse ne sera présentée, ou si le délai prévu dans le rapport d’enquête pour fournir de telles réponses est expiré (nouveau par. 696.5(8)).
Comme dans le régime existant, la décision de la commission se limite à trois options (par. 696.3(3) existant et nouveaux par. 696.6(2) et 696.6(3)).
Si la commission « a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire a pu être commise et qu’elle estime que cela servirait l’intérêt de la justice [ITALIQUE DES AUTEURS] » (nouveau par. 696.6(2)), elle doit prescrire un nouveau procès ou une nouvelle audition, ou renvoyer l’affaire devant la cour d’appel. En revanche, une mesure de redressement peut être ordonnée en vertu du régime actuel si le ministre de la Justice est « convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite » (al. 696.3(3)a) existant).
On ne sait pas exactement si le nouveau seuil pour ordonner une mesure de redressement sera moins rigoureux. Le régime actuel impose au demandeur la charge de la preuve plus élevée de démontrer qu’une « erreur judiciaire s’est probablement produite » plutôt que la charge de démontrer qu’une erreur judiciaire « a pu être commise ». Cependant, le nouveau processus introduit une deuxième partie, soit que la commission doit estimer que l’octroi d’une mesure de redressement servira « l’intérêt de la justice 21 ». Cette exigence n’existe pas dans le régime actuel. On ne sait pas exactement dans quelles circonstances il ne serait pas dans l’intérêt de la justice d’ordonner une mesure de redressement en cas de risque d’erreur judiciaire. Les auteurs du rapport ont exprimé leur préoccupation quant au fait que cette approche en deux étapes « pourrait potentiellement défavoriser les demandeurs autochtones, noirs et autres demandeurs marginalisés, ou encore des demandeurs qui peuvent sembler antipathiques ou dangereux 22 ».
Avec le nouveau paragraphe 696.6(2) du Code, le projet de loi C-40 applique en partie les recommandations 42 et 43 du rapport, notamment que la commission devrait considérer si une erreur judiciaire « a pu être commise » et non si celle-ci « a probablement été commise ». Cependant, le rapport a recommandé également que la commission puisse renvoyer des affaires en vue d’un pardon ou d’une suspension du casier judiciaire, en plus d’ordonner un nouveau procès ou une nouvelle audition, ou de la renvoyer à une cour d’appel 23. Ces options ne figurent pas dans le projet de loi C-40.
Comme dans le régime actuel, si la commission n’accorde pas l’une des deux mesures de redressement, elle doit rejeter la demande (al. 696.3(3)b) existant et nouveau par. 696.6(3)).
La commission doit aviser le demandeur de sa décision et, contrairement au régime actuel, elle doit également aviser le procureur général (nouveau par. 696.6(7) et art. 6 existant du Règlement).
Pour rendre sa décision, la commission doit prendre en compte les facteurs suivants (nouveau par. 696.6(5)) :
Les facteurs énumérés aux alinéas a) à c) et à l’alinéa f) ci-dessus sont déjà pris en considération par le ministre de la Justice dans le régime actuel (art. 696.4 existant). Ceux des alinéas d) et e) sont nouveaux.
Soulignons que le projet de loi C-40 précise que la commission peut prendre une mesure de redressement même en l’absence d’éléments de preuve établissant l’innocence du demandeur (nouveau par. 696.6(6)). C’est déjà le cas en vertu du régime actuel, bien qu’aucune mention explicite ne figure dans le Code ou le Règlement. Ce nouveau paragraphe reflète la conclusion du rapport selon laquelle « [e]xiger l’innocence factuelle au Canada constituerait […] un recul. Elle restreindrait davantage le mandat de correction des erreurs de la nouvelle commission comparativement à celui dont dispose le ministre de la Justice à l’heure actuelle 24 ».
En vertu du nouvel article 696.61, la commission peut renvoyer devant une cour d’appel toute question relative à une demande, et la cour d’appel est tenue de donner son opinion sur le sujet. Le projet de loi C-40 ne donne pas de détails sur le processus de ce renvoi. On ne sait pas si la cour d’appel entendra les arguments sur la question, ni si sa décision sera publique, ni ce que la commission devra faire de l’opinion de la cour.
