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Le 16 mai 2023, le ministre de la Justice et procureur général du Canada de l’époque, l’honorable David Lametti, a présenté à la Chambre des communes le projet de loi C‑48, Loi modifiant le Code criminel (réforme sur la mise en liberté sous caution)1. Au moyen d’une motion présentée le 18 septembre 2023 par son successeur au poste de ministre de la Justice, l’honorable Arif Virani, le projet de loi a franchi l’étape de la deuxième lecture, de l’examen en comité plénier et de la troisième lecture le même jour. Il a été adopté à l’unanimité2, et lu le lendemain pour la première fois devant le Sénat. Les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles l’ont étudié et y ont apporté plusieurs amendements3, dont deux ont été adoptés par les deux Chambres du Parlement. Le projet de loi a reçu la sanction royale le 5 décembre 2023.
Le projet de loi C‑48 apporte des modifications aux dispositions du Code criminel 4 du Canada (le Code) relatives à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire, aussi appelée mise en liberté sous caution. Il élargit la portée des dispositions existantes de l’« inversion du fardeau de la preuve », suivant lesquelles le fardeau du poursuivant de démontrer pourquoi une personne prévenue devrait être maintenue sous garde dans l’attente du procès est transféré au prévenu, qui doit alors démontrer au juge ou au juge de paix qu’il n’y a pas de motif justifiant sa détention. Ces modifications répondent à des préoccupations soulevées par divers intervenants à propos de crimes commis par des récidivistes violents, en particulier ceux qui utilisent des armes à feu. Les modifications concernant l’inversion du fardeau de la preuve s’appliquent aux personnes qui ont déjà été reconnues coupables d’une infraction avec violence et qui sont ensuite accusées d’une infraction avec violence ou d’une infraction impliquant l’usage d’armes à feu, de couteaux, de répulsif à ours ou d’autres types d’armes. Le projet de loi propose également des modifications visant à atténuer les risques associés à la violence contre un partenaire intime, en particulier lorsqu’elle est commise par des récidivistes 5. Il ajoute les préoccupations liées à la sécurité des collectivités aux aspects qu’un juge de paix 6 doit prendre en compte dans le cadre des décisions relatives à la mise en liberté sous caution.
L’alinéa 11e) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte) garantit que tout inculpé a le droit « de ne pas être privé sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable 7 ». L’inculpé a également le droit d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable à l’issue d’un procès public et équitable, et la Cour suprême du Canada a décidé que ce droit est un principe de justice fondamentale qui s’applique à toutes les étapes du processus pénal, y compris les audiences sur la mise en liberté sous caution 8. L’article 7 garantit, entre autres choses, que chacun a le droit de ne pas être privé de liberté, sauf en conformité avec les principes de justice fondamentale.
Conformément à ces droits, lorsqu’une personne est accusée d’avoir commis une infraction, elle doit être conduite devant un juge de paix pour déterminer le processus entourant les accusations. La personne inculpée doit être libérée sous caution, à moins que le juge de paix n’estime qu’il y a lieu de la mettre sous garde jusqu’au règlement final des accusations 9.
Le paragraphe 91(27) de la Loi constitutionnelle de 1867 donne au Parlement l’autorité législative exclusive relativement à la loi criminelle et aux procédures en matière criminelle, alors que les provinces sont investies du pouvoir de légiférer en matière d’administration de la justice en vertu du paragraphe 92(14). Par conséquent, le Code, une loi fédérale, établit les règles et les procédures que le juge de paix doit suivre, ainsi que les facteurs qu’il doit prendre en considération, lorsqu’il décide s’il ordonne une mise en liberté provisoire par voie judiciaire. Le projet de loi C‑48 modifie l’article 515 du Code, qui établit les principales dispositions de mise en liberté sous caution.
Bon nombre des politiques et des procédures pratiques concernant les audiences sur la mise en liberté sous caution sont mises en place par les provinces. Celles‑ci déterminent, par exemple, si les audiences sur la mise en liberté sous caution peuvent être présidées par un juge ou un juge de paix, et elles établissent les directives données aux procureurs de la Couronne à propos de l’information sur l’accusé à présenter au tribunal et de l’information à communiquer aux victimes 10.
Le juge de paix tient compte des divers facteurs, comme l’exige le Code, et entend les observations du procureur de la Couronne et de la personne accusée ou de son avocat pour déterminer s’il octroie la mise en liberté sous caution ou s’il ordonne que la personne accusée soit renvoyée en détention. Pour la plupart des infractions criminelles, le procureur doit démontrer pourquoi la personne accusée devrait se voir refuser la mise en liberté sous caution. Toutefois, pour certaines infractions, le fardeau de la preuve est transféré à la personne accusée, qui doit démontrer pourquoi une mise en liberté sous caution devrait être accordée.
Selon l’interprétation de la Cour suprême du Canada, l’alinéa 11e) de la Charte signifie, entre autres choses, que la mise en liberté sous caution ne peut être refusée « que dans certains cas bien précis » et qu’on « ne doit pas y recourir à des fins extérieures [au] système [de mise en liberté sous caution] 11 ». La Cour a défini les motifs pouvant justifier une détention et a influencé le libellé actuel du paragraphe 515(10) du Code 12. En bref, ces motifs sont les suivants :
Dans l’arrêt R. c. Morales, la Cour suprême a souligné que le droit à la mise en liberté sous caution ne doit pas être refusé à toutes les personnes qui risquent de commettre une infraction ou de nuire à l’administration de la justice si elles sont mises en liberté. En fait, la mise en liberté n’est refusée que « s’il y a une “probabilité marquée” que le prévenu commettra une infraction criminelle ou nuira à l’administration de la justice et seulement si cette “probabilité marquée” compromet “la protection ou la sécurité du public” 13 ».
Le juge de paix tient également compte d’autres facteurs, comme la nature de l’infraction, la sévérité de la peine, la preuve pesant contre la personne accusée et la moralité de cette dernière, notamment le fait qu’elle ait ou non un casier judiciaire 14.
Une ordonnance de mise en liberté peut imposer à la personne accusée des conditions à respecter, comme les suivantes :
La Cour suprême a confirmé que les conditions de mise en liberté sous caution imposées à une personne accusée doivent être raisonnables. Par exemple, dans l’arrêt R. c. Antic, elle a décidé que des conditions ne devraient être imposées que dans la mesure où elles sont nécessaires pour dissiper les préoccupations liées aux critères légaux de détention et pour permettre la mise en liberté de la personne accusée 17. La Cour s’est penchée à nouveau sur cette question dans l’arrêt R. c. Zora, où elle a conclu que les conditions de mise en liberté sous caution doivent être adaptées aux risques individuels que pose la personne prévenue 18. La retenue est nécessaire parce que les conditions de mise en liberté sous caution restreignent la liberté d’une personne prévenue qui a le droit d’être présumée innocente de l’infraction sous‑jacente 19.
Lorsqu’une personne est accusée d’une infraction impliquant de la violence contre autrui ou de certaines autres infractions, y compris le terrorisme ou le harcèlement criminel, les conditions de mise en liberté sous caution doivent inclure une interdiction de posséder des armes à feu ou d’autres armes réglementées pour assurer la sécurité de la victime ou de toute autre personne 20.
Une personne qui ne respecte pas ses conditions de mise en liberté sous caution peut être poursuivie pour infraction contre l’administration de la justice et peut devoir se présenter devant un juge dans le cadre d’une comparution pour manquement, une procédure judiciaire simplifiée pour gérer ce type d’infraction 21.
Comme il a été mentionné ci-dessus, pour certaines infractions seulement, le fardeau de la preuve revient à la personne accusée, qui doit alors démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que sa mise en liberté est justifiée.