En vertu du nouvel article 696.62, le Parlement doit examiner les modifications apportées par le projet de loi C-40 dès que possible après le cinquième anniversaire de l’entrée en vigueur de l’article, et tous les 10 ans par la suite. Le rapport recommandait un examen tous les trois à cinq ans 25.
Les dispositions du projet de loi peuvent entrer en vigueur à des dates distinctes fixées par le gouverneur en conseil (art. 20). Il est donc possible que le délai d’examen de la loi ne corresponde pas à la date d’entrée en vigueur de la plupart des dispositions de la loi 26.
L’article 4 du projet de loi C-40 crée la commission (nouveau par. 696.71(1)). La commission se compose d’un commissaire en chef et de quatre à huit autres commissaires 27. Le commissaire en chef exerce sa charge à temps plein, tandis que les autres commissaires sont nommés pour exercer la leur soit à temps plein, soit à temps partiel (nouvel art. 696.74). Le commissaire en chef et les autres commissaires sont nommés par le gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre de la Justice (nouveau par. 696.71(2)). La recommandation 8 du rapport prévoyait qu’un comité indépendant devrait se charger des nominations.
La mission de la commission consiste à examiner les demandes présentées dans le cadre du nouveau régime une fois qu’il entrera en vigueur (art. 6).
Le nouvel alinéa 696.72(b) du Code prévu à l’art. 4 du projet de loi amendé élargit la mission de la commission, qui, outre l’étude des demandes d’examen au motif d’erreur judiciaire, pourrait faire des recommandations aux autorités et organismes publics concernés (tels que la Commission du droit du Canada, des comités et groupes de travail fédéraux-provinciaux-territoriaux, des ministères et organismes fédéraux et des comités parlementaires), en vue de régler les problèmes systémiques pouvant mener à des erreurs judiciaires. Ce rôle proactif vise à prévenir les condamnations injustifiées qui découlent du racisme et de la discrimination systémique dans le système judiciaire, notamment à l’égard des Autochtones.
Le nouvel article 696.73 exige que lorsque le ministre de la Justice formule des recommandations de nomination aux postes de commissaires, il « cherche à refléter la diversité de la société canadienne et [tienne] compte de facteurs comme l’égalité des genres et la surreprésentation de certains groupes dans le système de justice pénale, notamment les peuples autochtones et les personnes noires ».
Mis à part les considérations obligatoires relatives aux recommandations du ministre de la Justice, le projet de loi C-40 n’a pas d’exigences particulières en ce qui concerne la diversité des commissaires. La recommandation 5 du rapport prévoyait que le tiers des commissaires devrait représenter des groupes surreprésentés en prison et désavantagés en ce qui concerne leur quête de réparation, et qu’il devrait y avoir au moins un commissaire autochtone et un commissaire noir.
Le projet de loi C-40 exige que tous les commissaires possèdent « des connaissances et de l’expérience liées à la mission de la Commission » (nouveau par. 696.75(1)). Il exige également que le commissaire en chef et au moins le tiers, mais pas plus de la moitié, des commissaires soient avocats et comptent au moins 10 ans d’expérience dans l’exercice du droit pénal (nouveaux par. 696.75(2) et 696.75(3)). Le rapport a cependant prévenu qu’une exigence de 10 ans d’expérience « pourrait constituer un obstacle potentiel à la représentation des groupes défavorisés parmi les commissaires 28 ».
Les commissaires sont nommés pour un mandat maximal de sept ans. Dans la mesure du possible, les mandats doivent être échelonnés de manière à ce que leur expiration au cours d’une même année civile touche au plus la moitié d’entre eux (nouveau par. 696.77(1)). Le mandat des commissaires peut être reconduit (nouveau par. 696.77(2)). La possibilité d’un mandat renouvelable va à l’encontre de la recommandation 7 du rapport, selon laquelle les mandats des commissaires devraient être non renouvelables afin que la commission soit « indépendante et sans lien de dépendance avec le gouvernement 29 ». Enfin, les commissaires peuvent également être révoqués pour motif valable.
Le projet de loi C-40 demande à la commission de veiller à ce que les demandeurs et les demandeurs potentiels puissent facilement communiquer avec elle de partout au Canada (nouvel art. 696.8). Le projet de loi ne donne pas plus de précision sur les mesures supplémentaires à prendre pour les endroits éloignés et isolés au Canada, comme le Nord, ou les pénitenciers et les prisons.