Les infractions auxquelles une « inversion du fardeau de la preuve » s’applique sont énumérées aux paragraphes 515(6) et 515(11) du Code. Ce sont notamment les suivantes :
La Cour suprême a revu certaines des dispositions d’inversion du fardeau de la preuve et a déterminé que, malgré leur impact sur les droits de la personne accusée qui sont prévus dans la Charte, elles peuvent être constitutionnelles si elles sont utilisées dans certains cas bien précis et si elles sont soigneusement conçues pour favoriser le bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution. Par exemple, dans l’arrêt R. c. Pearson, la Cour a expliqué que le trafic de stupéfiants est une activité très lucrative qui s’inscrit dans une entreprise et un mode de vie très sophistiqués, « ce qui pousse fortement le contrevenant à poursuivre son activité criminelle même après son arrestation et sa mise en liberté sous caution ». Par conséquent, « le processus normal d’arrestation et de mise en liberté sous caution ne sera normalement pas efficace pour mettre un terme à l’activité criminelle ». Il a donc été jugé que l’inversion du fardeau de la preuve prévue à l’alinéa 515(6)d) était justifiée 23.
Dans l’arrêt R. c. Morales, la Cour a confirmé l’inversion du fardeau de la preuve prévue à l’alinéa 515(6)a) pour les cas où des prévenus sont inculpés d’un acte criminel alors qu’ils étaient en liberté sous caution à l’égard d’un autre acte criminel. En exposant les motifs de sa décision, elle a déclaré que :
[l]es règles spéciales en matière de mise en liberté sous caution énoncées à l’al. 515(6)a) n’ont pas de fins qui sont extérieures au système de mise en liberté sous caution, mais elles ne font qu’établir un système efficace dans les situations où il y a des motifs raisonnables de croire que le système normal permet la poursuite de l’activité criminelle […] La portée de ces règles spéciales est donc soigneusement conçue pour mettre en place un système efficace de mise en liberté sous caution 24.
Ces dernières années, la réforme du système de mise en liberté sous caution fait l’objet de discussions parmi les intervenants du système de justice pénale. Un examen complet des préoccupations souvent soulevées dépasse la portée du présent résumé législatif. Il est toutefois pertinent de passer en revue certains des principaux enjeux dans le cadre de cette présentation du projet de loi C‑48.
D’abord, de nombreux commentateurs ont souligné que le nombre de personnes en détention provisoire au Canada est problématique. Statistique Canada rapporte que, en 2018‑2019, il y avait 14 778 adultes en détention provisoire par jour moyen dans les provinces et les territoires, contre 8 708 adultes en détention après condamnation. Il y avait donc 70 % plus d’adultes en détention provisoire qu’en détention après condamnation 25. Les mesures mises en place pour contrer la pandémie de COVID‑19 ont réduit la population carcérale au Canada. Par conséquent, les données plus récentes de 2020‑2021, qui indiquent une baisse de 30 % de la population en détention provisoire 26, ne reflètent pas les taux habituellement observés ces dernières années et qui ont suscité des préoccupations.
Certains commentateurs ont souligné qu’une importante population en détention provisoire entraîne des défis, dont les suivants : un nombre croissant de personnes présumées innocentes qui passent du temps en prison 27; l’augmentation des coûts (assumés principalement par les provinces) et des ressources requises pour gérer la population en détention provisoire 28; et des pertes d’efficience qui peuvent contribuer aux délais dans les procédures pénales 29. D’autres ont fait remarquer que, contrairement aux détenus après condamnation, les personnes en détention provisoire n’ont probablement pas accès à des programmes de réadaptation et que certaines courent un risque accru d’exposition à la criminalité 30.
Un autre problème important est la surreprésentation de certains groupes marginalisés et racisés de la population canadienne dans le système de justice pénale, y compris en détention provisoire 31. Comme l’indique Statistique Canada, en 2020‑2021,
[les] adultes autochtones représentaient environ le tiers des admissions d’adultes en détention dans un établissement provincial ou territorial (31 %) et en détention dans un établissement fédéral (33 %), bien qu’ils représentaient environ 5 % de la population canadienne adulte en 2020 32.
De plus, parmi les quelque 90 300 admissions d’adultes en détention enregistrées en 2020-2021 en Nouvelle‑Écosse, en Ontario, en Alberta et en Colombie‑Britannique, 17 % concernaient des groupes de population désignés comme « minorités visibles » et, parmi celles‑ci, un peu plus de six sur 10 (61 %) concernaient des personnes noires 33.
Certains observateurs ont souligné que, pour un grand nombre des personnes accusées qui ont un faible revenu, qui sont sans emploi ou qui sont sans abri, les divers coûts associés au processus de mise en liberté sous caution peuvent représenter un fardeau. Ces coûts comprennent les frais de représentation juridique, le dépôt en espèces qui doit être versé au tribunal ou le coût lié au respect des conditions rattachées à leur libération 34. Par ailleurs, d’autres commentateurs ont soulevé des inquiétudes quant au nombre disproportionné de personnes en détention provisoire qui ont des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie 35.
Des appels ont également été lancés en faveur de mesures assurant un fonctionnement efficace du système de mise en liberté sous caution pour garder les délinquants violents en détention afin de réduire les risques pour la sécurité publique. Les appels à une réforme de ce système afin qu’il soit plus difficile d’obtenir une libération sous caution pour les personnes accusées d’infractions violentes ou pour celles qui présentent autrement un danger pour la sécurité publique s’accentuent souvent lorsque des crimes violents commis par une personne en liberté sous caution sont rapportés 36. Des cas récents ont suscité un débat et ont généré des craintes par rapport à une possible hausse de la violence perpétrée par des personnes en liberté sous caution 37. Citant le fait que de « plus en plus de gens réclament » des changements au système de mise en liberté sous caution pour empêcher les personnes accusées de commettre d’autres actes criminels, les premiers ministres des 13 provinces et territoires ont envoyé en janvier 2023 une lettre exhortant le premier ministre à prendre des mesures pour renforcer ce système. Cette lettre souligne que la réunion d’octobre 2022 des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la justice et de la sécurité publique « a abouti à un appel à l’action clair et unanime pour que le gouvernement fédéral réforme le système de mise en liberté sous caution 38 ». Les premiers ministres des provinces et des territoires ont réclamé qu’une inversion du fardeau de la preuve s’applique dans le cas des infractions à l’article 95 (possession illégale d’armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte chargées) et que d’autres délits associés impliquant des armes à feu soient examinés pour vérifier l’applicabilité de l’inversion.
Selon le gouvernement du Canada, le projet de loi C‑48 répond « directement aux appels des premiers ministres des provinces et de la communauté policière à opérer une réforme ». Le gouvernement a aussi déclaré qu’il a présenté les modifications prévues dans le projet de loi C‑48 à la suite d’une « étroite collaboration avec l’ensemble des provinces et des territoires » et en tenant compte « des observations formulées par d’autres partenaires et intervenants, dont les forces de l’ordre, des organismes communautaires et des partenaires autochtones 39 ».
En 2023, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a étudié bon nombre de ces questions dans le cadre de sept réunions avec 30 témoins représentant diverses parties prenantes du système de justice pénale 40.