La commission doit également publier, sur son site Web, des renseignements au sujet de sa mission. Le projet de loi exige par ailleurs que la Commission renseigne le public, notamment les demandeurs potentiels, au sujet de sa mission et des erreurs judiciaires (nouvel art. 696.81).
La commission doit faire preuve de transparence dans la réalisation de sa mission. Le projet de loi C-40 exige que la commission publie ses décisions en ligne (nouvel art. 696.82), comme le recommandait le rapport (recommandation 41). Le régime actuel n’oblige pas le ministre de la Justice à publier les décisions relatives à la révision des condamnations.
Lorsqu’elle publie ses décisions, la commission doit protéger les renseignements confidentiels, vraisemblablement de toutes les personnes concernées, y compris les victimes potentielles et les demandeurs.
De plus, si la commission prescrit un nouveau procès ou une nouvelle audition devant un tribunal, ou qu’elle renvoie l’affaire à une cour d’appel, elle doit veiller à ce que sa décision ne nuise pas à la bonne administration de la justice.
Dans le cadre de sa mission, la commission peut fournir aux demandeurs et aux demandeurs potentiels des renseignements généraux et des conseils à chacune des étapes du processus d’examen (nouvel art. 696.84). La commission peut également apporter du soutien aux demandeurs dans le besoin, notamment :
Ce nouvel article donne suite en partie à la recommandation 50 du rapport, selon laquelle la commission devait fournir le soutien nécessaire aux demandeurs tout au long du processus de demande. Cette même recommandation insistait également pour que la commission soit habilitée par la loi à appuyer la réintégration des demandeurs, et ce, pendant le processus de demande et après qu’ils ont été libérés ou que leur condamnation a été annulée. Il semble que le projet de loi C-40 permette seulement à la commission de fournir du soutien pendant le processus de demande, mais non au delà.
De plus, selon le nouvel alinéa 696.84(1)a.1) du Code prévu à l’article 4 du projet de loi amendé, la commission pourrait charger son personnel d’informer le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada de l’importance de veiller à ce que les personnes qui purgent une peine ne soient pas exclues de programmes, de services ou de processus de mise en liberté sous condition ou qu’elles ne se heurtent à aucun obstacle du fait qu’elles ont présenté une demande d’examen au motif d’erreur judiciaire à la commission. Cet amendement fait suite aux témoignages reçus devant le Comité, soulignant la stigmatisation et l’exclusion de l’accès aux programmes ou aux services du système correctionnel, pour les demandeurs potentiels, parce qu’ils n’assumeraient pas la responsabilité de leurs actes en clamant leur innocence 30.
À l’instar du ministre de la Justice en vertu du régime actuel, la commission doit présenter un rapport annuel à la fin de chaque exercice. Aux termes du projet de loi C 40, la commission soumet le rapport au ministre, qui le dépose au Parlement (nouvel art. 696.87).
Le rapport annuel doit contenir essentiellement les mêmes éléments que le rapport actuellement préparé par le ministre de la Justice (art. 7 du Règlement), notamment des renseignements sur le nombre de demandes reçues, le nombre d’enquêtes lancées et le nombre d’enquêtes terminées, le nombre de demandes rejetées et le nombre de demandes de nouveaux procès, d’auditions ou de renvois à une cour d’appel.
Le rapport annuel de la commission doit également fournir des statistiques au sujet des demandeurs, ventilées « selon l’identité de genre, l’âge, la race, l’origine ethnique, la langue, les handicaps, le revenu et tout autre facteur identitaire considéré dans le cadre d’une analyse comparative entre les sexes » (nouvel al. 696.87(1)b)), conformément à la recommandation 18 du rapport. Le rapport annuel doit également inclure le résultat des affaires pour lesquelles la commission a prescrit un nouveau procès ou une nouvelle audition, ou celles qu’elle a renvoyées à une cour d’appel, le délai moyen entre la réception d’une demande et sa décision finale, le nombre de demandeurs dans le besoin qui ont reçu du soutien et les sommes versées à des fournisseurs de services, ventilées selon la nature des services.
Le rapport annuel de la commission doit être présenté au ministre de la Justice dans les cinq premiers mois suivant la fin de l’exercice. Le ministre a ensuite 30 jours pour le déposer devant le Sénat et la Chambre des communes.