Pour répondre à certaines des préoccupations antérieures à l’égard d’une réforme du système de mise en liberté sous caution, y compris la taille de la population en détention provisoire, le Parlement a adopté, en 2019, un projet de loi modifiant les pratiques et les procédures de mise en liberté sous caution, à savoir le projet de loi C‑75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois 41. Parmi diverses modifications visant à moderniser le système de justice pénale et à le rendre plus efficace, le projet de loi prévoit que toute décision prise concernant la mise en liberté sous caution d’un prévenu doit viser à le remettre en liberté à la première occasion raisonnable et aux conditions les moins sévères possible (ce qui est connu comme le « principe de la retenue », énoncé à l’art. 493.1 du Code). Le projet de loi a également prévu une modification exigeant que le juge ou le juge de paix accorde une attention particulière à la situation des prévenus autochtones et des prévenus appartenant à des populations vulnérables dans toute décision prise sur la mise en liberté sous caution (art. 493.2). Il a aussi conféré plus de pouvoirs à la police pour trouver des solutions autres que la détention et a simplifié les mécanismes de révision pour les cas où des personnes sont détenues pendant de longues périodes 42.
Le projet de loi C‑75 a ajouté la violence contre un partenaire intime à la liste des infractions sujettes à l’inversion du fardeau de la preuve pour la mise en liberté sous caution lorsque le prévenu a déjà reçu une condamnation impliquant de la violence contre un partenaire intime 43. Il a également ajouté l’article 523.1 au Code afin d’établir les comparutions pour manquement, lesquelles sont un mécanisme de rechange qui s’applique dans les cas de non-respect d’une ordonnance de mise en liberté, entre autres changements.
Le projet de loi C‑48 contient un préambule et cinq articles. L’article 1 du projet de loi modifie l’article 515 du Code, qui établit les principales procédures et règles de mise en liberté sous caution. Les autres articles ne modifient aucune loi, mais portent plutôt sur divers aspects de l’entrée en vigueur du projet de loi. Seuls les principaux aspects du projet de loi C‑48 sont abordés ci‑dessous.
Le préambule du projet de loi C‑48 établit sa prémisse et son objet ainsi que de grands principes des procédures de mise en liberté sous caution au Canada 44. Le préambule soulève huit points pour présenter le projet de loi. Ceux‑ci expliquent, entre autres, l’importance d’un système de mise en liberté sous caution qui fonctionne bien pour protéger la sécurité publique et maintenir la confiance de la population dans l’administration de la justice. En résumé, le préambule souligne également ce qui suit :
À l’heure actuelle, le paragraphe 515(3) du Code établit deux facteurs précis dont le juge de paix doit tenir compte lorsqu’il rend une ordonnance de mise en liberté provisoire par voie judiciaire :
- le fait que le prévenu est accusé ou non d’une infraction perpétrée avec usage, tentative ou menace de violence contre son partenaire intime;
- le fait qu’il a antérieurement été condamné ou non pour une infraction criminelle.
Le paragraphe 1(1) du projet de loi modifie l’alinéa 515(3)b) en y ajoutant que ces condamnations antérieures incluent « une infraction perpétrée avec usage, tentative ou menace de violence contre une personne ». Étant donné que le juge de paix doit déjà tenir compte des condamnations antérieures dans toute ordonnance de mise en liberté provisoire par voie judiciaire, cet ajout semble avoir pour objet d’attirer l’attention ou d’insister sur la nécessité de tenir compte des infractions violentes antérieures.
Comme il est indiqué à la section 1.1.4 du présent résumé législatif, le fardeau de la preuve est inversé pour certaines infractions : la personne accusée doit alors démontrer qu’elle devrait obtenir une mise en liberté provisoire par voie judiciaire. Les paragraphes 1(2) et 1(3) du projet de loi modifient le paragraphe 515(6) du Code en ajoutant des infractions à la liste existante.
Le sous-alinéa 515(6)a)(vi) énumère actuellement les articles 99, 100 et 103, qui érigent en infraction le trafic d’armes, la possession de certaines armes à feu en vue d’en faire le trafic et l’importation ou l’exportation non autorisée d’armes à feu en connaissance de cause.
Le paragraphe 1(2) modifie le sous-alinéa 515(6)a)(vi) en y ajoutant les infractions suivantes qui mettent en jeu une arme à feu et qui sont prévues au Code :
En ce moment, le sous-alinéa 515(6)a)(viii) vise de façon plus générale tout acte criminel qui est présumé avoir mis en jeu une arme à feu, une arbalète, une arme prohibée, une arme à autorisation restreinte, des munitions, etc., s’il a été commis alors que le prévenu était visé par une ordonnance d’interdiction au sens du paragraphe 84(1) du Code. Selon ce paragraphe, une « ordonnance d’interdiction » s’entend de :
[t]oute ordonnance rendue en application de la présente loi ou de toute autre loi fédérale interdisant à une personne d’avoir en sa possession des armes à feu, arbalètes, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions, munitions prohibées et substances explosives, ou l’un ou plusieurs de ces objets.
Ces objets interdits sont tous précisés au paragraphe 84(1) et sont visés à la partie III du Code, qui porte sur les infractions mettant en jeu des armes à feu et d’autres infractions.
Le paragraphe 1(3) du projet de loi modifie le sous-alinéa 515(6)a)(viii) en y ajoutant que les ordonnances d’interdiction dont il est question incluent « une ordonnance de mise en liberté rendue en vertu du présent article, interdisant au prévenu de posséder de tels objets ». En d’autres mots, dans le cas d’un prévenu qui est accusé d’un crime mettant en jeu une de ces infractions liées aux armes à feu ou à d’autres armes prohibées et qui était déjà visé par une ordonnance de mise en liberté provisoire par voie judiciaire interdisant la possession d’une telle arme, le fardeau de la preuve est inversé : le prévenu doit alors démontrer pourquoi une liberté sous caution devrait être accordée.
L’alinéa 515(6)b.1) du Code prévoit actuellement que le fardeau de la preuve est inversé dans le cas d’une infraction perpétrée avec usage, tentative ou menace prétendus de violence contre le partenaire intime du prévenu, s’il a été auparavant condamné pour une infraction perpétrée avec usage, tentative ou menace de violence contre un partenaire intime.
Le paragraphe 1(4) du projet de loi modifie l’alinéa 515(6)b.1) en y ajoutant que l’inversion du fardeau de la preuve s’applique aussi si le prévenu a été absous en vertu de l’article 730 du Code pour une infraction antérieure de violence contre un partenaire intime. L’article 730 permet au tribunal d’accorder à une personne coupable une absolution inconditionnelle ou sous conditions si, entre autres facteurs, cette décision est dans l’intérêt public. Une absolution sous conditions exige que la personne respecte une ordonnance de probation pendant une certaine période jusqu’à ce qu’une absolution inconditionnelle entre en vigueur. Autrement, une absolution inconditionnelle entre en vigueur immédiatement, et la personne est réputée ne pas avoir été reconnue coupable et n’a pas de casier judiciaire pour ces accusations.
Le paragraphe 1(4) du projet de loi ajoute également l’alinéa 515(6)b.2) au Code afin de prévoir l’inversion du fardeau de la preuve pour toute personne inculpée d’une infraction perpétrée avec usage, tentative ou menace prétendus de violence contre une personne à l’aide d’une arme. Le prévenu doit aussi avoir été condamné pour une autre infraction violente mettant en jeu une arme dans les cinq années précédentes 45. De plus, la peine d’emprisonnement maximale pour chacune des infractions doit être de 10 ans ou plus.
Le paragraphe 515(13) du Code exige en ce moment qu’un juge de paix qui rend une ordonnance de mise en liberté provisoire par voie judiciaire verse au dossier de l’instance une déclaration selon laquelle il a « pris en considération la sécurité des victimes de l’infraction dans sa décision ».
Le paragraphe 1(5) du projet de loi modifie le paragraphe 515(13) du Code pour exiger qu’un juge de paix qui rend une ordonnance de mise en liberté provisoire par voie judiciaire verse au dossier de l’instance une déclaration selon laquelle il a aussi pris en considération « la sécurité […] de la collectivité » dans sa décision.