Une fois le rapport de la commission déposé au Parlement, la commission doit le publier en ligne.
Le projet de loi C-40 explique comment traiter les demandes d’examen soumises avant l’entrée en vigueur du nouveau processus (art. 7).
Si le ministre n’a pas encore pris de décision à l’égard d’une demande, le demandeur doit consentir au transfert de sa demande à la commission pour être traitée conformément au nouveau processus (art. 8).
Si le demandeur consent au transfert dans le délai fixé par le ministre, ou après ce délai, mais avant que le ministre n’ait rendu une décision concernant la demande, la demande est réputée avoir été présentée à la commission (art. 9 et 11). Le consentement donné par le demandeur est irrévocable (art. 12).
Si le demandeur refuse de consentir au transfert de sa demande à la commission, le projet de loi C-40 prévoit deux options. Si le ministre a terminé l’évaluation préliminaire de la demande avant l’entrée en vigueur du projet de loi, le régime actuel continuera de s’appliquer. Mais si le ministre n’a pas terminé l’évaluation préliminaire de la demande, la demande est réputée ne pas avoir été présentée et le demandeur peut présenter une nouvelle demande à la commission (art. 10).
Le projet de loi C-40 ne prévoit pas de mécanisme permettant d’informer les demandeurs, dans le cadre du régime actuel, si leur demande est réputée ne pas avoir été présentée. En vertu du régime actuel, les demandeurs doivent être informés dès que le ministre décide de mener une enquête. Toutefois, il n’y a aucune obligation d’informer les demandeurs des conclusions de l’évaluation préliminaire sous le régime actuel.
Selon le rapport annuel 2022 du ministre de la Justice sur les demandes de révision auprès du ministre en cas d’erreurs judiciaires 31, au cours de l’exercice 2021-2022, il y a eu 53 demandes à l’étape de l’évaluation préliminaire. De ce nombre, 13 demandes étaient en attente d’une évaluation préliminaire, 32 étaient en cours d’évaluation et huit ont été menées à terme 32. À titre d’exemple, si le projet de loi C 40 était entré en vigueur à la fin de l’exercice 2021-2022, 45 demandes auraient pu être réputées ne pas avoir été faites, si les demandeurs n’avaient pas consenti au transfert de leur demande à la commission.
Enfin, le projet de loi prévoit que, si le ministre rejette une demande d’examen en vertu du régime actuel, le demandeur peut présenter une nouvelle demande en vertu du nouveau processus (art. 13).
Le projet de loi C-40 apporte des modifications corrélatives à la Loi sur l’accès à l’information, à la Loi sur la gestion des finances publiques, à la Loi sur la protection des renseignements personnels et à la Loi sur la pension de la fonction publique (art. 14 à 18). Ces modifications ajoutent des renvois à la commission.
L’article 19 abroge le Règlement, qui énonce les exigences relatives aux demandes, à l’examen des demandes et aux rapports annuels dans le cadre du régime existant. Ces dispositions sont remplacées par de nouveaux articles dans le projet de loi C-40, décrits ci-dessus.
Un tribunal peut désigner un accusé comme « délinquant dangereux » en vertu du par. 753(1) du Code criminel (le Code). Un délinquant dangereux purge une peine d’une durée indéterminée. Pour désigner ainsi un délinquant, le tribunal doit considérer qu’il constitue :
un danger pour la vie, la sécurité ou le bien-être physique ou mental d’autrui, en vertu des preuves établissant, selon le cas :
Un délinquant à contrôler est un délinquant désigné comme tel par un tribunal qui applique l’art. 753.1 du Code. Le délinquant doit avoir déjà été condamné soit pour sévices graves à la personne, soit pour une infraction sexuelle visée à la partie XXIV du Code, et « le tribunal doit être convaincu qu’une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus serait appropriée pour l’infraction commise, que le délinquant présente un risque élevé de récidive et qu’il existe une possibilité réelle que ce risque puisse être maîtrisé au sein de la collectivité ». Voir Julia Nicol, « 5.7 Délinquants désignés dangereux et à contrôler », La détermination de la peine au Canada, publication no 2020-06-F, Bibliothèque du Parlement, 22 mai 2020.
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