Le paragraphe 1(5) du projet de loi ajoute également le paragraphe 515(13.1) au Code. Il s’agit d’un amendement apporté par le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles. Cette disposition prévoit que le juge de paix inclue aussi dans le dossier de l’instance une déclaration précisant s’il a décidé ou non que l’accusé répond aux critères de l’article 493.2 du Code, et la façon dont il a pris cette décision. Comme il a été indiqué à la section « Contexte » du présent document, l’article 493.2 exige des juges et des juges de paix qu’ils « accordent une attention particulière à la situation » des prévenus autochtones ou de ceux qui appartiennent à des populations vulnérables. Si le juge de paix détermine que l’accusé répond à ces critères, il doit également inclure dans le dossier une déclaration dans laquelle il explique de quelle façon il a « tenu compte de la situation particulière » de la personne accusée dans sa décision46.
L’article 5 du projet de loi précise que le projet de loi entre en vigueur 30 jours après la sanction royale, probablement pour laisser le temps aux intervenants de se préparer en vue de la mise en œuvre des modifications. L’article 3 confirme que les modifications s’appliquent à l’égard des procédures criminelles qui sont déjà en cours à la date de l’entrée en vigueur du projet de loi. L’article 4 présente les dispositions de coordination si le projet de loi S‑205, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi en conséquence (mise en liberté provisoire et engagement en cas de violence familiale) reçoit la sanction royale 47. Ce projet de loi d’intérêt public du Sénat a été présenté par le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu le 24 novembre 2021. Entre autres choses, il modifie des articles du Code criminel portant sur la mise en liberté provisoire et les ordonnances d’engagement pour fournir des mesures de protection additionnelles aux victimes de violence contre un partenaire intime ou de violence familiale.
L’article 2 du projet de loi exige qu’au cinquième anniversaire de la date de sanction royale du projet de loi C‑48, ou aussitôt que possible après cette date, la mesure législative soit soumise à l’examen des comités permanents du Sénat et de la Chambre des communes habituellement chargés des questions concernant la justice (en ce moment, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes et le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles) 48.
[e]n 2020‑2021, les admissions dans des établissements de détention provinciaux et territoriaux ont diminué de 37 %, alors que les admissions à un programme de surveillance au sein de la collectivité ont diminué de 29 %. Les admissions en détention à la suite d’une condamnation dans des établissements provinciaux et territoriaux, qui représentaient environ le quart des admissions en détention, ont diminué de 45 % en 2020‑2021, alors que les admissions en détention provisoire en attendant un procès ou la détermination de la peine ont affiché une baisse de 30 %.Statistique Canada, « Statistiques sur les services correctionnels pour les adultes et les jeunes, 2020‑2021 », Le Quotidien, 20 avril 2022. Voir aussi Statistique Canada, « La diminution mensuelle de la population carcérale adulte au Canada a ralenti en juin, après avoir enregistré trois mois de reculs sans précédent », Le Quotidien, 27 octobre 2020; et Statistique Canada, « Tableau 35-10-0175-01 : Comptes moyens mensuels des adultes en détention dans les établissements fédéraux et provinciaux/territoriaux pendant la pandémie de COVID-19 », base de données, consultée le 12 mai 2023. [ Retour au texte ]
À l’échelle fédérale, les admissions d’adultes en détention ont diminué de 21 % et les admissions à un programme de surveillance au sein de la collectivité ont baissé de 7 % en 2020‑2021.
Toute chose conçue, utilisée ou qu’une personne entend utiliser pour soit tuer ou blesser quelqu’un, soit le menacer ou l’intimider. Sont notamment visées par la présente définition les armes à feu et, pour l’application des articles 88, 267 et 272, toute chose conçue, utilisée ou qu’une personne entend utiliser pour attacher quelqu’un contre son gré.[ Retour au texte ]
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